Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 21-11.751, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022




Cassation partielle


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 807 F-D

Pourvoi n° H 21-11.751




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

Mme [J] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-11.751 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Retout & associés IDF Ouest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [X], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Retout & associés IDF Ouest, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 02 décembre 2020), Mme [X] a été engagée à compter du 3 janvier 2007, par la société Révision audit conseil, nouvellement dénommée Retout & associés IDF Ouest (la société), en qualité d'assistante de cabinet.

2. Elle a été placée en arrêt de travail du 26 mai 2011 au 15 avril 2012 et à compter du 16 avril 2012, elle a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique à domicile.

3. Le 19 mai 2014, à la suite de deux examens médicaux, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande indemnitaire pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et de sa demande en nullité du licenciement et de celle en contestation de son bien-fondé et en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, alors « que le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties, exprimées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, Mme [X] faisait valoir, preuves à l'appui, que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité en la faisant travailler pendant son arrêt de travail, dès le 1er avril 2012, tandis qu'elle ne devait reprendre le travail que le 16 avril 2012, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ; qu'aux termes de ses écritures, l'employeur avait expressément reconnu que Mme [X] avait effectivement travaillé la première quinzaine d'avril 2012 ; qu'en relevant pourtant qu'il ne résultait pas de l'échange de mails avec la société au début de l'année 2012 que cette dernière l'ait contrainte à travailler pendant la suspension de son contrat de travail et que la demande ponctuelle de renseignements adressée par son employeur à Mme [X] le 3 avril 2012 n'équivalait pas à l'exercice d'un travail salarié et s'expliquait par la mise en oeuvre prochaine d'un mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril qu'il convenait de préparer, la cour d'appel a manifestement méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

6. Pour débouter la salariée de sa demande indemnitaire pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de sa demande en nullité du licenciement, de sa demande en paiement de diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés, l'arrêt retient qu'il ne résulte pas de l'échange de mails avec la société au début de l'année 2012 que cette dernière l'ait contrainte à travailler pendant la suspension de son contrat de travail, que la demande ponctuelle de renseignements adressée par son employeur à Mme [X] le 3 avril 2012 n'équivaut pas à l'exercice d'un travail salarié et s'explique par la mise en oeuvre prochaine d'un mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril qu'il convenait de préparer.

7. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, l'employeur reconnaissait avoir proposé à la salariée, après la visite médicale du 3 avril 2012, de reprendre le travail depuis son domicile, à son rythme, et précisait que la salariée avait, dans ce cadre, effectué un travail sur le dossier Ancre et Boutant entre le 4 avril 2012 après-midi et le 6 avril 2012 à 14 heures 00, correspondant à une dizaine d'heures maximum, ainsi qu'un travail sur le dossier Habiter Diffusion, correspondant à quatre heures de travail maximum, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la demande indemnitaire pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité entraîne la cassation du chef de dispositif qui rejette la demande de la salariée au titre du harcèlement moral qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de sa demande de nullité du licenciement, et de sa demande en paiement de sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 02 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composé ;

Condamne la société Retout & associés IDF Ouest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Retout & associés IDF Ouest et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [X]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [X] de sa demande indemnitaire pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et d'AVOIR débouté Mme [X] de sa demande en nullité du licenciement et de celle en contestation de son bien-fondé et en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE Sur l'obligation de sécurité : Considérant que Mme [X] reproche aussi à son employeur de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité en ne protégeant pas sa santé durant son travail ; Considérant qu'elle présente une demande indemnitaire sur ce fondement et estime que le manquement de l'employeur étant à l'origine de son inaptitude à occuper son poste de travail, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; 1 – Sur la demande indemnitaire en raison du manquement de l'employeur à cette obligation : Considérant que la salariée considère que son employeur n'a pris aucune mesure pour préserver sa santé Considérant cependant qu'il a déjà été constaté, lors de l'examen de sa demande fondée sur l'existence d'un harcèlement moral, que la politique managériale, la surcharge de travail, les pressions de la hiérarchie et le traitement inégalitaire dont la salariée prétendait avoir fait l'objet n'étaient en réalité pas établis Considérant que Mme [X] soutient aussi qu'elle n'a pas bénéficié d'une visite médicale à son embauche mais seulement un an et demi plus tard. Considérant cependant que ce défaut remonte à 2007 à une époque où la salariée ne présentait aucun signe d'une dégradation de son état de santé', que lors de la visite médicale du 18 février 2008. le médecin du travail ra d'ailleurs déclarée apte sans aucune restriction : Considérant que de même. il n'est aucunement établi, comme le prétend la salariée, que son employeur la pressait tellement pour qu'elle termine ses dossiers qu'elle pas pu être arrêtée avant son opération du genou; Considérant ensuite qu'il ne résulte pas non plus de l'échange de mails avec la société au début de I'année 2012 que cette dernière l'ait contrainte à travailler pendant la suspension de son contrat de travail. Considérant que la demande ponctuelle de renseignements adressée par son employeur à Mme [X] le 3 avril 2012 n'équivaut pas à l'exercice d'un travail salarié et s'explique par la mise en oeuvre prochaine d'un mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril qu'il convenait de préparer. Considérant ensuite que selon les pièces médicales fournies pat l'intéressée la reprise de son travail à temps partiel à domicile dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ne lui a pas été imposée par la société mais a été prescrite par son propre médecin à compter du 16 avril 2010 et ce jusqu'au 15 juillet 2012. Considérant que Mme [X] ne peut pas non plus soutenir que cette reprise partielle d'activité s'est faite sans l'aval du médecin du travail', qu'en effet, dans le compte-rendu de visite de préreprise du 3 avril 2012, le médecin du travail note que la salariée " envisage avec l'accord de son médecin une reprise à mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril 2012" et l'intéressée fait elle-même état de l'avis favorable du médecin du travail pour cette reprise partielle dans une lettre du 10 avril 2012 adressée à son employeur ; Considérant aussi qu'il ne ressort d'aucun élément objectif que durant la période de mi-temps thérapeutique, l'intéressée ait en réalité accompli un plein temps. Considérant que s'agissant de la durée véritable de cette période, I 'employeur justifie n'avoir été prévenu de l'arrêt du mi-temps thérapeutique qu'à compter du 26 juin 2012 : qu'il produit en effet le certificat du médecin traitant de l'intéressée qui précise que son "état de santé nécessite la prolongation d'une activité en mi-temps thérapeutique" et non la fin de cette activité Comme l'affirme la salariée ainsi qu'un relevé des indemnités journalières versées à la salariée sur lequel figure la prise en charge du mi-temps du 16 avril au 24 juin 2012 sans interruption, Considérant qu'il ne peut donc être reproché à la société Retout & associés IDF Ouest de ne pas avoir respecté le mi-temps thérapeutique prescrit à Mme [X]. Considérant qu'enfin contrairement aux allégations de la salariée, les visites médicales de reprise ont bien été organisées par l'employeur comme l'exigent la réglementation applicable. Considérant que Mme [X] lui fait donc injustement grief de ne pas avoir mis en place des mesures concrètes propres à préserver sa santé alors qu'à sa demande, il lui avait permis de travailler à son domicile dans le cadre d'un mi-temps. Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont décidé que l'employeur avait méconnu son obligation de sécurité à l'égard de la salariée et l'ont condamné à lui verser une indemnité à ce titre. Que le jugement sera infirmé de ce chef. 2- Sur la contestation du licenciement en raison de l'exécution de cette obligation. Considérant qu'en l'absence de manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité pouvant être à l'origine de l'inaptitude de la salariée son licenciement ne peut être contesté pour cette raison.

1°) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties, exprimées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, Mme [X] faisait valoir, preuves à l'appui, que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité en la faisant travailler pendant son arrêt de travail, dès le 1er avril 2012, tandis qu'elle ne devait reprendre le travail que le 16 avril 2012, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique (cf. conclusions d'appel de la salariée p. 18-19) ; qu'aux termes de ses écritures, l'employeur avait expressément reconnu que Mme [X] avait effectivement travaillé la première quinzaine d'avril 2012 (cf. conclusions d'appel de l'employeur p. 16-17) ; qu'en relevant pourtant qu'il ne résultait pas de l'échange de mails avec la société au début de l'année 2012 que cette dernière l'ait contrainte à travailler pendant la suspension de son contrat de travail et que la demande ponctuelle de renseignements adressée par son employeur à Mme [X] le 3 avril 2012 n'équivalait pas à l'exercice d'un travail salarié et s'expliquait par la mise en oeuvre prochaine d'un mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril qu'il convenait de préparer (cf. arrêt p. 9), la cour d'appel a manifestement méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'aveu judiciaire fait foi contre celui qui l'a fait ; qu'il est irrévocable ; qu'en l'espèce, l'employeur avait expressément admis que Mme [X] avait effectivement travaillé au cours de la première quinzaine d'avril 2012 (cf. conclusions d'appel de l'employeur p. 16-17), en cherchant vainement à minimiser ce fait en raison de la durée censément limitée de ce travail ; que ce faisant, l'employeur avait incontestablement fait l'aveu judiciaire, en fait, qu'il avait demandé à sa salariée d'effectuer des prestations de travail au cours de sa période d'arrêt-maladie ; qu'en déniant pourtant cette réalité pour écarter tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé l'article 1383-2 (ancien 1356) du code civil ;

3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il ressortait des nombreux échanges de mails entre Mme [X] et son employeur entre le 3 et le 13 avril 2012, et en particulier des mails échangés entre Mme [X] et son supérieur hiérarchique le 3 avril 2012 (cf. productions), que celle-ci avait effectivement travaillé la première quinzaine d'avril 2012 pendant son arrêt de travail, avant le début de son mi-temps thérapeutique prévu le 16 avril 2012 ; qu'en affirmant pourtant qu'il ne résultait pas de l'échange de mails avec la société au début de l'année 2012 que cette dernière l'ait contrainte à travailler pendant la suspension de son contrat de travail et que la demande ponctuelle de renseignements adressée par son employeur à Mme [X] le 3 avril 2012 n'équivalait pas à l'exercice d'un travail salarié et s'expliquait par la mise en oeuvre prochaine d'un mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril qu'il convenait de préparer (cf. arrêt p. 9), la cour d'appel a dénaturé le mail de M. [M] à Mme [X] du 3 avril 2012 (cf. production) et violé le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ;

4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il ressortait des nombreux échanges de mails entre Mme [X] et son employeur entre le 3 et le 13 avril 2012, et en particulier du courriel de Mme [X] à Mme [G] du 11 avril 2012 (preuve du télétravail et pendant l'arrêt maladie et des déplacements de M. [I] pour chercher les dossiers, pièce d'appel de la salariée E28, cf. productions), que celle-ci avait effectivement travaillé la première quinzaine d'avril 2012 pendant son arrêt de travail, avant le début de son mi-temps thérapeutique prévu le 16 avril 2012 ; qu'en affirmant pourtant qu'il ne résultait pas de l'échange de mails avec la société au début de l'année 2012 que cette dernière l'ait contrainte à travailler pendant la suspension de son contrat de travail et que la demande ponctuelle de renseignements adressée par son employeur à Mme [X] le 3 avril 2012 n'équivalait pas à l'exercice d'un travail salarié et s'expliquait par la mise en oeuvre prochaine d'un mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril qu'il convenait de préparer (cf. arrêt p. 9), la cour d'appel a dénaturé le courriel de Mme [X] à Mme [G] du 11 avril 2012 (production) et violé le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ;

5°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il ressortait des nombreux échanges de mails entre Mme [X] et son employeur entre le 3 et le 13 avril 2012, et en particulier de l'échange de courriels entre Mme [X] et M. [M] du 12 avril 2012 (preuve du télétravail et pendant l'arrêt maladie : dossier EI COM, pièce d'appel de la salariée E29, productions), que celle-ci avait effectivement travaillé la première quinzaine d'avril 2012 pendant son arrêt de travail, avant le début de son mi-temps thérapeutique prévu le 16 avril 2012 ; qu'en affirmant pourtant qu'il ne résultait pas de l'échange de mails avec la société au début de l'année 2012 que cette dernière l'ait contrainte à travailler pendant la suspension de son contrat de travail et que la demande ponctuelle de renseignements adressée par son employeur à Mme [X] le 3 avril 2012 n'équivalait pas à l'exercice d'un travail salarié et s'expliquait par la mise en oeuvre prochaine d'un mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril qu'il convenait de préparer (cf. arrêt p. 9), la cour d'appel a dénaturé l'échange de courriel entre Mme [X] et M. [M] du 12 avril (production) et violé le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ;

6°) ALORS QUE, tenu d'une obligation de sécurité de résultat quant à la santé physique et mentale de ses salariés dont il doit assurer l'effectivité, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à leur assurer des conditions de travail qui ne nuisent pas à leur santé ; que l'employeur qui fait travailler un salarié pendant un arrêt de travail manque à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, en rejetant la demande du salarié au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, tandis que l'employeur reconnaissait expressément avoir fait travailler son salarié pendant son arrêt de travail, la cour d'appel a violé les des articles L. 4121-1 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 et de L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande indemnitaire formée par Mme [X] sur le fondement d'un harcèlement moral et d'AVOIR débouté Mme [X] de sa demande en nullité du licenciement et de celle en contestation de son bien-fondé et en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur l'existence d'un harcèlement moral : Considérant qu'aux termes de l'article L. 1 154- I du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié qui se plaint de subir des agissements répétés de harcèlement moral, de présenter des faits précis et concordants permettant d'en présumer l'existence et il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs et un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Considérant qu'en l'espèce. Mme [X] prétend avoir été victime de propos ou d'actions vexatoires de la part de ses collègues de travail qui se sont montrés agressifs envers elle ; qu'elle critique aussi l'attitude de son employeur qui montait les salariés les uns contre les autres et ne les traitait pas de la même manière ; qu'elle se plaint également de sa charge excessive de travail et de la dépréciation de ses fonctions à partir du moment où il lui a été demandé de travailler auprès de trois directeurs de mission alors qu'auparavant elle ne prêtait son assistance qu'à l'un d'eux: qu'enfin. elle évoque l'absence de soutien de l'employeur et le fait qu'il ne respectait pas son arrêt maladie ou son mi-temps thérapeutique. Considérant qu'elle estime que les mauvaises conditions d'exécution de son travail ont altéré sa santé tant physique que mentale ; Considérant que la salariée verse aux débats une seule attestation émanant d'une ancienne employée avant travaillé au sein de la société jusqu'au mois de mai 2010 qui déclare que sa collègue "ne bénéficiait pas des mêmes avantages qu'elle et que les relations avec leur supérieur hiérarchique n'étaient pas non plus les mêmes, celui-ci faisant toujours des différences entre les employés au niveau relationnel et professionnel et ayant eu à plusieurs reprises un comportement agressif avec Mme [X], que l'ambiance au sein du cabinet était malsaine et que les heures supplémentaires n'étaient pas payées. Considérant que cette attestation se borne à évoquer de façon très générale l'ambiance du cabinet, les tensions et la disparité de traitement dont aurait été victime Mme [X] à l'occasion de son travail sans rapporter de faits précis et concordants permettant d'en vérifier la réalité ; que notamment, le comportement prétendument agressif du supérieur hiérarchique n'est illustré par aucun exemple concret et l'inégalité de traitement alléguée n'est pas davantage étayée, d'autant qu'à la même époque, l'employeur justifie avoir augmenté le salaire de l'intéressée de 20 %. Considérant que la seconde attestation produite par la salariée émane d'une comptable ayant travaillé dans le même cabinet de septembre 2006 à avril 2008 mais si cette personne se plaint d'avoir elle-même souffert d'un stress anormal et d'une surcharge de travail, elle n'évoque aucun fait dont aurait été victime Mme [X] à l'occasion de son travail ; qu'il en va de même pour les autres échanges de mails entre la salariée et ses collègues de travail qui ne font état d'aucun fait précis survenu au préjudice de l'intéressée. Considérant que de même les mails où l'intéressée se plaint a posteriori de sa charge de travail au sein du cabinet, sans autre précision, sont insuffisants à établir l'existence de pressions excessives de la part de l'employeur pour traiter les dossiers ; Considérant que s'agissant de la dégradation de l'état de santé de Mme [X], les pièces médicales versées aux débats ne font que reprendre ses allégations sur son origine professionnelle ou retiennent une telle cause de façon hypothétique en l'absence de toute constatation personnelle des praticiens sur les conditions de travail de la salariée au sein du cabinet : que l'existence d'un lien de causalité avec le travail ne peut se déduire d'aucun de ces documents. Considérant qu'ainsi appréciés dans leur ensemble, les faits présentés par le salarié à l'appui de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral ne permettent pas d'en présumer l'existence. Considérant que dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [X] de sa demande indemnitaire pour harcèlement moral et ont rejeté sa demande en nullité du licenciement en raison du harcèlement qu'elle prétend avoir subi.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral lié aux agissements découlant du harcèlement moral Attendu que madame [J] [X] ne présente pas de faits précis et concordants. En conséquence, le Conseil déboute madame [X] de sa demande.

ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral et que la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ; que le salarié n'a donc pas à démontrer le lien causal direct et certain entre la dégradation de son état de santé attestée par les éléments médicaux et ses conditions de travail ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'appréciés dans leur ensemble, les faits présentés par la salariée à l'appui de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral ne permettaient pas d'en présumer l'existence (cf. arrêt attaqué p. 8), tandis que les documents produits par la salariée, établissant que l'employeur avait instauré une ambiance malsaine, notamment par une inégalité de traitement injustifiée, qu'il l'avait fait travaillé pendant son arrêt de travail et n'avait pas respecté son mi-temps thérapeutique, et que son état de santé s'était corrélativement dégradé, étaient incontestablement de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel, qui a à tort retenu pour ce faire que l'existence d'un lien de causalité entre la dégradation de l'état de santé et les conditions de travail de la salariée ne pouvait se déduire des documents médicaux produits, a fait peser la charge de la preuve du harcèlement moral sur la salariée, violant ensemble les articles L. 1132-1, L. 1152-1, L. 1154-1 et L. 1235-1 du code du travail.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [X] de sa demande en contestation du bien-fondé du licenciement en raison du non-respect de l'obligation de reclassement et en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la contestation du bien-fondé du licenciement Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer des tâches existant dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail » Considérant qu'en l'espèce, la société Retout & associés IDF Ouest justifie avoir proposé à Mme [X], avec l'accord du médecin du travail, une solution de reclassement lui permettant d'exercer son travail à domicile. Considérant cependant que cette offre a été refusée par l'intéressée le 28 avril 2014 sans que celle-ci n'explique son opposition. Considérant que la salariée fait observer qu'elle ne pouvait plus avoir confiance en son employeur qui avait manqué à ses obligations contractuelles à son égard mais il a été vérifié que celui-ci les avait au contraire respecté , Considérant qu'en réalité, la solution de reclassement offerte par l'employeur permettait à la salariée de conserver les mêmes fonctions que précédemment en adaptant ses conditions de travail à l'évolution de son état de santé. Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont décidé que la société Retout & Associés IDF Ouest avait respecté son obligation de reclassement. Que le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses prétentions au titre de I indemnité compensatrice dé préavis et des congés payés y afférents auxquels elle n'avait pas droit en raison de son inaptitude et du caractère réel et sérieux de la rupture.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse Attendu que l'employeur, la SARL Retout & Associes IDF Ouest, a respecté l'obligation de reclassement par la création d'un poste à domicile conformément à l'avis du médecin du travail et que, le 28 avril 2014, madame [X] refusait ce poste. En conséquence, le Conseil déboute madame [X] de sa demande.

1°) ALORS QUE seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la dernière visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, l'employeur avait soumis au médecin du travail une proposition de poste par courrier en date du 9 avril 2012, mais n'avait pas produit la réponse de celui-ci (cf. conclusions d'appel de l'employeur p. 36) ; qu'en jugeant que la société Retout et associés IDF Ouest justifiait avoir proposé à Mme [X], avec l'accord du médecin du travail, une solution de reclassement lui permettant l'exercer son travail à domicile (cf. arrêt attaqué p. 10), la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties, exprimées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, au titre de son obligation de reclassement, l'employeur a fait valoir qu'il avait créé un nouveau poste de travail sur mesure pour Mme [X] (cf. conclusions d'appel de l'employeur p. 5 et 32), ainsi que l'avaient relevé les premiers juges (cf. jugement déféré p. 4) ; qu'en relevant que la solution de reclassement offerte par l'employeur permettait à la salariée de conserver les mêmes fonctions que précédemment (cf. arrêt attaqué p. 10), tandis que cela n'était nullement prétendu par l'employeur, qui invoquait la création d'un nouveau poste, la cour d'appel a manifestement méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'employeur est tenu de proposer au salarié déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, un emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; qu'en l'espèce, Mme [X] a fait valoir que la société aurait pu adapter son poste de travail en respectant les consignes données par le médecin du travail (cf. conclusions d'appel de la salariée p. 41) ; qu'en jugeant que la société Retout et associés IDF Ouest avait respecté son obligation de reclassement, sans rechercher si celle-ci avait tenté d'adapter le poste précédemment occupé par Mme [X], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur ;

4°) ALORS QU'il incombe à l'employeur, sans se contenter de l'avis du médecin du travail ou d'une affirmation sur le caractère non envisageable par ce médecin d'un reclassement, d'apporter la preuve de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de procéder au reclassement du salarié ; qu'en l'espèce, Mme [X] a fait valoir qu'il n'était pas démontré que le télétravail au sein d'autres établissements gérés par d'autres responsables que MM. [T] et [M], auteurs du harcèlement à son encontre, n'était envisageable (cf. conclusions d'appel de la salariée p. 42) ; qu'en jugeant que la société Retout et associés IDF Ouest avait respecté son obligation de reclassement, sans rechercher si celle-ci démontrait que le reclassement n'était pas possible dans d'autres établissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00807
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