Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 février 2022, 20-22.618, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 février 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 159 FS-B

Pourvoi n° Y 20-22.618




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société Rive droite, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-22.618 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Rive droite, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mmes Abgrall, Grandjean, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 septembre 2020), la société Rive droite a fait construire des bâtiments à usage de bureaux.

2. Elle a souscrit deux polices d'assurance de dommages-ouvrage auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz).

3. La réception est intervenue le 1er août 2013, avec des réserves concernant notamment l'état des cassettes de bardage recouvrant les façades.

4. Après la réception, la société Rive droite a déclaré un sinistre à la société Allianz concernant la chute de cassettes de bardage.

5. Au vu du rapport de l'expert qu'elle avait désigné, la société Allianz a proposé une indemnité de 366 999,75 euros à l'assuré, qui l'a acceptée.

6. La société Rive droite a alors fait procéder aux travaux de réparation.

7. Considérant que l'indemnité versée incluait indûment la réparation de dommages non déclarés et réservés à la réception, la société Allianz a réclamé à l'assuré, en vain, le remboursement de la somme de 192 275,03 euros, puis l'a assigné en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Rive droite fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à la société Allianz, alors « que l'assureur dommage ouvrage qui a accepté de prendre en charge un sinistre de nature décennale et s'est définitivement engagé à indemniser des désordres précis ne peut ultérieurement contester cette nature, ni demander restitution que des sommes qu'il a versées à l'assuré à ce titre, sauf si ce dernier n'a pas affecté la totalité des sommes à la réparation des désordres indemnisés ; qu'en se bornant à considérer que l'assureur pouvait solliciter, sur le fondement de la restitution de l'indu, le montant versé correspondant à des dommages n'ayant pas de nature décennale, sans rechercher si l'engagement d'indemnisation pris par l'assureur n'avait pas un caractère définitif tant sur le montant que sur le caractère décennal de sorte qu'il ne pouvait plus revenir dessus après expiration des délais ouverts pour présenter une offre d'indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 242-1 du code des assurances, ensemble l'article 1235 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 242-1, alinéa 4, du code des assurances et 1235, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Selon le premier de ces textes, lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours.

10. Selon le second, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.

11. Il résulte de ces dispositions que l'assureur ne peut plus contester, après l'expiration du délai de quatre-vingt-dix jours, la définition des travaux propres à remédier aux dommages déclarés et dont il a offert l'indemnisation.

12. Il en résulte, encore, que l'assureur ne peut réclamer la restitution d'indemnités affectées par l'assuré à l'exécution des travaux que cette indemnité était destinée à financer.

13. Pour condamner l'assuré à restituer à l'assureur une partie des indemnités convenues entre les parties, l'arrêt retient qu'il ne résulte pas des écritures de la société Allianz qu'elle entend revenir sur la reconnaissance du caractère généralisé du désordre ni sur la mobilisation de sa garantie, mais sur la nature des éléments devant donner lieu à indemnisation, et que l'indemnité due par l'assureur de dommages-ouvrage ne concerne que le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil, l'indemnité versée ne pouvant excéder le paiement des travaux ainsi définis, le surplus relevant d'un paiement indu.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le délai de quatre-vingt-dix jours pour formuler une offre d'indemnisation n'était pas expiré ou sans constater que l'assuré n'avait pas employé l'indemnité versée à la réparation des désordres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Rive droite à payer à la société Allianz IARD la somme de 192 274,93 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Allianz IARD et la condamne à payer à la société Rive droite la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Rive droite

La société Rive Droite fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société Allianz Iard la somme de 192 274,93 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017 ;

1°) ALORS QUE l'assureur dommage ouvrage qui a accepté de prendre en charge un sinistre de nature décennale et s'est définitivement engagé à indemniser des désordres précis ne peut ultérieurement contester cette nature, ni demander restitution que des sommes qu'il a versées à l'assuré à ce titre, sauf si ce dernier n'a pas affecté la totalité des sommes à la réparation des désordres indemnisés ; qu'en se bornant à considérer que l'assureur pouvait solliciter, sur le fondement de la restitution de l'indu, le montant versé correspondant à des dommages n'ayant pas de nature décennale, sans rechercher si l'engagement d'indemnisation pris par l'assureur n'avait pas un caractère définitif tant sur le montant que sur le caractère décennal de sorte qu'il ne pouvait plus revenir dessus après expiration des délais ouverts pour présenter une offre d'indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 242-1 du code des assurances, ensemble l'article 1235 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS, subsidiairement, QUE la réparation des dommages matériels doit comprendre l'intégralité des sommes nécessaires à la réfection des ouvrages ; que dès lors en limitant la garantie due par la société Allianz à la société Rive Droite aux seuls frais relatifs à la vérification des fixations des cassettes, à l'exclusion de ceux relatifs au remplacement de certaines cassettes, sans rechercher si ce remplacement n'avait pas été rendu nécessaire par les désordres affectant les fixations, ce qui était à tout le moins le cas des cassettes dont la chute ou l'envol avait été constatée par huissier le 5 février 2014 et expressément reconnu par l'assureur dans ses courriers du 30 avril 2014, du 30 juillet 2014 et du 1er août 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792-1 du code civil et L. 242-1 du code des assurances. ECLI:FR:CCASS:2022:C300159
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