Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 juin 2022, 20-22.220, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 juin 2022, 20-22.220, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 20-22.220
- ECLI:FR:CCASS:2022:SO00787
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 29 juin 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, du 29 septembre 2020- Président
- M. Cathala
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 juin 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 787 FS-B
sur le deuxième moyen
Pourvoi n° R 20-22.220
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022
Mme [Y] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-22.220 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [P], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Mariette conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 septembre 2020) Mme [P] a été engagée par la société BNP Paribas à compter du 9 mai 1983 en qualité d'assistante. Elle occupait au dernier état de la relation de travail les fonctions de directrice commerciale.
2. Le 22 juin 2017 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 6 juillet 2017.
3. L'entretien préalable a été successivement reporté au 22 août, au 3 octobre 2017 et au 5 janvier 2018.
4. Elle a été licenciée pour faute grave le 2 février 2018.
5. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 15 mars 2018, en nullité de son licenciement et en contestation de son bien-fondé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa troisième branche et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen pris, en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de dire régulier et bien-fondé son licenciement pour faute grave, de la débouter de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles, alors :
« 1° / qu'il incombe à l'employeur de préciser dans la lettre de licenciement que le salarié peut, en vertu des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail, lui demander d'apporter des précisions sur les motifs de la rupture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait pas informé la salariée de cette possibilité ; qu'en énonçant, pour dire la lettre de licenciement suffisamment motivée et le licenciement bien-fondé, que la salariée s'était abstenue d'user des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail pour demander à son employeur de lui préciser les motifs de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 1232-13 du code du travail, ensemble l'article 1147 devenu L. 1231-1 du code civil ;
2°/ que la lettre de licenciement n'est suffisamment motivée que si elle fait état de motifs matériellement vérifiables ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement « s'avère précisément motivée » quand elle ne comportait ni le nom des salariés imputant à la salariée des faits de harcèlement moral, ni la date de ces faits, ni la durée de ces prétendus agissements, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail .»
Réponse de la Cour
8. D'abord, aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 du même code peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'État.
9. Selon l'article R. 1232-13 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, le salarié peut, dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L'employeur dispose d'un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s'il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l'employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.
10. Il en résulte qu'aucune disposition n'impose à l'employeur d'informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés.
11. Ensuite, ayant constaté que la lettre de licenciement énonçait un grief tiré d'un comportement et de propos déplacés de la salariée à l'égard de quatre collaborateurs de nature à mettre en péril leur santé psychique et à dégrader leurs conditions de travail, la cour d'appel, qui a retenu que ce motif de licenciement était précis et matériellement vérifiable, en a exactement déduit que cette lettre répondait à l'exigence légale de motivation.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors : « qu'en relevant, pour retenir des faits de harcèlement moral imputables à la salariée, que l'enquête interne diligentée par la BNP respectait les exigences d'impartialité et que la salariée n'avait pas sollicité d'auditions supplémentaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque ne l'avait pas informée de l'existence d'une enquête alors qu'elle avait déjà été menée et clôturée, en sorte que les droits de la défense de la salariée accusée de harcèlement, dont le principe du contradictoire, avaient été gravement méconnus, cette dernière n'ayant été ni entendue ni confrontée aux plaignants et témoins, et partant, que la procédure d'enquête ne pouvait légitimement lui être opposée, en sorte que le licenciement fondé sur ses conclusions était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail. »
Réponse de la cour
14. Le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n'impose pas que, dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d'autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu'il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu'il soit entendu, dès lors que la décision que l'employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement.
15. Le moyen, qui soutient le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [P]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé régulier et bien fondé son licenciement pour faute grave, de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles ;
1°) Alors que la convocation du salarié à un entretien préalable, qui engage la procédure de licenciement pour motif disciplinaire, doit intervenir dans les deux mois de la connaissance par l'employeur des faits fautifs qu'il reproche au salarié et la sanction doit intervenir au plus tard dans le mois de cet entretien, sans que la maladie du salarié ne suspende ces délais ; qu'il en résulte que si l'employeur prend l'initiative de reporter la date de l'entretien préalable, la nouvelle convocation doit être adressée dans le délai de deux mois qui suit la date de la première convocation et la sanction doit intervenir dans le mois qui suit la date de l'entretien fixée initialement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'après un premier report d'entretien préalable à la demande de la salariée, l'employeur, par un courrier du 17 juillet 2017, l'avait convoquée à un deuxième entretien préalable fixé au 22 août 2017 ; qu'elle a encore relevé que par un courrier du 2 août 2017, la BNP l'avait de nouveau convoquée à un entretien préalable fixé au 3 octobre 2017, qu'elle l'avait reporté une nouvelle fois au 5 janvier 2018 et que finalement, la banque avait licencié la salariée le 2 février 2018 ; qu'en relevant, pour dire non prescrit et bien-fondé le licenciement disciplinaire de Mme [P], que la BNP avait interrompu le délai de prescription de deux mois à la faveur des courriers de convocation à des entretiens préalables en date des 17 juillet, 2 août et 2 octobre 2017, quand il résultait de ses propres constatations que la BNP, qui avait reporté de sa seule initiative le deuxième entretien préalable qu'elle avait fixé au 22 aout 2017, n'avait licencié Mme [P] que le 2 février 2018, soit plus d'un mois après la date de ce nouvel entretien, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-4 et L. 1332-2 du code du travail ;
2°) Alors que le licenciement pour motif disciplinaire doit intervenir dans les deux mois de la connaissance par l'employeur des faits fautifs qu'il reproche au salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que la BNP avait eu connaissance en mai 2017 des faits qu'elle imputait à faute à Mme [P] ; qu'en jugeant non prescrit et bien-fondé le licenciement de la salariée quand la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, déclarait faire suite à une procédure de convocation à un entretien préalable en date du 2 octobre 2017, soit plus de deux mois après la connaissance par l'employeur des faits prétendument fautifs, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;
3°) Alors que le licenciement pour motif disciplinaire doit intervenir dans les deux mois de la connaissance par l'employeur des faits fautifs qu'il reproche au salarié ; qu'en considérant que le licenciement disciplinaire de la salariée prononcé neuf mois après la connaissance des faits par l'employeur n'était pas prescrit et était bien fondé dès lors que les convocations successives à un entretien préalable avaient interrompu le délai de prescription de deux mois sans rechercher, comme elle y était invitée (p. 19), si, en convoquant Mme [P] à quatre reprises à un entretien préalable et en attendant ainsi neuf mois avant de la licencier, la BNP n'avait pas renoncé à la sanctionner au titre d'un licenciement disciplinaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé régulier et bien fondé son licenciement pour faute grave, de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles ;
1°) Alors qu'il incombe à l'employeur de préciser dans la lettre de licenciement que le salarié peut, en vertu des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail, lui demander d'apporter des précisions sur les motifs de la rupture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait pas informé la salariée de cette possibilité ; qu'en énonçant, pour dire la lettre de licenciement suffisamment motivée et le licenciement bien-fondé, que Mme [P] s'était abstenue d'user des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail pour demander à son employeur de lui préciser les motifs de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 1232-13 du code du travail, ensemble l'article 1147 devenu L. 1231-1 du code civil ;
2°) Alors que la lettre de licenciement n'est suffisamment motivée que si elle fait état de motifs matériellement vérifiables ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement « s'avère précisément motivée » quand elle ne comportait ni le nom des salariés imputant à Mme [P] des faits de harcèlement moral, ni la date de ces faits, ni la durée de ces prétendus agissements, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°) Alors que la lettre de licenciement doit comporter les motifs de la rupture sans pouvoir renvoyer en guise de motivation aux conclusions d'une enquête interne à laquelle le salarié n'a pas participé, n'a pu exercer ses droits de la défense et n'a pas reçu communication des conclusions écrites ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement « s'avère précisément motivée » quand elle était motivée par voie de référence à une enquête interne à laquelle la salariée n'avait pas participé, n'avait pas été confrontée aux plaignants et témoins, et n'avait pas obtenu les conclusions écrites, soit à une procédure ayant gravement méconnu les droits de la défense de Mme [P] et le principe du contradictoire, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 12232-6 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé régulier et bien fondé son licenciement pour faute grave, de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles ;
1°) Alors qu'en relevant, pour retenir des faits de harcèlement moral imputables à Mme [P], que l'enquête interne diligentée par la BNP respectait les exigences d'impartialité et que la salariée n'avait pas sollicité d'auditions supplémentaires, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 13 et s.), si la banque ne l'avait pas informée de l'existence d'une enquête alors qu'elle avait déjà été menée et clôturée, en sorte que les droits de la défense de la salariée accusée de harcèlement, dont le principe du contradictoire, avaient été gravement méconnus, cette dernière n'ayant été ni entendue ni confrontée aux plaignants et témoins, et partant, que la procédure d'enquête ne pouvait légitimement lui être opposée, en sorte que le licenciement fondé sur ses conclusions était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
2°) Alors qu'en se fondant sur les seules conclusions d'une enquête interne sans prendre en compte le rapport du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en date du 14 mars 2018, régulièrement produit au débat par la salariée, soulignant que « De l'étude du dossier, il ressort l'existence d'exigences de travail fortes en termes d'atteinte d'objectifs commerciaux et de surcharge de travail signalée à plusieurs reprises dans le cadre des évaluations annuelles (...) Les accusations de harcèlement moral dont elle est l'objet et pour lesquelles le Comité ne dispose d'aucune preuve objective équivalent à une surcharge émotionnelle forte. Le Comité relève la présence de cas similaires dans l'entreprise », la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00787
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 juin 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 787 FS-B
sur le deuxième moyen
Pourvoi n° R 20-22.220
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022
Mme [Y] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-22.220 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [P], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Mariette conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 septembre 2020) Mme [P] a été engagée par la société BNP Paribas à compter du 9 mai 1983 en qualité d'assistante. Elle occupait au dernier état de la relation de travail les fonctions de directrice commerciale.
2. Le 22 juin 2017 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 6 juillet 2017.
3. L'entretien préalable a été successivement reporté au 22 août, au 3 octobre 2017 et au 5 janvier 2018.
4. Elle a été licenciée pour faute grave le 2 février 2018.
5. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 15 mars 2018, en nullité de son licenciement et en contestation de son bien-fondé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa troisième branche et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen pris, en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de dire régulier et bien-fondé son licenciement pour faute grave, de la débouter de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles, alors :
« 1° / qu'il incombe à l'employeur de préciser dans la lettre de licenciement que le salarié peut, en vertu des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail, lui demander d'apporter des précisions sur les motifs de la rupture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait pas informé la salariée de cette possibilité ; qu'en énonçant, pour dire la lettre de licenciement suffisamment motivée et le licenciement bien-fondé, que la salariée s'était abstenue d'user des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail pour demander à son employeur de lui préciser les motifs de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 1232-13 du code du travail, ensemble l'article 1147 devenu L. 1231-1 du code civil ;
2°/ que la lettre de licenciement n'est suffisamment motivée que si elle fait état de motifs matériellement vérifiables ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement « s'avère précisément motivée » quand elle ne comportait ni le nom des salariés imputant à la salariée des faits de harcèlement moral, ni la date de ces faits, ni la durée de ces prétendus agissements, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail .»
Réponse de la Cour
8. D'abord, aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 du même code peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'État.
9. Selon l'article R. 1232-13 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, le salarié peut, dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L'employeur dispose d'un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s'il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l'employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.
10. Il en résulte qu'aucune disposition n'impose à l'employeur d'informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés.
11. Ensuite, ayant constaté que la lettre de licenciement énonçait un grief tiré d'un comportement et de propos déplacés de la salariée à l'égard de quatre collaborateurs de nature à mettre en péril leur santé psychique et à dégrader leurs conditions de travail, la cour d'appel, qui a retenu que ce motif de licenciement était précis et matériellement vérifiable, en a exactement déduit que cette lettre répondait à l'exigence légale de motivation.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors : « qu'en relevant, pour retenir des faits de harcèlement moral imputables à la salariée, que l'enquête interne diligentée par la BNP respectait les exigences d'impartialité et que la salariée n'avait pas sollicité d'auditions supplémentaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque ne l'avait pas informée de l'existence d'une enquête alors qu'elle avait déjà été menée et clôturée, en sorte que les droits de la défense de la salariée accusée de harcèlement, dont le principe du contradictoire, avaient été gravement méconnus, cette dernière n'ayant été ni entendue ni confrontée aux plaignants et témoins, et partant, que la procédure d'enquête ne pouvait légitimement lui être opposée, en sorte que le licenciement fondé sur ses conclusions était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail. »
Réponse de la cour
14. Le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n'impose pas que, dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d'autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu'il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu'il soit entendu, dès lors que la décision que l'employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement.
15. Le moyen, qui soutient le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [P]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé régulier et bien fondé son licenciement pour faute grave, de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles ;
1°) Alors que la convocation du salarié à un entretien préalable, qui engage la procédure de licenciement pour motif disciplinaire, doit intervenir dans les deux mois de la connaissance par l'employeur des faits fautifs qu'il reproche au salarié et la sanction doit intervenir au plus tard dans le mois de cet entretien, sans que la maladie du salarié ne suspende ces délais ; qu'il en résulte que si l'employeur prend l'initiative de reporter la date de l'entretien préalable, la nouvelle convocation doit être adressée dans le délai de deux mois qui suit la date de la première convocation et la sanction doit intervenir dans le mois qui suit la date de l'entretien fixée initialement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'après un premier report d'entretien préalable à la demande de la salariée, l'employeur, par un courrier du 17 juillet 2017, l'avait convoquée à un deuxième entretien préalable fixé au 22 août 2017 ; qu'elle a encore relevé que par un courrier du 2 août 2017, la BNP l'avait de nouveau convoquée à un entretien préalable fixé au 3 octobre 2017, qu'elle l'avait reporté une nouvelle fois au 5 janvier 2018 et que finalement, la banque avait licencié la salariée le 2 février 2018 ; qu'en relevant, pour dire non prescrit et bien-fondé le licenciement disciplinaire de Mme [P], que la BNP avait interrompu le délai de prescription de deux mois à la faveur des courriers de convocation à des entretiens préalables en date des 17 juillet, 2 août et 2 octobre 2017, quand il résultait de ses propres constatations que la BNP, qui avait reporté de sa seule initiative le deuxième entretien préalable qu'elle avait fixé au 22 aout 2017, n'avait licencié Mme [P] que le 2 février 2018, soit plus d'un mois après la date de ce nouvel entretien, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-4 et L. 1332-2 du code du travail ;
2°) Alors que le licenciement pour motif disciplinaire doit intervenir dans les deux mois de la connaissance par l'employeur des faits fautifs qu'il reproche au salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que la BNP avait eu connaissance en mai 2017 des faits qu'elle imputait à faute à Mme [P] ; qu'en jugeant non prescrit et bien-fondé le licenciement de la salariée quand la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, déclarait faire suite à une procédure de convocation à un entretien préalable en date du 2 octobre 2017, soit plus de deux mois après la connaissance par l'employeur des faits prétendument fautifs, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;
3°) Alors que le licenciement pour motif disciplinaire doit intervenir dans les deux mois de la connaissance par l'employeur des faits fautifs qu'il reproche au salarié ; qu'en considérant que le licenciement disciplinaire de la salariée prononcé neuf mois après la connaissance des faits par l'employeur n'était pas prescrit et était bien fondé dès lors que les convocations successives à un entretien préalable avaient interrompu le délai de prescription de deux mois sans rechercher, comme elle y était invitée (p. 19), si, en convoquant Mme [P] à quatre reprises à un entretien préalable et en attendant ainsi neuf mois avant de la licencier, la BNP n'avait pas renoncé à la sanctionner au titre d'un licenciement disciplinaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé régulier et bien fondé son licenciement pour faute grave, de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles ;
1°) Alors qu'il incombe à l'employeur de préciser dans la lettre de licenciement que le salarié peut, en vertu des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail, lui demander d'apporter des précisions sur les motifs de la rupture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait pas informé la salariée de cette possibilité ; qu'en énonçant, pour dire la lettre de licenciement suffisamment motivée et le licenciement bien-fondé, que Mme [P] s'était abstenue d'user des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail pour demander à son employeur de lui préciser les motifs de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 1232-13 du code du travail, ensemble l'article 1147 devenu L. 1231-1 du code civil ;
2°) Alors que la lettre de licenciement n'est suffisamment motivée que si elle fait état de motifs matériellement vérifiables ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement « s'avère précisément motivée » quand elle ne comportait ni le nom des salariés imputant à Mme [P] des faits de harcèlement moral, ni la date de ces faits, ni la durée de ces prétendus agissements, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°) Alors que la lettre de licenciement doit comporter les motifs de la rupture sans pouvoir renvoyer en guise de motivation aux conclusions d'une enquête interne à laquelle le salarié n'a pas participé, n'a pu exercer ses droits de la défense et n'a pas reçu communication des conclusions écrites ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement « s'avère précisément motivée » quand elle était motivée par voie de référence à une enquête interne à laquelle la salariée n'avait pas participé, n'avait pas été confrontée aux plaignants et témoins, et n'avait pas obtenu les conclusions écrites, soit à une procédure ayant gravement méconnu les droits de la défense de Mme [P] et le principe du contradictoire, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 12232-6 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé régulier et bien fondé son licenciement pour faute grave, de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles ;
1°) Alors qu'en relevant, pour retenir des faits de harcèlement moral imputables à Mme [P], que l'enquête interne diligentée par la BNP respectait les exigences d'impartialité et que la salariée n'avait pas sollicité d'auditions supplémentaires, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 13 et s.), si la banque ne l'avait pas informée de l'existence d'une enquête alors qu'elle avait déjà été menée et clôturée, en sorte que les droits de la défense de la salariée accusée de harcèlement, dont le principe du contradictoire, avaient été gravement méconnus, cette dernière n'ayant été ni entendue ni confrontée aux plaignants et témoins, et partant, que la procédure d'enquête ne pouvait légitimement lui être opposée, en sorte que le licenciement fondé sur ses conclusions était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
2°) Alors qu'en se fondant sur les seules conclusions d'une enquête interne sans prendre en compte le rapport du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en date du 14 mars 2018, régulièrement produit au débat par la salariée, soulignant que « De l'étude du dossier, il ressort l'existence d'exigences de travail fortes en termes d'atteinte d'objectifs commerciaux et de surcharge de travail signalée à plusieurs reprises dans le cadre des évaluations annuelles (...) Les accusations de harcèlement moral dont elle est l'objet et pour lesquelles le Comité ne dispose d'aucune preuve objective équivalent à une surcharge émotionnelle forte. Le Comité relève la présence de cas similaires dans l'entreprise », la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail.