Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 mai 2022, 21-14.490, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 654 FP-B+R

Pourvoi n° J 21-14.490




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MAI 2022

La société Pleyel centre de santé mutualiste, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 21-14.490 contre l'arrêt (n° RG : 19/08721) rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [M] [E], domiciliée [Adresse 8],

2°/ à Pôle emploi de Paris 7, 8 et 9e arrondissements, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Parties intervenant volontairement :

1°/ le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), dont le siège est [Adresse 7],

2°/ la Confédération française démocratique du travail (CFDT), dont le siège est [Adresse 6],

3°/ le Syndicat des avocats de France (SAF), dont le siège est [Adresse 5],

4°/ la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), dont le siège est [Adresse 1],

5°/ le syndicat d'Avocats d'entreprise en droit social (Avosial), dont le siège est [Adresse 2].

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, et de Mme Prache, conseiller référendaire, assistés de Mme Safatian, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Pleyel centre de santé mutualiste, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [E] et de la CFDT, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du MEDEF, de la SCP Zribi et Texier, avocat du Syndicat des avocats de France (SAF), de Me Haas, avocat de la CGT-FO, de Me Ridoux, avocat du syndicat Avosial, les plaidoiries de Me Pinatel pour la société Pleyel centre de santé mutualiste, de Me Grévy pour Mme [E] et la CFDT, de Me Grévy substituant Me Haas pour la CGT-FO, de Me Rebeyrol pour le MEDEF, de Me Zribi pour le SAF et celles de Me Ridoux pour le syndicat Avosial, et l'avis de Mme Berriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mars 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Barincou, conseiller corapporteur, Mme Prache, conseiller référendaire corapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Mariette, MM. Rinuy, Pion, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Monge, Ott, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Valéry, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Examen d'office de la recevabilité des interventions volontaires, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code du procédure civile

1. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

2. Le Syndicat des avocats de France (SAF) et le syndicat d'Avocats d'entreprise en droit social (Avosial) ne justifiant pas d'un tel intérêt dans le présent litige, leurs interventions volontaires ne sont pas recevables.

3. Il est donné acte à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), au Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et à la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) de leur intervention volontaire.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2021), Mme [E] a été engagée en qualité de coordinatrice, à compter du 2 septembre 2013, par la société Pleyel centre de santé mutualiste. En dernier lieu, elle percevait un salaire moyen de 4 403,75 euros bruts.

5. Par lettre du 12 septembre 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique. Elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 4 octobre 2017 puis, par lettre du 6 octobre 2017, son employeur lui a notifié la rupture de son contrat de travail pour motif économique à compter du 13 octobre 2017.

6. Contestant cette rupture, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1° / que la loi, qui est l'expression de la volonté générale, est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; que la cour d'appel, qui a écarté l'application du barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail au motif que celui-ci, déclaré conforme à l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT par deux avis de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 17 juillet 2019, ne le serait pas en l'occurrence, en raison des circonstances particulières de l'espèce et qu'il serait dès lors possible de l'écarter dans le cas particulier de la salariée, a violé les principes constitutionnels de sécurité juridique et d'égalité des citoyens devant la loi, ensemble les articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 10 de la Convention n° 158 de l'OIT et L. 1235-3 du code du travail.

2°/ qu'en n'appliquant pas le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail quand la salariée n'entrait dans aucune des exceptions prévues par ce texte qui permettaient de ne pas en faire application, la cour d'appel, qui a refusé d'appliquer la loi, a méconnu son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur :

9. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

10. En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

11. Aux termes de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (l'OIT), si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

12. Les stipulations de cet article 10 qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne (voir également : Assemblée plénière, avis de la Cour de cassation, 17 juillet 2019, n° 19-70.010 et n° 19-70.011). En effet, la Convention n° 158 de l'OIT précise dans son article 1er : « Pour autant que l'application de la présente convention n'est pas assurée par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, elle devra l'être par voie de législation nationale. »

13. Selon la décision du Conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail, ayant adopté en 1997 le rapport du Comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l'inexécution par le Venezuela de la Convention n° 158, le terme « adéquat » visé à l'article 10 de la Convention signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

14. A cet égard, il convient de relever qu'aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 de ce code n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

15. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la qualification de liberté fondamentale est reconnue à la liberté syndicale, en vertu de l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (Soc., 2 juin 2010, pourvoi n° 08-43.277 ; Soc., 9 juillet 2014, pourvois n° 13-16.434, 13-16.805, Bull. 2014, V, n° 186), au droit de grève protégé par l'alinéa 7 du même Préambule (Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-20.527, Bull. 2015, V, n° 236), au droit à la protection de la santé visé par l'alinéa 11 du même Préambule (Soc., 11 juillet 2012, pourvoi n° 10-15.905, Bull. 2012, V, n° 218 ; Soc., 29 mai 2013, pourvoi n° 11-28.734, Bull. 2013, V, n° 136), au principe d'égalité des droits entre l'homme et la femme institué à l'alinéa 3 du même Préambule (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-21.862, publié), au droit à un recours juridictionnel en vertu de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-11.122, publié), à la liberté d'expression, protégée par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-10.557, Bull. 2016, V, n° 140 ; Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-10.057, publié).

16. En application de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une discrimination en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

17. Les protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13 du code du travail concernent la protection de la grossesse et de la maternité, la prise d'un congé d'adoption, d'un congé de paternité, d'un congé parental, d'un congé pour maladie d'un enfant et la protection des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

18. Par ailleurs, selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

19. Il en résulte, d'une part, que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

20. Il en résulte, d'autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.

21. Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

22. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

23. Pour condamner l'employeur au paiement d'une somme supérieure au montant maximal prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail, l'arrêt constate, d'une part, que ce texte prévoit, pour une ancienneté inférieure à 4 ans, une indemnité de licenciement injustifié comprise entre 13 211 et 17 615 euros, et, d'autre part, que la salariée justifie, en raison de sa qualité de demandeur d'emploi jusqu'en août 2019 et déduction faite des revenus perçus de Pôle emploi, d'une perte supérieure à 32 000 euros. L'arrêt retient que ce montant représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières de la salariée et ne permet donc pas, compte tenu de la situation concrète et particulière de la salariée, âgée de 53 ans à la date de la rupture, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

24. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait seulement d'apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DECLARE IRRECEVABLES les interventions volontaires du Syndicat des avocats de France (SAF) et du syndicat d'Avocats d'entreprise en droit social (Avosial) ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Pleyel centre de santé mutualiste à payer à Mme [E] la somme de 32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 16 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Pleyel centre de santé mutualiste

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La Mutuelle Pleyel Centre de Santé Mutualiste fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [M] [E] les sommes de 32 000 € à titre d'indemnité sans cause réelle et sérieuse et 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR ordonné le remboursement par la Mutuelle Pleyel Centre de Santé Mutualiste à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à Mme [M] [E] dans la limite de six mois d'indemnités ;

1°) ALORS QUE la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que selon l'article L. 1233-3 du code du travail, le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est celui formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ; que dans ses conclusions d'appel (cf. p. 4), la Mutuelle Pleyel Centre de Santé Mutualiste (société Pleyel) soutenait qu'elle ne formait pas un groupe avec la Mutuelle Intergroupes Poliet et Ciments Français (MIPCF) dès lors qu'il n'existait aucun lien capitalistique entre elles au sens des dispositions précitées du code de commerce ; que la cour d'appel, qui a affirmé que la Mutuelle Pleyel Centre de Santé Mutualiste formait un groupe avec la Mutuelle Intergroupes Poliet et Ciments Français (MIPCF) sans constater qu'il existait entre les deux entités un lien conforme aux prévisions des articles L. 233-1, L. 233-3 I et II et L. 233-16 du code de commerce, a privé sa décision de base légale au regard de ces articles, ensemble l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en cas de groupe, l'appréciation des difficultés économiques s'effectue au niveau secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ; que la cour d'appel, qui n'a pas exposé en quoi un groupe existait, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que l'appréciation des difficultés économiques avait eu lieu au niveau du secteur d'activité et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3°) ALORS QUE pour l'application de l'obligation de reclassement, le périmètre du groupe à prendre en considération est le même que celui dans lequel s'apprécient les difficultés économiques, limité aux entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent d'assurer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en reprochant à la Mutuelle Pleyel Centre de Santé Mutualiste de ne pas avoir recherché de reclassement au sein de la MIPCF sans avoir vérifié, ainsi que cela lui avait été demandé, si cette dernière formait avec elle un groupe dans les conditions prévues aux articles L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)

La Mutuelle Pleyel fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [M] [E] les sommes de 32 000 € à titre d'indemnité sans cause réelle et sérieuse

1°) ALORS QUE la loi, qui est l'expression de la volonté générale, est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; que la cour d'appel, qui a écarté l'application du barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail au motif que celui-ci, déclaré conforme à l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT par deux avis de l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation en date du 17 juillet 2019, ne le serait pas en l'occurrence, en raison des circonstances particulières de l'espèce et qu'il serait dès lors possible de l'écarter dans le cas particulier de Mme [E], a violé les principes constitutionnels de sécurité juridique et d'égalité des citoyens devant la loi, ensemble les articles 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 10 de la Convention n° 158 de l'OIT et L. 1235-3 du code du travail.

2°) ALORS, en tout état de cause, QU'en n'appliquant pas le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail quand la salariée n'entrait dans aucune des exceptions prévues par ce texte qui permettaient de ne pas en faire application, la cour d'appel, qui a refusé d'appliquer la loi, a méconnu son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail. ECLI:FR:CCASS:2022:SO00654
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