Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 mai 2022, 20-14.421, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 mai 2022, 20-14.421, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 20-14.421
- ECLI:FR:CCASS:2022:SO00545
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 11 mai 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, du 30 janvier 2020- Président
- M. Cathala
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mai 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 545 FS-B
Pourvoi n° P 20-14.421
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MAI 2022
M. [V] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-14.421 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Sapeso Sud-Ouest, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Sapeso Sud-Ouest, a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Sapeso Sud-Ouest, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, conseillers doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Thomas-Davost, Pecqueur, Techer, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 janvier 2020), M. [J], exerçant la profession de photographe, a travaillé pour le compte de la société de Presse et d'édition du Sud-Ouest (la société) du 27 février 2001 au 1er avril 2004 en qualité de correspondant local de presse, puis, à compter du 1er juin 2004 comme journaliste pigiste. Il a ensuite travaillé suivant contrats à durée déterminée du 5 août au 3 septembre 2008 puis du 1er au 31 août 2009, en remplacement d'un salarié absent, avant de reprendre une activité de pigiste jusqu'au mois de mai 2015.
2. Le 20 juillet 2016, M. [J] a saisi la juridiction prud'homale afin que soit constatée l'existence d'un contrat de travail et que lui soient allouées diverses sommes à titre de rappels de salaires et en conséquence d'une rupture illicite.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
5. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
6. Selon le second, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
7. Il résulte de leur combinaison que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.
8. La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.
9. Pour dire que les demandes sont irrecevables, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, retient que ces dispositions ont institué une prescription biennale en lieu et place de la prescription quinquennale qui s'appliquait antérieurement.
10. L'arrêt constate que M. [J], après avoir exercé en tant que correspondant local de presse, puis de pigiste à compter de l'année 2004 et après avoir conclu deux contrats à durée déterminée de remplacement du 5 août au 3 septembre 2008 puis du 1er au 31 août 2009, a repris une activité de pigiste jusqu'au mois de mai 2015.
11. L'arrêt retient que l'intéressé était en mesure de connaître, au moins au terme de son dernier contrat de travail à durée déterminée, les faits qui lui permettaient d'exercer ses droits en vue d'une requalification de la relation contractuelle. A cet égard, il précise que M. [J] avait sollicité, par courrier du 13 octobre 2010, la prise en charge d'un congé paternité et que celle-ci lui avait été refusée par la société suivant courrier du 25 octobre 2010 qui lui déniait la qualité de salarié. L'arrêt en déduit que compte tenu de la prescription quinquennale qui était alors applicable et qui a été réduite à deux ans à compter du 17 juin 2013, sans toutefois que la durée totale puisse excéder cinq ans, l'action en requalification pouvait être exercée jusqu'au 25 octobre 2015.
12. Relevant que l'intéressé avait saisi la juridiction prud'homale le 20 juillet 2016, il en conclut que son action est prescrite.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident éventuel ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [J] irrecevable en toutes ses demandes et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société de Presse et d'édition du Sud-Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société de Presse et d'édition du Sud-Ouest et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [J] demandeur au pourvoi principal
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré M. [J] irrecevable en toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE "sur la prescription : aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et dans sa version en vigueur du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017 "toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit" ;
Que ces dispositions ont institué une prescription biennale en lieu et place de la prescription quinquennale qui s'appliquait antérieurement ;
Qu'en l'espèce, M. [J] exerce une action en requalification de la relation contractuelle avec la Sapeso en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet depuis le premier jour travaillé
Qu'il est constant qu'il exerce sous le statut de journaliste pigiste depuis juin 2004 après avoir exercé en tant que correspondant de presse et qu'après son embauche suivant contrat à durée déterminée du 5 août au 3 septembre 2008 puis du 1er août au 31 août 2009, il a repris l'activité de pigiste jusqu'au mois de mai 2015 ;
Qu'il était dès lors en mesure de connaître au moins au terme de son dernier contrat de travail à durée déterminée les faits qui lui permettaient d'exercer ses droits en vue d'une requalification de la relation contractuelle ;
Qu'il sera particulièrement relevé que M. [J] avait sollicité par courrier du 13 octobre 2010 la prise en charge d'un congé paternité et que celle-ci lui a été refusée par la Sapeso suivant courrier du 25 octobre 2010 qui lui déniait la qualité de salarié ;
Que compte tenu de la prescription quinquennale qui était alors applicable et qui a été réduite à deux ans à compter du 17 juin 2013 sans toutefois que la durée totale puisse excéder cinq ans, l'action en requalification pouvait être exercée jusqu'au 25 octobre 2015 ;
Qu'or, M. [J] n'a introduit son action devant la juridiction prud'homale que le 20 juillet 2016 ;
Que l'action se trouve dès lors prescrite et le jugement sera dès lors infirmé de ce chef ;
Que de plus, M. [J] étant irrecevable à voir reconnaître que la relation contractuelle constitue un contrat de travail, il est également irrecevable à solliciter des sommes à titre de rappels de salaires ainsi qu'à se prévaloir de ce que la rupture du contrat constitue un licenciement abusif et à obtenir les indemnités subséquentes ;
Que ses demandes seront par conséquence déclarées irrecevables par réformation du jugement entrepris".
1/ ALORS QU'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le délai de prescription est de deux ans pour toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail ; que si la prescription commence en principe à courir "à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit", le délai de prescription d'une action en requalification d'une relation contractuelle a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats, le terme du dernier contrat ; que M. [J] ayant réclamé en l'espèce la requalification de l'intégralité de la période comprise entre le 27 février 2001 et le 30 mai 2015 en un seul et même contrat dès lors qu'il avait, sous des statuts différents, effectué en réalité le même travail correspondant à un besoin constant de l'entreprise, la recevabilité de ses demandes devait donc s'apprécier à compter du terme de la dernière pige conclue entre les parties ; qu'en retenant, pour déclarer ses demandes irrecevables, qu'il aurait été en mesure de connaître au terme de son dernier contrat de travail à durée déterminée, le 31 septembre 2009, les faits qui lui permettaient d'exercer ses droits en vue d'une requalification de la relation contractuelle, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé dans sa rédaction applicable au litige ;
2/ ALORS QU'aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, "l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense (...)" ; que le juge méconnaît en conséquence les termes du litige lorsqu'il déclare contester un fait dont l'exactitude n'est pas discutée ou qu'il introduit dans le litige des moyens que les parties n'avaient pas invoqués ; qu'en affirmant, pour déclarer irrecevables les demandes de M. [J], qu'il aurait connu, au terme de son dernier contrat à durée déterminée, les faits lui permettant de solliciter la requalification de la relation contractuelle, quand il ressortait de l'exposé des prétentions du salarié qu'il avait réclamé la requalification de l'intégralité de la période comprise entre le 27 février 2001 et le 31 mai 2015 dont il demandait qu'elle soit considérée comme un seul et même contrat et non la requalification des seuls contrats à durée déterminée conclus respectivement le 5 août 2008 et le 1er août 2009, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
Moyen produit par de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Sapeso Sud-Ouest demanderesse au pourvoi incident éventuel
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société SAPESO
AUX MOTIFS PROPRES QUE « En application de l'article L 1411- 1 du code du travail : « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti »
Aux termes l'article L 7112-1 du même code: « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. »
Selon l'article L 7111-3 : « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa. »
Un journaliste pigiste bénéficie de la présomption de contrat de travail instituée par l'article L 7112-1 du code du travail dès lors qu'il satisfait à la définition de l'article L 71111-3 et qu'il collabore de façon régulière au journal d'une entreprise de presse.
En l'espèce, M. [J] se prévaut de la présomption de contrat de travail tandis que la SAPESO la conteste.
L'appelante fait valoir :
- que M. [J] n'a jamais exprimé le souhait de changer de statut et de devenir salarié ;
- qu'il ne collabore pas exclusivement avec le journal Sud-Ouest ;
- qu'il était libre d'organiser son emploi du temps et ne recevait aucune directive quant au contenu de ses photographies ;
- qu'il n'appartenait pas à un service organisé, ne figurant pas sur l'annuaire de la SAPESO, conservant à sa charge ses outils de travail et ne disposant d'aucun bureau ;
- qu'il n'y avait pas de régularité dans son volume de travail et par voie de conséquence aucune régularité dans les revenus que M. [J] pouvait percevoir mensuellement.
Cependant, la SAPESO indique elle-même dans ses écritures que « M. [J], excellent photographe , collaborait avec le journal Sud-Ouest de manière régulière mais avec un volume de collaborations variable », et que « à deux reprises en 2008 et 2009, M. [J] était amené à conclure un contrat de travail déterminée pour remplacer un salarié absent ».
Les premiers juges ont pu relever à juste titre que M. [J] a perçu des sommes d'un montant important, à savoir : 21.974,06 euros bruts en 2012 ; 22.951,22 euros bruts en 2013 ; 25.784,03 euros bruts en 2014 ; 11.309,76 euros bruts de janvier à mai 2015 ; sommes qui étaient soumises à l'impôt sur le revenu et qui représentaient l'essentiel de ses ressources.
Ils ont également retenu que M. [J] figurait sur les plannings mensuels de la SAPESO et que, le 23 août 2004, il lui avait été remis une copie de l'accord signé entre la direction du journal Sud-Ouest et le Syndicat National des Journalistes.
M. [J] est donc bien fondé à se prévaloir du bénéfice du statut de journaliste professionnel et de la présomption de salariat qui lui est attachée.
La collaboration occasionnelle de l'intéressé avec plusieurs autres organes ou agences de presse n'est pas de nature à détruire la présomption de salariat à l'égard de celle avec laquelle le pigiste collabore de manière régulière.
Par ailleurs, si l'appelante soutient que M. [J] était libre de son temps et dans la composition de ses photographies, elle reconnaît dans ses écritures que « le choix des reportages photographiques était le plus souvent proposé par le chef d'agence », ce dont il résulte que le pigiste ne traitait pas les sujets de son choix et qu'au moins des orientations lui étaient données par la société de presse.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que les parties étaient liées par un contrat de travail.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SAPESO »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Il résulte des dispositions de l'article L 761-2 alinéa 4 devenu L 7112-1 du Code du travail que toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumé être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
Ainsi la fourniture régulière de travail à un journaliste professionnel, même pigiste, pendant une longue période, fait de lui un collaborateur régulier qui doit bénéficier de ces dispositions légales.
En l'espèce, Monsieur [V] [J] fournit des bulletins d'attestations de piges qui montrent que depuis 2009 il ne s'est pas passé de mois sans paiement d'indemnité par la S.A.P.E.S.O. Par ailleurs, le montant des indemnités versées est important puisqu'on relève les montant suivants :
- 2012 : 21 974.06 € brut
- 2013 : 22951.22 € brut
- 2014 : 25 784.03 € brut
- janvier à mai 2015 : 11 309.76 € brut
Le Conseil note également que Monsieur [V] [J] figure sur les plannings mensuels de la S.A.P.E.S.O. D'autre part, on relève que le 23 août 2004, il a été remis à Monsieur [V] [J] une copie de l'accord signé entre la Direction de SUD OUEST et le Syndicat National des Journalistes. De même les relevés mensuels d'attestation de pige montrent que Monsieur [V] [J] était soumis comme tout salarié à l'impôt sur le revenu et que les revenus déclarés représentent l'essentiel de ses ressources.
Monsieur [V] [J] doit donc bénéficier de la présomption légale de salariat, et il appartient à la S.A.P.E.S.O. de démontrer l'existence d'éléments permettant d'écarter cette présomption. Les éléments fournis par la défense ne sont pas de nature à contredire ceux de Monsieur [V] [J]. En particulier, le refus de demande de congés de paternité auquel il a été répondu "vous n'y avez pas droit car vous êtes pigiste" ne signifiait pas qu'il n'existait pas de contrat de travail.
L'inexistence de tout lien de subordination n'est pas mis en évidence par un quelconque élément permettant de retenir l'indépendance totale de Monsieur [V] [J]. Dès lors le statut de journaliste salarié doit être reconnu à Monsieur [V] [J] et le Conseil de Prud'hommes est donc compétent pour statuer sur le litige. (...)
La date de début du contrat de travail est fixée au 1er mars 2001 date de la 1ère collaboration avec la S.A.P.E.S.O. »
1/ ALORS QUE la présomption de salariat édictée par l'article L 7112-1 du code du travail au profit des journalistes qui collaborent de manière principale, régulière et rétribuée à une entreprise de presse, est une présomption simple que l'employeur peut renverser en établissant l'absence de tout lien de subordination ; qu'en l'espèce, la société SAPESO faisait valoir et offrait de prouver que M. [J] était totalement libre dans l'organisation de son emploi du temps, n'étant pas tenu de justifier de ses absences ainsi que le lui avait rappelé la société et pouvant librement refuser d'effectuer les reportages qui lui étaient proposés sans que la société en tire la moindre conséquence, ce qu'il faisait en raison de ses autres activités professionnelles ; qu'elle ajoutait qu'il n'était pas davantage intégré dans un service organisé, communiquant avec la société au moyen de son adresse mail personnelle, utilisant son propre matériel photographique, ne figurant pas dans l'annuaire de la société et ne disposant ni d'un véhicule ni d'un téléphone, ni d'un ordinateur ni d'un bureau fourni par cette dernière (conclusions d'appel de l'exposante p 11-12) ; qu'en se bornant à relever que M. [J] figurait sur les plannings mensuels de la SAPESO, que lui avait été remise une copie de l'accord signé entre la direction du journal Sud-Ouest et le Syndicat National des Journalistes, que la collaboration occasionnelle de l'intéressé avec plusieurs autres organes ou agences de presse n'était pas de nature à détruire la présomption de salariat à l'égard de la société SAPESO avec laquelle il collaborait de manière régulière, et que le choix des reportages photographiques était le plus souvent proposé par le chef d'agence, pour en déduire que la présomption de salariat n'était pas renversée, sans rechercher comme elle y était invitée si M. [J] à qui étaient « proposés » des reportages, n'était pas libre de les accepter ou de les refuser en fonction de sa propre organisation de travail dont il avait seul la maitrise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 7111-2 et L 1221-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir que M. [J] était totalement libre dans l'organisation de son travail auprès de la société SAPESO, cette dernière versait aux débats plusieurs courriers émanant de chacune des parties (courrier de la société du 25 octobre 2010 dans lequel cette dernière reconnaissait à M. [J] toute liberté dans l'organisation de son travail, courriel du 9 juin 2014 de M. [J] refusant un reportage) ainsi que l'attestation de M. [X], chef de l'agence de [Localité 3], confirmant cette liberté de refuser des reportages ; qu'en affirmant, par motifs adoptés des premiers juges, que l'inexistence de tout lien de subordination n'est pas mise en évidence par un quelconque élément permettant de retenir l'indépendance totale de Monsieur [V] [J], sans examiner aucune de ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société SAPESO faisait valoir que le fait qu'ait été remis à M. [J] l'accord relatif aux droits d'utilisation des contributions journalistiques n'impliquait nullement une reconnaissance de sa qualité de salarié dans la mesure où cet accord fixant la rémunération des droits d'auteurs des journalistes concernait également les journalistes indépendants (conclusions d'appel de l'exposante p 12) ; qu'en retenant qu'il avait été remis à M. [J] le 23 août 2004 une copie de l'accord signé entre la direction du journal Sud-Ouest et le Syndicat National des Journalistes pour en déduire que la présomption de salariat n'était pas renversée, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4/ ALORS QUE le correspondant de presse n'est réputé journaliste professionnel qu'à la double condition de recevoir des appointements fixes et de tirer de son activité, exercée à titre d'occupation principale et régulière, l'essentiel de ses ressources ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [J] avait collaboré auprès de la société SAPESO en qualité de correspondant local de presse du 27 février 2001 au 1er avril 2004 ; qu'en retenant l'existence d'un contrat de travail depuis le 1er mars 2001, sans caractériser qu'il avait perçu des appointements fixes et qu'il avait tiré l'essentiel de ses revenus au titre de cette activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 7111-3 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00545
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mai 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 545 FS-B
Pourvoi n° P 20-14.421
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MAI 2022
M. [V] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-14.421 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Sapeso Sud-Ouest, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Sapeso Sud-Ouest, a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Sapeso Sud-Ouest, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, conseillers doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Thomas-Davost, Pecqueur, Techer, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 janvier 2020), M. [J], exerçant la profession de photographe, a travaillé pour le compte de la société de Presse et d'édition du Sud-Ouest (la société) du 27 février 2001 au 1er avril 2004 en qualité de correspondant local de presse, puis, à compter du 1er juin 2004 comme journaliste pigiste. Il a ensuite travaillé suivant contrats à durée déterminée du 5 août au 3 septembre 2008 puis du 1er au 31 août 2009, en remplacement d'un salarié absent, avant de reprendre une activité de pigiste jusqu'au mois de mai 2015.
2. Le 20 juillet 2016, M. [J] a saisi la juridiction prud'homale afin que soit constatée l'existence d'un contrat de travail et que lui soient allouées diverses sommes à titre de rappels de salaires et en conséquence d'une rupture illicite.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
5. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
6. Selon le second, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
7. Il résulte de leur combinaison que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.
8. La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.
9. Pour dire que les demandes sont irrecevables, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, retient que ces dispositions ont institué une prescription biennale en lieu et place de la prescription quinquennale qui s'appliquait antérieurement.
10. L'arrêt constate que M. [J], après avoir exercé en tant que correspondant local de presse, puis de pigiste à compter de l'année 2004 et après avoir conclu deux contrats à durée déterminée de remplacement du 5 août au 3 septembre 2008 puis du 1er au 31 août 2009, a repris une activité de pigiste jusqu'au mois de mai 2015.
11. L'arrêt retient que l'intéressé était en mesure de connaître, au moins au terme de son dernier contrat de travail à durée déterminée, les faits qui lui permettaient d'exercer ses droits en vue d'une requalification de la relation contractuelle. A cet égard, il précise que M. [J] avait sollicité, par courrier du 13 octobre 2010, la prise en charge d'un congé paternité et que celle-ci lui avait été refusée par la société suivant courrier du 25 octobre 2010 qui lui déniait la qualité de salarié. L'arrêt en déduit que compte tenu de la prescription quinquennale qui était alors applicable et qui a été réduite à deux ans à compter du 17 juin 2013, sans toutefois que la durée totale puisse excéder cinq ans, l'action en requalification pouvait être exercée jusqu'au 25 octobre 2015.
12. Relevant que l'intéressé avait saisi la juridiction prud'homale le 20 juillet 2016, il en conclut que son action est prescrite.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident éventuel ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [J] irrecevable en toutes ses demandes et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société de Presse et d'édition du Sud-Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société de Presse et d'édition du Sud-Ouest et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [J] demandeur au pourvoi principal
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré M. [J] irrecevable en toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE "sur la prescription : aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et dans sa version en vigueur du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017 "toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit" ;
Que ces dispositions ont institué une prescription biennale en lieu et place de la prescription quinquennale qui s'appliquait antérieurement ;
Qu'en l'espèce, M. [J] exerce une action en requalification de la relation contractuelle avec la Sapeso en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet depuis le premier jour travaillé
Qu'il est constant qu'il exerce sous le statut de journaliste pigiste depuis juin 2004 après avoir exercé en tant que correspondant de presse et qu'après son embauche suivant contrat à durée déterminée du 5 août au 3 septembre 2008 puis du 1er août au 31 août 2009, il a repris l'activité de pigiste jusqu'au mois de mai 2015 ;
Qu'il était dès lors en mesure de connaître au moins au terme de son dernier contrat de travail à durée déterminée les faits qui lui permettaient d'exercer ses droits en vue d'une requalification de la relation contractuelle ;
Qu'il sera particulièrement relevé que M. [J] avait sollicité par courrier du 13 octobre 2010 la prise en charge d'un congé paternité et que celle-ci lui a été refusée par la Sapeso suivant courrier du 25 octobre 2010 qui lui déniait la qualité de salarié ;
Que compte tenu de la prescription quinquennale qui était alors applicable et qui a été réduite à deux ans à compter du 17 juin 2013 sans toutefois que la durée totale puisse excéder cinq ans, l'action en requalification pouvait être exercée jusqu'au 25 octobre 2015 ;
Qu'or, M. [J] n'a introduit son action devant la juridiction prud'homale que le 20 juillet 2016 ;
Que l'action se trouve dès lors prescrite et le jugement sera dès lors infirmé de ce chef ;
Que de plus, M. [J] étant irrecevable à voir reconnaître que la relation contractuelle constitue un contrat de travail, il est également irrecevable à solliciter des sommes à titre de rappels de salaires ainsi qu'à se prévaloir de ce que la rupture du contrat constitue un licenciement abusif et à obtenir les indemnités subséquentes ;
Que ses demandes seront par conséquence déclarées irrecevables par réformation du jugement entrepris".
1/ ALORS QU'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le délai de prescription est de deux ans pour toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail ; que si la prescription commence en principe à courir "à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit", le délai de prescription d'une action en requalification d'une relation contractuelle a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats, le terme du dernier contrat ; que M. [J] ayant réclamé en l'espèce la requalification de l'intégralité de la période comprise entre le 27 février 2001 et le 30 mai 2015 en un seul et même contrat dès lors qu'il avait, sous des statuts différents, effectué en réalité le même travail correspondant à un besoin constant de l'entreprise, la recevabilité de ses demandes devait donc s'apprécier à compter du terme de la dernière pige conclue entre les parties ; qu'en retenant, pour déclarer ses demandes irrecevables, qu'il aurait été en mesure de connaître au terme de son dernier contrat de travail à durée déterminée, le 31 septembre 2009, les faits qui lui permettaient d'exercer ses droits en vue d'une requalification de la relation contractuelle, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé dans sa rédaction applicable au litige ;
2/ ALORS QU'aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, "l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense (...)" ; que le juge méconnaît en conséquence les termes du litige lorsqu'il déclare contester un fait dont l'exactitude n'est pas discutée ou qu'il introduit dans le litige des moyens que les parties n'avaient pas invoqués ; qu'en affirmant, pour déclarer irrecevables les demandes de M. [J], qu'il aurait connu, au terme de son dernier contrat à durée déterminée, les faits lui permettant de solliciter la requalification de la relation contractuelle, quand il ressortait de l'exposé des prétentions du salarié qu'il avait réclamé la requalification de l'intégralité de la période comprise entre le 27 février 2001 et le 31 mai 2015 dont il demandait qu'elle soit considérée comme un seul et même contrat et non la requalification des seuls contrats à durée déterminée conclus respectivement le 5 août 2008 et le 1er août 2009, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
Moyen produit par de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Sapeso Sud-Ouest demanderesse au pourvoi incident éventuel
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société SAPESO
AUX MOTIFS PROPRES QUE « En application de l'article L 1411- 1 du code du travail : « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti »
Aux termes l'article L 7112-1 du même code: « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. »
Selon l'article L 7111-3 : « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa. »
Un journaliste pigiste bénéficie de la présomption de contrat de travail instituée par l'article L 7112-1 du code du travail dès lors qu'il satisfait à la définition de l'article L 71111-3 et qu'il collabore de façon régulière au journal d'une entreprise de presse.
En l'espèce, M. [J] se prévaut de la présomption de contrat de travail tandis que la SAPESO la conteste.
L'appelante fait valoir :
- que M. [J] n'a jamais exprimé le souhait de changer de statut et de devenir salarié ;
- qu'il ne collabore pas exclusivement avec le journal Sud-Ouest ;
- qu'il était libre d'organiser son emploi du temps et ne recevait aucune directive quant au contenu de ses photographies ;
- qu'il n'appartenait pas à un service organisé, ne figurant pas sur l'annuaire de la SAPESO, conservant à sa charge ses outils de travail et ne disposant d'aucun bureau ;
- qu'il n'y avait pas de régularité dans son volume de travail et par voie de conséquence aucune régularité dans les revenus que M. [J] pouvait percevoir mensuellement.
Cependant, la SAPESO indique elle-même dans ses écritures que « M. [J], excellent photographe , collaborait avec le journal Sud-Ouest de manière régulière mais avec un volume de collaborations variable », et que « à deux reprises en 2008 et 2009, M. [J] était amené à conclure un contrat de travail déterminée pour remplacer un salarié absent ».
Les premiers juges ont pu relever à juste titre que M. [J] a perçu des sommes d'un montant important, à savoir : 21.974,06 euros bruts en 2012 ; 22.951,22 euros bruts en 2013 ; 25.784,03 euros bruts en 2014 ; 11.309,76 euros bruts de janvier à mai 2015 ; sommes qui étaient soumises à l'impôt sur le revenu et qui représentaient l'essentiel de ses ressources.
Ils ont également retenu que M. [J] figurait sur les plannings mensuels de la SAPESO et que, le 23 août 2004, il lui avait été remis une copie de l'accord signé entre la direction du journal Sud-Ouest et le Syndicat National des Journalistes.
M. [J] est donc bien fondé à se prévaloir du bénéfice du statut de journaliste professionnel et de la présomption de salariat qui lui est attachée.
La collaboration occasionnelle de l'intéressé avec plusieurs autres organes ou agences de presse n'est pas de nature à détruire la présomption de salariat à l'égard de celle avec laquelle le pigiste collabore de manière régulière.
Par ailleurs, si l'appelante soutient que M. [J] était libre de son temps et dans la composition de ses photographies, elle reconnaît dans ses écritures que « le choix des reportages photographiques était le plus souvent proposé par le chef d'agence », ce dont il résulte que le pigiste ne traitait pas les sujets de son choix et qu'au moins des orientations lui étaient données par la société de presse.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que les parties étaient liées par un contrat de travail.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SAPESO »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Il résulte des dispositions de l'article L 761-2 alinéa 4 devenu L 7112-1 du Code du travail que toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumé être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
Ainsi la fourniture régulière de travail à un journaliste professionnel, même pigiste, pendant une longue période, fait de lui un collaborateur régulier qui doit bénéficier de ces dispositions légales.
En l'espèce, Monsieur [V] [J] fournit des bulletins d'attestations de piges qui montrent que depuis 2009 il ne s'est pas passé de mois sans paiement d'indemnité par la S.A.P.E.S.O. Par ailleurs, le montant des indemnités versées est important puisqu'on relève les montant suivants :
- 2012 : 21 974.06 € brut
- 2013 : 22951.22 € brut
- 2014 : 25 784.03 € brut
- janvier à mai 2015 : 11 309.76 € brut
Le Conseil note également que Monsieur [V] [J] figure sur les plannings mensuels de la S.A.P.E.S.O. D'autre part, on relève que le 23 août 2004, il a été remis à Monsieur [V] [J] une copie de l'accord signé entre la Direction de SUD OUEST et le Syndicat National des Journalistes. De même les relevés mensuels d'attestation de pige montrent que Monsieur [V] [J] était soumis comme tout salarié à l'impôt sur le revenu et que les revenus déclarés représentent l'essentiel de ses ressources.
Monsieur [V] [J] doit donc bénéficier de la présomption légale de salariat, et il appartient à la S.A.P.E.S.O. de démontrer l'existence d'éléments permettant d'écarter cette présomption. Les éléments fournis par la défense ne sont pas de nature à contredire ceux de Monsieur [V] [J]. En particulier, le refus de demande de congés de paternité auquel il a été répondu "vous n'y avez pas droit car vous êtes pigiste" ne signifiait pas qu'il n'existait pas de contrat de travail.
L'inexistence de tout lien de subordination n'est pas mis en évidence par un quelconque élément permettant de retenir l'indépendance totale de Monsieur [V] [J]. Dès lors le statut de journaliste salarié doit être reconnu à Monsieur [V] [J] et le Conseil de Prud'hommes est donc compétent pour statuer sur le litige. (...)
La date de début du contrat de travail est fixée au 1er mars 2001 date de la 1ère collaboration avec la S.A.P.E.S.O. »
1/ ALORS QUE la présomption de salariat édictée par l'article L 7112-1 du code du travail au profit des journalistes qui collaborent de manière principale, régulière et rétribuée à une entreprise de presse, est une présomption simple que l'employeur peut renverser en établissant l'absence de tout lien de subordination ; qu'en l'espèce, la société SAPESO faisait valoir et offrait de prouver que M. [J] était totalement libre dans l'organisation de son emploi du temps, n'étant pas tenu de justifier de ses absences ainsi que le lui avait rappelé la société et pouvant librement refuser d'effectuer les reportages qui lui étaient proposés sans que la société en tire la moindre conséquence, ce qu'il faisait en raison de ses autres activités professionnelles ; qu'elle ajoutait qu'il n'était pas davantage intégré dans un service organisé, communiquant avec la société au moyen de son adresse mail personnelle, utilisant son propre matériel photographique, ne figurant pas dans l'annuaire de la société et ne disposant ni d'un véhicule ni d'un téléphone, ni d'un ordinateur ni d'un bureau fourni par cette dernière (conclusions d'appel de l'exposante p 11-12) ; qu'en se bornant à relever que M. [J] figurait sur les plannings mensuels de la SAPESO, que lui avait été remise une copie de l'accord signé entre la direction du journal Sud-Ouest et le Syndicat National des Journalistes, que la collaboration occasionnelle de l'intéressé avec plusieurs autres organes ou agences de presse n'était pas de nature à détruire la présomption de salariat à l'égard de la société SAPESO avec laquelle il collaborait de manière régulière, et que le choix des reportages photographiques était le plus souvent proposé par le chef d'agence, pour en déduire que la présomption de salariat n'était pas renversée, sans rechercher comme elle y était invitée si M. [J] à qui étaient « proposés » des reportages, n'était pas libre de les accepter ou de les refuser en fonction de sa propre organisation de travail dont il avait seul la maitrise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 7111-2 et L 1221-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir que M. [J] était totalement libre dans l'organisation de son travail auprès de la société SAPESO, cette dernière versait aux débats plusieurs courriers émanant de chacune des parties (courrier de la société du 25 octobre 2010 dans lequel cette dernière reconnaissait à M. [J] toute liberté dans l'organisation de son travail, courriel du 9 juin 2014 de M. [J] refusant un reportage) ainsi que l'attestation de M. [X], chef de l'agence de [Localité 3], confirmant cette liberté de refuser des reportages ; qu'en affirmant, par motifs adoptés des premiers juges, que l'inexistence de tout lien de subordination n'est pas mise en évidence par un quelconque élément permettant de retenir l'indépendance totale de Monsieur [V] [J], sans examiner aucune de ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société SAPESO faisait valoir que le fait qu'ait été remis à M. [J] l'accord relatif aux droits d'utilisation des contributions journalistiques n'impliquait nullement une reconnaissance de sa qualité de salarié dans la mesure où cet accord fixant la rémunération des droits d'auteurs des journalistes concernait également les journalistes indépendants (conclusions d'appel de l'exposante p 12) ; qu'en retenant qu'il avait été remis à M. [J] le 23 août 2004 une copie de l'accord signé entre la direction du journal Sud-Ouest et le Syndicat National des Journalistes pour en déduire que la présomption de salariat n'était pas renversée, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4/ ALORS QUE le correspondant de presse n'est réputé journaliste professionnel qu'à la double condition de recevoir des appointements fixes et de tirer de son activité, exercée à titre d'occupation principale et régulière, l'essentiel de ses ressources ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [J] avait collaboré auprès de la société SAPESO en qualité de correspondant local de presse du 27 février 2001 au 1er avril 2004 ; qu'en retenant l'existence d'un contrat de travail depuis le 1er mars 2001, sans caractériser qu'il avait perçu des appointements fixes et qu'il avait tiré l'essentiel de ses revenus au titre de cette activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 7111-3 du code du travail.