Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 mars 2022, 21-85.596, Inédit
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 mars 2022, 21-85.596, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 21-85.596
- ECLI:FR:CCASS:2022:CR00308
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 16 mars 2022
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, du 15 septembre 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 21-85.596 F-D
N° 00308
RB5
16 MARS 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 MARS 2022
Le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 15 septembre 2021, qui, dans l'information suivie, notamment, contre M. [J] [X], pour abus de biens sociaux, abus de confiance, faux et usage, a infirmé les ordonnances de saisie pénale rendues par le juge d'instruction et a ordonné la mainlevée des saisies.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le procureur de la République a diligenté une enquête puis ouvert une information des chefs susvisés, mettant en cause des membres du « clan Federici », dont M. [J] [X], pour leur participation à des faits d'extorsion de fonds en bande organisée commis au préjudice de commerçants implantés dans les régions bastiaise, balanine et aixoise.
3. M. [X] a été mis en examen des chefs d'abus de biens sociaux, abus de confiance et faux et usage et le juge d'instruction a ordonné le 9 octobre 2020, la saisie de trois biens immobiliers situés à [Localité 1] et à [Localité 2] et lui appartenant, par trois ordonnances distinctes à l'encontre desquelles le mis en examen a interjeté appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation des articles 131-21 du code pénal et 706-150 du code de procédure pénale.
5. Il critique l'arrêt en ce qu'il a infirmé les ordonnances de saisie en valeur rendues par le juge d'instruction alors qu'en application des articles 131-21, alinéa 9, du code pénal et 706-150 du code de procédure pénale, la saisie en valeur du produit de l'infraction, par le truchement de biens immobiliers appartenant au mis en examen, n'exige pas d'avis préalable du ministère public, uniquement requis en présence d'une saisie patrimoniale effectuée en vertu des alinéas 5 et 6 de l'article 131-21 du code pénal.
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-21, alinéa 9, du code pénal, 706-141-1 et 706-150 du code de procédure pénale :
6. Il résulte de ces articles que le juge d'instruction peut ordonner la saisie en valeur d'un bien immobilier, quelle qu'en soit l'origine ou la date de son acquisition, dont la valeur est équivalente à celle du produit de l'infraction sans être tenu de recueillir l'avis préalable du ministère public.
7. Pour infirmer les trois ordonnances de saisie immobilière rendues par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de l'article 706-150 du code de procédure pénale que le juge d'instruction peut, sans recueillir l'avis du ministère public, et sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, saisir les immeubles qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, et qu'il résulte de cette jurisprudence que lorsque les dispositions des articles 706-148 et 706-150 du code de procédure pénale sont cumulativement applicables à la saisie immobilière ordonnée d'office par le juge d'instruction, c'est-à-dire en cas de saisie envisagée d'éléments de patrimoine détachés du produit de l'infraction, l'avis préalable du ministère public est obligatoire.
8. Les juges ajoutent que l'article 706-148 qui institue l'avis obligatoire du ministère public est applicable à la saisie des biens dont la confiscation est prévue en application des cinquième et sixième alinéas de l'article 131-21 du code pénal, c'est-à-dire à la saisie des biens qui ne constituent pas le produit de l'infraction mais dont la confiscation est prévue par la loi qui réprime le crime ou le délit ou lorsque le crime ou le délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement a procuré un profit direct ou indirect.
9. Ils relèvent que par les ordonnances du 9 octobre 2020, le juge d'instruction a ordonné la saisie en valeur de trois lots de l'immeuble situé sur la commune de [Localité 1], propriété depuis 2006 du demandeur, mis en examen pour abus de biens sociaux, abus de confiance, faux et usage de faux, faits commis le 3 janvier 2013 et entre le 1er janvier 2015 et le 7 novembre 2017, le délit d'abus de biens sociaux étant puni de cinq ans d'emprisonnement par l'article L. 241-3 du code de commerce, que les biens saisis ayant été acquis avant la période de la prévention ne peuvent constituer le produit de l'infraction, et que le troisième alinéa de l'article 131-21 du code pénal n'est pas applicable.
10. La chambre de l'instruction conclut qu'en s'abstenant de solliciter l'avis préalable du ministère public, le juge d'instruction, même s'il n'a pas expressément visé l'article 706-148 du code de procédure pénale, a en conséquence procédé à des saisies irrégulières dont la mainlevée doit être ordonnée, peu important que lesdites saisies aient été ordonnées en valeur, le produit de l'infraction ayant été estimé à 231 676 euros et la valeur des immeubles à 201 210 euros, dès lors que l'application du neuvième alinéa de l'article 131-21 du code pénal relatif à la saisie en valeur, est subordonnée, en l'espèce, à celle du cinquième alinéa de ce texte.
11. En prononçant ainsi, alors que le juge d'instruction avait ordonné une saisie en valeur du produit de l'infraction conformément aux dispositions de l'article 706-150 du code de procédure pénale qui n'exige pas l'avis préalable du ministère public, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
12. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 15 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mars deux mille vingt-deux.ECLI:FR:CCASS:2022:CR00308
N° Y 21-85.596 F-D
N° 00308
RB5
16 MARS 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 MARS 2022
Le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 15 septembre 2021, qui, dans l'information suivie, notamment, contre M. [J] [X], pour abus de biens sociaux, abus de confiance, faux et usage, a infirmé les ordonnances de saisie pénale rendues par le juge d'instruction et a ordonné la mainlevée des saisies.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le procureur de la République a diligenté une enquête puis ouvert une information des chefs susvisés, mettant en cause des membres du « clan Federici », dont M. [J] [X], pour leur participation à des faits d'extorsion de fonds en bande organisée commis au préjudice de commerçants implantés dans les régions bastiaise, balanine et aixoise.
3. M. [X] a été mis en examen des chefs d'abus de biens sociaux, abus de confiance et faux et usage et le juge d'instruction a ordonné le 9 octobre 2020, la saisie de trois biens immobiliers situés à [Localité 1] et à [Localité 2] et lui appartenant, par trois ordonnances distinctes à l'encontre desquelles le mis en examen a interjeté appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen est pris de la violation des articles 131-21 du code pénal et 706-150 du code de procédure pénale.
5. Il critique l'arrêt en ce qu'il a infirmé les ordonnances de saisie en valeur rendues par le juge d'instruction alors qu'en application des articles 131-21, alinéa 9, du code pénal et 706-150 du code de procédure pénale, la saisie en valeur du produit de l'infraction, par le truchement de biens immobiliers appartenant au mis en examen, n'exige pas d'avis préalable du ministère public, uniquement requis en présence d'une saisie patrimoniale effectuée en vertu des alinéas 5 et 6 de l'article 131-21 du code pénal.
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-21, alinéa 9, du code pénal, 706-141-1 et 706-150 du code de procédure pénale :
6. Il résulte de ces articles que le juge d'instruction peut ordonner la saisie en valeur d'un bien immobilier, quelle qu'en soit l'origine ou la date de son acquisition, dont la valeur est équivalente à celle du produit de l'infraction sans être tenu de recueillir l'avis préalable du ministère public.
7. Pour infirmer les trois ordonnances de saisie immobilière rendues par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de l'article 706-150 du code de procédure pénale que le juge d'instruction peut, sans recueillir l'avis du ministère public, et sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, saisir les immeubles qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, et qu'il résulte de cette jurisprudence que lorsque les dispositions des articles 706-148 et 706-150 du code de procédure pénale sont cumulativement applicables à la saisie immobilière ordonnée d'office par le juge d'instruction, c'est-à-dire en cas de saisie envisagée d'éléments de patrimoine détachés du produit de l'infraction, l'avis préalable du ministère public est obligatoire.
8. Les juges ajoutent que l'article 706-148 qui institue l'avis obligatoire du ministère public est applicable à la saisie des biens dont la confiscation est prévue en application des cinquième et sixième alinéas de l'article 131-21 du code pénal, c'est-à-dire à la saisie des biens qui ne constituent pas le produit de l'infraction mais dont la confiscation est prévue par la loi qui réprime le crime ou le délit ou lorsque le crime ou le délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement a procuré un profit direct ou indirect.
9. Ils relèvent que par les ordonnances du 9 octobre 2020, le juge d'instruction a ordonné la saisie en valeur de trois lots de l'immeuble situé sur la commune de [Localité 1], propriété depuis 2006 du demandeur, mis en examen pour abus de biens sociaux, abus de confiance, faux et usage de faux, faits commis le 3 janvier 2013 et entre le 1er janvier 2015 et le 7 novembre 2017, le délit d'abus de biens sociaux étant puni de cinq ans d'emprisonnement par l'article L. 241-3 du code de commerce, que les biens saisis ayant été acquis avant la période de la prévention ne peuvent constituer le produit de l'infraction, et que le troisième alinéa de l'article 131-21 du code pénal n'est pas applicable.
10. La chambre de l'instruction conclut qu'en s'abstenant de solliciter l'avis préalable du ministère public, le juge d'instruction, même s'il n'a pas expressément visé l'article 706-148 du code de procédure pénale, a en conséquence procédé à des saisies irrégulières dont la mainlevée doit être ordonnée, peu important que lesdites saisies aient été ordonnées en valeur, le produit de l'infraction ayant été estimé à 231 676 euros et la valeur des immeubles à 201 210 euros, dès lors que l'application du neuvième alinéa de l'article 131-21 du code pénal relatif à la saisie en valeur, est subordonnée, en l'espèce, à celle du cinquième alinéa de ce texte.
11. En prononçant ainsi, alors que le juge d'instruction avait ordonné une saisie en valeur du produit de l'infraction conformément aux dispositions de l'article 706-150 du code de procédure pénale qui n'exige pas l'avis préalable du ministère public, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
12. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 15 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mars deux mille vingt-deux.