Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juin 2022, 20-22.500, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juin 2022, 20-22.500, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 20-22.500
- ECLI:FR:CCASS:2022:SO00692
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 08 juin 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 22 octobre 2020- Président
- M. Cathala
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juin 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 692 FS-B
sur deuxième moyen
Pourvoi n° V 20-22.500
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUIN 2022
La société Finder composants, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-22.500 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [M], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Finder composants, de Me Balat, avocat de Mme [M], et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 octobre 2020), Mme [M] a été engagée le 25 avril 1994 en qualité d'opératrice par la société Finder.
2. Le 6 novembre 2017, la salariée a été, à la suite d'un accident du travail, déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, dont l'avis mentionnait « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
3. Le 30 novembre 2017, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel, alors :
« 1°/ que, par application des dispositions des articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail, lorsque le médecin du travail précise expressément dans l'avis d'inaptitude que l'état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui est alors dispensé légalement de toute recherche de reclassement, n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel pour recueillir leur avis sur un reclassement qu'il n'est pas tenu d'effectuer ; qu'en affirmant que la Société Finder composants était tenue de consulter les représentants du personnel après avoir pourtant relevé que dans son avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017, le Médecin du travail avait conclu à l'inaptitude de la salariée en précisant expressément que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
2°/ qu'en affirmant, pour faire droit à la demande de la salariée au titre de l'absence de consultation des représentants du personnel, que cette obligation s'imposait même en l'absence de possibilité de reclassement, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
7. Selon le second de ces textes, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
8. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.
9. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison du défaut de consultation des délégués du personnel, l'arrêt retient que, quelle que soit l'origine de l'inaptitude, l'employeur a l'obligation de solliciter l'avis du comité économique et social, anciennement délégués du personnel, en application des article L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la consultation doit être faite même en l'absence de possibilité de reclassement et que le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné à l'article L. 1226-15 du code du travail.
10. En statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail mentionnait que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et ne peut donner lieu au versement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; qu'en condamnant l'employeur à verser à la salariée, qui se prévalait d'un licenciement prononcé dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle, la somme de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, outre la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
12. Selon ce texte, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
13. La cour d'appel a alloué au salarié une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.
14. En statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation prononcée sur les deuxième et troisième moyens n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Finder composants à payer à Mme [M] la somme de 10 335,60 euros pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel et celle de 516,78 euros au titre des congés payés afférent à l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Finder composants
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La Société FINDER COMPOSANTS fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'inaptitude de Mme [Y] [M] était d'origine professionnelle et en conséquence, de l'AVOIR condamnée à lui verser les sommes de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, 12 201,75 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, et de 938,78 euros au titre de l'indemnité temporaire d'inaptitude qu'aurait dû percevoir Mme [M] ;
1) ALORS QUE, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme [M], la cour d'appel a relevé que l'employeur ne pouvait ignorer l'origine professionnelle de l'inaptitude de sa salariée compte tenu des très fréquentes crises d'asthme sur son lieu de travail; qu'en se déterminant ainsi, après avoir pourtant constaté que suite à l'avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017 et juste avant l'engagement de la procédure de licenciement, le médecin du travail avait indiqué à l'employeur que l'inaptitude était d'origine non professionnelle, ce dont il résultait qu'à la date du licenciement, l'employeur n'avait pas connaissance de l'origine prétendue professionnelle de l'inaptitude, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que dans ses écritures, l'employeur avait soutenu et démontré, qu'au moment du licenciement et suite à sa demande de précisions, le Médecin du travail lui avait indiqué que l'inaptitude était d'origine non professionnelle, ce dont il résultait qu'au jour du licenciement, l'employeur ignorait le caractère prétendument professionnel de l'inaptitude de Mme [M] ; qu'en se bornant à relever que l'employeur ne pouvait ignorer l'origine professionnelle de l'inaptitude au vu des très nombreuses crises d'asthme de sa salariée sur le lieu de travail, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'employeur avait effectivement connaissance de cette origine professionnelle au jour du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail ;
3) ALORS EN OUTRE QUE, en retenant que l'inaptitude de Mme [M] était d'origine professionnelle après avoir pourtant relevé que le médecin du travail avait confirmé que la procédure d'inaptitude ne relevait pas de sa pathologie professionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
4) ALORS AU SURPLUS QUE, en se fondant, pour dire que l'inaptitude était d'origine professionnelle, sur les déclarations des médecins traitants de Mme [M] lesquelles étaient pourtant contredites par l'avis du médecin du travail, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé l'article L. 1226-10 du code du travail.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
La Société FINDER COMPOSANTS fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à Madame [Y] [M] la somme de 10 335,60 euros pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel ;
1) ALORS QUE, par application des dispositions des articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail, lorsque le médecin du travail précise expressément dans l'avis d'inaptitude que l'état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui est alors dispensé légalement de toute recherche de reclassement, n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel pour recueillir leur avis sur un reclassement qu'il n'est pas tenu d'effectuer ; qu'en affirmant que la Société FINDER COMPOSANTS était tenu de consulter les représentants du personnel après avoir pourtant relevé que dans son avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017, le Médecin du travail avait conclu à l'inaptitude de Mme [M] en précisant expressément que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en affirmant, pour faire droit à la demande de Mme [M] au titre de l'absence de consultation des représentants du personnel, que cette obligation s'imposait même en l'absence de possibilité de reclassement, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire au premier)
La Société FINDER COMPOSANTS fait grief à l'arrêt de l'AVOIR condamnée à verser à Mme [Y] [M] la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis ;
ALORS QUE l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et ne peut donner lieu au versement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; qu'en condamnant la Société FINDER COMPOSANTS à verser à Mme [M], qui se prévalait d'un licenciement prononcé dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle, la somme de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, outre la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, la cour d'appel a violé le texte susvisé.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00692
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juin 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 692 FS-B
sur deuxième moyen
Pourvoi n° V 20-22.500
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUIN 2022
La société Finder composants, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-22.500 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [M], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Finder composants, de Me Balat, avocat de Mme [M], et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 octobre 2020), Mme [M] a été engagée le 25 avril 1994 en qualité d'opératrice par la société Finder.
2. Le 6 novembre 2017, la salariée a été, à la suite d'un accident du travail, déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, dont l'avis mentionnait « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
3. Le 30 novembre 2017, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel, alors :
« 1°/ que, par application des dispositions des articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail, lorsque le médecin du travail précise expressément dans l'avis d'inaptitude que l'état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui est alors dispensé légalement de toute recherche de reclassement, n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel pour recueillir leur avis sur un reclassement qu'il n'est pas tenu d'effectuer ; qu'en affirmant que la Société Finder composants était tenue de consulter les représentants du personnel après avoir pourtant relevé que dans son avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017, le Médecin du travail avait conclu à l'inaptitude de la salariée en précisant expressément que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
2°/ qu'en affirmant, pour faire droit à la demande de la salariée au titre de l'absence de consultation des représentants du personnel, que cette obligation s'imposait même en l'absence de possibilité de reclassement, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
7. Selon le second de ces textes, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
8. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.
9. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison du défaut de consultation des délégués du personnel, l'arrêt retient que, quelle que soit l'origine de l'inaptitude, l'employeur a l'obligation de solliciter l'avis du comité économique et social, anciennement délégués du personnel, en application des article L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la consultation doit être faite même en l'absence de possibilité de reclassement et que le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné à l'article L. 1226-15 du code du travail.
10. En statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail mentionnait que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et ne peut donner lieu au versement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; qu'en condamnant l'employeur à verser à la salariée, qui se prévalait d'un licenciement prononcé dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle, la somme de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, outre la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
12. Selon ce texte, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
13. La cour d'appel a alloué au salarié une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.
14. En statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation prononcée sur les deuxième et troisième moyens n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Finder composants à payer à Mme [M] la somme de 10 335,60 euros pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel et celle de 516,78 euros au titre des congés payés afférent à l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Finder composants
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La Société FINDER COMPOSANTS fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'inaptitude de Mme [Y] [M] était d'origine professionnelle et en conséquence, de l'AVOIR condamnée à lui verser les sommes de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, 12 201,75 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, et de 938,78 euros au titre de l'indemnité temporaire d'inaptitude qu'aurait dû percevoir Mme [M] ;
1) ALORS QUE, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme [M], la cour d'appel a relevé que l'employeur ne pouvait ignorer l'origine professionnelle de l'inaptitude de sa salariée compte tenu des très fréquentes crises d'asthme sur son lieu de travail; qu'en se déterminant ainsi, après avoir pourtant constaté que suite à l'avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017 et juste avant l'engagement de la procédure de licenciement, le médecin du travail avait indiqué à l'employeur que l'inaptitude était d'origine non professionnelle, ce dont il résultait qu'à la date du licenciement, l'employeur n'avait pas connaissance de l'origine prétendue professionnelle de l'inaptitude, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que dans ses écritures, l'employeur avait soutenu et démontré, qu'au moment du licenciement et suite à sa demande de précisions, le Médecin du travail lui avait indiqué que l'inaptitude était d'origine non professionnelle, ce dont il résultait qu'au jour du licenciement, l'employeur ignorait le caractère prétendument professionnel de l'inaptitude de Mme [M] ; qu'en se bornant à relever que l'employeur ne pouvait ignorer l'origine professionnelle de l'inaptitude au vu des très nombreuses crises d'asthme de sa salariée sur le lieu de travail, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'employeur avait effectivement connaissance de cette origine professionnelle au jour du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail ;
3) ALORS EN OUTRE QUE, en retenant que l'inaptitude de Mme [M] était d'origine professionnelle après avoir pourtant relevé que le médecin du travail avait confirmé que la procédure d'inaptitude ne relevait pas de sa pathologie professionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
4) ALORS AU SURPLUS QUE, en se fondant, pour dire que l'inaptitude était d'origine professionnelle, sur les déclarations des médecins traitants de Mme [M] lesquelles étaient pourtant contredites par l'avis du médecin du travail, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé l'article L. 1226-10 du code du travail.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
La Société FINDER COMPOSANTS fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à Madame [Y] [M] la somme de 10 335,60 euros pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel ;
1) ALORS QUE, par application des dispositions des articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail, lorsque le médecin du travail précise expressément dans l'avis d'inaptitude que l'état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui est alors dispensé légalement de toute recherche de reclassement, n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel pour recueillir leur avis sur un reclassement qu'il n'est pas tenu d'effectuer ; qu'en affirmant que la Société FINDER COMPOSANTS était tenu de consulter les représentants du personnel après avoir pourtant relevé que dans son avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017, le Médecin du travail avait conclu à l'inaptitude de Mme [M] en précisant expressément que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en affirmant, pour faire droit à la demande de Mme [M] au titre de l'absence de consultation des représentants du personnel, que cette obligation s'imposait même en l'absence de possibilité de reclassement, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire au premier)
La Société FINDER COMPOSANTS fait grief à l'arrêt de l'AVOIR condamnée à verser à Mme [Y] [M] la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis ;
ALORS QUE l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et ne peut donner lieu au versement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; qu'en condamnant la Société FINDER COMPOSANTS à verser à Mme [M], qui se prévalait d'un licenciement prononcé dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle, la somme de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, outre la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, la cour d'appel a violé le texte susvisé.