Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 février 2022, 20-15.290, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2022




Cassation


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 83 F-D

Pourvoi n° G 20-15.290




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 FÉVRIER 2022

La société Domitech 64, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-15.290 contre l'arrêt rendu le 18 février 2020 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant à M. [R] [S], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Domitech 64, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [S], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 18 février 2020), la société Domitech a fabriqué et posé un portail et une porte de garage dans un immeuble appartenant à M. [S], qui a payé le prix des fournitures et travaux le 20 octobre 2009.

2. La société Domitech a été mise en redressement judiciaire et son fonds de commerce a été vendu à la société Domitech 64 le 29 octobre 2013.

3. Alléguant la présence de traces de corrosion sur le portail, M. [S] a assigné la société Domitech 64 en remplacement du matériel et indemnisation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Domitech 64 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'être mise hors de cause, puis de la condamner à payer à M. [S] la somme de 3 696 euros TTC en réparation de son préjudice, alors « qu'en l'absence de clause expresse, la vente d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit cession à la charge de l'acheteur du passif des obligations dont le vendeur peut être tenu en raison des engagements souscrits par lui ; qu'en décidant que la cession du fonds de commerce de la société Domitech à la société Domitech 64 avait entraîné reprise des engagements de la cédante par la cessionnaire, les juges du fond ont violé les articles 1134 et 1165 anciens du code civil, ensemble l'article L. 141-5 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 141-5 du code de commerce :

5. Il résulte de ce texte qu'en l'absence de clause expresse la vente d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit la cession à la charge de l'acquéreur du passif des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui.

6. Pour condamner la société Domitech 64 à indemniser M. [S], après avoir constaté que l'acte de cession du 29 octobre 2013 fait notamment mention de la vente du fonds de commerce de fabrication, commercialisation, pose de menuiserie alu, PVC, tous articles de fermetures, volets roulants et tous aménagements de la société Domitech, l'arrêt retient qu'il s'ensuit que « la cession du patrimoine de cette société a entraîné son transfert de propriété dans celui de la société Domitech 64 ».

Il en déduit qu'elle n'est donc pas fondée à faire valoir qu'elle n'est pas concernée par les réclamations de M. [S] et à demander sa mise hors de cause.

7. En se déterminant ainsi, sans constater que le contrat de cession prévoyait expressément le transfert à la société Domitech 64 des obligations de garantie dont la société Domitech pouvait être tenue en vertu d'engagements initialement souscrits par elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Domitech 64.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la SAS Domitech 64, puis condamné la société Domitech 64 à payer à M. [S] la somme de 3 696 euros TTC en réparation de son préjudice résultant du portail corrodé ;

AUX MOTIFS QUE « sur la recevabilité des demandes dirigées contre la société Domitech 64, elles sont fondées par M. [R] [S] sur un manquement à l'obligation de conseil et sur la responsabilité contractuelle de son fournisseur du portail litigieux, la SARL Domitech, portail qui bénéficiait d'une garantie de dix ans ; qu'il est établi que : - M. [R] [S] a contracté selon devis en date du 29 avril 2009, avec la SARL Domitech immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bayonne sous le numéro 350 607 396 dont le gérant était M. [F] [X] et l'adresse [Adresse 3], - que la SARL Domitech a été placée en redressement judiciaire le 8 octobre 2012 par jugement du tribunal de commerce de Bayonne et a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 14 octobre 2013, - la SAS Domitech 64, dont le président est M. [A] [J], a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Bayonne le 28 août 2013 sous le numéro 794 894 121 ; que l'acte de cession d'entreprise en redressement judiciaire intervenu le 29 octobre 2013 entre M. [I] [Y], administrateur judiciaire et mandataire judiciaire de la SARL Domitech et la SAS Domitech 64, en présence de Maître [P] [L], mandataire judiciaire, et de M. [F] [X], fait notamment mention de la vente du fonds de commerce de fabrication, commercialisation, pose de menuiserie alu, PVC, tous articles de fermeture volets roulants et tous aménagements sis à [Adresse 3] ; qu'il s'ensuit que la cession du patrimoine affecté à la SARL Domitech a entraîné son transfert de propriété dans le patrimoine de la SAS Domitech 64 ; que la lecture des différents mails échangés entre le 6 août 2014 et le 28 septembre 2015 entre M. [R] [S] et la SAS Domitech 64 démontre que cette dernière n'a jamais contesté la responsabilité contractuelle dont se prévalait M. [R] [S] au titre des travaux exécutés par la SARL Domitech antérieurement à la cession ; que si certains de ces mails avaient pour objet la constitution d'un dossier service après-vente en garantie, à transmettre à la société Hörmann, fabricant du portail, il résulte de ces pièces que M. [S] est qualifié à plusieurs reprises de client par la SAS Domitech 64 et il apparaît (mail du 11 septembre 2015) qu'un technicien de la société Domitech 64 s'est déplacé sur les lieux, et qu'il avait déjà été précisé à M. [S] qu'un technicien de la société récupérerait le vantail du portail à réparer pour le ramener à l'atelier (mail du 3 juin 2015) ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SAS Domitech 64 n'a jamais contesté antérieurement au seul mail du 21 mars 2017 faisant suite à l'assignation qui lui a été délivrée, être tenue des obligations que la société cédante avait contracté auprès de M. [S] ; que la SAS Domitech 64 n'est donc pas fondée à faire valoir qu'elle n'est pas concernée par les réclamations de M. [R] [S] et à solliciter par-là même sa mise hors de cause » (arrêt, p. 4) ;

ALORS QUE, premièrement, en l'absence de clause expresse, la vente d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit cession à la charge de l'acheteur du passif des obligations dont le vendeur peut être tenu en raison des engagements souscrits par lui ; qu'en décidant que la cession du fonds de commerce de la société Domitech à la société Domitech 64 avait entraîné reprise des engagements de la cédante par la cessionnaire, les juges du fond ont violé les articles 1134 et 1165 anciens du code civil, ensemble l'article L. 141-5 du code de commerce ;

ALORS QUE, deuxièmement, les juges du fond doivent préciser le fondement de leur décision ; qu'en énonçant que la société Domitech 64 n'était « pas fondée à faire valoir qu'elle n'est pas concernée par les réclamations de M. [R] [S] » (arrêt, p. 4 pénultième alinéa), sans préciser le fondement juridique de leur décision, les juges du fond ont violé l'article 12 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, troisièmement, en l'absence de clause expresse, la vente d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit cession à la charge de l'acheteur du passif des obligations dont le vendeur peut être tenu en raison des engagements souscrits par lui ; qu'en décidant, pour retenir que la société Domitech 64, cessionnaire, était tenue des engagements souscrits par la société Domitech, cédante, à raison de l'inopposabilité de la cession du fonds à M. [S], les juges du fond ont violé les articles 1134 et 1165 anciens du code civil, ensemble l'article L. 145-1 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la SAS Domitech 64, puis condamné la société Domitech 64 à payer à M. [S] la somme de 3 696 euros TTC en réparation de son préjudice résultant du portail corrodé ;

AUX MOTIFS QUE « sur la recevabilité des demandes dirigées contre la société Domitech 64, elles sont fondées par M. [R] [S] sur un manquement à l'obligation de conseil et sur la responsabilité contractuelle de son fournisseur du portail litigieux, la SARL Domitech, portail qui bénéficiait d'une garantie de dix ans ; qu'il est établi que : - M. [R] [S] a contracté selon devis en date du 29 avril 2009, avec la SARL Domitech immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bayonne sous le numéro 350 607 396 dont le gérant était M. [F] [X] et l'adresse [Adresse 3], - que la SARL Domitech a été placée en redressement judiciaire le 8 octobre 2012 par jugement du tribunal de commerce de Bayonne et a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 14 octobre 2013, - la SAS Domitech 64, dont le président est M. [A] [J], a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Bayonne le 28 août 2013 sous le numéro 794 894 121 ; que l'acte de cession d'entreprise en redressement judiciaire intervenu le 29 octobre 2013 entre M. [I] [Y], administrateur judiciaire et mandataire judiciaire de la SARL Domitech et la SAS Domitech 64, en présence de Maître [P] [L], mandataire judiciaire, et de M. [F] [X], fait notamment mention de la vente du fonds de commerce de fabrication, commercialisation, pose de menuiserie alu, PVC, tous articles de fermeture volets roulants et tous aménagements sis à [Adresse 3] ; qu'il s'ensuit que la cession du patrimoine affecté à la SARL Domitech a entraîné son transfert de propriété dans le patrimoine de la SAS Domitech 64 ; que la lecture des différents mails échangés entre le 6 août 2014 et le 28 septembre 2015 entre M. [R] [S] et la SAS Domitech 64 démontre que cette dernière n'a jamais contesté la responsabilité contractuelle dont se prévalait M. [R] [S] au titre des travaux exécutés par la SARL Domitech antérieurement à la cession ; que si certains de ces mails avaient pour objet la constitution d'un dossier service après-vente en garantie, à transmettre à la société Hörmann, fabricant du portail, il résulte de ces pièces que M. [S] est qualifié à plusieurs reprises de client par la SAS Domitech 64 et il apparaît (mail du 11 septembre 2015) qu'un technicien de la société Domitech 64 s'est déplacé sur les lieux, et qu'il avait déjà été précisé à M. [S] qu'un technicien de la société récupérerait le vantail du portail à réparer pour le ramener à l'atelier (mail du 3 juin 2015) qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SAS Domitech 64 n'a jamais contesté antérieurement au seul mail du 21 mars 2017 faisant suite à l'assignation qui lui a été délivrée, être tenue des obligations que la société cédante avait contracté auprès de M. [S] ; que la SAS Domitech 64 n'est donc pas fondée à faire valoir qu'elle n'est pas concernée par les réclamations de M. [R] [S] et à solliciter par là même sa mise hors de cause ; que sa responsabilité doit être retenue, en application des dispositions des articles 1103 et 1231-1 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016 ; que sur le préjudice, M. [S] a versé aux débats plusieurs photographies dont il n'est pas contesté qu'il s'agisse de celles de son portail, et qui démontrent l'existence de nombreux points de corrosion ; qu'il résulte par ailleurs du mail envoyé le 15 septembre 2015 par le fabricant Hörmann à la SAS Domitech 64 que les portes ne disposent pas de protection spécifique contre l'environnement salin et que si elles ne sont pas nettoyées très fréquemment, dans un tel environnement, elles rouillent à certains endroits, surtout au bout de six ans ; qu'il est également indiqué dans ce mail qu'il était précisé dans la confirmation de commande que « pour les installations en bordure de mer (zone 2 : distance < à 30 km) et ambiance saline, nous préconisons une peinture de protection supplémentaire sur toutes les parties exposées ainsi qu'un nettoyage à l'eau douce au moins une fois par an » ; qu'il n'est aucunement justifié que M. [S] ait été informé par la SARL Domitech, lors de la commande de ce portail, de ces difficultés et des risques encours du fait de l'environnement salin ; qu'il s'ensuit qu'est caractérisé un manquement de l'entrepreneur à son devoir de conseil et à son obligation de renseignement ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [R] [S] de ses demandes ; que M. [R] [S] produit aux débats un devis du 2 mars 2017 établi par la société Automatismes Labadens pour le remplacement de la porte de garage sectionnelle double paroi et la mise en place d'une deuxième couche de peinture blanche 9016 d'un montant total de 3 696 euros ; que la SAS Domitech 64 ne démontre pas qu'un simple traitement des traces de rouille suffirait à réparer le désordre et il est constant quelle n'a jamais entrepris les travaux de réparation de ce portail ; qu'elle n'a d'ailleurs pas contesté le devis produit ; qu'en conséquence, pour assurer à M. [S] de l'effectivité de la réparation du portail, elle sera condamnée à lui payer la somme de 3 696 euros TTC pour le remplacement du portail défectueux avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2015, date de la réception de la lettre de mise en demeure avec accusé de réception ; qu'en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts, pourvu qu'ils soient dus pour une année entière » (arrêt, pp. 4-5) ;

ALORS QUE, premièrement, les contrats conclus avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016 demeurent soumis à la loi ancienne ; qu'en décidant que la responsabilité de la société Domitech serait appréciée au regard des règles issues de l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016 (arrêt, p. 4 in fine), les juges du fond ont violé l'article 9 de l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS QUE, deuxièmement, le préjudice résultant d'un manquement à une obligation d'information consiste en une perte de chance ; qu'en condamnant la société Domitech 64 à payer le coût du remplacement du portail, qui découlerait du manquement à son obligation de renseigner, les juges du fond ont violé l'article 1147 ancien du code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, le préjudice résultant d'un manquement à une obligation d'information consiste en une perte de chance ; qu'en condamnant la société Domitech 64 à payer le coût du remplacement du portail, qui découlerait du manquement à son obligation de renseigner, les juges du fond ont violé l'article 1382 ancien du code civil.ECLI:FR:CCASS:2022:CO00083
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