Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 juin 2022, 20-23.115, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 478 F-D

Pourvoi n° P 20-23.115




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022

La société France montage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-23.115 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Icom Engineering, dont le siège est [Adresse 2] (Italie), défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société France montage, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Icom Engineering, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 15 septembre 2020), le 26 avril 2010, la société italienne Icom Engineering (Icom) a, en tant qu'entreprise principale d'un marché portant sur la charpente d'un site industriel en France, conclu avec la société française France montage un contrat de sous-traitance en élisant le droit italien et la juridiction italienne, sur le fondement duquel le tribunal de Padoue a condamné la société France montage pour inexécution de ses obligations contractuelles.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à sixième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et septième branches

Enoncé du moyen

3. La société France montage fait grief à l'arrêt de déclarer exécutoire en France le jugement rendu le 22 décembre 2017 par le tribunal de Padoue, alors :

« 1°/ que l'accueil d'un jugement étranger dans l'ordre juridique français suppose, en particulier, sa conformité à l'ordre public international français ; que ne peut bénéficier de l'exequatur un jugement comportant des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français, notamment des lois de police, lesquelles régissent impérativement les situations quelle que soit la loi applicable au contrat ; que l'article 14 de la loi n° 75-1134 du 31 décembre 1975, qui dispose que « les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant », en application du sous-traité, doivent être « garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié », trouve sa justification dans l'intérêt général de protection du soustraitant, et constitue une loi de police qui s'impose comme telle, peu important que le contrat de sous-traitance ait ou non reçu un commencement d'exécution ; que, attraite par la société italienne Icom Engineering, donneur d'ordre, devant le tribunal de Padoue, en vertu d'une clause attributive de compétence, la société française France montage, sous-traitante, qui était intervenue sur un chantier en France, avait demandé au juge italien l'annulation du contrat de sous-traitance, sur le fondement de l'article 14 susvisé, en faisant valoir que la société Icom Engineering, qui savait le contrat soumis à la loi du 31 décembre 1975, n'avait jamais exécuté son obligation de garantie ; que, pour rejeter cette demande, le tribunal de Padoue, par un jugement du 22 décembre 2017, a considéré que « la nature de " loi de police " de l'article 14 de cette loi n'était pas démontrée, qu'elle constituait « une disposition protectrice d'un intérêt privé, celui du sous-traitant, qui ne présente pas d'intérêt public et insusceptible d'avoir une incidence sur la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique de l'État français », que son application était « inopportune », parce qu'elle n'est pas incluse dans le contrat, lequel « était déjà amplement en cours d'exécution » et parce que « le choix d'agir en nullité » n'était pour la société France montage qu'un « expédient pour échapper à la catastrophe financière qui allait arriver » ; que l'ensemble de ces justifications, constatées par la cour, heurtent des principes essentiels du droit français, de sorte que cette décision du juge italien ne pouvait pas être accueillie dans l'ordre juridique français ; qu'en décidant le contraire, pour confirmer la décision rendue par le greffier en chef du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay déclarant exécutoire en France le jugement du 22 décembre 2017 rendu par le tribunal de Padoue et signifiée le 29 décembre 2017, la cour a violé les articles 3 du code civil, ensemble l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et l'article 34.1 du Règlement (CE) n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2°/ que pour rejeter la contestation de la société France montage, tirée de la nature de loi de police de l'article 14 de la loi de 1975 sur la sous-traitance, et confirmer l'exequatur accordée au jugement litigieux du 22 décembre 2017 rendu par le tribunal de Padoue, la cour a retenu que toutes les lois d'ordre public de droit interne ne le sont pas en droit international privé, sauf à rendre illusoire le principe d'autonomie de la volonté énoncé à l'article 3 du Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 applicable aux obligations contractuelles ; que, cependant, si l'article 3.1 pose le principe de la liberté de choix de la loi contractuelle applicable, en énonçant que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties. (...) Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat », l'article 3.3 limite cette liberté en disposant que « lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l'application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord », telle une loi de police ; qu'il s'ensuit que la liberté contractuelle invoquée ne justifiait pas que fussent méconnues les exigences de la loi de police constituée par l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 protégeant la société française France montage en sa qualité de sous-traitante, exclusivement intervenue dans un chantier sur le territoire français ; qu'en se déterminant dès lors par les motifs susvisés, la cour a violé pour confirmer l'exequatur accordée au jugement italien litigieux, l'article 3 susvisé du Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008. »

Réponse de la Cour

4. L'article 33.1 du règlement (CE) n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose :

« Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. »

5. Selon l'article 34, point 1, du même règlement, une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis.

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le recours à la clause de l'ordre public, figurant à l'article 34, point 1, n'est concevable que dans l'hypothèse où la reconnaissance ou l'exécution de la décision rendue dans un autre État membre heurterait de manière inacceptable l'ordre juridique de l'État requis, en tant qu'elle porterait atteinte à un principe fondamental. Afin de respecter la prohibition de la révision au fond de la décision étrangère, l'atteinte devrait constituer une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'État requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique (CJUE, 28 avril 2009, C-420/07, point 55). Le juge de l'État requis ne saurait, sous peine de remettre en cause la finalité du règlement n° 44/2001, refuser la reconnaissance d'une décision émanant d'un autre État membre au seul motif qu'il estime que, dans cette décision, le droit national ou le droit communautaire a été mal appliqué. Il importe, au contraire, de considérer que, dans de tels cas, le système des voies de recours mis en place dans chaque État membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l'article 234 CE, fournit aux justiciables une garantie suffisante (CJUE, 16 juillet 2005, C-681/13, point 49). La clause de l'ordre public ne jouerait dans de tels cas que dans la mesure où ladite erreur de droit implique que la reconnaissance ou l'exécution de la décision dans l'État requis soit considérée comme une violation manifeste d'une règle de droit essentielle dans l'ordre juridique dudit État membre (CJUE, 16 juillet 2005, C-681/13, point 49).

7. Après avoir relevé que les parties avaient soumis le contrat de sous-traitance au droit italien et que les éléments de charpente avaient été réalisés en Italie, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'elle ne pouvait réviser le jugement rendu par le tribunal de Padoue ayant exclu l'application de la loi du 14 de la loi n° 75-1134 du 31 décembre 1975 et que la reconnaissance, en France, de cette décision, n'était pas manifestement contraire à l'ordre public.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société France montage aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France montage et la condamne à payer à la société Icom Engineering la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société France montage.

La société France Montage fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé la décision rendue le 18 octobre 2018 par le greffier en chef du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, en ce qu'elle a déclaré exécutoire en France le jugement du 22 décembre 2017 rendu par le tribunal de Padoue et signifiée le 29 décembre 2017

1° ALORS QUE l'accueil d'un jugement étranger dans l'ordre juridique français suppose, en particulier, sa conformité à l'ordre public international français ; que ne peut bénéficier de l'exequatur un jugement comportant des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français, notamment des lois de police, lesquelles régissent impérativement les situations quelle que soit la loi applicable au contrat ; que l'article 14 de la loi n° 75-1134 du 31 décembre 1975, qui dispose que « les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant », en application du sous-traité, doivent être « garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié », trouve sa justification dans l'intérêt général de protection du soustraitant, et constitue une loi de police qui s'impose comme telle, peu important que le contrat de sous-traitance ait ou non reçu un commencement d'exécution ; que, attraite par la société italienne Icom Engineering, donneur d'ordre, devant le tribunal de Padoue, en vertu d'une clause attributive de compétence, la société française France Montage, sous-traitante, qui était intervenue sur un chantier en France, avait demandé au juge italien l'annulation du contrat de sous-traitance, sur le fondement de l'article 14 susvisé, en faisant valoir que la société Icom Engineering, qui savait le contrat soumis à la loi du 31 décembre 1975, n'avait jamais exécuté son obligation de garantie ; que, pour rejeter cette demande, le tribunal de Padoue, par un jugement du 22 décembre 2017, a considéré que « la nature de "loi de police" de l'article 14 de cette loi n'était pas démontrée (p. 3, § 2), qu'elle constituait « une disposition protectrice d'un intérêt privé, celui du sous-traitant, qui ne présente pas d'intérêt public et insusceptible d'avoir une incidence sur la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique de l'État français » (p. 3, § 3), que son application était « inopportune », parce qu'elle n'est pas incluse dans le contrat, lequel « était déjà amplement en cours d'exécution » (p. 3, § 4) et parce que « le choix d'agir en nullité » n'était pour la société France Montage qu'un « expédient pour échapper à la catastrophe financière qui allait arriver » ; que l'ensemble de ces justifications, constatées par la cour (arrêt, p. 6, § 3), heurtent des principes essentiels du droit français, de sorte que cette décision du juge italien ne pouvait pas être accueillie dans l'ordre juridique français ; qu'en décidant le contraire, pour confirmer la décision rendue par le greffier en chef du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay déclarant exécutoire en France le jugement du 22 décembre 2017 rendu par le tribunal de Padoue et signifiée le 29 décembre 2017, la cour a violé les articles 3 du code civil, ensemble l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et l'article 34.1 du Règlement (CE) n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour contester la décision prise par le greffier en chef du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay de déclaré exécutoire en France le jugement rendu le 22 décembre 2017 par le tribunal civil de Padoue, la société France Montage avait fait valoir que ce jugement était contraire à l'ordre public international français, ce qu'il était par son contenu puisqu'il refusait de reconnaître à l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 son caractère de police nécessaire à la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique française ; qu'en revanche, ainsi qu'elle le soulignait, la société France Montage ne contestait pas l'application par le juge italien de la loi contractuelle italienne, question étrangère au litige, dès lors qu'une loi de police s'impose quelle que soit la loi applicable au contrat ; que, pour écarter sa demande et confirmer la décision prise par le greffier en chef, la cour, sur le fondement des articles 45, 34 et 35 du Règlement (CE) n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 et de la jurisprudence de la Cour de justice correspondante (arrêt du 16 juillet 2005), lui a opposé que si elle considérait que le tribunal de Padoue avait mal jugé du droit international français ou du droit de l'Union, elle aurait pu faire appel de sa décision, ce qu'elle n'avait pas fait ; qu'en se déterminant ainsi, quand la société France Montage ne prétendait nullement remettre en cause l'application faite par le juge italien de la loi contractuelle applicable, française ou non, mais faisait uniquement valoir, dans le champ exclusif de la problématique de l'exequatur, que le jugement de Padoue, qui niait explicitement le caractère de loi de police de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, heurtant ainsi des principes essentiels du droit français, ne pouvait pas être intégré dans l'ordonnancement juridique français, la cour a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3° ALORS QU'en vertu de l'article 34.1 du Règlement (CE) n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, une décision ne peut être reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis ; que tel est le cas du jugement rendu le 22 décembre 2017 par le tribunal de Padoue dès lors que, la société France Montage ayant sollicité devant lui l'annulation du contrat de sous-traitance sur le fondement de l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le juge italien a écarté cette loi en retenant qu'elle n'était pas une loi de police et protégeait seulement un intérêt privé ; que, pour juger le contraire, la cour de Riom a retenu qu'en vertu notamment de l'article 45.2 du Règlement susvisé, selon lequel « en aucun cas la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond » et de l'arrêt du 16 juillet 2005 de la Cour de justice des communautés européennes qui s'y rapporte (aff. C-681/13), la société France Montage, si elle considérait que le tribunal de Padoue avait fait une application erronée du droit national français ou du droit national de l'Union, aurait dû utiliser les voies de recours italiennes, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte que le jugement dudit tribunal est devenu « définitif » ; qu'en se déterminant ainsi, au regard de règles relatives à l'exercice de voies de recours étrangères au présent litige, dès lors qu'il ne s'agissait pas, pour la société France Montage, de contester au fond le jugement du tribunal de Padoue ou l'application qu'il a faite de la loi du contrat, mais exclusivement de contester sa possibilité d'être intégré dans l'ordonnancement juridique français, la cour a violé l'article 45.2 dudit Règlement par fausse application et l'article 34.1 par refus d'application ;

4° ALORS QUE tout jugement, à peine de censure, doit être motivé ; que ne répond pas à cette exigence le juge qui se détermine par des motifs inopérants ; qu'en l'espèce, tandis que la société France Montage soutenait que le jugement rendu le 22 décembre 2017 par le tribunal de Padoue ne pouvait pas être intégré, par voie d'exequatur, à l'ordonnancement juridique français, puisqu'il déniait à l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sa nature de loi de police trouvant sa justification dans l'intérêt général de protection du sous-traitant, la cour lui a opposé qu'elle n'avait pas exercé de voie de recours contre ce jugement italien, lequel était devenu « définitif » ; qu'en se déterminant ainsi de manière inopérante, ce jugement, fût-il devenu irrévocable, n'en heurtant pas moins des principes essentiels du droit français, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5° ALORS QUE les lois de police désignent les règles dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat ; que tel est le cas de l'article 14 de la loi française n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, que la société France Montage avait invoquée devant le juge du tribunal de Padoue et que celui-ci, dans son jugement du 22 décembre 2017, a écartée au motif qu'elle ne protégerait que des intérêts privés ; que, pour confirmer l'exequatur reconnue à ce jugement, la cour a retenu qu'il était douteux que la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 fût une loi de police parce que le contrat litigieux était de droit italien ; qu'en se déterminant ainsi, quand, d'une part, l'article 14 de cette loi est certainement une loi de police et, que d'autre, la circonstance que la loi du contrat fût italienne n'était pas susceptible de lui ôter cette nature, la cour a violé l'article 14 susvisé, ensemble l'article 7 § 2 de la Convention de Rome du 17 juin 1980 et l'article 34.1 du Règlement (CE) n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 ;

6° ALORS QUE la loi de police se caractérisant pas sa nécessité au regard de la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique d'un pays au point de régir impérativement la situation quelle que soit la loi applicable, celle de l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ne s'impose, en matière de sous-traitance, qu'à la condition que puisse être constatée l'existence d'un lien de rattachement de l'opération avec la France au regard de l'objectif de protection des sous-traitants poursuivi par le texte précité ; qu'en l'espèce, si le contrat était de droit italien, la société française France Montage, sous-traitante, qui invoquait les dispositions de l'article 14 susvisé, avait fait valoir que les travaux de charpente ne concernaient que les rapports de la société Icom Engineering et de la société Auber & Duval et que, quant à elle, elle n'était intervenue, en sa qualité de sous-traitante, que pour le montage, en France, de la charpente ; qu'en jugeant dès lors, pour se déterminer comme elle l'a fait, que « les éléments de charpente ont été réalisés sur le sol italien », sans rechercher, comme elle y était invitée, et comme il était nécessaire, si l'opération à laquelle l'activité de sous-traitant de la société France Montage avait directement participé ne se rattachait pas par un lien étroit avec la France, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, ensemble des articles 3.3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et 34.1 du Règlement (CE) n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 ;

7° ALORS QUE pour rejeter la contestation de la société France Montage, tirée de la nature de loi de police de l'article 14 de la loi de 1975 sur la sous-traitance, et confirmer l'exequatur accordée au jugement litigieux du 22 décembre 2017 rendu par le tribunal de Padoue, la cour a retenu que toutes les lois d'ordre public de droit interne ne le sont pas en droit international privé, sauf à rendre illusoire le principe d'autonomie de la volonté énoncé à l'article 3 du Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 applicable aux obligations contractuelles ; que, cependant, si l'article 3.1 pose le principe de la liberté de choix de la loi contractuelle applicable, en énonçant que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties. (...) Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat », l'article 3.3 limite cette liberté en disposant que « lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l'application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord », telle une loi de police ; qu'il s'ensuit que la liberté contractuelle invoquée ne justifiait pas que fussent méconnues les exigences de la loi de police constituée par l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 protégeant la société française France Montage en sa qualité de sous-traitante, exclusivement intervenue dans un chantier sur le territoire français ; qu'en se déterminant dès lors par les motifs susvisés, la cour a violé pour confirmer l'exequatur accordée au jugement italien litigieux, l'article 3 susvisé du Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008.ECLI:FR:CCASS:2022:C100478
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