Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 décembre 2021, 20-16.485, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 décembre 2021




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1236 F-B

Pourvoi n° H 20-16.485





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021

M. [W] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 20-16.485 contre le jugement rendu le 3 juillet 2019 par le tribunal d'instance de Saint-Quentin, dans le litige l'opposant :

1°/ au Fonds commun de titrisation Hugo créances II, dont le siège est [Adresse 3], représenté par sa société de gestion [9],

2°/ à la direction générale des finances publiques de l'Aisne, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la société [8], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société [7], société coopérative à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Banque commerciale du marché Nord Europe (BCMNE),

5°/ à la société [9], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de représentante du Fonds commun de titrisation Hugo créances II,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [7], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat du Fonds commun de titrisation Hugo créances II, représenté par la société [9], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Quentin, 3 juillet 2019), rendu en dernier ressort, la société [8] et le Fonds commun de titrisation Hugo créances II (le FCT) ont chacun formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement des particuliers ayant déclaré recevable la demande de M. [T] tendant au traitement de sa situation financière.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. [T] fait grief au jugement de déclarer le recours du FCT bien fondé et de dire, en conséquence, qu'il ne peut être admis au bénéfice des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des particuliers, alors « que si les dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des personnes physiques ne s'appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce, la personne physique exerçant son activité professionnelle en qualité d'associé et au nom d'une société civile ne relève pas de ces procédures prévues par le code de commerce ; qu'en l'espèce, le tribunal a relevé que M. [T] se trouvait redevable des dettes de la société civile [6] à l'égard du fonds commun de titrisation Hugo créances II et de la direction générale des finances publiques de l'Aisne en raison de sa qualité d'associé au sein de ladite société, et qu'il avait exercé son activité professionnelle par l'intermédiaire de cette société civile, laquelle avait elle-même fait l'objet d'une procédure collective ; que M. [T] n'était dès lors pas exclu de l'application des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des personnes physiques, de sorte qu'en jugeant le contraire, le tribunal d'instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 711-1 et L. 711-3 du code de la consommation, ensemble l'article L. 631-2 du code du commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 711-1 et L. 711-3 du code de la consommation, L. 631-2, alinéa 1er, et L. 640-2, alinéa 1er, du code de commerce :

3. Il résulte de ces textes qu'est exclue du bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers et relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, toute personne physique exerçant une activité commerciale ou artisanale, une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime ou une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

4. Pour déclarer bien-fondé le recours du FCT et dire que M. [T] ne peut être admis au bénéfice des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement, le jugement retient, après avoir rappelé la teneur de l'article L. 711-3 précité, que l'application des règles relatives au surendettement des particuliers est exclue dès lors que l'endettement du débiteur résulte pour partie de son activité professionnelle, peu important qu'il ait cessé celle-ci. Il relève que deux des quatre dettes déclarées par le débiteur ont été répertoriées par la commission comme étant d'origine professionnelle, s'agissant, d'une part, de la dette d'un montant de 334 119,44 euros dont le débiteur est redevable au FCT et trouvant son origine dans un emprunt bancaire contracté par la société civile [6] au sein de laquelle le débiteur avait la qualité d'associé jusqu'à la date de la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actifs et, d'autre part, de la dette d'un montant de 19 069,31 euros correspondant à des impositions dont M. [T] est redevable à la Direction générale des finances publiques de l'Aisne en sa qualité d'associé de la société civile [6], cette somme comprenant notamment des impayés de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôts sur les sociétés, de cotisations foncières des entreprises et d'imposition forfaitaire annuelle sur les sociétés. Il ajoute que, lors de l'audience, le conseil de M. [T] ne conteste pas que ces dettes, qui sont constitutives de la majeure partie des dettes déclarées à la procédure (353 188,75 euros soit 81,7 %), ont été occasionnées par une activité professionnelle exercée par le débiteur par l'intermédiaire de la société civile immobilière [6], à savoir l'acquisition et l'exploitation d'immeubles. Il en déduit qu'eu égard à la présence de ces dettes professionnelles, M. [T] n'est pas éligible à la procédure de surendettement des particuliers régie par les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation.

5. En statuant ainsi, alors que la seule qualité d'associé d'une société civile immobilière ne suffit pas à faire relever la personne concernée du régime des procédures collectives et à l'exclure du champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives au surendettement des particuliers, le juge du tribunal d'instance a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré le recours du Fonds commun de titrisation Hugo créances II bien fondé et dit que M. [T] ne pouvait être admis au bénéfice des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement, le jugement rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Saint-Quentin ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Laon ;

Condamne le Fonds commun de titrisation Hugo créances II, représenté par la société [9], la société [8] et la société [7] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [7] et condamne le Fonds commun de titrisation Hugo créances II, représenté par la société [9], la société [8] et la société [7] à payer à M. [T] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [T]


Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré le recours du fonds commun de titrisation Hugo créances II bien fondé et d'AVOIR dit, en conséquence, que M. [W] [T] ne peut être admis au bénéfice des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des particuliers,

AUX MOTIFS QU'en application des dispositions combinées des articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de la consommation, la commission de surendettement des particuliers a pour mission de traiter la situation des débiteurs de bonne foi se trouvant dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de leurs dettes non professionnelles exigibles et à échoir ou à l'engagement donné de cautionner ou, d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société ; que l'article L. 711-3, alinéa 1er, du code de la consommation dispose que les dispositions relatives au surendettement des particuliers prévues par les articles L. 711-1 et suivants du même code ne s'appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce ; que l'application des règles relatives au surendettement des particuliers est exclue dès lors que l'endettement du débiteur résulte pour partie de son activité professionnelle, peu important qu'il ait cessé celle-ci (voir par exemple Civ. 2ème, 16 octobre 2014, pourvoi n°13-24.553 ; qu'il résulte de l'état des créances dressé le 31 août 2018 par la commission de surendettement des particuliers de l'Aisne que l'endettement total de M. [W] [T] s'élève à 408 734,72 euros ; qu'il apparaît également que deux des quatre dettes déclarées par le débiteur ont été répertoriées par la commission comme étant d'origine professionnelle ; qu'il s'agit : - d'une part, de la dette d'un montant de 334 119,44 euros dont le débiteur est redevable au fonds commun de titrisation Hugo créances II et trouvant son origine dans un emprunt bancaire contracté par la société civile [6] au sein de laquelle le débiteur avait la qualité d'associé jusqu'à la date de la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actifs ; - d'autre part, de la dette d'un montant de 19 069,31 euros correspondant à des impositions dont M. [W] [T] est redevable à la Direction générale des finances publiques de l'Aisne en sa qualité d'associé de la société civile [6], cette somme comprenant notamment des impayés de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôts sur les sociétés, de cotisations foncières des entreprises et d'imposition forfaitaire annuelle sur les sociétés ; que lors de l'audience, le conseil de M. [W] [T] ne conteste pas que ces dettes, qui sont constitutives de la majeure partie des dettes déclarées à la procédure (353 188,75 euros soit 81,7 %), ont été occasionnées par une activité professionnelle exercée par le débiteur par l'intermédiaire de la société civile immobilière [6], à savoir l'acquisition et, l'exploitation d'immeubles ; qu'eu égard à la présence de ces dettes professionnelles, M. [Z] [T] n'est pas éligible à la procédure de surendettement des particuliers régie par les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation ; que les contestations formées par la société [8] et le fonds commun de titrisation Hugo créances II apparaissent bien fondées ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer la décision de la commission de, surendettement des particuliers de l'Aisne et de déclarer irrecevable la demande du débiteur tendant à bénéficier des mesures de traitement de sa situation de surendettement sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par les créanciers requérants ;

1°) ALORS QUE si les dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des personnes physiques ne s'appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce, la personne physique exerçant son activité professionnelle en qualité d'associé et au nom d'une société civile ne relève pas de ces procédures prévues par le code de commerce ; qu'en l'espèce, le tribunal a relevé que M. [T] se trouvait redevable des dettes de la société civile [6] à l'égard du fonds commun de titrisation Hugo créances II et de la direction générale des finances publiques de l'Aisne en raison de sa qualité d'associé au sein de ladite société, et qu'il avait exercé son activité professionnelle par l'intermédiaire de cette société civile, laquelle avait elle-même fait l'objet d'une procédure collective ; que M. [T] n'était dès lors pas exclu de l'application des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des personnes physiques, de sorte qu'en jugeant le contraire, le tribunal d'instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 711-1 et L. 711-3 du code de la consommation, ensemble l'article L. 631-2 du code du commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ;

2°) ALORS QUE l'impossibilité pour une personne physique de faire face à son engagement d'acquitter les dettes sociales de la société civile dont il est associé lui ouvre le bénéfice des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des personnes physiques ; qu'en jugeant pourtant que M. [W], dont il a relevé qu'il se trouvait redevable des dettes de la société civile [6] à l'égard du fonds commun de titrisation Hugo créances II et de la direction générale des finances publiques de l'Aisne en raison de sa qualité d'associé au sein de ladite société, n'était pas éligible à la procédure de surendettement, le tribunal d'instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 711-1, alinéa 3, du code de la consommation ;

3°) ALORS, à tout le moins, QUE lorsque le débiteur a des dettes professionnelles et non professionnelles, le juge doit rechercher si les dettes non professionnelles ne le placent pas, à elles seules, en situation de surendettement ; qu'en l'espèce, le tribunal s'est borné à énoncer que deux des quatre dettes déclarées par M. [T] étaient répertoriées comme étant d'origine professionnelle et qu'elles représentaient 81,7 % des dettes déclarées à la procédure ; qu'en s'abstenant de rechercher si les dettes non professionnelles ne plaçaient pas, à elles seules, M. [T] en situation de surendettement, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-1 du code de la consommation. ECLI:FR:CCASS:2021:C201236
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