Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 janvier 2022, 20-20.223, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 janvier 2022, 20-20.223, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 20-20.223
- ECLI:FR:CCASS:2022:C300069
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 26 janvier 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, du 10 septembre 2019- Président
- Mme Teiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 69 FS-B
Pourvoi n° V 20-20.223
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [J].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 juin 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022
Mme [N] [J], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 20-20.223 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre civile C), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [F] [Z], domicilié [Adresse 1],
2°/ à M. [A] [Z], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [J], après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Barbieri, Jessel, David, Jobert, Laurent, conseillers, MM. Jariel, Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 septembre 2019), le 31 août 2013, M. [F] [Z], nu-propriétaire d'un logement (le nu-propriétaire) dont M. [A] [Z] donateur s'est réservé l'usufruit (l'usufruitier), l'a donné à bail à Mme [J] (la locataire).
2. Le 20 mai 2016, le nu-propriétaire a délivré à la locataire, un congé pour reprise au profit de sa belle-fille, à effet du 31 août 2016, puis l'a assignée en validité de ce congé.
3. L'usufruitier est intervenu à l'instance au soutien de la demande.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer que le nu-propriétaire avait qualité pour agir et, en conséquence, de valider le congé délivré le 20 mai 2016, sur le fondement de l'article 25-8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, aux fins de reprise par sa belle-fille, de déclarer qu'elle était occupante sans droit ni titre depuis le 1er septembre 2016 et d'ordonner son expulsion, ainsi que celle de tout occupant de son chef, alors « que l'intervention volontaire de l'usufruitier, qui a seul qualité pour conclure un bail d'habitation et délivrer congé au locataire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, à l'instance qui oppose le nu-propriétaire, bailleur, au preneur, n'est pas de nature à donner qualité à agir au premier ; qu'en se fondant, pour juger que M. [F] [Z] pouvait délivrer le congé et agir en justice aux fins de validation de ce congé, sur la circonstance inopérante que M. [A] [Z], usufruitier, était intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action, la cour d'appel a violé les articles 122 et 330 du code de procédure civile, 595 et 1984 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 595 du code civil et les articles 122, 329 et 330 du code de procédure civile :
5. Il résulte des deux premiers textes, que seul l'usufruitier, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut, en sa qualité de bailleur, agir en validité du congé pour reprise, et que le défaut de qualité à agir constitue une fin de non recevoir.
6. Selon les deux derniers textes, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.
7. Pour déclarer recevable l'action du nu-propriétaire, après avoir donné acte de son intervention à l'usufruitier, l'arrêt retient que ce dernier est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action.
8. En statuant ainsi, alors que seule l'intervention de l'usufruitier à titre principal pour se substituer au nu-propriétaire et élever des prétentions pour son propre compte, était de nature à permettre d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la locataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. La locataire fait grief à l'arrêt de valider le congé délivré le 20 mai 2016 par le nu-propriétaire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 aux fins de reprise par sa belle-fille, alors « que dès lors que seul l'usufruitier a le pouvoir pour conclure un bail sur les biens immobiliers et qualité pour donner congé au locataire, en cas de bail irrégulièrement conclu par une personne autre que l'usufruitier, c'est au regard de l'usufruitier, qui détient seul le droit de jouissance sur le bien, qu'il convient d'apprécier la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise; qu'en jugeant que M. [F] [Z] nu-propriétaire pouvait, en sa qualité de bailleur, se prévaloir du bénéfice du droit de reprise dans les conditions de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, et que le congé ainsi délivré au bénéfice de Mme [K] dont il indiquait qu'il s'agissait de sa belle-fille, respectait les dispositions légales et était valable, la cour d'appel a violé les articles 595, 1984 du code civil et 25-8 de la loi du 6 juillet 1989. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 595, alinéa 1, du code civil et 25-8, alinéa 3, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :
10. Il résulte du premier de ces textes que seul l'usufruitier, ayant qualité de bailleur en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut délivrer un congé et agir en validité du congé pour reprise.
11. Selon le second de ces textes, à peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de cette reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
12. Par l'effet combiné de ces dispositions, les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu'au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l'usufruitier.
13. Pour valider le congé, pour reprise, notifié par le nu-propriétaire, l'arrêt retient que ce congé respecte les dispositions légales, dès lors qu'il précise que le bénéficiaire de la reprise est sa belle-fille et que ce lien avec celle-ci est établi par la production d'un certificat de vie commune depuis plus d'une année à la date de délivrance du congé avec la mère de la bénéficiaire dont le livret de famille est produit.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [F] [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [F] [Z] à payer à la société civile professionnelle Alain Bénabent, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme [J]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [N] [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que M. [F] [Z] avait qualité pour agir et d'avoir en conséquence validé le congé délivré le 20 mai 2016 sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 aux fins de reprise par sa belle-fille, déclaré qu'elle était occupante sans droit ni titre depuis le 1er septembre 2016 et ordonné son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef;
1°) ALORS QUE l'usufruitier qui peut seul légalement conclure un bail sur les biens immobiliers a seul qualité pour donner congé au locataire et que le mandat qu'il donne au nu-propriétaire pour conclure un bail en son nom ne donne pas qualité à ce dernier pour donner congé au locataire ; qu'en jugeant que le nu-propriétaire pouvait, en accord avec l'usufruitier, conclure directement le bail et partant, pouvait délivrer un congé et agir en justice aux fins de validation de ce congé, la cour d'appel a violé les articles 595 et 1984 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, en se fondant sur la circonstance que M [A] [Z], usufruitier, avait donné pouvoir à son fils, nu-propriétaire, de gérer le bien et notamment de le louer, tout en constatant que M [F] [Z], nu-propriétaire, agissait en son seul nom et non en celui de l'usufruitier qui détenait, seul, les droits sur les fruits, pour délivrer le congé, la cour d'appel a violé les articles 595 et 1984 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'intervention volontaire de l'usufruitier, qui a seul qualité pour conclure un bail d'habitation et délivrer congé au locataire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, à l'instance qui oppose le nu-propriétaire, bailleur, au preneur, n'est pas de nature à donner qualité à agir au premier ; qu'en se fondant, pour juger que M [F] pouvait délivrer le congé et agir en justice aux fins de validation de ce congé, sur la circonstance inopérante que M [A] [Z], usufruitier, était intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action, la cour d'appel a violé les articles 122 et 330 du code de procédure civile, 595 et 1984 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [N] [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé délivré le 20 mai 2016 par M [F] [Z] sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 aux fins de reprise par sa belle-fille ;
ALORS QUE dès lors que seul l'usufruitier a le pouvoir pour conclure un bail sur les biens immobiliers et qualité pour donner congé au locataire, en cas de bail irrégulièrement conclu par une personne autre que l'usufruitier, c'est au regard de l'usufruitier, qui détient seul le droit de jouissance sur le bien, qu'il convient d'apprécier la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise ; qu'en jugeant que M [F] [Z] nu-propriétaire pouvait, en sa qualité de bailleur, se prévaloir du bénéfice du droit de reprise dans les conditions de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, et que le congé ainsi délivré au bénéfice de Mme [K] dont il indiquait qu'il s'agissait de sa belle-fille, respectait les dispositions légales et était valable, la cour d'appel a violé les articles 595, 1984 du code civil et 25-8 de la loi du 6 juillet 1989.ECLI:FR:CCASS:2022:C300069
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 69 FS-B
Pourvoi n° V 20-20.223
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [J].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 juin 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022
Mme [N] [J], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 20-20.223 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre civile C), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [F] [Z], domicilié [Adresse 1],
2°/ à M. [A] [Z], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [J], après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Barbieri, Jessel, David, Jobert, Laurent, conseillers, MM. Jariel, Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 septembre 2019), le 31 août 2013, M. [F] [Z], nu-propriétaire d'un logement (le nu-propriétaire) dont M. [A] [Z] donateur s'est réservé l'usufruit (l'usufruitier), l'a donné à bail à Mme [J] (la locataire).
2. Le 20 mai 2016, le nu-propriétaire a délivré à la locataire, un congé pour reprise au profit de sa belle-fille, à effet du 31 août 2016, puis l'a assignée en validité de ce congé.
3. L'usufruitier est intervenu à l'instance au soutien de la demande.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer que le nu-propriétaire avait qualité pour agir et, en conséquence, de valider le congé délivré le 20 mai 2016, sur le fondement de l'article 25-8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, aux fins de reprise par sa belle-fille, de déclarer qu'elle était occupante sans droit ni titre depuis le 1er septembre 2016 et d'ordonner son expulsion, ainsi que celle de tout occupant de son chef, alors « que l'intervention volontaire de l'usufruitier, qui a seul qualité pour conclure un bail d'habitation et délivrer congé au locataire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, à l'instance qui oppose le nu-propriétaire, bailleur, au preneur, n'est pas de nature à donner qualité à agir au premier ; qu'en se fondant, pour juger que M. [F] [Z] pouvait délivrer le congé et agir en justice aux fins de validation de ce congé, sur la circonstance inopérante que M. [A] [Z], usufruitier, était intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action, la cour d'appel a violé les articles 122 et 330 du code de procédure civile, 595 et 1984 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 595 du code civil et les articles 122, 329 et 330 du code de procédure civile :
5. Il résulte des deux premiers textes, que seul l'usufruitier, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut, en sa qualité de bailleur, agir en validité du congé pour reprise, et que le défaut de qualité à agir constitue une fin de non recevoir.
6. Selon les deux derniers textes, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.
7. Pour déclarer recevable l'action du nu-propriétaire, après avoir donné acte de son intervention à l'usufruitier, l'arrêt retient que ce dernier est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action.
8. En statuant ainsi, alors que seule l'intervention de l'usufruitier à titre principal pour se substituer au nu-propriétaire et élever des prétentions pour son propre compte, était de nature à permettre d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la locataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. La locataire fait grief à l'arrêt de valider le congé délivré le 20 mai 2016 par le nu-propriétaire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 aux fins de reprise par sa belle-fille, alors « que dès lors que seul l'usufruitier a le pouvoir pour conclure un bail sur les biens immobiliers et qualité pour donner congé au locataire, en cas de bail irrégulièrement conclu par une personne autre que l'usufruitier, c'est au regard de l'usufruitier, qui détient seul le droit de jouissance sur le bien, qu'il convient d'apprécier la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise; qu'en jugeant que M. [F] [Z] nu-propriétaire pouvait, en sa qualité de bailleur, se prévaloir du bénéfice du droit de reprise dans les conditions de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, et que le congé ainsi délivré au bénéfice de Mme [K] dont il indiquait qu'il s'agissait de sa belle-fille, respectait les dispositions légales et était valable, la cour d'appel a violé les articles 595, 1984 du code civil et 25-8 de la loi du 6 juillet 1989. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 595, alinéa 1, du code civil et 25-8, alinéa 3, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :
10. Il résulte du premier de ces textes que seul l'usufruitier, ayant qualité de bailleur en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut délivrer un congé et agir en validité du congé pour reprise.
11. Selon le second de ces textes, à peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de cette reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
12. Par l'effet combiné de ces dispositions, les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu'au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l'usufruitier.
13. Pour valider le congé, pour reprise, notifié par le nu-propriétaire, l'arrêt retient que ce congé respecte les dispositions légales, dès lors qu'il précise que le bénéficiaire de la reprise est sa belle-fille et que ce lien avec celle-ci est établi par la production d'un certificat de vie commune depuis plus d'une année à la date de délivrance du congé avec la mère de la bénéficiaire dont le livret de famille est produit.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [F] [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [F] [Z] à payer à la société civile professionnelle Alain Bénabent, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme [J]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [N] [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que M. [F] [Z] avait qualité pour agir et d'avoir en conséquence validé le congé délivré le 20 mai 2016 sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 aux fins de reprise par sa belle-fille, déclaré qu'elle était occupante sans droit ni titre depuis le 1er septembre 2016 et ordonné son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef;
1°) ALORS QUE l'usufruitier qui peut seul légalement conclure un bail sur les biens immobiliers a seul qualité pour donner congé au locataire et que le mandat qu'il donne au nu-propriétaire pour conclure un bail en son nom ne donne pas qualité à ce dernier pour donner congé au locataire ; qu'en jugeant que le nu-propriétaire pouvait, en accord avec l'usufruitier, conclure directement le bail et partant, pouvait délivrer un congé et agir en justice aux fins de validation de ce congé, la cour d'appel a violé les articles 595 et 1984 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, en se fondant sur la circonstance que M [A] [Z], usufruitier, avait donné pouvoir à son fils, nu-propriétaire, de gérer le bien et notamment de le louer, tout en constatant que M [F] [Z], nu-propriétaire, agissait en son seul nom et non en celui de l'usufruitier qui détenait, seul, les droits sur les fruits, pour délivrer le congé, la cour d'appel a violé les articles 595 et 1984 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'intervention volontaire de l'usufruitier, qui a seul qualité pour conclure un bail d'habitation et délivrer congé au locataire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, à l'instance qui oppose le nu-propriétaire, bailleur, au preneur, n'est pas de nature à donner qualité à agir au premier ; qu'en se fondant, pour juger que M [F] pouvait délivrer le congé et agir en justice aux fins de validation de ce congé, sur la circonstance inopérante que M [A] [Z], usufruitier, était intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action, la cour d'appel a violé les articles 122 et 330 du code de procédure civile, 595 et 1984 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [N] [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé délivré le 20 mai 2016 par M [F] [Z] sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 aux fins de reprise par sa belle-fille ;
ALORS QUE dès lors que seul l'usufruitier a le pouvoir pour conclure un bail sur les biens immobiliers et qualité pour donner congé au locataire, en cas de bail irrégulièrement conclu par une personne autre que l'usufruitier, c'est au regard de l'usufruitier, qui détient seul le droit de jouissance sur le bien, qu'il convient d'apprécier la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise ; qu'en jugeant que M [F] [Z] nu-propriétaire pouvait, en sa qualité de bailleur, se prévaloir du bénéfice du droit de reprise dans les conditions de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, et que le congé ainsi délivré au bénéfice de Mme [K] dont il indiquait qu'il s'agissait de sa belle-fille, respectait les dispositions légales et était valable, la cour d'appel a violé les articles 595, 1984 du code civil et 25-8 de la loi du 6 juillet 1989.