Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mai 2022, 20-14.783 20-14.842, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mai 2022




Cassation


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 574 F-D


Pourvois n°
H 20-14.783
W 20-14.842 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022


1°/ M. [M] [W], domicilié [Adresse 1],

2°/ M. [B] [D], domicilié [Adresse 2],

ont formé respectivement les pourvois n° H 20-14.783 et W 20-14.842 contre deux arrêts rendus le 30 janvier 2020 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans les litiges les opposant à la société Eza sécurité, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de chacun de leur pourvoi, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [W] et [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Eza sécurité, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 20-14.783 et W 20-14.842 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Dijon, 30 janvier 2020), MM. [W] et [D], salariés de la société Eza sécurité en qualité d'agents de sécurité, ont été licenciés le 31 mars 2016, pour avoir, entre autres motifs, manqué de loyauté en délivrant une attestation de moralité en faveur d'un mineur, ayant relevé appel d'une condamnation pour des faits de violence commis sur un de leurs collègues, et ce quelques jours avant l'audience d'appel.

3. Ils ont saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à l'annulation de leur licenciement et de celles en résultant, alors « qu'en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison de la délivrance par le salarié d'une attestation au bénéfice d'un justiciable est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur laquelle ne peut résulter que de sa connaissance de la fausseté des faits relatés dans cette attestation ; qu'il résulte des énonciations des arrêts que la lettre de licenciement adressée aux salariés leur reprochait un acte de déloyauté envers leur employeur et leur collègue consistant dans la délivrance d'une attestation au bénéfice d'un justiciable poursuivi pour des actes de violence à l'encontre dudit collègue ; que la cour d'appel a constaté que par cette attestation, les exposants avait certifié « n'avoir jamais eu de problème avec Monsieur [S] [V] dans le cadre professionnel lors de ses passages à la Cité Judiciaire de Dijon », qu'ils avaient été en mesure d'identifier M. [S] et de constater qu'ils n'avaient jamais eu avec lui de difficultés pendant l'exercice de leur mission d'agent de sécurité et que rien ne démontre que M. [S] aurait commis des infractions ou causé de trouble en leur présence ; qu'il résulte de ces énonciations que la véracité du contenu des attestations délivrées ne pouvait être remise en cause ; qu'en refusant néanmoins de dire nul le licenciement motivé par la délivrance d'une attestation en justice, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient et a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. En raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d'une instance judiciaire, est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur.

6. Pour dire bien fondé le licenciement, l'arrêt retient que les attestations de moralité produites dans le cadre du procès pénal, ont été établies environ 3 semaines après la notification d'une mise en garde qui leur avait été adressée à chacun et que la rédaction de l'attestation est manifestement le résultat d'une initiative conjointe et concertée des deux salariés. Il relève également que leur collègue, victime, a indiqué qu'il avait fait l'objet de la part de M. [W] d'une diffusion contre lui d'informations erronées en 2008, et que les deux salariés avaient en 2013, cherché à lui faire perdre son emploi lui reprochant d'être « arabe », et enfin qu'ils lui avaient demandé d'agir avec eux pour faire perdre le marché de gardiennage à leur employeur dont le responsable ne leur plaisait pas en raison de son origine « camerounaise ». Il considère enfin que les témoignages ne pouvaient avoir aucun intérêt pour la manifestation de la vérité et énonce que l'ensemble de ces circonstances démontrent que loin de vouloir apporter de bonne foi leur concours à la justice, les salariés avaient seulement cherché, en témoignant, à déstabiliser, sans aucun fondement, d'une part la défense de leur collègue auxquels ils étaient hostiles et d'autre part, la défense de leur employeur qui venait de les mettre en garde dans des termes évocateurs d'une rupture de confiance. Il conclut enfin que par leur attitude empreinte de mauvaise foi, les salariés avaient fait un usage abusif de leur liberté de témoigner en justice, et que le grief de déloyauté n'était donc pas constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale.

7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance par les salariés de la fausseté des faits relatés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus, le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Eza sécurité aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eza sécurité et la condamne à payer à MM. [W] et [D] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [W], demandeur au pourvoi n° H 20-14.783


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à l'annulation de son licenciement, à sa réintégration sous astreinte, au paiement d'une somme de 27 109,08 euros outre 1 506,06 euros par mois à compter d'octobre 2017 jusqu'à sa réintégration effective et, subsidiairement, au paiement d'une indemnité de 30 000 euros pour licenciement nul

AUX MOTIFS QUE l'attestation visée dans la lettre de licenciement est ainsi rédigée : « Je soussigné, Monsieur [W] [M], déclare en date du lundi 14 janvier 2016, n'avoir jamais eu de problème avec Monsieur [S] [V] dans le cadre professionnel lors de ses passages à la Cité Judiciaire de Dijon (21) » ; que cette attestation a été communiquée devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel de Dijon à l'occasion de poursuites pénales contre Monsieur [V] [S], poursuivi pour les faits suivants commis le 13 janvier 2015 à la Cité judiciaire de Dijon : menace de mort réitérée envers [O] [F], violences volontaires sur la personne de [L] [N], vigile chargé d'une mission de service public et également employé par la société Eza Sécurité ; qu'à cette occasion, Monsieur [N] et cette société se sont portés parties civiles ; que l'arrêt rendu le 16 septembre 2016 relate que Monsieur [F], présent pour une autre affaire, était venu se plaindre à Monsieur [N] d'insultes proférées contre lui par des jeunes, que Monsieur [N] est intervenu pour mettre fin à ces insultes ; que pour sa défense, le mineur [S] a nié avoir commis des violences et a prétendu que Monsieur [N] l'avait lui-même frappé au front ; que pour estimer le délit de violences constitué, la chambre spéciale des mineurs a retenu que les déclarations de Monsieur [N] étaient étayées par des constatations médicales tandis que les témoignages recueillis auprès de proches du prévenu étaient contradictoires et ne présentaient pas une fiabilité suffisante ; qu'en revanche, elle a considéré que les menaces n'avaient pas eu un caractère réitéré ; qu'en conséquence, elle a condamné le prévenu, du seul chef de violences, à une peine d'emprisonnement avec sursis probatoire comportant notamment interdiction d'entrer en contact avec la victime ; que sur le plan civil, il a été condamné à payer à Monsieur [N] une indemnité de 800 euros et a débouté la société EZA en considérant que le préjudice moral invoqué par elle était inexistant ; que selon l'attestation de Monsieur [N], Monsieur [W] a fait la connaissance du mineur [S] à l'occasion d'une visite faite par ce dernier à la Cité judiciaire en compagnie de son avocat ; que le salarié [J] [A] a confirmé que Monsieur [W] et Monsieur [D] avaient été sollicités par cet avocat de témoigner en faveur de Monsieur [S] ; que Monsieur [W] a donc été en mesure d'identifier Monsieur [S] et de constater qu'il n'avait jamais eu avec lui de difficultés pendant l'exercice de sa mission d'agent de sécurité ; que rien ne démontre que Monsieur [S] aurait commis des infractions ou causé du trouble en présence de Monsieur [W] ; que cependant, il convient de relever que l'attestation a été établie environ trois semaines après la notification de la mise en garde précitée du 21 décembre 2015 par laquelle, après avoir constaté que Monsieur [W] avait manqué de vigilance au sujet de la présence, dans l'enceinte de la Cour d'appel de Dijon, d'un véhicule non identifié, il lui avait indiqué qu'il ne tolérerait plus aucun manquement ; que l'établissement de l'attestation a manifestement été le résultat d'une initiative conjointe et concertée des deux salariés [D] et [B], mis en garde le même jour et pour les mêmes faits par l'employeur ; que selon Monsieur [N], Monsieur [W] avait diffusé contre lui, dès 2008, des informations erronées, puis, en 2013, après le transfert des contrats de travail à la société EZA, avait cherché à lui faire perdre son emploi, lui reprochant d'être « arabe », et lui avait demandé d'agir avec lui et le salarié [D] pour faire perdre le marché de gardiennage à la société Eza, dont le responsable ne leur plaisait pas en raison de son origine camerounaise ; que le témoignage de Monsieur [W] ne pouvait avoir aucun intérêt pour la manifestation de la vérité alors que Monsieur [S] n'était poursuivi que pour des faits survenus le 13 janvier 2015 à un moment où, selon le salarié [J] [A] déjà cité, Monsieur [W] n'était pas présent à la Cité judiciaire ; qu'ayant été sollicité par l'avocat de Monsieur [S], Monsieur [W] avait nécessairement eu connaissance par lui des limites des poursuites et savait qu'elles ne concernaient pas d'autres faits commis à des dates différentes ; que l'ensemble de ces circonstances démontrent que loin de vouloir apporter de bonne foi son concours à la justice, Monsieur [W] a seulement cherché, en témoignant, à déstabiliser sans aucun fondement, d'une part, la défense de son collègue [N] auquel il était hostile, d'autre part, la défense de son employeur qui venait de le mettre en garde dans des termes évocateurs d'une rupture de confiance ; que ce faisant, par cette attitude empreinte de mauvaise foi qui ne relève que de rétorsions fautives, il a fait un usage abusif de sa liberté de témoigner en justice ; que le grief de déloyauté n'est donc pas constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale ;

ALORS QU'en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison de la délivrance par le salarié d'une attestation au bénéfice d'un justiciable est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur laquelle ne peut résulter que de sa connaissance de la fausseté des faits relatés dans cette attestation ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la lettre de licenciement adressée au salarié lui reprochait un acte de déloyauté envers son employeur et son collègue consistant dans la délivrance d'une attestation au bénéfice d'un justiciable poursuivi pour des actes de violence à l'encontre dudit collègue ; que la cour d'appel a constaté que par cette attestation, l'exposant avait certifié « n'avoir jamais eu de problème avec Monsieur [S] [V] dans le cadre professionnel lors de ses passages à la Cité Judiciaire de Dijon », qu'il avait été en mesure d'identifier Monsieur [S] et de constater qu'il n'avait jamais eu avec lui de difficultés pendant l'exercice de sa mission d'agent de sécurité et que rien ne démontre que Monsieur [S] aurait commis des infractions ou causé de trouble en sa présence ; qu'il résulte de ces énonciations que la véracité du contenu de l'attestation délivrée ne pouvait être remise en cause ; qu'en refusant néanmoins de dire nul le licenciement motivé par la délivrance d'une attestation en justice, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient et a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [D], demandeur au pourvoi n° W 20-14.842


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à l'annulation de son licenciement et au paiement d'une indemnité de 30 000 euros pour licenciement nul

AUX MOTIFS propres QUE l'attestation visée dans la lettre de licenciement est ainsi rédigée : « Je soussigné, [D] [B], déclare en date du lundi 14 janvier 2016, n'avoir jamais eu le moindre problème avec [V] [S], aussi bien professionnelle qu'extérieurs, car lui et sa famille demeurent dans le même quartier que moi dans le quartier des [Localité 5] dans la commune de [Localité 4] et il m'arrive des fois de le croiser ; bien que connaissant ma profession, je n'ai jamais eu la moindre violence, injure, menace, etc... à mon encontre » ; que cette attestation a été communiquée devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel de Dijon à l'occasion de poursuites pénales contre Monsieur [V] [S], poursuivi pour les faits suivants commis le 13 janvier 2015 à la Cité judiciaire de Dijon : menace de mort réitérée envers [O] [F], violences volontaires sur la personne de [L] [N], vigile chargé d'une mission de service public et également employé par la société Eza Sécurité ; qu'à cette occasion, Monsieur [N] et cette société se sont portés parties civiles ; que l'arrêt rendu le 16 septembre 2016 relate que Monsieur [F], présent pour une autre affaire, était venu se plaindre à Monsieur [N] d'insultes proférées contre lui par des jeunes, que Monsieur [N] est intervenu pour mettre fin à ces insultes ; que pour sa défense, le mineur [S] a nié avoir commis des violences et a prétendu que Monsieur [N] l'avait lui-même frappé au front ; que pour estimer le délit de violences constitué, la chambre spéciale des mineurs a retenu que les déclarations de Monsieur [N] étaient étayées par des constatations médicales tandis que les témoignages recueillis auprès de proches du prévenu étaient contradictoires et ne présentaient pas une fiabilité suffisante ; qu'en revanche, elle a considéré que les menaces n'avaient pas eu un caractère réitéré ; qu'en conséquence, elle a condamné le prévenu, du seul chef de violences, à une peine d'emprisonnement avec sursis probatoire comportant notamment interdiction d'entrer en contact avec la victime ; que sur le plan civil, il a été condamné à payer à Monsieur [N] une indemnité de 800 euros et a débouté la société EZA en considérant que le préjudice moral invoqué par elle était inexistant ; que le salarié [J] [A] a attesté que Monsieur [W] et Monsieur [D] avaient été sollicités à l'occasion d'une visite faite par le mineur [S] à la Cité judiciaire par l'avocat de ce dernier afin qu'ils témoignent en sa faveur ; que Monsieur [D] était en mesure d'identifier Monsieur [S] et de constater qu'il n'avait jamais eu avec lui de difficultés pendant ou à l'occasion de l'exercice de sa mission d'agent de sécurité ; que rien ne démontre que Monsieur [S] aurait commis des infractions ou causé du trouble en présence de Monsieur [D] ; que cependant, il convient de relever que l'attestation a été établie environ trois semaines après la notification de la mise en garde précitée du 21 décembre 2015 par laquelle, après avoir constaté que Monsieur [D] avait manqué de vigilance au sujet de la présence, dans l'enceinte de la Cour d'appel de Dijon, d'un véhicule non identifié, il lui avait indiqué qu'il ne tolérerait plus aucun manquement ; que l'établissement de l'attestation a manifestement été le résultat d'une initiative conjointe et concertée des deux salariés [D] et [W], mis en garde le même jour et pour les mêmes faits par l'employeur ; que selon Monsieur [N], Monsieur [D] avait en 2013, après le transfert des contrats de travail à la société EZA, avait cherché à lui faire perdre son emploi, lui reprochant d'être « arabe », et lui avait demandé d'agir avec lui et le salarié [D] pour faire perdre le marché de gardiennage à la société Eza, dont le responsable ne leur plaisait pas en raison de son origine camerounaise ; que le témoignage de Monsieur [D] ne pouvait avoir aucun intérêt pour la manifestation de la vérité alors que Monsieur [S] n'était poursuivi que pour des faits survenus le 13 janvier 2015 à un moment où, selon le salarié [J] [A] déjà cité, Monsieur [D] n'était pas présent à la Cité judiciaire ; qu'ayant été sollicité par l'avocat de Monsieur [S], Monsieur [D] avait nécessairement eu connaissance par lui des limites des poursuites et savait qu'elles ne concernaient pas d'autres faits commis à des dates différentes ; que l'ensemble de ces circonstances démontrent que loin de vouloir apporter de bonne foi son concours à la justice, Monsieur [D] a seulement cherché, en témoignant, à déstabiliser sans aucun fondement, d'une part, la défense de son collègue [N] auquel il était hostile, d'autre part, la défense de son employeur qui venait de le mettre en garde dans des termes évocateurs d'une rupture de confiance ; que ce faisant, par cette attitude empreinte de mauvaise foi qui ne relève que de rétorsions fautives, il a fait un usage abusif de sa liberté de témoigner en justice ; que le grief de déloyauté n'est donc pas constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale ;

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QU'au regard de la chronologie des faits, l'attestation litigieuse a été établie après que le salarié a été mis en garde pour un défaut de surveillance dans l'exercice de ses fonctions ; que la postériorité de l'attestation par rapport aux manquements professionnels ne permet pas de présumer du simple exercice d'une liberté fondamentale ; que dans ce contexte le moyen soulevé par l'employeur vient sanctionner l'abus de droit et non l'exercice d'une liberté fondamentale.

ALORS QU'en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison de la délivrance par le salarié d'une attestation au bénéfice d'un justiciable est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur laquelle ne peut résulter que de sa connaissance de la fausseté des faits relatés dans cette attestation ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la lettre de licenciement adressée au salarié lui reprochait un acte de déloyauté envers son employeur et son collègue consistant dans la délivrance d'une attestation au bénéfice d'un justiciable poursuivi pour des actes de violence à l'encontre dudit collègue ; que la cour d'appel a constaté que par cette attestation, l'exposant avait certifié « n'avoir jamais eu le moindre problème avec [V] [S], aussi bien professionnelle qu'extérieurs », qu'il avait été en mesure d'identifier Monsieur [S] et de constater qu'il n'avait jamais eu avec lui de difficultés pendant ou à l'occasion de l'exercice de sa mission d'agent de sécurité et que rien ne démontre que Monsieur [S] aurait commis des infractions ou causé de trouble en sa présence ; qu'il résulte de ces énonciations que la véracité du contenu de l'attestation délivrée ne pouvait être remise en cause ; qu'en refusant néanmoins de dire nul le licenciement motivé par la délivrance d'une attestation en justice, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient et a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00574
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