Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 janvier 2022, 20-14.934, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 janvier 2022, 20-14.934, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 20-14.934
- ECLI:FR:CCASS:2022:SO00031
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 05 janvier 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 05 février 2020- Président
- M. Rinuy (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 janvier 2022
Rejet
M. RINUY, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 31 F-D
Pourvoi n° W 20-14.934
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de [Localité 4] 31, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-14.934 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [E] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] 31, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 10 novembre 2021 où étaient présents M. Rinuy, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 février 2020), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 13 décembre 2017, pourvoi n° 16-13.250), M. [G] a été engagé par la caisse régionale du Crédit agricole de [Localité 4] et du Midi toulousain devenue caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] (la caisse) le 1er septembre 1998, en qualité de technicien bancaire. Le salarié, qui occupait en dernier lieu les fonctions de conseiller privé, a été élu, le 2 décembre 2010, en qualité de membre du comité d'entreprise.
2. Il a démissionné le 5 juillet 2011.
3. Le 2 novembre 2011, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement nul.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de travail du salarié produisait les effets d'un licenciement nul et de la condamner à lui payer certaines sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que l'adjonction de certaines tâches au salarié, sans que ne soit affectée sa qualification, sa rémunération ni ses responsabilités, ne constitue pas une modification du contrat de travail nécessitant son accord exprès ; qu'en l'espèce, en affirmant que l'adjonction à ses fonctions de conseiller privé au sein de la Banque privée des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients, inférieures à sa qualification, constituait une modification du contrat du salarié, tandis qu'il ressortait de ses propres constatations qu'aucune responsabilité n'avait été retirée au salarié et qu'il s'agissait seulement de lui adjoindre des tâches accessoires à celles de conseiller privé, afin que ses clients "haut de gamme" ait une interlocuteur unique pour tous les services attendus de la banque, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur version applicable au litige ;
2°/ que le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] équivalait à un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que le salarié s'était vu adjoindre à ses fonctions de conseiller privé au sein de la Banque privée des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients inférieures à sa qualification ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord, de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en induisant ainsi mécaniquement du fait qu'une modification de son contrat de travail serait intervenue sans l'accord du salarié que la poursuite du contrat de travail n'était nécessairement plus possible, quand il lui appartenait de rechercher si cette supposée modification avait eu concrètement des conséquences sur l'exécution du contrat de travail d'une gravité telle que la poursuite du contrat était devenue impossible, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;
3°/ que le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] produisait les effets d'un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que si la rémunération du salarié, l'intitulé de son poste de conseiller privé et sa classification n'avaient certes pas été modifiés, il avait dû accomplir des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients, ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en statuant ainsi, quand le fait qu'il soit demandé à un salarié qui a une mission de conseil patrimonial juridique et fiscal auprès des clients les plus fortunés de la banque de s'occuper de l'intégralité des besoins de ses clients pour mieux satisfaire ces derniers, sans modification de sa rémunération, de son poste et de sa classification, ne caractérise ni une modification du contrat de travail, ni même un changement des conditions de travail empêchant la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a ainsi nullement caractérisé l'existence d'un manquement de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;
4°/ que le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] équivalait à un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que si la rémunération du salarié, l'intitulé de son poste de conseiller privé et sa classification n'avaient certes pas été modifiés, il avait dû accomplir des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients inférieures à sa qualification ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en déduisant de la seule nature de ces nouvelles tâches que la poursuite du contrat de travail n'était pas possible, sans préciser la part qu'elles représentaient dans le travail de M. [G], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté que le salarié était titulaire d'un mandat de membre du comité d'entreprise et que, sans son accord, il avait été contraint d'accomplir des tâches de gestion quotidienne d'un niveau inférieur à sa qualification de sorte que ses responsabilités avaient été réduites, la cour d'appel a pu en déduire l'existence d'un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail.
7. Le moyen qui, en sa première branche, critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] 31
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de M. [G] produisait les effets d'un licenciement nul et d'AVOIR condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] à payer à M. [G] les sommes de 43.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 120.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que par ailleurs, aucune modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail ne peut être imposée au salarié protégé ; que le manquement de l'employeur commis en violation de ce principe et qui justifie la prise d'acte emporte les effets d'un licenciement nul ; que la démission de M. [G] est motivée et qu'il revient à la cour d'examiner la réalité et la gravité des manquements de l'employeur allégués par le salarié ; que le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse n'a pas été cassé en ce qu'il a confirmé le rejet par le premier juge du harcèlement et le moyen aujourd'hui tiré des mauvaises relations qui auraient existé entre un nouveau directeur – M. [R] – et M. [G] est aujourd'hui inopérant ; que recruté en 1998 en qualité de technicien bancaire de classe 2, M. [G] était, depuis 2008, conseiller privé de classe 3, niveau G position 11 ; que ce poste relevait de la division Banque privée dont il est établi qu'elle s'intéressait aux clients dits « haut de gamme » disposant d'avoirs supérieurs à 800.000 euros ou de flux positifs de plus de 150.000 euros au Crédit Agricole et ayant, selon la Caisse elle-même, des « besoins et des attentes spécifiques » ; que M. [G] dit avoir subi un changement de ses attributions et de son contrat de travail en 2011 suite à une réorganisation prévue en 2010 qui l'aurait contraint à s'occuper de nombreux autres clients et à devoir traiter des opérations courantes de gestion telles que les débits ou les demandes de prêt au lieu de ne gérer que l'aspect fiscal et patrimonial des avoirs de ses clients fortunés ; que M. [G] renvoie à l'examen des fiches de poste de conseiller privé et de chargé de clientèles patrimoniales ; que la Caisse répond que la création de ce dernier poste, résultant de la création d'agences patrimoniales distinctes de la Banque privée, n'a pas touché le poste de M. [G] ; que trois organigrammes sont produits qui indiquent qu'en novembre 2010, ont été créées – en sus de la Banque privée existante – deux agences patrimoniales ; que selon la fiche de poste cotée 9 de M. [G], le conseiller privé gérait un portefeuille de clientèle haut de gamme complexe en proposant une offre spécifique (bilan patrimonial, mise en oeuvre de stratégies patrimoniales, gestion sous mandat), développait ce portefeuille, participait à l'analyse des évolutions du marché, assistait le réseau grand public en matière d'expertise juridique et fiscale ; que les compétences requises comprennent donc l'expertise juridique et fiscale des clients haut de gamme ; que ce poste relève de la classe III (responsable de management), position 11, niveau G et une formation supérieure en gestion de patrimoine (DESS, Mastère de préférence) est indiquée ; que la fiche du chargé de clientèles patrimoniales issue de la création des agences patrimoniales ne se réfère ni à une clientèle haute de gamme ni aux compétences requises pour le poste précédent ; qu'il s'agit pour ce salarié, d'identifier et analyser les besoins de clients et prospects en matière de collecte, crédits, assurances et services ; que le profil souhaité ne mentionnait pas de diplôme mais une expérience réussie de trois ans dans le conseil ; que ce poste relève de la classe II, niveau F, position 9 ; qu'au vu de ces organigrammes, aucun élément n'établit que le poste de conseiller privé aurait été supprimé dans la suite de la création des agences patrimoniales et la Caisse régionale verse l'affectation d'un autre salarié – M. [L] – en qualité de chargé de clientèles patrimoniales en août 2010 et sa promotion en qualité de conseiller privé de classe 3 en novembre 2011 ; qu'aucune modification de la qualification ou de la classification de M. [G] n'apparaît non plus sur ses bulletins de paie ; qu'il faut cependant examiner s'il a été demandé à M. [G] – en dépit du maintien de sa rémunération et de l'indication de son poste de conseiller privé et de sa classification – d'exécuter des tâches relevant d'une qualification inférieure à la sienne, acquise depuis plus de dix ans ; que trois attestations sont produites : Mme [I] écrit que, bien que conseillée par M. [G] depuis l'ouverture de contrats d'assurance vie en 2008, tout problème lié au quotidien était géré auparavant par l'agence locale de [Localité 3] mais qu'en janvier 2011, cette agence l'a renvoyée à M. [G] pour monter un dossier de prêt à taux zéro suite à un changement d'organisation ; que son fils, M. [C], confirme ce fait, ajoutant que M. [G] leur a avoué ne pas avoir l'habitude de monter ce type de dossier ; que M. et Mme [B] attestent avoir apprécié les compétences juridiques et fiscales de M. [G] qui était leur conseiller privé depuis plusieurs années, les rôles respectifs de la banque privée (expertise et conseils) et de l'agence bancaire locale (fonctionnement du compte au quotidien) étant alors bien identifiés ; qu'ils se sont rendu compte qu'à partir du début de l'année 2011, M. [G] a été amené à gérer leur compte au quotidien et avait moins de temps à consacrer à la gestion des comptes de la banque privée ; qu'il est ainsi suffisamment établi qu'un changement a été opéré dès lors que M. [G], conseiller privé dédié à la gestion d'avoirs de clients haut de gamme, avait dû prendre en charge des tâches auparavant remplies au sein des agences bancaires locales, par des salariés ne relevant pas de sa qualification et de son expertise ; que l'employeur remet en vain en cause la fiabilité de ces attestations circonstanciées et concordantes produites dans le respect des exigences de l'article 202 du code de procédure civile ; qu'alors que la caisse régionale affirme que la création des agences patrimoniales et des postes de chargés de clientèles patrimoniales n'a pas eu d'impact sur le travail de M. [G], l'évaluation de celui-ci, rédigée en avril 2011, indique – au titre des axes de progrès – que le salarié doit « appréhender positivement le changement et notre nouvelle organisation positive plus large de nos missions et de nos offres » et – au titre de l'implication personnelle – « s'approprier positivement le changement et mettre votre engagement, dynamisme au service de la nouvelle organisation » ; qu'à un autre conseiller privé démissionnaire, M. [D], l'employeur avait écrit le 24 mai 2011 « qu'il est parfaitement exact que vous êtes amené à suivre la clientèle patrimoniale du Crédit Agricole [Localité 4] » ; qu'aux termes de son attestation, M. [D] indique qu'au premier trimestre 2011, la mise en oeuvre de cette organisation obligeait à une gestion administrative au quotidien très lourde qui pénalisait le temps commercial et modifiait totalement le fondement sa profession d'ingénieurs en patrimoine ; qu'il est ainsi suffisamment démontré, que conseiller privé, M. [G] devait cependant accomplir des tâches de gestion quotidienne inférieures à sa qualification et réduisant ses responsabilités ; qu'en cela, l'adjonction de nouvelles tâches – dont l'exécution amputait d'autant son temps de travail de conseiller privé – affectait la nature de ses fonctions et constituait une modification de son contrat de travail – pour laquelle le salarié n'a pas donné son accord – de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat, peu important que M. [G] ait effectué sa période de préavis ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le débat est en réalité celui de la modification du contrat ou des conditions de travail ; qu'il est produit la fiche de poste de conseiller privé ; qu'il s'agit à titre principal de gérer et développer un portefeuille de clientèle dite haut de gamme notamment par la mise en oeuvre de stratégies patrimoniales ; qu'il ne peut être méconnu que l'employeur a bien mis en place une nouvelle organisation ; qu'en effet, si on reprend les termes de l'entretien annuel d'évaluation, tous les axes de progrès qui sont renseignés font état de la nécessité d'appréhender positivement le changement et la nouvelle organisation ; que l'employeur soutient certes que cette nouvelle organisation a été mise en place avant que M. [G] ne bénéficie d'une protection ; qu'il n'est cependant guère précis sur la date à laquelle elle aurait été effective ; que l'entretien d'évaluation a été réalisé le 22 avril 2011 ; qu'à cette date M. [G] était incontestablement salarié protégé et ce depuis environ 5 mois sans même tenir compte de la période de candidature ; que tous les axes de progrès font état d'une « nouvelle organisation », de « nouvelles missions » ; qu'il ne s'agit pas là de faire le point sur ce qu'aurait été l'attitude du salarié au cours de l'année 2010 qui comprend une large part sans protection sur une organisation déjà en place mais bien des objectifs qualitatifs fixés pour l'année en cours où le salarié était protégé ; qu'on peut débattre sur le point de savoir si ceci correspondait à une véritable modification du contrat de travail et en particulier quant à déterminer s'il s'agissait d'une déclassification vers les fonctions de chargé de clientèle patrimoniales relevant d'un niveau inférieur ; qu'il est exact qu'à ce titre, il n'est fourni que peu d'éléments ; que les dernières attestations produites posent plus de questions qu'elles n'en résolvent en ce qu'il n'est pas véritablement manifeste que les témoins relevaient de la fonction de conseiller privé ; qu'elles permettent uniquement de corroborer une nouvelle organisation à compter de janvier 2011 ce qui est cohérent avec les termes de l'entretien du 22 avril 2011 ; qu'il n'est en revanche pas douteux que la nouvelle organisation constituait a minima une modification des conditions de travail d'un salarié protégé ; qu'une telle modification ne peut cependant être mise en place de manière unilatérale par l'employeur et qu'il devait donc recueillir l'accord du salarié ; qu'aucun élément n'est produit permettant de constater l'existence de cet accord ; que l'employeur se prévaut certes d'une absence d'alerte du salarié qui aurait brusquement pris acte de la rupture ; qu'à ce titre, il existe cependant deux difficultés ; que premièrement, la thèse de l'employeur est celle d'une prise d'acte qui serait la conséquence d'un refus d'accepter une rupture conventionnelle ; que cette thèse n'est étayée par aucun élément ; que si on l'accepte cependant pour les besoins du raisonnement, elle a nécessairement été l'occasion d'une demande du salarié lequel avait pu à cette occasion exposer ses motifs ; qu'on pourrait certes envisager que les motifs énoncés dans la prise d'acte soient de pure opportunité suite à un refus d'une rupture conventionnelle sollicitée par pure convenance ; que cela se heurte cependant à la seconde difficulté constituée par les termes de l'entretien annuel d'évaluation ; qu'on ne peut en effet comprendre le rappel quasi systématique pour chaque rubrique d'une nécessité d'appréhender le changement de manière positive autrement que par la manifestation à tout le moins d'une réserve du salarié quant à ce changement ; qu'on se trouve donc bien en présence d'une modification unilatérale des conditions de travail d'un salarié protégé ; qu'il est exact que les conséquences en sont importantes mais on ne saurait toutefois considérer que ce qui ne peut que constituer une atteinte au statut protecteur constitue un manquement sans gravité, compte tenu de l'objet même de la protection ; que la rupture doit donc produire les effets d'un licenciement nul ;
1) ALORS QUE l'adjonction de certaines tâches au salarié, sans que ne soit affectée sa qualification, sa rémunération ni ses responsabilités, ne constitue pas une modification du contrat de travail nécessitant son accord exprès ; qu'en l'espèce, en affirmant que l'adjonction à ses fonctions de conseiller privé au sein de la Banque privée des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients, inférieures à sa qualification, constituait une modification du contrat du salarié, tandis qu'il ressortait de ses propres constatations qu'aucune responsabilité n'avait été retirée au salarié et qu'il s'agissait seulement de lui adjoindre des tâches accessoires à celles de conseiller privé, afin que ses clients « haut de gamme » ait une interlocuteur unique pour tous les services attendus de la banque, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur version applicable au litige.
2) ALORS subsidiairement QUE le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] équivalait à un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que le salarié s'était vu adjoindre à ses fonctions de conseiller privé au sein de la Banque privée des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients inférieures à sa qualification ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord, de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en induisant ainsi mécaniquement du fait qu'une modification de son contrat de travail serait intervenue sans l'accord du salarié que la poursuite du contrat de travail n'était nécessairement plus possible, quand il lui appartenait de rechercher si cette supposée modification avait eu concrètement des conséquences sur l'exécution du contrat de travail d'une gravité telle que la poursuite du contrat était devenue impossible, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;
3) ALORS subsidiairement QUE le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] produisait les effets d'un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que si la rémunération du salarié, l'intitulé de son poste de conseiller privé et sa classification n'avaient certes pas été modifiés, il avait dû accomplir des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients, ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en statuant ainsi, quand le fait qu'il soit demandé à un salarié qui a une mission de conseil patrimonial juridique et fiscal auprès des clients les plus fortunés de la banque de s'occuper de l'intégralité des besoins de ses clients pour mieux satisfaire ces derniers, sans modification de sa rémunération, de son poste et de sa classification, ne caractérise ni une modification du contrat de travail, ni même un changement des conditions de travail empêchant la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a ainsi nullement caractérisé l'existence d'un manquement de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;
4) ALORS subsidiairement QUE le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] équivalait à un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que si la rémunération du salarié, l'intitulé de son poste de conseiller privé et sa classification n'avaient certes pas été modifiés, il avait dû accomplir des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients inférieures à sa qualification ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en déduisant de la seule nature de ces nouvelles tâches que la poursuite du contrat de travail n'était pas possible, sans préciser la part qu'elles représentaient dans le travail de M. [G], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de M. [G] produisait les effets d'un licenciement nul et d'AVOIR condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] à payer à M. [G] les sommes de 43.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 120.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la Caisse Régionale affirme qu'en tout état de cause, M. [G] ne bénéficiait pas du statut de salarié protégé lors de la mise en oeuvre de la réorganisation dont elle affirme qu'elle date de l'été 2010 en produisant des lettres d'affectation à l'agence patrimoniale et le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise du 18 juin 2010 ; que M. [G] répond que les salariés affectés étaient sans lien avec lui ; que M. [G] a été élu membre du comité d'entreprise le 2 décembre 2010 mais la période de protection a débuté – selon le protocole électoral du 22 octobre précédent – le 6 novembre 2010, date limite de remise des candidatures ; que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 18 juin 2010 qui évoque le projet « d'évolution de l'organisation des réseaux et canaux de vente » ne mentionne pas de date d'application de la réorganisation ; que les lettres d'affectation de M. [T] et Mme [O] à la direction des agences clientèles patrimoniales ne suffisent pas à établir que la nouvelle organisation, ambitieuse, a été entièrement mise en oeuvre au cours de l'été 2010 voire avant le mois de novembre 2010, alors, justement qu'un nouvel organigramme a été établi à cette date pour indiquer la création des agences patrimoniales (un autre suivra en mars 2011, confirmant l'évolution de la mise en place de la nouvelle organisation) ; que par ailleurs, l'évaluation de M. [G], datée du 22 avril 2011 évoque la nouvelle organisation sans qu'aucun élément ne permette d'établir que sa mise en place serait antérieure au mois de novembre 2010 ; que dès lors, les manquements de l'employeur sont intervenus alors que M. [G] devait bénéficier de son statut protecteur et la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'employeur soutient certes que cette nouvelle protection a été mise en place avant que M. [G] ne bénéficie d'une protection ; qu'il n'est cependant guère précis sur la date à laquelle elle aurait été effective ; que l'entretien d'évaluation a été réalisé le 22 avril 2011 ; qu'à cette date, M. [G] était incontestablement salarié protégé et ce depuis environ cinq mois sans même tenir compte de la période de candidature ; que tous les axes de progrès font état d'une « nouvelle organisation », de « nouvelles missions » ; qu'il ne s'agit pas là de faire le point sur ce qu'aurait été l'attitude du salarié au cours de l'année 2010 qui comprend une large part sans protection sur une organisation déjà en place mais bien des objectifs qualitatifs fixés pour l'année en cours où le salarié était protégé ;
ALORS QU'il appartient au salarié qui entend se prévaloir d'un manquement commis par l'employeur en violation de son statut protecteur d'établir qu'il bénéficiait de cette protection à l'époque du manquement allégué ; qu'en l'espèce, pour juger que les manquements de l'employeur étaient intervenus à une date où M. [G] devait bénéficier de son statut protecteur, la cour d'appel a retenu que la période de protection avait débuté le 6 novembre 2010, que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 18 juin 2010 ne mentionnait pas de date d'application de la réorganisation, que les lettres d'affectation de M. [T] et Mme [O] ne suffisaient pas à établir que la nouvelle organisation avait été entièrement mise en oeuvre au cours de l'été 2010, qu'un nouvel organigramme avait été établi en novembre 2010 et que l'évaluation de M. [G] datée du 22 avril 2011 évoquait la nouvelle organisation sans qu'aucun élément ne permette d'établir que sa mise en oeuvre serait antérieure au mois de novembre 2010 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser sur l'employeur la charge de la preuve de l'antériorité de la protection au manquement retenu, quand il appartenait au salarié, qui demandait l'indemnisation de l'atteinte alléguée à son statut protecteur, de prouver que son contrat de travail aurait été modifié à une date où il bénéficiait déjà du statut protecteur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] à payer à M. [G] la somme de 120.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. [G] demande paiement d'une somme de 180.600 euros à titre de dommages et intérêts sans distinguer les montants dus au titre de l'indemnisation forfaitaire et au titre des dommages et intérêts pour licenciement illicite ; que l'employeur oppose en vain le défaut de proportionnalité de l'indemnisation forfaitaire dès lors que la jurisprudence ne distingue pas selon que la rupture est ou non étrangère à l'exercice du mandat ; qu'au titre de la période de protection prenant fin le 2 juin 2013, - soit six mois après la fin du mandat de deux ans – l'indemnité forfaitaire est égale à la somme de 82.983,56 euros ; que M. [G] ne conteste pas avoir travaillé à nouveau très rapidement au sein de la société Axa et le premier juge a justement fixé le montant total de la somme allouée à M. [G] à hauteur de 120.000 euros ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la rupture doit donc produire les effets d'un licenciement nul ; que quant aux conséquences, M. [G] peut prétendre à l'indemnité conventionnelle de licenciement dont le montant n'est pas spécialement discuté ; que M. [G] peut également prétendre à des dommages-intérêts pour licenciement nul ; que si M. [G] invoque la période de protection, il est cependant fort laconique sur les modalités de calcul du quantum de sa demande ; que le montant des indemnités sera en conséquence fixé ainsi que suit : 43.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 120.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1) ALORS QUE lorsque la démission d'un salarié protégé est prononcée aux torts de l'employeur pour des manquements étrangers au mandat, la rupture ne produit pas les effets d'un licenciement nul mais seulement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, en jugeant que dès lors que les manquements de l'employeur étaient intervenus alors que M. [G] devait bénéficier de son statut protecteur, la démission de M. [G] devait produire les effets d'un licenciement nul et le salarié se voir octroyer une indemnité spécifique au titre de la violation du statut protecteur, sans faire ressortir en quoi le manquement de l'employeur retenu par la cour d'appel aurait été en lien avec le mandat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2411-8, L. 2421-3 et L. 2422-4 du code du travail ;
2) ALORS QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que le but légitime poursuivi par les dispositions légales prévoyant l'octroi au salarié d'une indemnité spécifique lorsqu'il est licencié en méconnaissance de la procédure administrative imposée par la protection spéciale bénéficiant aux salariés exerçant un mandat, est de protéger les prérogatives liées à l'exercice d'un tel mandat ; que la condamnation de l'employeur à l'indemnité spécifique au titre de la violation du statut protecteur, en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié mais imputée à l'employeur pour un manquement sans lien avec le mandat constituant le fondement de la protection spéciale, porte dès lors au droit de l'employeur au respect de ses biens une atteinte qui n'est pas justifiée ni proportionnée au but légitime poursuivi par la protection spéciale instituée par la loi ; qu'en l'espèce, en jugeant que parce que la démission de M. [G], salarié protégé, devait être requalifiée en une prise d'acte prononcée aux torts de l'employeur, la rupture devait automatiquement produire les effets d'un licenciement nul et le salarié se voir octroyer une indemnité spécifique au titre de la violation du statut protecteur, quand le manquement de l'employeur, qui aurait consisté dans une modification des fonctions du salarié sans l'accord de ce dernier, était en tout état de cause sans lien avec le mandat, la cour d'appel a porté au droit de l'employeur au respect de ses biens une atteinte injustifiée et, en tous les cas, disproportionnée, et partant violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3) ALORS QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que le but légitime poursuivi par les dispositions légales prévoyant l'octroi au salarié d'une indemnité spécifique lorsqu'il est licencié en méconnaissance de la procédure administrative imposée par la protection spéciale bénéficiant aux salariés exerçant un mandat, est de protéger les prérogatives liées à l'exercice d'un tel mandat ; que la condamnation de l'employeur à l'indemnité spécifique au titre de la violation du statut protecteur, en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié mais imputée à l'employeur pour un manquement sans lien avec le mandat constituant le fondement de la protection spéciale, porte dès lors au droit de l'employeur au respect de ses biens une atteinte qui n'est pas justifiée ni proportionnée au but légitime poursuivi par la protection spéciale instituée par la loi ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que l'employeur opposait en vain le défaut de proportionnalité de l'indemnisation forfaitaire dès lors que la jurisprudence ne distingue pas selon que la rupture est ou non étrangère à l'exercice du mandat, sans rechercher concrètement si, dès lors que le manquement imputé à l'employeur était sans lien avec le mandat, l'indemnisation forfaitaire litigieuse ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'employeur au respect de ses biens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00031
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 janvier 2022
Rejet
M. RINUY, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 31 F-D
Pourvoi n° W 20-14.934
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de [Localité 4] 31, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-14.934 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [E] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] 31, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 10 novembre 2021 où étaient présents M. Rinuy, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 février 2020), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 13 décembre 2017, pourvoi n° 16-13.250), M. [G] a été engagé par la caisse régionale du Crédit agricole de [Localité 4] et du Midi toulousain devenue caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] (la caisse) le 1er septembre 1998, en qualité de technicien bancaire. Le salarié, qui occupait en dernier lieu les fonctions de conseiller privé, a été élu, le 2 décembre 2010, en qualité de membre du comité d'entreprise.
2. Il a démissionné le 5 juillet 2011.
3. Le 2 novembre 2011, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement nul.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de travail du salarié produisait les effets d'un licenciement nul et de la condamner à lui payer certaines sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que l'adjonction de certaines tâches au salarié, sans que ne soit affectée sa qualification, sa rémunération ni ses responsabilités, ne constitue pas une modification du contrat de travail nécessitant son accord exprès ; qu'en l'espèce, en affirmant que l'adjonction à ses fonctions de conseiller privé au sein de la Banque privée des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients, inférieures à sa qualification, constituait une modification du contrat du salarié, tandis qu'il ressortait de ses propres constatations qu'aucune responsabilité n'avait été retirée au salarié et qu'il s'agissait seulement de lui adjoindre des tâches accessoires à celles de conseiller privé, afin que ses clients "haut de gamme" ait une interlocuteur unique pour tous les services attendus de la banque, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur version applicable au litige ;
2°/ que le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] équivalait à un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que le salarié s'était vu adjoindre à ses fonctions de conseiller privé au sein de la Banque privée des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients inférieures à sa qualification ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord, de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en induisant ainsi mécaniquement du fait qu'une modification de son contrat de travail serait intervenue sans l'accord du salarié que la poursuite du contrat de travail n'était nécessairement plus possible, quand il lui appartenait de rechercher si cette supposée modification avait eu concrètement des conséquences sur l'exécution du contrat de travail d'une gravité telle que la poursuite du contrat était devenue impossible, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;
3°/ que le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] produisait les effets d'un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que si la rémunération du salarié, l'intitulé de son poste de conseiller privé et sa classification n'avaient certes pas été modifiés, il avait dû accomplir des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients, ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en statuant ainsi, quand le fait qu'il soit demandé à un salarié qui a une mission de conseil patrimonial juridique et fiscal auprès des clients les plus fortunés de la banque de s'occuper de l'intégralité des besoins de ses clients pour mieux satisfaire ces derniers, sans modification de sa rémunération, de son poste et de sa classification, ne caractérise ni une modification du contrat de travail, ni même un changement des conditions de travail empêchant la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a ainsi nullement caractérisé l'existence d'un manquement de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;
4°/ que le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] équivalait à un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que si la rémunération du salarié, l'intitulé de son poste de conseiller privé et sa classification n'avaient certes pas été modifiés, il avait dû accomplir des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients inférieures à sa qualification ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en déduisant de la seule nature de ces nouvelles tâches que la poursuite du contrat de travail n'était pas possible, sans préciser la part qu'elles représentaient dans le travail de M. [G], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté que le salarié était titulaire d'un mandat de membre du comité d'entreprise et que, sans son accord, il avait été contraint d'accomplir des tâches de gestion quotidienne d'un niveau inférieur à sa qualification de sorte que ses responsabilités avaient été réduites, la cour d'appel a pu en déduire l'existence d'un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail.
7. Le moyen qui, en sa première branche, critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 4] 31
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de M. [G] produisait les effets d'un licenciement nul et d'AVOIR condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] à payer à M. [G] les sommes de 43.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 120.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que par ailleurs, aucune modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail ne peut être imposée au salarié protégé ; que le manquement de l'employeur commis en violation de ce principe et qui justifie la prise d'acte emporte les effets d'un licenciement nul ; que la démission de M. [G] est motivée et qu'il revient à la cour d'examiner la réalité et la gravité des manquements de l'employeur allégués par le salarié ; que le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse n'a pas été cassé en ce qu'il a confirmé le rejet par le premier juge du harcèlement et le moyen aujourd'hui tiré des mauvaises relations qui auraient existé entre un nouveau directeur – M. [R] – et M. [G] est aujourd'hui inopérant ; que recruté en 1998 en qualité de technicien bancaire de classe 2, M. [G] était, depuis 2008, conseiller privé de classe 3, niveau G position 11 ; que ce poste relevait de la division Banque privée dont il est établi qu'elle s'intéressait aux clients dits « haut de gamme » disposant d'avoirs supérieurs à 800.000 euros ou de flux positifs de plus de 150.000 euros au Crédit Agricole et ayant, selon la Caisse elle-même, des « besoins et des attentes spécifiques » ; que M. [G] dit avoir subi un changement de ses attributions et de son contrat de travail en 2011 suite à une réorganisation prévue en 2010 qui l'aurait contraint à s'occuper de nombreux autres clients et à devoir traiter des opérations courantes de gestion telles que les débits ou les demandes de prêt au lieu de ne gérer que l'aspect fiscal et patrimonial des avoirs de ses clients fortunés ; que M. [G] renvoie à l'examen des fiches de poste de conseiller privé et de chargé de clientèles patrimoniales ; que la Caisse répond que la création de ce dernier poste, résultant de la création d'agences patrimoniales distinctes de la Banque privée, n'a pas touché le poste de M. [G] ; que trois organigrammes sont produits qui indiquent qu'en novembre 2010, ont été créées – en sus de la Banque privée existante – deux agences patrimoniales ; que selon la fiche de poste cotée 9 de M. [G], le conseiller privé gérait un portefeuille de clientèle haut de gamme complexe en proposant une offre spécifique (bilan patrimonial, mise en oeuvre de stratégies patrimoniales, gestion sous mandat), développait ce portefeuille, participait à l'analyse des évolutions du marché, assistait le réseau grand public en matière d'expertise juridique et fiscale ; que les compétences requises comprennent donc l'expertise juridique et fiscale des clients haut de gamme ; que ce poste relève de la classe III (responsable de management), position 11, niveau G et une formation supérieure en gestion de patrimoine (DESS, Mastère de préférence) est indiquée ; que la fiche du chargé de clientèles patrimoniales issue de la création des agences patrimoniales ne se réfère ni à une clientèle haute de gamme ni aux compétences requises pour le poste précédent ; qu'il s'agit pour ce salarié, d'identifier et analyser les besoins de clients et prospects en matière de collecte, crédits, assurances et services ; que le profil souhaité ne mentionnait pas de diplôme mais une expérience réussie de trois ans dans le conseil ; que ce poste relève de la classe II, niveau F, position 9 ; qu'au vu de ces organigrammes, aucun élément n'établit que le poste de conseiller privé aurait été supprimé dans la suite de la création des agences patrimoniales et la Caisse régionale verse l'affectation d'un autre salarié – M. [L] – en qualité de chargé de clientèles patrimoniales en août 2010 et sa promotion en qualité de conseiller privé de classe 3 en novembre 2011 ; qu'aucune modification de la qualification ou de la classification de M. [G] n'apparaît non plus sur ses bulletins de paie ; qu'il faut cependant examiner s'il a été demandé à M. [G] – en dépit du maintien de sa rémunération et de l'indication de son poste de conseiller privé et de sa classification – d'exécuter des tâches relevant d'une qualification inférieure à la sienne, acquise depuis plus de dix ans ; que trois attestations sont produites : Mme [I] écrit que, bien que conseillée par M. [G] depuis l'ouverture de contrats d'assurance vie en 2008, tout problème lié au quotidien était géré auparavant par l'agence locale de [Localité 3] mais qu'en janvier 2011, cette agence l'a renvoyée à M. [G] pour monter un dossier de prêt à taux zéro suite à un changement d'organisation ; que son fils, M. [C], confirme ce fait, ajoutant que M. [G] leur a avoué ne pas avoir l'habitude de monter ce type de dossier ; que M. et Mme [B] attestent avoir apprécié les compétences juridiques et fiscales de M. [G] qui était leur conseiller privé depuis plusieurs années, les rôles respectifs de la banque privée (expertise et conseils) et de l'agence bancaire locale (fonctionnement du compte au quotidien) étant alors bien identifiés ; qu'ils se sont rendu compte qu'à partir du début de l'année 2011, M. [G] a été amené à gérer leur compte au quotidien et avait moins de temps à consacrer à la gestion des comptes de la banque privée ; qu'il est ainsi suffisamment établi qu'un changement a été opéré dès lors que M. [G], conseiller privé dédié à la gestion d'avoirs de clients haut de gamme, avait dû prendre en charge des tâches auparavant remplies au sein des agences bancaires locales, par des salariés ne relevant pas de sa qualification et de son expertise ; que l'employeur remet en vain en cause la fiabilité de ces attestations circonstanciées et concordantes produites dans le respect des exigences de l'article 202 du code de procédure civile ; qu'alors que la caisse régionale affirme que la création des agences patrimoniales et des postes de chargés de clientèles patrimoniales n'a pas eu d'impact sur le travail de M. [G], l'évaluation de celui-ci, rédigée en avril 2011, indique – au titre des axes de progrès – que le salarié doit « appréhender positivement le changement et notre nouvelle organisation positive plus large de nos missions et de nos offres » et – au titre de l'implication personnelle – « s'approprier positivement le changement et mettre votre engagement, dynamisme au service de la nouvelle organisation » ; qu'à un autre conseiller privé démissionnaire, M. [D], l'employeur avait écrit le 24 mai 2011 « qu'il est parfaitement exact que vous êtes amené à suivre la clientèle patrimoniale du Crédit Agricole [Localité 4] » ; qu'aux termes de son attestation, M. [D] indique qu'au premier trimestre 2011, la mise en oeuvre de cette organisation obligeait à une gestion administrative au quotidien très lourde qui pénalisait le temps commercial et modifiait totalement le fondement sa profession d'ingénieurs en patrimoine ; qu'il est ainsi suffisamment démontré, que conseiller privé, M. [G] devait cependant accomplir des tâches de gestion quotidienne inférieures à sa qualification et réduisant ses responsabilités ; qu'en cela, l'adjonction de nouvelles tâches – dont l'exécution amputait d'autant son temps de travail de conseiller privé – affectait la nature de ses fonctions et constituait une modification de son contrat de travail – pour laquelle le salarié n'a pas donné son accord – de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat, peu important que M. [G] ait effectué sa période de préavis ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le débat est en réalité celui de la modification du contrat ou des conditions de travail ; qu'il est produit la fiche de poste de conseiller privé ; qu'il s'agit à titre principal de gérer et développer un portefeuille de clientèle dite haut de gamme notamment par la mise en oeuvre de stratégies patrimoniales ; qu'il ne peut être méconnu que l'employeur a bien mis en place une nouvelle organisation ; qu'en effet, si on reprend les termes de l'entretien annuel d'évaluation, tous les axes de progrès qui sont renseignés font état de la nécessité d'appréhender positivement le changement et la nouvelle organisation ; que l'employeur soutient certes que cette nouvelle organisation a été mise en place avant que M. [G] ne bénéficie d'une protection ; qu'il n'est cependant guère précis sur la date à laquelle elle aurait été effective ; que l'entretien d'évaluation a été réalisé le 22 avril 2011 ; qu'à cette date M. [G] était incontestablement salarié protégé et ce depuis environ 5 mois sans même tenir compte de la période de candidature ; que tous les axes de progrès font état d'une « nouvelle organisation », de « nouvelles missions » ; qu'il ne s'agit pas là de faire le point sur ce qu'aurait été l'attitude du salarié au cours de l'année 2010 qui comprend une large part sans protection sur une organisation déjà en place mais bien des objectifs qualitatifs fixés pour l'année en cours où le salarié était protégé ; qu'on peut débattre sur le point de savoir si ceci correspondait à une véritable modification du contrat de travail et en particulier quant à déterminer s'il s'agissait d'une déclassification vers les fonctions de chargé de clientèle patrimoniales relevant d'un niveau inférieur ; qu'il est exact qu'à ce titre, il n'est fourni que peu d'éléments ; que les dernières attestations produites posent plus de questions qu'elles n'en résolvent en ce qu'il n'est pas véritablement manifeste que les témoins relevaient de la fonction de conseiller privé ; qu'elles permettent uniquement de corroborer une nouvelle organisation à compter de janvier 2011 ce qui est cohérent avec les termes de l'entretien du 22 avril 2011 ; qu'il n'est en revanche pas douteux que la nouvelle organisation constituait a minima une modification des conditions de travail d'un salarié protégé ; qu'une telle modification ne peut cependant être mise en place de manière unilatérale par l'employeur et qu'il devait donc recueillir l'accord du salarié ; qu'aucun élément n'est produit permettant de constater l'existence de cet accord ; que l'employeur se prévaut certes d'une absence d'alerte du salarié qui aurait brusquement pris acte de la rupture ; qu'à ce titre, il existe cependant deux difficultés ; que premièrement, la thèse de l'employeur est celle d'une prise d'acte qui serait la conséquence d'un refus d'accepter une rupture conventionnelle ; que cette thèse n'est étayée par aucun élément ; que si on l'accepte cependant pour les besoins du raisonnement, elle a nécessairement été l'occasion d'une demande du salarié lequel avait pu à cette occasion exposer ses motifs ; qu'on pourrait certes envisager que les motifs énoncés dans la prise d'acte soient de pure opportunité suite à un refus d'une rupture conventionnelle sollicitée par pure convenance ; que cela se heurte cependant à la seconde difficulté constituée par les termes de l'entretien annuel d'évaluation ; qu'on ne peut en effet comprendre le rappel quasi systématique pour chaque rubrique d'une nécessité d'appréhender le changement de manière positive autrement que par la manifestation à tout le moins d'une réserve du salarié quant à ce changement ; qu'on se trouve donc bien en présence d'une modification unilatérale des conditions de travail d'un salarié protégé ; qu'il est exact que les conséquences en sont importantes mais on ne saurait toutefois considérer que ce qui ne peut que constituer une atteinte au statut protecteur constitue un manquement sans gravité, compte tenu de l'objet même de la protection ; que la rupture doit donc produire les effets d'un licenciement nul ;
1) ALORS QUE l'adjonction de certaines tâches au salarié, sans que ne soit affectée sa qualification, sa rémunération ni ses responsabilités, ne constitue pas une modification du contrat de travail nécessitant son accord exprès ; qu'en l'espèce, en affirmant que l'adjonction à ses fonctions de conseiller privé au sein de la Banque privée des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients, inférieures à sa qualification, constituait une modification du contrat du salarié, tandis qu'il ressortait de ses propres constatations qu'aucune responsabilité n'avait été retirée au salarié et qu'il s'agissait seulement de lui adjoindre des tâches accessoires à celles de conseiller privé, afin que ses clients « haut de gamme » ait une interlocuteur unique pour tous les services attendus de la banque, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur version applicable au litige.
2) ALORS subsidiairement QUE le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] équivalait à un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que le salarié s'était vu adjoindre à ses fonctions de conseiller privé au sein de la Banque privée des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients inférieures à sa qualification ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord, de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en induisant ainsi mécaniquement du fait qu'une modification de son contrat de travail serait intervenue sans l'accord du salarié que la poursuite du contrat de travail n'était nécessairement plus possible, quand il lui appartenait de rechercher si cette supposée modification avait eu concrètement des conséquences sur l'exécution du contrat de travail d'une gravité telle que la poursuite du contrat était devenue impossible, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;
3) ALORS subsidiairement QUE le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] produisait les effets d'un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que si la rémunération du salarié, l'intitulé de son poste de conseiller privé et sa classification n'avaient certes pas été modifiés, il avait dû accomplir des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients, ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en statuant ainsi, quand le fait qu'il soit demandé à un salarié qui a une mission de conseil patrimonial juridique et fiscal auprès des clients les plus fortunés de la banque de s'occuper de l'intégralité des besoins de ses clients pour mieux satisfaire ces derniers, sans modification de sa rémunération, de son poste et de sa classification, ne caractérise ni une modification du contrat de travail, ni même un changement des conditions de travail empêchant la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a ainsi nullement caractérisé l'existence d'un manquement de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;
4) ALORS subsidiairement QUE le manquement imputé à l'employeur par un salarié protégé à l'appui de sa démission ne justifie la requalification de la démission en une rupture produisant les effets d'un licenciement nul qu'à la condition que ce manquement fasse obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, pour juger que la démission de M. [G] équivalait à un licenciement nul, la cour d'appel a retenu que si la rémunération du salarié, l'intitulé de son poste de conseiller privé et sa classification n'avaient certes pas été modifiés, il avait dû accomplir des tâches de gestion quotidienne auprès de ses clients inférieures à sa qualification ce qui constituait une modification de son contrat de travail pour laquelle le salarié n'avait pas donné son accord de telle manière qu'elle rendait impossible la poursuite de son contrat ; qu'en déduisant de la seule nature de ces nouvelles tâches que la poursuite du contrat de travail n'était pas possible, sans préciser la part qu'elles représentaient dans le travail de M. [G], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de M. [G] produisait les effets d'un licenciement nul et d'AVOIR condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] à payer à M. [G] les sommes de 43.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 120.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la Caisse Régionale affirme qu'en tout état de cause, M. [G] ne bénéficiait pas du statut de salarié protégé lors de la mise en oeuvre de la réorganisation dont elle affirme qu'elle date de l'été 2010 en produisant des lettres d'affectation à l'agence patrimoniale et le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise du 18 juin 2010 ; que M. [G] répond que les salariés affectés étaient sans lien avec lui ; que M. [G] a été élu membre du comité d'entreprise le 2 décembre 2010 mais la période de protection a débuté – selon le protocole électoral du 22 octobre précédent – le 6 novembre 2010, date limite de remise des candidatures ; que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 18 juin 2010 qui évoque le projet « d'évolution de l'organisation des réseaux et canaux de vente » ne mentionne pas de date d'application de la réorganisation ; que les lettres d'affectation de M. [T] et Mme [O] à la direction des agences clientèles patrimoniales ne suffisent pas à établir que la nouvelle organisation, ambitieuse, a été entièrement mise en oeuvre au cours de l'été 2010 voire avant le mois de novembre 2010, alors, justement qu'un nouvel organigramme a été établi à cette date pour indiquer la création des agences patrimoniales (un autre suivra en mars 2011, confirmant l'évolution de la mise en place de la nouvelle organisation) ; que par ailleurs, l'évaluation de M. [G], datée du 22 avril 2011 évoque la nouvelle organisation sans qu'aucun élément ne permette d'établir que sa mise en place serait antérieure au mois de novembre 2010 ; que dès lors, les manquements de l'employeur sont intervenus alors que M. [G] devait bénéficier de son statut protecteur et la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'employeur soutient certes que cette nouvelle protection a été mise en place avant que M. [G] ne bénéficie d'une protection ; qu'il n'est cependant guère précis sur la date à laquelle elle aurait été effective ; que l'entretien d'évaluation a été réalisé le 22 avril 2011 ; qu'à cette date, M. [G] était incontestablement salarié protégé et ce depuis environ cinq mois sans même tenir compte de la période de candidature ; que tous les axes de progrès font état d'une « nouvelle organisation », de « nouvelles missions » ; qu'il ne s'agit pas là de faire le point sur ce qu'aurait été l'attitude du salarié au cours de l'année 2010 qui comprend une large part sans protection sur une organisation déjà en place mais bien des objectifs qualitatifs fixés pour l'année en cours où le salarié était protégé ;
ALORS QU'il appartient au salarié qui entend se prévaloir d'un manquement commis par l'employeur en violation de son statut protecteur d'établir qu'il bénéficiait de cette protection à l'époque du manquement allégué ; qu'en l'espèce, pour juger que les manquements de l'employeur étaient intervenus à une date où M. [G] devait bénéficier de son statut protecteur, la cour d'appel a retenu que la période de protection avait débuté le 6 novembre 2010, que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 18 juin 2010 ne mentionnait pas de date d'application de la réorganisation, que les lettres d'affectation de M. [T] et Mme [O] ne suffisaient pas à établir que la nouvelle organisation avait été entièrement mise en oeuvre au cours de l'été 2010, qu'un nouvel organigramme avait été établi en novembre 2010 et que l'évaluation de M. [G] datée du 22 avril 2011 évoquait la nouvelle organisation sans qu'aucun élément ne permette d'établir que sa mise en oeuvre serait antérieure au mois de novembre 2010 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser sur l'employeur la charge de la preuve de l'antériorité de la protection au manquement retenu, quand il appartenait au salarié, qui demandait l'indemnisation de l'atteinte alléguée à son statut protecteur, de prouver que son contrat de travail aurait été modifié à une date où il bénéficiait déjà du statut protecteur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 4] à payer à M. [G] la somme de 120.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. [G] demande paiement d'une somme de 180.600 euros à titre de dommages et intérêts sans distinguer les montants dus au titre de l'indemnisation forfaitaire et au titre des dommages et intérêts pour licenciement illicite ; que l'employeur oppose en vain le défaut de proportionnalité de l'indemnisation forfaitaire dès lors que la jurisprudence ne distingue pas selon que la rupture est ou non étrangère à l'exercice du mandat ; qu'au titre de la période de protection prenant fin le 2 juin 2013, - soit six mois après la fin du mandat de deux ans – l'indemnité forfaitaire est égale à la somme de 82.983,56 euros ; que M. [G] ne conteste pas avoir travaillé à nouveau très rapidement au sein de la société Axa et le premier juge a justement fixé le montant total de la somme allouée à M. [G] à hauteur de 120.000 euros ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la rupture doit donc produire les effets d'un licenciement nul ; que quant aux conséquences, M. [G] peut prétendre à l'indemnité conventionnelle de licenciement dont le montant n'est pas spécialement discuté ; que M. [G] peut également prétendre à des dommages-intérêts pour licenciement nul ; que si M. [G] invoque la période de protection, il est cependant fort laconique sur les modalités de calcul du quantum de sa demande ; que le montant des indemnités sera en conséquence fixé ainsi que suit : 43.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 120.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1) ALORS QUE lorsque la démission d'un salarié protégé est prononcée aux torts de l'employeur pour des manquements étrangers au mandat, la rupture ne produit pas les effets d'un licenciement nul mais seulement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, en jugeant que dès lors que les manquements de l'employeur étaient intervenus alors que M. [G] devait bénéficier de son statut protecteur, la démission de M. [G] devait produire les effets d'un licenciement nul et le salarié se voir octroyer une indemnité spécifique au titre de la violation du statut protecteur, sans faire ressortir en quoi le manquement de l'employeur retenu par la cour d'appel aurait été en lien avec le mandat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2411-8, L. 2421-3 et L. 2422-4 du code du travail ;
2) ALORS QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que le but légitime poursuivi par les dispositions légales prévoyant l'octroi au salarié d'une indemnité spécifique lorsqu'il est licencié en méconnaissance de la procédure administrative imposée par la protection spéciale bénéficiant aux salariés exerçant un mandat, est de protéger les prérogatives liées à l'exercice d'un tel mandat ; que la condamnation de l'employeur à l'indemnité spécifique au titre de la violation du statut protecteur, en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié mais imputée à l'employeur pour un manquement sans lien avec le mandat constituant le fondement de la protection spéciale, porte dès lors au droit de l'employeur au respect de ses biens une atteinte qui n'est pas justifiée ni proportionnée au but légitime poursuivi par la protection spéciale instituée par la loi ; qu'en l'espèce, en jugeant que parce que la démission de M. [G], salarié protégé, devait être requalifiée en une prise d'acte prononcée aux torts de l'employeur, la rupture devait automatiquement produire les effets d'un licenciement nul et le salarié se voir octroyer une indemnité spécifique au titre de la violation du statut protecteur, quand le manquement de l'employeur, qui aurait consisté dans une modification des fonctions du salarié sans l'accord de ce dernier, était en tout état de cause sans lien avec le mandat, la cour d'appel a porté au droit de l'employeur au respect de ses biens une atteinte injustifiée et, en tous les cas, disproportionnée, et partant violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3) ALORS QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que le but légitime poursuivi par les dispositions légales prévoyant l'octroi au salarié d'une indemnité spécifique lorsqu'il est licencié en méconnaissance de la procédure administrative imposée par la protection spéciale bénéficiant aux salariés exerçant un mandat, est de protéger les prérogatives liées à l'exercice d'un tel mandat ; que la condamnation de l'employeur à l'indemnité spécifique au titre de la violation du statut protecteur, en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié mais imputée à l'employeur pour un manquement sans lien avec le mandat constituant le fondement de la protection spéciale, porte dès lors au droit de l'employeur au respect de ses biens une atteinte qui n'est pas justifiée ni proportionnée au but légitime poursuivi par la protection spéciale instituée par la loi ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que l'employeur opposait en vain le défaut de proportionnalité de l'indemnisation forfaitaire dès lors que la jurisprudence ne distingue pas selon que la rupture est ou non étrangère à l'exercice du mandat, sans rechercher concrètement si, dès lors que le manquement imputé à l'employeur était sans lien avec le mandat, l'indemnisation forfaitaire litigieuse ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'employeur au respect de ses biens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.