Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 janvier 2022, 20-12.542, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 janvier 2022




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 66 F-D

Pourvoi n° W 20-12.542




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022

Mme [K] [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-12.542 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Rain Bird Europe, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société Rain Bird Europe, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Rain Bird Europe, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 décembre 2019), statuant sur renvoi après cassation (Soc.,14 novembre 2018, pourvoi n° 17-22.539), Mme [H] a été engagée le 16 juin 2003 en qualité d'assistante service clientèle par la société Rain Bird Europe. Au dernier état de la relation contractuelle elle était classée au niveau VII, coefficient C10, statut cadre de la convention collective nationale métropolitaine des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, dite SDLM, du 23 avril 2012.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de diverses demandes en découlant.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de la salariée et le second moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du second moyen du pourvoi incident, qui est irrecevable, et sur les autres griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme à titre de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel outre des congés payés afférents, dire que les sommes allouées à titre de rappel de salaire et congés payés afférents produiraient intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation en vue de l'audience du 2 décembre 2011, les intérêts étant capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil à compter du 24 septembre 2019, de le condamner aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la salariée une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'aux termes de l'article 3 al. 3 de l'annexe collaborateurs de la convention collective des entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériels de travaux publics, de bâtiment et de manutention, de matériels de motoculture de plaisance, de jardins et d'espaces verts du 30 octobre 1969, applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective dite SDLM du 23 avril 2012, ''lorsqu'un salarié est rémunéré par un fixe plus primes et/ou commissions conformément à des conditions particulières écrites, son salaire mensuel global ne pourra être inférieur au salaire minimum garanti découlant de son coefficient hiérarchique ; le salaire mensuel devant servir de base pour le calcul de primes éventuelles ou indemnités sera le salaire moyen des 12 derniers mois'' ; qu'en l'absence de disposition conventionnelle contraire, le treizième mois fait partie des éléments à prendre en compte dans la comparaison avec le salaire minimum conventionnel, sans que cette prise en compte soit limitée au mois au cours duquel il a été versé, le salaire comparé au salaire minimum conventionnel devant être le salaire moyen versé sur les douze derniers mois ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de la salariée pour la période de 2006 à 2013, la cour d'appel s'est bornée à relever que les dispositions de la nouvelle convention collective du 23 avril 2012 prévoyaient la prise en compte du treizième mois seulement pour le mois au cours duquel elle avait été versée ; qu'en appliquant ainsi les dispositions de la nouvelle convention collective à une période qu'elles n'avaient, pour l'essentiel, pas vocation à régir, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 3 al 3 de l'annexe collaborateurs de la convention collective des entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériels de travaux publics, de bâtiment et de manutention, de matériels de motoculture de plaisance, de jardins et d'espaces verts du 30 octobre 1969 et, par fausse application, les articles 4.21 et suivants de la convention collective du 23 avril 2012 dite SDLM. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 3, alinéa 3, de l'annexe collaborateur de la convention collective nationale des entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériels de travaux publics, de bâtiment et de manutention, de matériels de motoculture de plaisance, de jardins et d'espaces verts du 30 octobre 1969, lorsqu'un salarié est rémunéré par un fixe plus primes et/ou commissions, conformément à des conditions particulières écrites, son salaire mensuel global ne pourra être inférieur au salaire minimum garanti découlant de son coefficient hiérarchique ; le salaire mensuel devant servir de base pour le calcul de primes éventuelles ou indemnités sera le salaire moyen des douze derniers mois.

6. Il en résulte que si le treizième mois fait partie des éléments de rémunération à prendre en compte dans la comparaison avec le salaire minimum conventionnel, en l'absence de disposition conventionnelle contraire, son montant ne doit être pris en compte que pour le mois où il a été effectivement versé.

7. Selon l'article 4.21.1 de la convention collective nationale métropolitaine des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, dite SDLM, du 23 avril 2012, pour l'application du salaire minimum mensuel conventionnel garanti, il y a lieu de prendre en compte tous les éléments de rémunération quels qu'en soient l'origine, l'objet, les critères d'attribution, l'appellation et la périodicité des versements, sans autres exceptions que celles énoncées à l'article 4.21.2.

8. Selon l'article 4.21.2 du même texte, ne sont pas pris en compte dans la définition du salaire minimum mensuel conventionnel garanti les éléments de la rémunération qui ne sont pas la contrepartie directe du travail ainsi que les primes et gratifications dont l'attribution présente un caractère aléatoire.

9. Il en résulte que si le treizième mois fait partie des éléments de rémunération à prendre en compte dans la comparaison avec le salaire minimum conventionnel, en l'absence de disposition conventionnelle contraire, son montant ne doit être pris en compte que pour le mois où il a été effectivement versé.

10. Ayant constaté, s'agissant de la période d'octobre 2006 à décembre 2013, au cours de laquelle les deux conventions collectives s'étaient appliquées successivement, que la salariée avait perçu une rémunération inférieure au salaire minimum conventionnel auquel elle pouvait prétendre, sauf certains mois au cours desquels elle avait perçu la prime de treizième mois ou la prime d'objectifs, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes conventionnels.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [H], demanderesse au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de résiliation judicaire du contrat de travail et de l'ensemble de ses demandes subséquentes.

AUX MOTIFS QUE les manquements établis liés au non-paiement de la rémunération minimum conventionnelle pour la période antérieure à 2014, du fait de la prise en compte de la prime de treizième mois dans les conditions ci-dessus spécifiées, ainsi qu'au non-paiement de la prime d'ancienneté pour la période de juin 2008 à décembre 2010, cette prime ayant ensuite été inscrite sur une ligne distincte du bulletin de paie et régulièrement acquittée jusqu'au licenciement pour inaptitude notifié en septembre 2017, ne revêtaient pas une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; que dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes subséquentes.

ALORS QUE justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail de travail les manquements de l'employeur d'une telle gravité qu'ils en empêchent la poursuite ; qu'en retenant que le non-paiement par l'employeur de la rémunération minimale conventionnelle et de la prime d'ancienneté pendant plusieurs années ne constituaient pas des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat aux motifs inopérants qu'ils se rapportaient à des périodes antérieures à 2010 ou 2014, quand elle constatait que l'employeur était redevable d'une créance salariale s'élevant à 22 712,73 euros bruts au jour de sa décision, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail.
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol avocat aux Conseils, pour la société Rain Bird Europe, demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Rain Bird Europe à verser à la salariée la somme de 17 151,73 euros de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel et 1 715,17 euros au titre des congés payés afférents, d'AVOIR dit que les sommes allouées à titre de rappel de salaire et congés payés afférents produiraient intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation en vue de l'audience du 2 décembre 2011, les intérêts étant capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil à compter du 24 septembre 2019, d'AVOIR condamné la société Rain Bird Europe aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la salariée la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE « Sur le rappel de salaire au titre du minimum conventionnel
L'ancienne convention collective des entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériels de travaux publics, de bâtiment et de manutention, de matériels de motoculture de plaisance, de jardins et d'espaces verts du 30 octobre 1969 prévoyait (annexe collaborateurs, art. 3 al. 3) : "Lorsqu'un salarié est rémunéré par un fixe plus primes et/ou commissions conformément à des conditions particulières écrites, son salaire mensuel global ne pourra être inférieur au salaire minimum garanti découlant de son coefficient hiérarchique ; le salaire mensuel devant servir de base pour le calcul de primes éventuelles ou indemnités sera le salaire moyen des 12 derniers mois."
Ces dispositions n'ont pas été reprises dans la nouvelle convention collective nationale métropolitaine des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, dite SDLM, du 23 avril 2012, qui comporte les dispositions suivantes :
Article 4.21 - Définition du salaire minimum conventionnel garanti : "Le salaire minimum mensuel conventionnel garanti s'entend du salaire rétribuant l'emploi exercé par le salarié au regard de sa classification sur la base de la durée hebdomadaire légale du travail [...]
Lorsque le salaire d'un salarié comporte une part variable, l'addition de la part variable et de la part fixe ne peut être inférieure au montant du salaire minimum conventionnel garanti résultant de son coefficient conventionnel"
Article 4.21.1 - "Éléments à prendre en compte dans la définition du salaire minimum mensuel conventionnel garanti : "Pour l 'application du salaire minimum conventionnel garanti, il y a lieu de prendre en compte tous les éléments de rémunération quels qu'en soient l'origine, l'objet, les critères d'attribution, l'appellation et la périodicité des versements, sans autres exceptions que celles énoncées à l'article 4.21.2"
Article 4.21.2 - "Éléments exclus de la définition du salaire minimum mensuel conventionnel garanti : "Dans la mesure où le salaire minimum mensuel conventionnel garanti se définit par rapport à la durée hebdomadaire légale du travail, les heures supplémentaires en sont naturellement exclues.
Ne sont pas pris en compte dans la définition du salaire minimum mensuel conventionnel garantis les éléments de la rémunération qui ne sont pas la contrepartie directe du travail ainsi que les primes et gratifications dont l'attribution présente un caractère aléatoire.
Il en est ainsi notamment :
? de la prime d'ancienneté prévue par l'article 4.23 ;
? de la prime conventionnelle d'astreinte ;
? de la prime de panier ;
? de la prime d'habillage ;
? des sommes ayant le caractère de remboursements de frais ;
? des sommes attribuées pour tenir compte de conditions exceptionnelles ou inhabituelles d'exercice des tâches, fonctions ou responsabilités confiées aux salariés, c'est-à-dire des sommes qui cessent d'être payées lorsque ces conditions prennent fin.
Aucun salarié ne peut percevoir un salaire mensuel inférieur au salaire minimum mensuel conventionnel garanti correspondant à la classification conventionnelle des emplois définie à l'article 4.10"
Il résulte ainsi de ces dispositions que pour l'application du salaire minimum mensuel conventionnel garanti, il y a lieu de prendre en compte tous les éléments de la rémunération quels qu'en soient l'origine, l'objet, les critères d'attribution, l'appellation et la périodicité des versements, sans autres exceptions que celles énoncées à l'article 4.21.2, que les éléments de la rémunération qui ne sont pas la contrepartie directe du travail ainsi que les primes et gratifications dont l'attribution présente un caractère aléatoire ne sont pas pris en compte dans la définition du salaire minimum mensuel conventionnel garanti, et que si le treizième mois fait partie des éléments de rémunération à prendre en compte dans la comparaison avec le salaire minimum conventionnel, en l'absence de disposition conventionnelle contraire, son montant ne doit être pris en compte que pour le mois où il a effectivement versé.
La demande de rappel de salaire portant sur la période non prescrite d'octobre 2006 à 2017 (dernier jour travaillé : 4 juin 2017), deux périodes doivent être distinguées au vu des bulletins de paie et des trois tableaux distincts produits par la salariée (pièces n° 11 : octobre 2006 à décembre 2010, n° 3 8 : janvier 2011 à décembre 2013 et n° 41 : janvier 2005 à décembre 2016) : celle antérieure à janvier 2014, au cours de laquelle la prime de treizième mois était payée en novembre de chaque année, et la période postérieure, durant laquelle cette prime a été réglée par douzième chaque mois.
S'agissant de la première période (octobre 2006 à décembre 2013), Mme [H] n'ayant pas perçu le salaire minimum conventionnel auquel elle pouvait prétendre, sauf certains mois au cours desquels elle a perçu la prime de treizième mois ou la prime d'objectifs, sa demande est justifiée sous les réserves suivantes :
- 2006 : le rappel dû ne s'établit pas à 1 137,96 euros, comme indiqué dans ses conclusions, mais à 379,32, conformément à son tableau n° 11
- 2007 : le rappel s'établit à 3 111,12 euros et non à 3 786,72 euros
- 2008 : le rappel s'établit à 3 270,80 euros et non à 4 015,80 euros
- 2009 : le rappel s'établit à 2 230,42, et non à 2 058,20 euros, étant précisé que la somme de 1 274,14 euros versée en février 2011 à titre de rappel 2009 a bien été pris en compte par la salariée dans son tableau.
- 2010 : le rappel s'établit à 2 613,32, et non à 3 579,19 euros
- 2011 : le rappel s'établit à 2 14,80 euros, et non 2 341,39 euros
- 2012 :le rappel s'établit à 1 668,85 euros, et non à 2 139,47 euros
- 2013 : le rappel s'établit à 1 753,10, et non à 2 103,72 euros
En ce qui concerne la période postérieure, il résulte de son tableau n° 41 que, compte tenu du versement des primes annuelles sur objectifs, l'appelante considère avoir été remplie de ses droits pour les mois de février et juin 2014, février 2015 et février 2016.
Pour le surplus, la demande qui, nonobstant les indications figurant dans ce tableau, porte exclusivement sur un rappel de salaire minimum conventionnel et non sur un rappel de prime contractuelle de treizième mois, n'est pas justifiée dès lors qu'elle consiste à réclamer pour chaque mois une somme correspondant à l'écart entre le montant du salaire minimum conventionnel et le montant du salaire de base, sans prendre en compte les sommes effectivement versées mensuellement au titre de la prime de treizième mois, lesquelles avaient pour effet de porter la rémunération mensuelle à un montant supérieur au salaire minimum conventionnel garanti.
Dès lors, le rappel de salaire dont l'employeur est redevable sera fixé à la somme de 17 151,73 €, outre 1 715,17 € de congés payés afférents, et le jugement sera ainsi réformé de ce chef »,

ALORS QU'aux termes de l'article 3 al. 3 de l'annexe collaborateurs de la convention collective des entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériels de travaux publics, de bâtiment et de manutention, de matériels de motoculture de plaisance, de jardins et d'espaces verts du 30 octobre 1969, applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective dite SDLM du 23 avril 2012, « lorsqu'un salarié est rémunéré par un fixe plus primes et/ou commissions conformément à des conditions particulières écrites, son salaire mensuel global ne pourra être inférieur au salaire minimum garanti découlant de son coefficient hiérarchique ; le salaire mensuel devant servir de base pour le calcul de primes éventuelles ou indemnités sera le salaire moyen des 12 derniers mois » ; qu'en l'absence de disposition conventionnelle contraire, le treizième mois fait partie des éléments à prendre en compte dans la comparaison avec le salaire minimum conventionnel, sans que cette prise en compte soit limitée au mois au cours duquel il a été versé, le salaire comparé au salaire minimum conventionnel devant être le salaire moyen versé sur les douze derniers mois ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de la salariée pour la période de 2006 à 2013, la cour d'appel s'est bornée à relever que les dispositions de la nouvelle convention collective du 23 avril 2012 prévoyaient la prise en compte du treizième mois seulement pour le mois au cours duquel elle avait été versée ; qu'en appliquant ainsi les dispositions de la nouvelle convention collective à une période qu'elles n'avaient, pour l'essentiel, pas vocation à régir, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 3 al 3 de l'annexe collaborateurs de la convention collective des entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériels de travaux publics, de bâtiment et de manutention, de matériels de motoculture de plaisance, de jardins et d'espaces verts du 30 octobre 1969 et, par fausse application, les articles 4.21 et suivants de la convention collective du 23 avril 2012 dite SDLM.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Rain Bird Europe à verser à la salariée la somme de 3 496,21 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté, outre 349,62 euros au titre des congés payés afférents, d'AVOIR dit que les sommes allouées à titre de rappel de salaire et congés payés afférents produiraient intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation en vue de l'audience du 2 décembre 2011, les intérêts étant capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil à compter du 24 septembre 2019, d'AVOIR condamné la société Rain Bird Europe aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la salariée la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE « Sur le rappel de prime d'ancienneté
L'article 5 de la convention collective abrogée prévoyait le paiement d'une prime d'ancienneté s'ajoutant au salaire et calculée au taux de 5 % après cinq ans d'ancienneté. Il stipulait en outre que la prime d'ancienneté devrait figurer à part sur une ligne du bulletin de paie et qu'il serait tenu compte de situations individuelles qui feraient ressortir, à la date d'application de la convention, la présomption que l'employeur avait déjà tenu compte de l'ancienneté de ses collaborateurs dans leurs salaires.
S'il a régularisé le paiement de la prime d'ancienneté sur une ligne distincte à compter du mois de février 2011, avec effet rétroactif au 1er janvier 2011, l'employeur ne se reconnaît redevable d'aucun rappel pour la période courant à compter de juin 2008, motifs pris que cette prime était comprise dans la rémunération versée à la salariée, au même titre que l'ensemble des primes contractuelles et conventionnelles, et que, dans sa lettre du 12 janvier 2011, l'Urssaf a seulement demandé de faire apparaître cet élément sur une ligne distincte.
Cependant, cette analyse est contredite par les bulletins de paie dont il résulte que Mme [H], qui percevait un salaire de base de 1 954 euros en 2010, porté à 2 108 euros à compter de janvier 2011, a bénéficié à compter de février 2011 d'une prime d'ancienneté d'un montant de 114,17 € s'ajoutant à son salaire, un rappel du même montant lui étant réglé pour le mois de janvier, et qu'au demeurant, la direction a indiqué, dans son communiqué du 7 février 2011, qu'elle avait "décidé de payer la prime d'ancienneté séparément et en plus des autres éléments de rémunération. "En conséquence, la société Rain Bird Europe sera condamnée à payer à Mme [H] un rappel de 3 496,21 € à ce titre, outre 349,62 € de congés payés afférents »,

1°) ALORS QUE la cour d'appel ne peut statuer que sur les prétentions expressément énoncées au dispositif des dernières écritures des parties ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de ses dernières écritures, Mme [H] ne formait aucune demande de rappel de prime d'ancienneté ; qu'en lui allouant pourtant une somme à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 954 al. 2 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des éléments de preuve soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, pour établir n'être redevable d'aucune somme à titre de rappel de prime d'ancienneté, la société Rain Bird Europe produisait aux débats un courrier de l'Urssaf en date du 12 janvier 2011 aux termes duquel l'organisme de recouvrement indiquait, s'agissant de la prime d'ancienneté versée aux salariés de l'entreprise, que s' « il convient à l'avenir de mentionner distinctement le montant de la prime d'ancienneté octroyée à chaque salarié », le bilan annuel remis à chaque salarié faisait apparaître que « le salaire annuel tient compte de tous les éléments légaux et conventionnels y compris la prime d'ancienneté », de sorte que « l'examen des éléments que vous nous avez adressés conduisent à la révision du chef de redressement et permettent de ramener le montant à 0 » ; qu'en estimant que la société Rain Bird Europe était redevable d'un reliquat de prime d'ancienneté, sans avoir préalablement pris le soin d'examiner cet élément de preuve déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le salarié n'a pas droit au paiement supplémentaire d'une prime d'ancienneté qui lui a déjà été versée, serait-elle comprise dans la rémunération globale ; qu'en se bornant à relever que l'employeur avait décidé, à compter de janvier 2011, de verser la prime d'ancienneté séparément et en sus des autres éléments de rémunération, motif impropre à établir que la prime n'avait pas été comprise dans la rémunération versée à la salariée avant cette date, et donc impropre à justifier la créance de la salariée dont elle a ordonné le paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00066
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