Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 janvier 2022, 19-25.158 20-10.091, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 janvier 2022, 19-25.158 20-10.091, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 19-25.158, 20-10.091
- ECLI:FR:CCASS:2022:C100046
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 12 janvier 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, du 05 novembre 2019- Président
- M. Chauvin
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 janvier 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 46 FS-B+R
Pourvois n°
P 19-25.158
H 20-10.091 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022
Mme [W] [L], domiciliée [Adresse 3], a formé les pourvois n° P 19-25.158 et H 20-10.091 contre un arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 2), dans les litiges l'opposant :
1°/ à Mme [C] [O], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Mme [P] [O], domiciliée [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, un moyen unique de cassation identique annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de Mme [L], de la SCP Spinosi, avocat de Mmes [C] et [P] [O], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mmes Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, Mme Gargoullaud, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 19-25.158 et n° H 20-10.091 sont joints ;
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 5 novembre 2019), [I] [O] est décédé le 1er juillet 2015, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [L], et ses deux filles, issues d'un précédent mariage, Mmes [C] et [P] [O], et en l'état d'un testament authentique du 20 août 2003, instituant son épouse légataire à titre particulier d'une maison d'habitation, des meubles s'y trouvant et d'une certaine somme d'argent.
3. Les héritières se sont opposées sur l'étendue des droits de Mme [L].
Examen des moyens
Sur les moyens, pris en leurs deuxième à quatrième branches, rédigés en termes identiques et réunis, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les moyens, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques et réunis
Enoncé du moyen
5. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire que la libéralité dont elle bénéficie s'impute sur ses droits légaux qui sont d'un quart en pleine propriété, alors « que, dans ses conclusions d'appel (du 4 septembre 2019, p. 5 al. 5), Mme [L] invoquait les dispositions de l'article 843 du code civil, selon lequel les legs sont réputés faits hors part successorale, et soutenait qu'en vertu de ce texte, elle était en droit de cumuler le legs de la maison de [Localité 4] et les droits successoraux dont elle était titulaire en sa qualité de conjoint survivant en vertu des dispositions de l'article 757 du code civil ; qu'en laissant sans réponse les écritures de Mme [L] invoquant l'existence d'un legs fait hors part successorale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
6. L'article 758-5 du code civil dispose :
« Le calcul du droit en toute propriété du conjoint prévu aux articles 757 et 757-1 sera opéré sur une masse faite de tous les biens existant au décès de son époux auxquels seront réunis fictivement ceux dont il aurait disposé, soit par acte entre vifs, soit par acte testamentaire, au profit de successibles, sans dispense de rapport.
Le conjoint ne pourra exercer son droit que sur les biens dont le prédécédé n'aura disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire, et sans préjudicier aux droits de réserve ni aux droits de retour. »
7. L'article 758-6 du même code dispose :
« Les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur les droits de celui-ci dans la succession. Lorsque les libéralités ainsi reçues sont inférieures aux droits définis aux articles 757 et 757-1, le conjoint survivant peut en réclamer le complément, sans jamais recevoir une portion des biens supérieure à la quotité définie à l'article 1094-1. »
8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le conjoint survivant est tenu à un rapport spécial en moins prenant des libéralités reçues par lui du défunt dans les conditions définies à l'article 758-6.
9. Dès lors, la présomption de dispense de rapport des legs prévue à l'article 843 du code civil étant inapplicable au conjoint survivant, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à Mmes [O] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen identique produit aux pourvois n° P 19-25.158 et n° H 20-10.091 par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme [L]
Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que la libéralité dont bénéficie Mme [L] s'impute sur ses droits légaux qui sont d'un quart en pleine propriété ;
AUX MOTIFS QU' aux termes des dispositions de l'article 757 du code civil, lorsque l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1094-1 du code civil pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants, issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement ; que sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur ; que cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles ; qu'aux termes des dispositions de l'article 758-6 du code civil les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur les droits de celui-ci dans la succession ; que lorsque les libéralités ainsi reçues sont inférieures aux droits définis aux articles 757 et 757-1 le conjoint survivant peut en réclamer le complément sans jamais recevoir une portion de biens supérieure à la quotité disponible définie à l'article 1094-1 ; que ces dispositions, issues de la loi ri° 2006-728 du 23 juin 2006, sont applicables aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007 ; qu'il ressort clairement de ces textes que le conjoint survivant ne peut prétendre au cumul de ses droits successoraux en cette qualité avec le bénéfice d'une donation faite par son conjoint prédécédé, cette libéralité devant, aux termes des dispositions de l'article 758-6 du code civil, s'imputer sur ses droits sans qu'il puisse être dérogé à ces règles par des dispositions testamentaires ; que si, en formant un legs particulier au profit de son épouse, M. [O] n'a pas entendu l'exhéréder, il ne ressort pas non plus des termes de cet acte qu'il a entendu étendre ses droits au-delà de ceux qui étaient les siens en sa qualité de conjoint survivant dans l'hypothèse où son legs viendrait à s'exécuter ; que dès lors la vocation libérale de Mme [L] en sa qualité de conjoint survivant sera imputée sur ses droits légaux tels que définis à l'article 757 du code civil à savoir sur le quart en pleine propriété de la succession ; que le projet de déclaration de succession non approuvé que les appelantes versent aux débats et dont elles déclarent qu'il a été établi par le notaire de Mme [L], sans que celle-ci ne le conteste, ne mentionne d'ailleurs les droits de cette dernière qu'à hauteur du quart en pleine propriété de la succession conformément aux dispositions de l'article 757 du code civil bien que le legs y ait été rappelé ; que le jugement attaqué sera en conséquence Infirmé en ce qu'il a dit que Mme [W] [L] veuve [O] bénéficie du cumul du legs avec ses droits légaux, sans imputations et dans la limite de la réserve héréditaire ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE dans ses conclusions d'appel (du 4 septembre 2019, p. 5 al. 5), Mme [L] invoquait les dispositions de l'article 843 du code civil, selon lequel les legs sont réputés faits hors part successorale, et soutenait qu'en vertu de ce texte, elle était en droit de cumuler le legs de la maison de [Localité 4] et les droits successoraux dont elle était titulaire en sa qualité de conjoint survivant en vertu des dispositions de l'article 757 du code civil ; qu'en laissant sans réponse les écritures de Mme [L] invoquant l'existence d'un legs fait hors part successorale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU' en déclarant mettre en oeuvre le principe selon lequel « le conjoint survivant ne peut prétendre au cumul de ses droits successoraux en cette qualité avec le bénéfice d'une donation faite par son conjoint prédécédé » (arrêt attaqué, p. 7 al. 1er), cependant que Mme [L] n'a pas bénéficié d'une donation mais d'un legs, ainsi que l'arrêt attaqué le mentionne par ailleurs (p. 7 al. 2), la cour d'appel, qui a fondé son analyse sur l'hypothèse d'une donation en réalité inexistante, a privé sa décision de base légale au regard des articles 758-6 et 843 du code civil ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale et constituent donc une exception à la règle d'imputation de l'article 758-6 du code civil ; qu'en affirmant que « le conjoint survivant ne peut prétendre au cumul de ses droits successoraux en cette qualité avec le bénéfice d'une donation faite par son conjoint prédécédé, cette libéralité devant, aux termes des dispositions de l'article 758-6 du code civil, s'imputer sur ses droits sans qu'il puisse être dérogé à ces règles par des dispositions testamentaires » (arrêt attaqué, p. 7 al. 1er), cependant qu'une telle dérogation existe, la cour d'appel a violé l'article 758-6 du code civil par fausse application et l'article 843 du code civil par refus d'application ;
ALORS, EN DERNIER LIEU, QU' en visant, à l'appui de son analyse, un « projet de déclaration de succession non approuvé » (arrêt attaqué, p. 7 al. 3), cependant qu'un projet de déclaration non approuvé par les héritiers, qui par définition n'émane pas du défunt, ne saurait apporter le moindre indice sur l'étendue des droits successoraux des intéressés, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des articles 757 et 758-6 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2022:C100046
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 janvier 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 46 FS-B+R
Pourvois n°
P 19-25.158
H 20-10.091 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022
Mme [W] [L], domiciliée [Adresse 3], a formé les pourvois n° P 19-25.158 et H 20-10.091 contre un arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 2), dans les litiges l'opposant :
1°/ à Mme [C] [O], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Mme [P] [O], domiciliée [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, un moyen unique de cassation identique annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de Mme [L], de la SCP Spinosi, avocat de Mmes [C] et [P] [O], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mmes Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, Mme Gargoullaud, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 19-25.158 et n° H 20-10.091 sont joints ;
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 5 novembre 2019), [I] [O] est décédé le 1er juillet 2015, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [L], et ses deux filles, issues d'un précédent mariage, Mmes [C] et [P] [O], et en l'état d'un testament authentique du 20 août 2003, instituant son épouse légataire à titre particulier d'une maison d'habitation, des meubles s'y trouvant et d'une certaine somme d'argent.
3. Les héritières se sont opposées sur l'étendue des droits de Mme [L].
Examen des moyens
Sur les moyens, pris en leurs deuxième à quatrième branches, rédigés en termes identiques et réunis, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les moyens, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques et réunis
Enoncé du moyen
5. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire que la libéralité dont elle bénéficie s'impute sur ses droits légaux qui sont d'un quart en pleine propriété, alors « que, dans ses conclusions d'appel (du 4 septembre 2019, p. 5 al. 5), Mme [L] invoquait les dispositions de l'article 843 du code civil, selon lequel les legs sont réputés faits hors part successorale, et soutenait qu'en vertu de ce texte, elle était en droit de cumuler le legs de la maison de [Localité 4] et les droits successoraux dont elle était titulaire en sa qualité de conjoint survivant en vertu des dispositions de l'article 757 du code civil ; qu'en laissant sans réponse les écritures de Mme [L] invoquant l'existence d'un legs fait hors part successorale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
6. L'article 758-5 du code civil dispose :
« Le calcul du droit en toute propriété du conjoint prévu aux articles 757 et 757-1 sera opéré sur une masse faite de tous les biens existant au décès de son époux auxquels seront réunis fictivement ceux dont il aurait disposé, soit par acte entre vifs, soit par acte testamentaire, au profit de successibles, sans dispense de rapport.
Le conjoint ne pourra exercer son droit que sur les biens dont le prédécédé n'aura disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire, et sans préjudicier aux droits de réserve ni aux droits de retour. »
7. L'article 758-6 du même code dispose :
« Les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur les droits de celui-ci dans la succession. Lorsque les libéralités ainsi reçues sont inférieures aux droits définis aux articles 757 et 757-1, le conjoint survivant peut en réclamer le complément, sans jamais recevoir une portion des biens supérieure à la quotité définie à l'article 1094-1. »
8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le conjoint survivant est tenu à un rapport spécial en moins prenant des libéralités reçues par lui du défunt dans les conditions définies à l'article 758-6.
9. Dès lors, la présomption de dispense de rapport des legs prévue à l'article 843 du code civil étant inapplicable au conjoint survivant, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à Mmes [O] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen identique produit aux pourvois n° P 19-25.158 et n° H 20-10.091 par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme [L]
Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que la libéralité dont bénéficie Mme [L] s'impute sur ses droits légaux qui sont d'un quart en pleine propriété ;
AUX MOTIFS QU' aux termes des dispositions de l'article 757 du code civil, lorsque l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1094-1 du code civil pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants, issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement ; que sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur ; que cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles ; qu'aux termes des dispositions de l'article 758-6 du code civil les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur les droits de celui-ci dans la succession ; que lorsque les libéralités ainsi reçues sont inférieures aux droits définis aux articles 757 et 757-1 le conjoint survivant peut en réclamer le complément sans jamais recevoir une portion de biens supérieure à la quotité disponible définie à l'article 1094-1 ; que ces dispositions, issues de la loi ri° 2006-728 du 23 juin 2006, sont applicables aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007 ; qu'il ressort clairement de ces textes que le conjoint survivant ne peut prétendre au cumul de ses droits successoraux en cette qualité avec le bénéfice d'une donation faite par son conjoint prédécédé, cette libéralité devant, aux termes des dispositions de l'article 758-6 du code civil, s'imputer sur ses droits sans qu'il puisse être dérogé à ces règles par des dispositions testamentaires ; que si, en formant un legs particulier au profit de son épouse, M. [O] n'a pas entendu l'exhéréder, il ne ressort pas non plus des termes de cet acte qu'il a entendu étendre ses droits au-delà de ceux qui étaient les siens en sa qualité de conjoint survivant dans l'hypothèse où son legs viendrait à s'exécuter ; que dès lors la vocation libérale de Mme [L] en sa qualité de conjoint survivant sera imputée sur ses droits légaux tels que définis à l'article 757 du code civil à savoir sur le quart en pleine propriété de la succession ; que le projet de déclaration de succession non approuvé que les appelantes versent aux débats et dont elles déclarent qu'il a été établi par le notaire de Mme [L], sans que celle-ci ne le conteste, ne mentionne d'ailleurs les droits de cette dernière qu'à hauteur du quart en pleine propriété de la succession conformément aux dispositions de l'article 757 du code civil bien que le legs y ait été rappelé ; que le jugement attaqué sera en conséquence Infirmé en ce qu'il a dit que Mme [W] [L] veuve [O] bénéficie du cumul du legs avec ses droits légaux, sans imputations et dans la limite de la réserve héréditaire ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE dans ses conclusions d'appel (du 4 septembre 2019, p. 5 al. 5), Mme [L] invoquait les dispositions de l'article 843 du code civil, selon lequel les legs sont réputés faits hors part successorale, et soutenait qu'en vertu de ce texte, elle était en droit de cumuler le legs de la maison de [Localité 4] et les droits successoraux dont elle était titulaire en sa qualité de conjoint survivant en vertu des dispositions de l'article 757 du code civil ; qu'en laissant sans réponse les écritures de Mme [L] invoquant l'existence d'un legs fait hors part successorale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU' en déclarant mettre en oeuvre le principe selon lequel « le conjoint survivant ne peut prétendre au cumul de ses droits successoraux en cette qualité avec le bénéfice d'une donation faite par son conjoint prédécédé » (arrêt attaqué, p. 7 al. 1er), cependant que Mme [L] n'a pas bénéficié d'une donation mais d'un legs, ainsi que l'arrêt attaqué le mentionne par ailleurs (p. 7 al. 2), la cour d'appel, qui a fondé son analyse sur l'hypothèse d'une donation en réalité inexistante, a privé sa décision de base légale au regard des articles 758-6 et 843 du code civil ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale et constituent donc une exception à la règle d'imputation de l'article 758-6 du code civil ; qu'en affirmant que « le conjoint survivant ne peut prétendre au cumul de ses droits successoraux en cette qualité avec le bénéfice d'une donation faite par son conjoint prédécédé, cette libéralité devant, aux termes des dispositions de l'article 758-6 du code civil, s'imputer sur ses droits sans qu'il puisse être dérogé à ces règles par des dispositions testamentaires » (arrêt attaqué, p. 7 al. 1er), cependant qu'une telle dérogation existe, la cour d'appel a violé l'article 758-6 du code civil par fausse application et l'article 843 du code civil par refus d'application ;
ALORS, EN DERNIER LIEU, QU' en visant, à l'appui de son analyse, un « projet de déclaration de succession non approuvé » (arrêt attaqué, p. 7 al. 3), cependant qu'un projet de déclaration non approuvé par les héritiers, qui par définition n'émane pas du défunt, ne saurait apporter le moindre indice sur l'étendue des droits successoraux des intéressés, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des articles 757 et 758-6 du code civil.