Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 mai 2022, 19-25.513, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 mai 2022, 19-25.513, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 19-25.513
- ECLI:FR:CCASS:2022:CO00334
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
Audience publique du mercredi 25 mai 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 08 octobre 2019- Président
- M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2022
Cassation sans renvoi
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 334 F-B
Pourvoi n° Z 19-25.513
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022
Mme [R] [Y], domiciliée chez Dr [S] [K] [H], [Adresse 5] (Mexique), venant aux droits de [E] [X], a formé le pourvoi n° Z 19-25.513 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2019 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 7], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mme [Y], venant aux droits de [E] [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mme [R] [Y] de ce qu'elle reprend l'instance, en qualité d'héritière de [E] [X], décédée le [Date décès 4] 2020.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 octobre 2019), à la suite du décès de [J] [X], survenu le [Date décès 1] 2010, sa fille, [E] [X], a déposé une déclaration de succession dans laquelle elle a revendiqué, s'agissant des parts de la société [X] entreprises, qu'elle a qualifiée de holding animatrice de groupe, le bénéfice de l'exonération partielle des droits de succession à hauteur de 75 % de la valeur de ces parts, prévue à l'article 787 B du code général des impôts, en prenant l'engagement de les conserver pendant une durée de quatre ans à compter de leur transmission.
3. L'administration fiscale, remettant en cause cette exonération partielle au motif que, dès le 3 décembre 2010, la société [X] entreprises avait cédé ses participations dans certaines de ses filiales et que l'activité de la holding était devenue purement financière, a notifié à [E] [X] une proposition de rectification le 30 septembre 2013.
4. Après rejet de sa réclamation contentieuse, [E] [X] a assigné l'administration fiscale en décharge des rappels d'imposition réclamés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de [E] [X] tendant à la décharge des droits de succession et des intérêts de retard mis en recouvrement à son encontre et au remboursement des sommes versées, soit 1 666 488 euros, alors « que la condition tenant à ce qu'une société holding anime son groupe de sociétés, à laquelle est subordonné le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation prévue par l'article 787 B du code général des impôts en cas de transmission de ses parts à titre gratuit, ne doit être remplie qu'à la date de cette transmission et non postérieurement ; qu'en considérant que [E] [X] ne pouvait bénéficier de cette exonération partielle, du fait que la société holding [X] entreprises, dont une partie des parts lui avait été transmise, aurait perdu, postérieurement à cette transmission, la qualité d'animatrice du groupe de sociétés dans lesquelles elle détenait des participations et qui était la sienne à la date de cette transmission, la cour d'appel a violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 :
6. Selon ce texte, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs sont, à condition qu'elles aient fait l'objet d'un engagement collectif de conservation présentant certaines caractéristiques, et d'un engagement individuel de conservation pendant une durée de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif, exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur.
7. Est assimilée à une telle société la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le caractère principal de son activité d'animation de groupe devant être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l'imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total.
8. Pour dire fondée la remise en cause, par l'administration fiscale, de l'exonération partielle de droits de succession à laquelle prétendait [E] [X], l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que la société [X] entreprises était, au jour du décès de [J] [X], une holding animatrice d'un groupe de sociétés dont elle assurait le pilotage, et déduit que les héritiers de [J] [X] pouvaient utilement revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts, énonce cependant que, s'agissant d'une société holding, le bénéfice de l'avantage fiscal accordé par ce texte ne peut se concevoir, au regard de l'objectif fixé par le législateur, et, sauf à vider la loi de sa substance, que si ladite société conserve, pendant la durée exigée, sa fonction d'animation d'un groupe formé de filiales, lesquelles doivent, sauf circonstances indépendantes de leur volonté, comme c'est le cas, par exemple, dans l'hypothèse d'une procédure collective, conserver une activité économique. Il énonce ensuite que rien n'impose que le périmètre de ce groupe demeure immuable et qu'un changement d'activité économique peut être envisagé, sous réserve que la holding conserve, à l'égard de ses nouvelles filiales, son rôle d'animation.
9. Il en déduit que l'administration fiscale est fondée à soutenir que la perte, par la société [X] entreprises, de sa fonction d'animatrice de groupe avant l'expiration du délai légal de conservation des parts rend la transmission de ces parts inéligible à l'exonération partielle, faute de satisfaire aux conditions légales.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. Il résulte des constatations des juges du fond que la société [X] entreprises était, au jour du décès de [J] [X], une société holding animatrice d'un groupe de sociétés, que [E] [X] a conservé les titres de cette société pendant la période de son engagement, soit quatre années, et que les dirigeants, MM. [I] et [P] [X], sont demeurés à la tête de cette société pendant la durée requise de trois ans, de sorte que [E] [X] remplissait les conditions pour bénéficier de l'exonération partielle de droits de succession, prévue à l'article 787 B du code général des impôts, sur la valeur des parts de la société [X] entreprises dont elle a hérité.
14. Il convient, dès lors, d'annuler la décision de rejet de la réclamation de [E] [X] et de prononcer la décharge des rappels de droits d'enregistrement mis en recouvrement.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Annule la décision rejetant la réclamation de [E] [X] ;
Prononce la décharge des rappels de droits d'enregistrement mis en recouvrement ;
Condamne le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, aux dépens, y compris ceux exposés devant les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques et le condamne à payer à Mme [Y], en sa qualité d'héritière de [E] [X], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mme [Y], venant aux droits de sa mère [E] [X], décédée.
Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'AVOIR débouté Mme [E] [X] de ses demandes tendant à la décharge des droits de succession et des intérêts de retard mis en recouvrement à son encontre et au remboursement des sommes versées, soit 1 666 488 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes de l'article 787 B du livre des procédures fiscales (dans sa rédaction applicable au présent litige) : « sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies : a. les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés ; lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement collectif de conservation, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux ou avec d'autres associés conclure dans les six mois qui suivent la transmission l'engagement prévu au premier alinéa. b. l'engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises... l'engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les parts ou actions détenues depuis deux ans au moins par une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité atteignent les seuils prévus au premier alinéa, sous réserve que cette personne ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée son activité professionnelle principale ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque la société est soumise à l'impôt sur les sociétés... c. chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l'engagement dans la déclaration de succession ou l'acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions transmises pendant une durée de quatre ans à compter de la date d'expiration du délai visé au a » ; que la finalité de ce dispositif est de maintenir, notamment au moment du décès, l'activité économique en assurant la continuité de l'entreprise familiale par la pérennité de son actionnariat et de ses dirigeants ; qu'il convient de rappeler que l'administration a admis dans sa doctrine (7 G-6-01 du 30 juillet 2001) que si les titres des holdings étaient en principe exclus du champ d'application de la disposition précitée du fait de leur activité financière, les contribuables étaient cependant fondés à s'en prévaloir dès lors que la société présentait les caractéristiques d'une société holding animatrice d'un groupe de sociétés ; qu'il sera, à cet égard, rappelé qu'une holding est considérée par la jurisprudence comme animatrice d'un groupe dès lors qu'elle participe activement à la conduite et à la gestion de ses filiales notamment en prenant des décisions de politique commerciale ou d'orientation stratégique ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par l'administration fiscale que la société [X] Entreprises était, au jour du décès de Mme [J] [X], une holding animatrice d'un groupe cohérent de sociétés dont elle assurait le nécessaire pilotage exerçant, en l'occurrence, une activité économique dans le secteur des travaux publics, de la voirie et du bâtiment ; que les héritiers de Mme [X] pouvaient donc utilement revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts ; qu'il n'est pas davantage contesté que les déclarants ont conservé les titres de la holding pendant la période de leur engagement (quatre ans) et que, de même, les dirigeants ([I] et [P] [X]) sont demeurés à la tête de cette société pendant la durée requise (trois ans) ; que cependant et s'agissant d'une société holding, le bénéfice de l'avantage fiscal accordé par l'article précité ne peut se concevoir, au regard de l'objectif fixé par le législateur et sauf à vider la loi de sa substance, que si ladite société conserve pendant la durée exigée sa fonction d'animation d'un groupe formé de filiales lesquelles doivent, sauf circonstances indépendantes de leur volonté (procédure collective par exemple), conserver une activité économique ; que rien, en revanche, n'impose que le périmètre de ce groupe demeure immuable, certaines filiales pouvant, pendant cette période et notamment en raison des choix stratégiques opérés par les dirigeants ou des contraintes économiques affectant notamment le secteur d'activité, être cédées et d'autres acquises ; qu'un changement d'activité économique peut de même être envisagé sous réserve que la holding conserve à l'égard de ses (nouvelles) filiales son rôle d'animation ; qu'il ressort des pièces du dossier (et plus particulièrement tant de la proposition de rectification adressée par l'administration en septembre 2013 que des observations formulées par le contribuable en novembre suivant et de la réponse à ces observations communiquées en février 2014) que, dès le mois de décembre 2010 (soit moins de deux mois après le décès de Mme [X]), la société [X] Entreprises a cédé cinq des sept sociétés commerciales qui formaient son groupe de BTP (ses dirigeants s'interdisant pendant une durée de quatre ans d'exercer toute activité dans le domaine des travaux publics et privés, de l'extraction de minéraux et de la fabrication d'enrobés) puis, en mars 2012, une sixième société, ce moyennant un prix global d'environ 14 500 000 euros, de sorte que dix-huit mois après le décès de Mme [J] [X], la société holding ne détenait de participation majoritaire que dans une seule société commerciale, la société 2M Distribution, fortement déficitaire, et dans une société civile immobilière qu'elle contrôlait déjà au jour du décès, la société Ker Nantes, les autres participations, minoritaires, concernant essentiellement des sociétés civiles immobilières dont le caractère professionnel n'est nullement allégué après la cession des actifs immobiliers nécessaires à l'activité des sociétés cédées (6 sociétés sur 9) ; que l'administration a relevé que les six sociétés cédées représentaient, avant la cession, 83 % du chiffre d'affaires global du groupe, que l'effectif de celui-ci était passé de 130 à 20 salariés, qu'enfin, la proportion de l'actif éligible au dispositif Dutreil était passé de 92 % avant la cession à 34 % en 2011 ; qu'elle a également noté que les fonds provenant des cessions n'avaient pas été réinvestis dans une activité économique ; que si Mme [X] soutient que la société [X] Entreprises a non seulement conservé l'une de ses filiales mais également réorienté son activité vers l'immobilier notamment commercial et développé plusieurs projets, le premier juge a relevé, à bon escient, concernant les projets : - que le projet de recyclage et de tri de matériaux de construction n'avait pas progressé depuis 2010, la société ayant seulement conservé par l'intermédiaire d'une filiale (minoritaire) un terrain sur lequel aucune activité industrielle n'avait été développée, - que le projet de participation dans une société de recyclage du bois destiné aux chaufferies collectives était un simple projet financier, au demeurant non concrétisé, - et que le projet de construction d'un circuit automobile n'avait pas reçu le moindre commencement d'exécution, de telle sorte que ces différents projets, non aboutis ni même engagés, ne peuvent être pris en compte ; que devant la cour, la situation est identique, aucune pièce n'étant produite quant à leur réalisation ; que, s'agissant de la réorientation vers l'immobilier commercial, Mme [X] fait état de participations prises dans deux entreprises : - la société [X] Immobilier, marchand de biens, - et la société civile de construction vente [Adresse 3] ; que cependant, force est de constater que les dites participations sont très minoritaires (20 % dans la première société, le surplus soit 80 % étant détenu, pièce n° 17 de l'appelante, par la société [X] Entreprises et 10 % dans la seconde) ; que si la société [X] Entreprises a consenti à la société [X] Immobilier comme à la SCCV des avances en compte courant (respectivement 3 250 000 euros et 1 800 000 euros) grâce à la trésorerie qu'elle détient à la suite des cessions survenues, ces avances (dont les conditions notamment de rémunération ne sont pas précisées), assimilables à celles que tout associé pourrait consentir, ne permettent pas de caractériser les fonctions animatrices nécessaires, lesquelles supposent que la holding puisse définir les orientations stratégiques, ce qui ne peut être le cas lorsque les participations se trouvent aux niveaux ci-dessus précisés (a fortiori lorsque l'autre associé est une holding détenant 80 % des parts), mais uniquement une activité de holding financière exclue du dispositif ; qu'enfin, si la société [X] Entreprises a effectivement conservé le contrôle de l'une de ses filiales, la société 2M Distribution, à laquelle elle a consenti des abandons de créances en compte courant avec clause de retour à meilleure fortune (1 386 720 euros au 31 mars 2015, cf. pièce 14 de l'appelante) et au bénéfice de laquelle (comme de la société [X] Immobilier, cf. avenant n° 3 du 24 juin 2013) elle a effectué certaines prestations courantes dans le cadre de la poursuite de la convention qui avait été signée en 2006 et de l'avenant conclu en 2013, il ne résulte nullement des pièces soumises à la cour par Mme [X] (aucune pièce n'étant à cet égard produite) que ces prestations aient notamment porté sur les orientations stratégiques et la politique commerciale de cette filiale, preuve, dont l'administration lui incombe, qui ne saurait résulter des seuls termes de l'avenant lequel reprend et renvoie à la convention initiale, conclue antérieurement à la cession intervenue en 2010 ; qu'au demeurant et à supposer même que ce soit le cas (ce qui n'est nullement démontré), la cession de la plupart des filiales exerçant une activité économique a modifié la nature de la société [X] Entreprises qui, de holding animatrice, est devenue essentiellement une holding financière gérant les produits des cessions intervenues ; qu'ayant perdu sa fonction d'animatrice d'un groupe de filiales, elle ne satisfait plus aux conditions légales ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le bénéfice de l'avantage fiscal précité et que le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, a rejeté la demande de Mme [E] [X] » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « aux termes des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts : « sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès (...) si les conditions suivantes sont réunies : a) les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés ; (...) ; d) l'un des associés mentionnés au a ou l'un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au c) exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation (L. n° 2007-1822 du 24 déc. 2007, art. 15-I-4° et IV) « pendant la durée de l'engagement prévu au a et, pendant les trois » années qui suivent la date de la transmission, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option ; (...) ; e) la déclaration de succession ou l'acte de donation doit être appuyée d'une attestation de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été remplies jusqu'au jour de la transmission. A compter de la transmission et jusqu'à l'expiration de l'engagement collectif de conservation visé au a, la société doit en outre adresser, dans les trois mois qui suivent le 31 décembre de chaque année, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b sont remplies au 31 décembre de chaque année. (...) » ; que ce dispositif, dénommé dispositif Dutreil, a pour finalité de maintenir l'activité économique en assurant la continuité de l'entreprise et la pérennité de ses dirigeants : tant que l'entreprise est conservée dans le patrimoine familial et que l'un des membres de la famille exerce effectivement des fonctions de direction, le bénéfice de l'exonération est acquis ; que la doctrine fiscale fondée sur l'instruction 7 G-6-01 du 30 juillet 2001 exclut l'activité financière des holdings du champ de l'application du dispositif, ces holdings n'étant pas considérées comme poursuivant effectivement l'animation et la direction de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'administration note que cette absence d'animation des entreprises qui ont fait l'objet de la cession des parts sociales est d'autant plus caractérisée que les conventions de cession mentionnent un engagement de non concurrence (engagement portant précisément sur les activités de travaux publics et privés, fabrication d'enrobés, exploitation de carrière) ; qu'elle souligne par ailleurs que l'existence de prestations de services de la part de la holding ne suppose pas nécessairement une animation lorsque ces prestations ne relèvent que des tâches fonctionnelles ; que le tribunal constate qu'il en est ainsi, y compris pour les prestations consistant à fournir, sous forme de prêts ou d'apports financiers, car s'il est légitime de considérer que ce type de concours présente un caractère commercial par nature en application de l'article L. 110-1 du code de commerce, encore faut-il qu'il s'inscrive dans une activité d'entremise (emprunt sur le marché pour mobiliser des fonds à prêter), la mise à disposition par la société des fonds dont elle dispose ne caractérisant pas cette entremise, alors que ce concours ne donne, en effet, pas aux cédants un autre pouvoir que celui dont disposeraient les actionnaires (ou la banque) ; que la demanderesse ne justifie donc nullement de la poursuite d'une activité commerciale ; que la demanderesse soutient cependant que l'engagement de continuation de l'entreprise [X] Entreprises est bien respecté puisque l'activité même de cette entreprise était déjà d'être une société holding, dont l'activité est poursuivie ; qu'en réalité, le groupe [X] était bien animé par [X] Entreprises (holding), qui assurait la direction de ses filiales, mais ces filiales ont été cédées, de sorte que l'activité concernée n'est pas l'activité d'origine mais seulement une activité financière dont la finalité est de gérer les produits de la cession ; que [X] Entreprises, holding active, est ainsi devenue holding passive ; qu'il ne peut donc être soutenu que l'activité est effectivement poursuivie ; qu'il s'agit d'une activité nouvelle de gestion financière à titre principal et non de l'activité d'origine, industrielle et commerciale, pour laquelle un engagement de conservation a été pris, la notion de conservation supposant qu'il s'agisse sinon de la même activité : location et distribution de matériel et engins pour le bâtiment et les travaux publics, fabrication de béton et distribution, au moins d'une activité similaire pour tenir compte de l'évolution de l'entreprise au marché, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que le dispositif Dutreil serait totalement dénaturé dans son objectif de continuation, si la seule conservation des fonds (sans l'activité) issus de la cession suffisait à justifier l'exonération ; qu'en effet, le simple projet de redéployer une activité de recyclage et de tri de matériaux de construction, qui pouvait s'inscrire dans une perspective industrielle prolongeant l'activité initiale liée à la construction et qui a été évoqué en 2010 est resté au stade du projet sans aucun développement, à l'exception de la conservation d'un terrain de 3 hectares pour lequel [X] Entreprises se comporte en simple bailleur et sans y développer de projet industriel ; que l'autre projet de prise de participation dans une société de recyclage du bois destiné aux chaufferies collectives s'analyse comme un simple projet financier ; que le projet de construction d'un circuit automobile est évoqué seulement, sans qu'aucun élément ne permette de considérer qu'il ait fait l'objet d'une avancée quelconque ; que le tribunal note enfin que ces projets, qui sont évoqués dans les conclusions, ne sont par ailleurs pas justifiés dans les pièces produites aux débats, ce qui démontre leur caractère plutôt chimérique ; qu'à ce stade, [X] Entreprises a pris des participations dans la société [X] Immobilier, société de marchand de biens, puis dans la société Edmond Blanc, société de promotion immobilière, mettant ainsi ses apports financiers dans la poursuite de projets qui s'inscrivent dans sa logique de holding financière ; qu'au total, [X] Entreprises est une holding financière passive qui n'exerce plus sur les sociétés filiales d'origine dont elle devait assurer la conservation des fonctions d'animation et de direction et qui a redéployé une activité nouvelle au moyen des fonds qui lui sont revenus du fait de la cession de ses parts sociales ; qu'alors que la doctrine issue de l'instruction (ancienne) 4 A-14-78 du 27 septembre 1978 considérait que « lorsque la prise de participation répond au désir de diriger et contrôler la société émettrice, l'activité de la société participante n'est pas différente de celle poursuivie par la société dans laquelle elle détient des droits. Les holdings qui exercent une activité de production par le biais de filiales ou de participations dans des entreprises industrielles ont ainsi une activité commerciale », force est de constater que la société [X] Entreprises ne contrôle plus ses anciennes filiales et que son activité est très différente de celles qu'elle exerçait auparavant, ses prises de participations dans de nouvelles sociétés de marchands de biens n'ayant aucune activité industrielle, s'analysant comme de simples modalités de gestion financière des capitaux dont elle dispose du fait de la cession des actifs qu'elle aurait dû conserver ; qu'il s'agit en réalité d'un mécanisme de financiarisation et nullement d'un projet de reconversion industrielle ; que l'absence de distribution de dividendes, qui est invoqué à plusieurs reprises, n'est pas un élément de nature à changer la nature de l'activité, qui reste financière et non d'animation ou de direction de l'activité ; et que si la société [X] Entreprises s'interposait entre les détenteurs de son capital social et les sociétés filiales dont elle était détentrice, la cession de ces filiales sans conservation d'un contrôle ou d'une direction sur celles-ci, a changé la nature même de l'activité de la société mère, qui n'est plus opérationnelle mais passive alors qu'elle devait être conservée dans une perspective fiscale de continuation ; qu'au total, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la demanderesse ne pouvait bénéficier de l'instruction 7G-6-01 du 18 juillet 2001 qui prévoit que « l'activité financière des sociétés holdings les exclut normalement du champ d'application de l'exonération partielle. Toutefois, les dispositions de l'article 787 B du CGI sont applicables aux transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés holding animatrices de leur groupe de sociétés, toutes les autres conditions devant être par ailleurs remplies », puisque la société [X] Entreprises ne peut plus être considérée comme une holding animatrice, ce qu'elle était à la date du décès et qu'elle a cessé d'être du fait des cessions des titres dont elle disposait au moment du décès, cession qui est intervenue le 6 décembre 2010 (deux mois après le décès de Madame [J] [X]) pour ce qui est de ERTP [X] à la société JML Finances au prix de 13 847 030 euros et le même jour pour les ventes d'immeubles d'exploitation (bureaux, ateliers, garages, usine d'enrobées, hangars) pour un total de 6 999 256 euros, puis le 27 mars 2012 pour ce qui est des titres de [X] Béton, étant précisé que lors de la déclaration effectuée en application de l'article 787 B du code général des impôts, la valeur de la SARL [X] était déclarée pour 19 027 925,96 euros » ;
1°) ALORS QUE la condition tenant à ce qu'une société holding anime son groupe de sociétés, à laquelle est subordonné le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation prévue par l'article 787 B du code général des impôts en cas de transmission de ses parts à titre gratuit, ne doit être remplie qu'à la date de cette transmission et non postérieurement ; qu'en considérant que Mme [E] [X] ne pouvait bénéficier de cette exonération partielle, du fait que la société holding [X] Entreprises, dont une partie des parts lui avait été transmise, aurait perdu, postérieurement à cette transmission, la qualité d'animatrice du groupe de sociétés dans lesquelles elle détenait des participations et qui était la sienne à la date de cette transmission, la cour d'appel a violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01 ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être regardée comme l'animatrice de filiales dont elle ne détient que des participations minoritaires, dès lors qu'elle exerce une influence sur la politique de ces sociétés ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises ne pouvait être qualifiée d'animatrice d'un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, dans la mesure où elle ne détenait que des participations de 20 % et 10 % dans deux des sociétés de ce groupe, la société [X] Immobilier et la société civile de construction vente [Adresse 3], sans rechercher si elle n'exerçait pas une influence sur la politique de ces deux filiales à travers les importantes avances de trésorerie en compte courant dont elle avait contrôlé l'affectation et les prestations d'intermédiaire dans la négociation des acquisitions qu'elle leur avait fournies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 787 B du code général des impôts et de l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7G-6-01 ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être regardée comme l'animatrice d'une filiale dès lors qu'elle participe à la conduite de sa politique et à son contrôle, sans nécessairement avoir à lui fournir des prestations de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises n'aurait pas animé un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, en ce que les prestations de service qu'elle avait rendues à la société 2M Distribution n'avaient pas porté sur les orientations stratégiques et la politique commerciale de cette filiale, sans rechercher si la participation majoritaire qu'elle détenait dans cette société et les avances très importantes de trésorerie qu'elle lui avait consenties et dont elle avait contrôlé l'affectation ne permettaient pas, à eux seuls, de la qualifier d'animatrice de cette filiale, la cour d'appel a, une nouvelle fois, privé sa décision de base légale au regard de l'article 787 B du code général des impôts et de l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01 ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être regardée comme ayant une activité de nature commerciale lorsqu'elle rend à ses filiales des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers, sans nécessairement que ces prestations de service aient pour objet la conduite de la politique de ces filiales ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises n'aurait pas animé un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, du fait qu'il n'aurait pas été justifié que les prestations de service qu'elle avait rendues à la filiale commerciale qu'elle continuait à contrôler, la société 2M Distribution, avaient porté sur les orientations stratégiques et la politique commerciale de cette filiale, quand il n'était aucunement requis que ces prestations aient un tel objet, la cour d'appel a, une nouvelle fois, violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7G-6-01 ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être qualifiée d'animatrice de certaines sociétés de son groupe, alors même qu'elle exerce majoritairement, par ailleurs, une activité purement financière de gestion de fonds ou de participations ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises n'aurait pas animé un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, dans la mesure où elle avait cédé « la plupart » de ses filiales exerçant une activité économique et qu'elle était ainsi devenue « essentiellement » une holding financière gérant les produits des cessions ainsi intervenues, ce dont il résultait que la société holding avait conservé, pour une part, une activité économique à travers les filiales qu'elle avait conservées (les sociétés [X] Béton et 2M Distribution) et celles dans lesquelles elle avait pris de nouvelles participations (les sociétés [X] Immobilier et [Adresse 2]) et qu'elle pouvait donc être regardée comme l'animatrice de ces sociétés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 787 B du code général des impôts et de l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01 ;
6°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être l'animatrice d'une seule société et pas nécessairement d'un groupe composé de plusieurs sociétés ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises aurait perdu sa qualité d'animatrice, postérieurement à la transmission de ses parts, du fait qu'elle avait cédé la plupart de ses filiales exerçant une activité économique, quand elle relevait elle-même que la société holding avait conservé le contrôle de plusieurs de ses filiales commerciales, les sociétés [X] Béton et société 2M Distribution, dont elle pouvait ainsi être l'animatrice, la cour d'appel a derechef violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7G-6-01.ECLI:FR:CCASS:2022:CO00334
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2022
Cassation sans renvoi
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 334 F-B
Pourvoi n° Z 19-25.513
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022
Mme [R] [Y], domiciliée chez Dr [S] [K] [H], [Adresse 5] (Mexique), venant aux droits de [E] [X], a formé le pourvoi n° Z 19-25.513 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2019 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 7], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mme [Y], venant aux droits de [E] [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mme [R] [Y] de ce qu'elle reprend l'instance, en qualité d'héritière de [E] [X], décédée le [Date décès 4] 2020.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 octobre 2019), à la suite du décès de [J] [X], survenu le [Date décès 1] 2010, sa fille, [E] [X], a déposé une déclaration de succession dans laquelle elle a revendiqué, s'agissant des parts de la société [X] entreprises, qu'elle a qualifiée de holding animatrice de groupe, le bénéfice de l'exonération partielle des droits de succession à hauteur de 75 % de la valeur de ces parts, prévue à l'article 787 B du code général des impôts, en prenant l'engagement de les conserver pendant une durée de quatre ans à compter de leur transmission.
3. L'administration fiscale, remettant en cause cette exonération partielle au motif que, dès le 3 décembre 2010, la société [X] entreprises avait cédé ses participations dans certaines de ses filiales et que l'activité de la holding était devenue purement financière, a notifié à [E] [X] une proposition de rectification le 30 septembre 2013.
4. Après rejet de sa réclamation contentieuse, [E] [X] a assigné l'administration fiscale en décharge des rappels d'imposition réclamés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de [E] [X] tendant à la décharge des droits de succession et des intérêts de retard mis en recouvrement à son encontre et au remboursement des sommes versées, soit 1 666 488 euros, alors « que la condition tenant à ce qu'une société holding anime son groupe de sociétés, à laquelle est subordonné le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation prévue par l'article 787 B du code général des impôts en cas de transmission de ses parts à titre gratuit, ne doit être remplie qu'à la date de cette transmission et non postérieurement ; qu'en considérant que [E] [X] ne pouvait bénéficier de cette exonération partielle, du fait que la société holding [X] entreprises, dont une partie des parts lui avait été transmise, aurait perdu, postérieurement à cette transmission, la qualité d'animatrice du groupe de sociétés dans lesquelles elle détenait des participations et qui était la sienne à la date de cette transmission, la cour d'appel a violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 :
6. Selon ce texte, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs sont, à condition qu'elles aient fait l'objet d'un engagement collectif de conservation présentant certaines caractéristiques, et d'un engagement individuel de conservation pendant une durée de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif, exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur.
7. Est assimilée à une telle société la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le caractère principal de son activité d'animation de groupe devant être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l'imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total.
8. Pour dire fondée la remise en cause, par l'administration fiscale, de l'exonération partielle de droits de succession à laquelle prétendait [E] [X], l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que la société [X] entreprises était, au jour du décès de [J] [X], une holding animatrice d'un groupe de sociétés dont elle assurait le pilotage, et déduit que les héritiers de [J] [X] pouvaient utilement revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts, énonce cependant que, s'agissant d'une société holding, le bénéfice de l'avantage fiscal accordé par ce texte ne peut se concevoir, au regard de l'objectif fixé par le législateur, et, sauf à vider la loi de sa substance, que si ladite société conserve, pendant la durée exigée, sa fonction d'animation d'un groupe formé de filiales, lesquelles doivent, sauf circonstances indépendantes de leur volonté, comme c'est le cas, par exemple, dans l'hypothèse d'une procédure collective, conserver une activité économique. Il énonce ensuite que rien n'impose que le périmètre de ce groupe demeure immuable et qu'un changement d'activité économique peut être envisagé, sous réserve que la holding conserve, à l'égard de ses nouvelles filiales, son rôle d'animation.
9. Il en déduit que l'administration fiscale est fondée à soutenir que la perte, par la société [X] entreprises, de sa fonction d'animatrice de groupe avant l'expiration du délai légal de conservation des parts rend la transmission de ces parts inéligible à l'exonération partielle, faute de satisfaire aux conditions légales.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. Il résulte des constatations des juges du fond que la société [X] entreprises était, au jour du décès de [J] [X], une société holding animatrice d'un groupe de sociétés, que [E] [X] a conservé les titres de cette société pendant la période de son engagement, soit quatre années, et que les dirigeants, MM. [I] et [P] [X], sont demeurés à la tête de cette société pendant la durée requise de trois ans, de sorte que [E] [X] remplissait les conditions pour bénéficier de l'exonération partielle de droits de succession, prévue à l'article 787 B du code général des impôts, sur la valeur des parts de la société [X] entreprises dont elle a hérité.
14. Il convient, dès lors, d'annuler la décision de rejet de la réclamation de [E] [X] et de prononcer la décharge des rappels de droits d'enregistrement mis en recouvrement.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Annule la décision rejetant la réclamation de [E] [X] ;
Prononce la décharge des rappels de droits d'enregistrement mis en recouvrement ;
Condamne le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, aux dépens, y compris ceux exposés devant les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques et le condamne à payer à Mme [Y], en sa qualité d'héritière de [E] [X], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mme [Y], venant aux droits de sa mère [E] [X], décédée.
Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'AVOIR débouté Mme [E] [X] de ses demandes tendant à la décharge des droits de succession et des intérêts de retard mis en recouvrement à son encontre et au remboursement des sommes versées, soit 1 666 488 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes de l'article 787 B du livre des procédures fiscales (dans sa rédaction applicable au présent litige) : « sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies : a. les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés ; lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement collectif de conservation, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux ou avec d'autres associés conclure dans les six mois qui suivent la transmission l'engagement prévu au premier alinéa. b. l'engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises... l'engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les parts ou actions détenues depuis deux ans au moins par une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité atteignent les seuils prévus au premier alinéa, sous réserve que cette personne ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée son activité professionnelle principale ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque la société est soumise à l'impôt sur les sociétés... c. chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l'engagement dans la déclaration de succession ou l'acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions transmises pendant une durée de quatre ans à compter de la date d'expiration du délai visé au a » ; que la finalité de ce dispositif est de maintenir, notamment au moment du décès, l'activité économique en assurant la continuité de l'entreprise familiale par la pérennité de son actionnariat et de ses dirigeants ; qu'il convient de rappeler que l'administration a admis dans sa doctrine (7 G-6-01 du 30 juillet 2001) que si les titres des holdings étaient en principe exclus du champ d'application de la disposition précitée du fait de leur activité financière, les contribuables étaient cependant fondés à s'en prévaloir dès lors que la société présentait les caractéristiques d'une société holding animatrice d'un groupe de sociétés ; qu'il sera, à cet égard, rappelé qu'une holding est considérée par la jurisprudence comme animatrice d'un groupe dès lors qu'elle participe activement à la conduite et à la gestion de ses filiales notamment en prenant des décisions de politique commerciale ou d'orientation stratégique ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par l'administration fiscale que la société [X] Entreprises était, au jour du décès de Mme [J] [X], une holding animatrice d'un groupe cohérent de sociétés dont elle assurait le nécessaire pilotage exerçant, en l'occurrence, une activité économique dans le secteur des travaux publics, de la voirie et du bâtiment ; que les héritiers de Mme [X] pouvaient donc utilement revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts ; qu'il n'est pas davantage contesté que les déclarants ont conservé les titres de la holding pendant la période de leur engagement (quatre ans) et que, de même, les dirigeants ([I] et [P] [X]) sont demeurés à la tête de cette société pendant la durée requise (trois ans) ; que cependant et s'agissant d'une société holding, le bénéfice de l'avantage fiscal accordé par l'article précité ne peut se concevoir, au regard de l'objectif fixé par le législateur et sauf à vider la loi de sa substance, que si ladite société conserve pendant la durée exigée sa fonction d'animation d'un groupe formé de filiales lesquelles doivent, sauf circonstances indépendantes de leur volonté (procédure collective par exemple), conserver une activité économique ; que rien, en revanche, n'impose que le périmètre de ce groupe demeure immuable, certaines filiales pouvant, pendant cette période et notamment en raison des choix stratégiques opérés par les dirigeants ou des contraintes économiques affectant notamment le secteur d'activité, être cédées et d'autres acquises ; qu'un changement d'activité économique peut de même être envisagé sous réserve que la holding conserve à l'égard de ses (nouvelles) filiales son rôle d'animation ; qu'il ressort des pièces du dossier (et plus particulièrement tant de la proposition de rectification adressée par l'administration en septembre 2013 que des observations formulées par le contribuable en novembre suivant et de la réponse à ces observations communiquées en février 2014) que, dès le mois de décembre 2010 (soit moins de deux mois après le décès de Mme [X]), la société [X] Entreprises a cédé cinq des sept sociétés commerciales qui formaient son groupe de BTP (ses dirigeants s'interdisant pendant une durée de quatre ans d'exercer toute activité dans le domaine des travaux publics et privés, de l'extraction de minéraux et de la fabrication d'enrobés) puis, en mars 2012, une sixième société, ce moyennant un prix global d'environ 14 500 000 euros, de sorte que dix-huit mois après le décès de Mme [J] [X], la société holding ne détenait de participation majoritaire que dans une seule société commerciale, la société 2M Distribution, fortement déficitaire, et dans une société civile immobilière qu'elle contrôlait déjà au jour du décès, la société Ker Nantes, les autres participations, minoritaires, concernant essentiellement des sociétés civiles immobilières dont le caractère professionnel n'est nullement allégué après la cession des actifs immobiliers nécessaires à l'activité des sociétés cédées (6 sociétés sur 9) ; que l'administration a relevé que les six sociétés cédées représentaient, avant la cession, 83 % du chiffre d'affaires global du groupe, que l'effectif de celui-ci était passé de 130 à 20 salariés, qu'enfin, la proportion de l'actif éligible au dispositif Dutreil était passé de 92 % avant la cession à 34 % en 2011 ; qu'elle a également noté que les fonds provenant des cessions n'avaient pas été réinvestis dans une activité économique ; que si Mme [X] soutient que la société [X] Entreprises a non seulement conservé l'une de ses filiales mais également réorienté son activité vers l'immobilier notamment commercial et développé plusieurs projets, le premier juge a relevé, à bon escient, concernant les projets : - que le projet de recyclage et de tri de matériaux de construction n'avait pas progressé depuis 2010, la société ayant seulement conservé par l'intermédiaire d'une filiale (minoritaire) un terrain sur lequel aucune activité industrielle n'avait été développée, - que le projet de participation dans une société de recyclage du bois destiné aux chaufferies collectives était un simple projet financier, au demeurant non concrétisé, - et que le projet de construction d'un circuit automobile n'avait pas reçu le moindre commencement d'exécution, de telle sorte que ces différents projets, non aboutis ni même engagés, ne peuvent être pris en compte ; que devant la cour, la situation est identique, aucune pièce n'étant produite quant à leur réalisation ; que, s'agissant de la réorientation vers l'immobilier commercial, Mme [X] fait état de participations prises dans deux entreprises : - la société [X] Immobilier, marchand de biens, - et la société civile de construction vente [Adresse 3] ; que cependant, force est de constater que les dites participations sont très minoritaires (20 % dans la première société, le surplus soit 80 % étant détenu, pièce n° 17 de l'appelante, par la société [X] Entreprises et 10 % dans la seconde) ; que si la société [X] Entreprises a consenti à la société [X] Immobilier comme à la SCCV des avances en compte courant (respectivement 3 250 000 euros et 1 800 000 euros) grâce à la trésorerie qu'elle détient à la suite des cessions survenues, ces avances (dont les conditions notamment de rémunération ne sont pas précisées), assimilables à celles que tout associé pourrait consentir, ne permettent pas de caractériser les fonctions animatrices nécessaires, lesquelles supposent que la holding puisse définir les orientations stratégiques, ce qui ne peut être le cas lorsque les participations se trouvent aux niveaux ci-dessus précisés (a fortiori lorsque l'autre associé est une holding détenant 80 % des parts), mais uniquement une activité de holding financière exclue du dispositif ; qu'enfin, si la société [X] Entreprises a effectivement conservé le contrôle de l'une de ses filiales, la société 2M Distribution, à laquelle elle a consenti des abandons de créances en compte courant avec clause de retour à meilleure fortune (1 386 720 euros au 31 mars 2015, cf. pièce 14 de l'appelante) et au bénéfice de laquelle (comme de la société [X] Immobilier, cf. avenant n° 3 du 24 juin 2013) elle a effectué certaines prestations courantes dans le cadre de la poursuite de la convention qui avait été signée en 2006 et de l'avenant conclu en 2013, il ne résulte nullement des pièces soumises à la cour par Mme [X] (aucune pièce n'étant à cet égard produite) que ces prestations aient notamment porté sur les orientations stratégiques et la politique commerciale de cette filiale, preuve, dont l'administration lui incombe, qui ne saurait résulter des seuls termes de l'avenant lequel reprend et renvoie à la convention initiale, conclue antérieurement à la cession intervenue en 2010 ; qu'au demeurant et à supposer même que ce soit le cas (ce qui n'est nullement démontré), la cession de la plupart des filiales exerçant une activité économique a modifié la nature de la société [X] Entreprises qui, de holding animatrice, est devenue essentiellement une holding financière gérant les produits des cessions intervenues ; qu'ayant perdu sa fonction d'animatrice d'un groupe de filiales, elle ne satisfait plus aux conditions légales ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le bénéfice de l'avantage fiscal précité et que le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, a rejeté la demande de Mme [E] [X] » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « aux termes des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts : « sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès (...) si les conditions suivantes sont réunies : a) les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés ; (...) ; d) l'un des associés mentionnés au a ou l'un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au c) exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation (L. n° 2007-1822 du 24 déc. 2007, art. 15-I-4° et IV) « pendant la durée de l'engagement prévu au a et, pendant les trois » années qui suivent la date de la transmission, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option ; (...) ; e) la déclaration de succession ou l'acte de donation doit être appuyée d'une attestation de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été remplies jusqu'au jour de la transmission. A compter de la transmission et jusqu'à l'expiration de l'engagement collectif de conservation visé au a, la société doit en outre adresser, dans les trois mois qui suivent le 31 décembre de chaque année, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b sont remplies au 31 décembre de chaque année. (...) » ; que ce dispositif, dénommé dispositif Dutreil, a pour finalité de maintenir l'activité économique en assurant la continuité de l'entreprise et la pérennité de ses dirigeants : tant que l'entreprise est conservée dans le patrimoine familial et que l'un des membres de la famille exerce effectivement des fonctions de direction, le bénéfice de l'exonération est acquis ; que la doctrine fiscale fondée sur l'instruction 7 G-6-01 du 30 juillet 2001 exclut l'activité financière des holdings du champ de l'application du dispositif, ces holdings n'étant pas considérées comme poursuivant effectivement l'animation et la direction de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'administration note que cette absence d'animation des entreprises qui ont fait l'objet de la cession des parts sociales est d'autant plus caractérisée que les conventions de cession mentionnent un engagement de non concurrence (engagement portant précisément sur les activités de travaux publics et privés, fabrication d'enrobés, exploitation de carrière) ; qu'elle souligne par ailleurs que l'existence de prestations de services de la part de la holding ne suppose pas nécessairement une animation lorsque ces prestations ne relèvent que des tâches fonctionnelles ; que le tribunal constate qu'il en est ainsi, y compris pour les prestations consistant à fournir, sous forme de prêts ou d'apports financiers, car s'il est légitime de considérer que ce type de concours présente un caractère commercial par nature en application de l'article L. 110-1 du code de commerce, encore faut-il qu'il s'inscrive dans une activité d'entremise (emprunt sur le marché pour mobiliser des fonds à prêter), la mise à disposition par la société des fonds dont elle dispose ne caractérisant pas cette entremise, alors que ce concours ne donne, en effet, pas aux cédants un autre pouvoir que celui dont disposeraient les actionnaires (ou la banque) ; que la demanderesse ne justifie donc nullement de la poursuite d'une activité commerciale ; que la demanderesse soutient cependant que l'engagement de continuation de l'entreprise [X] Entreprises est bien respecté puisque l'activité même de cette entreprise était déjà d'être une société holding, dont l'activité est poursuivie ; qu'en réalité, le groupe [X] était bien animé par [X] Entreprises (holding), qui assurait la direction de ses filiales, mais ces filiales ont été cédées, de sorte que l'activité concernée n'est pas l'activité d'origine mais seulement une activité financière dont la finalité est de gérer les produits de la cession ; que [X] Entreprises, holding active, est ainsi devenue holding passive ; qu'il ne peut donc être soutenu que l'activité est effectivement poursuivie ; qu'il s'agit d'une activité nouvelle de gestion financière à titre principal et non de l'activité d'origine, industrielle et commerciale, pour laquelle un engagement de conservation a été pris, la notion de conservation supposant qu'il s'agisse sinon de la même activité : location et distribution de matériel et engins pour le bâtiment et les travaux publics, fabrication de béton et distribution, au moins d'une activité similaire pour tenir compte de l'évolution de l'entreprise au marché, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que le dispositif Dutreil serait totalement dénaturé dans son objectif de continuation, si la seule conservation des fonds (sans l'activité) issus de la cession suffisait à justifier l'exonération ; qu'en effet, le simple projet de redéployer une activité de recyclage et de tri de matériaux de construction, qui pouvait s'inscrire dans une perspective industrielle prolongeant l'activité initiale liée à la construction et qui a été évoqué en 2010 est resté au stade du projet sans aucun développement, à l'exception de la conservation d'un terrain de 3 hectares pour lequel [X] Entreprises se comporte en simple bailleur et sans y développer de projet industriel ; que l'autre projet de prise de participation dans une société de recyclage du bois destiné aux chaufferies collectives s'analyse comme un simple projet financier ; que le projet de construction d'un circuit automobile est évoqué seulement, sans qu'aucun élément ne permette de considérer qu'il ait fait l'objet d'une avancée quelconque ; que le tribunal note enfin que ces projets, qui sont évoqués dans les conclusions, ne sont par ailleurs pas justifiés dans les pièces produites aux débats, ce qui démontre leur caractère plutôt chimérique ; qu'à ce stade, [X] Entreprises a pris des participations dans la société [X] Immobilier, société de marchand de biens, puis dans la société Edmond Blanc, société de promotion immobilière, mettant ainsi ses apports financiers dans la poursuite de projets qui s'inscrivent dans sa logique de holding financière ; qu'au total, [X] Entreprises est une holding financière passive qui n'exerce plus sur les sociétés filiales d'origine dont elle devait assurer la conservation des fonctions d'animation et de direction et qui a redéployé une activité nouvelle au moyen des fonds qui lui sont revenus du fait de la cession de ses parts sociales ; qu'alors que la doctrine issue de l'instruction (ancienne) 4 A-14-78 du 27 septembre 1978 considérait que « lorsque la prise de participation répond au désir de diriger et contrôler la société émettrice, l'activité de la société participante n'est pas différente de celle poursuivie par la société dans laquelle elle détient des droits. Les holdings qui exercent une activité de production par le biais de filiales ou de participations dans des entreprises industrielles ont ainsi une activité commerciale », force est de constater que la société [X] Entreprises ne contrôle plus ses anciennes filiales et que son activité est très différente de celles qu'elle exerçait auparavant, ses prises de participations dans de nouvelles sociétés de marchands de biens n'ayant aucune activité industrielle, s'analysant comme de simples modalités de gestion financière des capitaux dont elle dispose du fait de la cession des actifs qu'elle aurait dû conserver ; qu'il s'agit en réalité d'un mécanisme de financiarisation et nullement d'un projet de reconversion industrielle ; que l'absence de distribution de dividendes, qui est invoqué à plusieurs reprises, n'est pas un élément de nature à changer la nature de l'activité, qui reste financière et non d'animation ou de direction de l'activité ; et que si la société [X] Entreprises s'interposait entre les détenteurs de son capital social et les sociétés filiales dont elle était détentrice, la cession de ces filiales sans conservation d'un contrôle ou d'une direction sur celles-ci, a changé la nature même de l'activité de la société mère, qui n'est plus opérationnelle mais passive alors qu'elle devait être conservée dans une perspective fiscale de continuation ; qu'au total, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la demanderesse ne pouvait bénéficier de l'instruction 7G-6-01 du 18 juillet 2001 qui prévoit que « l'activité financière des sociétés holdings les exclut normalement du champ d'application de l'exonération partielle. Toutefois, les dispositions de l'article 787 B du CGI sont applicables aux transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés holding animatrices de leur groupe de sociétés, toutes les autres conditions devant être par ailleurs remplies », puisque la société [X] Entreprises ne peut plus être considérée comme une holding animatrice, ce qu'elle était à la date du décès et qu'elle a cessé d'être du fait des cessions des titres dont elle disposait au moment du décès, cession qui est intervenue le 6 décembre 2010 (deux mois après le décès de Madame [J] [X]) pour ce qui est de ERTP [X] à la société JML Finances au prix de 13 847 030 euros et le même jour pour les ventes d'immeubles d'exploitation (bureaux, ateliers, garages, usine d'enrobées, hangars) pour un total de 6 999 256 euros, puis le 27 mars 2012 pour ce qui est des titres de [X] Béton, étant précisé que lors de la déclaration effectuée en application de l'article 787 B du code général des impôts, la valeur de la SARL [X] était déclarée pour 19 027 925,96 euros » ;
1°) ALORS QUE la condition tenant à ce qu'une société holding anime son groupe de sociétés, à laquelle est subordonné le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation prévue par l'article 787 B du code général des impôts en cas de transmission de ses parts à titre gratuit, ne doit être remplie qu'à la date de cette transmission et non postérieurement ; qu'en considérant que Mme [E] [X] ne pouvait bénéficier de cette exonération partielle, du fait que la société holding [X] Entreprises, dont une partie des parts lui avait été transmise, aurait perdu, postérieurement à cette transmission, la qualité d'animatrice du groupe de sociétés dans lesquelles elle détenait des participations et qui était la sienne à la date de cette transmission, la cour d'appel a violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01 ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être regardée comme l'animatrice de filiales dont elle ne détient que des participations minoritaires, dès lors qu'elle exerce une influence sur la politique de ces sociétés ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises ne pouvait être qualifiée d'animatrice d'un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, dans la mesure où elle ne détenait que des participations de 20 % et 10 % dans deux des sociétés de ce groupe, la société [X] Immobilier et la société civile de construction vente [Adresse 3], sans rechercher si elle n'exerçait pas une influence sur la politique de ces deux filiales à travers les importantes avances de trésorerie en compte courant dont elle avait contrôlé l'affectation et les prestations d'intermédiaire dans la négociation des acquisitions qu'elle leur avait fournies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 787 B du code général des impôts et de l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7G-6-01 ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être regardée comme l'animatrice d'une filiale dès lors qu'elle participe à la conduite de sa politique et à son contrôle, sans nécessairement avoir à lui fournir des prestations de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises n'aurait pas animé un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, en ce que les prestations de service qu'elle avait rendues à la société 2M Distribution n'avaient pas porté sur les orientations stratégiques et la politique commerciale de cette filiale, sans rechercher si la participation majoritaire qu'elle détenait dans cette société et les avances très importantes de trésorerie qu'elle lui avait consenties et dont elle avait contrôlé l'affectation ne permettaient pas, à eux seuls, de la qualifier d'animatrice de cette filiale, la cour d'appel a, une nouvelle fois, privé sa décision de base légale au regard de l'article 787 B du code général des impôts et de l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01 ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être regardée comme ayant une activité de nature commerciale lorsqu'elle rend à ses filiales des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers, sans nécessairement que ces prestations de service aient pour objet la conduite de la politique de ces filiales ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises n'aurait pas animé un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, du fait qu'il n'aurait pas été justifié que les prestations de service qu'elle avait rendues à la filiale commerciale qu'elle continuait à contrôler, la société 2M Distribution, avaient porté sur les orientations stratégiques et la politique commerciale de cette filiale, quand il n'était aucunement requis que ces prestations aient un tel objet, la cour d'appel a, une nouvelle fois, violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7G-6-01 ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être qualifiée d'animatrice de certaines sociétés de son groupe, alors même qu'elle exerce majoritairement, par ailleurs, une activité purement financière de gestion de fonds ou de participations ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises n'aurait pas animé un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, dans la mesure où elle avait cédé « la plupart » de ses filiales exerçant une activité économique et qu'elle était ainsi devenue « essentiellement » une holding financière gérant les produits des cessions ainsi intervenues, ce dont il résultait que la société holding avait conservé, pour une part, une activité économique à travers les filiales qu'elle avait conservées (les sociétés [X] Béton et 2M Distribution) et celles dans lesquelles elle avait pris de nouvelles participations (les sociétés [X] Immobilier et [Adresse 2]) et qu'elle pouvait donc être regardée comme l'animatrice de ces sociétés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 787 B du code général des impôts et de l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01 ;
6°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être l'animatrice d'une seule société et pas nécessairement d'un groupe composé de plusieurs sociétés ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises aurait perdu sa qualité d'animatrice, postérieurement à la transmission de ses parts, du fait qu'elle avait cédé la plupart de ses filiales exerçant une activité économique, quand elle relevait elle-même que la société holding avait conservé le contrôle de plusieurs de ses filiales commerciales, les sociétés [X] Béton et société 2M Distribution, dont elle pouvait ainsi être l'animatrice, la cour d'appel a derechef violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7G-6-01.