Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 décembre 2021, 20-10.096, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 décembre 2021




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1157 F-P+B

Pourvoi n° N 20-10.096




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2021

La délégation Unedic AGS, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 20-10.096 contre l'ordonnance n° RG 19/00138 rendue le 5 novembre 2019 par le premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, dans le litige l'opposant à M. [I] [S], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la délégation Unedic AGS, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [S], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue, sur renvoi après cassation (2e Civ., 25 octobre 2018, n° 17-24.606), par le premier président d'une cour d'appel (Saint-Denis de la Réunion, 5 novembre 2019), la délégation Unedic AGS (l'AGS) a confié à M. [S] (l'avocat) la défense de ses intérêts dans une série de dossiers concernant les salariés d'une même association, l'ARAST.

2. Alors que l'avocat avait suivi l'ensemble de ceux-ci en première instance, l'AGS l'a chargé de suivre la procédure en appel pour sept-cent-quatre-vingt-quinze dossiers et en a confié cent-quarante à un autre avocat. Ayant été dessaisi en cours d'instance, l'avocat a demandé au bâtonnier de son ordre de fixer ses honoraires en faisant valoir qu'il avait droit à un complément d'honoraires pour la première instance, à des honoraires pour la procédure d'appel et à une rémunération de son intervention lors de la procédure collective de l'ARAST.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'AGS fait grief à l'ordonnance de fixer à 252 350 euros TTC la somme qu'elle reste à devoir à l'avocat, alors « que si la violence économique exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité, seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, permet de caractériser ce vice ; que la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante quel que soit son mode d'exercice, et que, dès lors, l'avocat exerce ses fonctions avec indépendance, dans le respect des termes de son serment ; que ces principes guident l'avocat en toutes circonstances, en sorte qu'il ne saurait se placer en situation de dépendance économique vis-à-vis de l'un de ses clients ; qu'en retenant pourtant que Maître [S] était en difficulté financière et était donc dépendant de l'AGS, pour annuler la convention d'honoraires conclue entre eux le 13 février 2013, laquelle fixait à 90 000 euros hors taxe le montant des honoraires forfaitaires perçus par l'avocat pour la procédure d'appel, et fixer ces honoraires à la somme de 350 000 euros, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 1112 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1 et 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 1111 ancien du code civil applicable à la cause, la violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité.

6. Selon l'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante et, selon son article 3, l'avocat prête serment d'exercer ses fonctions « avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».

7. S'il résulte de ces deux derniers textes que l'avocat doit en toutes circonstances être guidé dans l'exercice de sa profession par le respect de ces principes et s'il doit, en particulier, veiller à préserver son indépendance, ces dispositions ne sauraient priver l'avocat, qui se trouve dans une situation de dépendance économique vis à vis de son client, du droit, dont dispose tout contractant, d'invoquer un consentement vicié par la violence, et de se prévaloir ainsi de la nullité de l'accord d'honoraires conclu avec ce client.

8. C'est donc sans encourir le grief du moyen que l'arrêt, ayant caractérisé l'état de dépendance économique dans lequel l'avocat se trouvait à l'égard de l'AGS, ainsi que l'avantage excessif que cette dernière en avait tiré, en déduit que cette situation de contrainte etait constitutive d'un vice du consentement au sens de l'article 1111 ancien du code civil, excluant la réalité d'un accord d'honoraires librement consenti entre les parties, et fixe les honoraires dus à l'avocat en application des critères définis à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la délégation Unedic AGS aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la délégation Unedic AGS et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la délégation UNEDIC AGS.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 252.350 euros TTC la somme que l'AGS reste à devoir à Me [S] au titre de la procédure d'appel ;

Aux motifs que, « il est constant qu'aucune convention d'honoraires n'a été formalisée entre l'AGS et Maître [S] concernant le dossier ARAST. Cependant, aucune forme particulière n'est exigée et la convention peut résulter d'un simple échange de correspondance entre l'avocat et son client. Elle est soumise au droit commun des contrats.

Les parties sont convenues d'un tarif de 300 € TTC par dossier en première instance. C'est sur cette base que Maître [S] a été payé des dossiers plaidés devant le CPH de Saint Denis.

Par courrier en date du 25 mai 2011, l'AGS a proposé à Maître [S] de fixer forfaitairement à la somme de 80.000 € HT pour l'ensemble des appels des dossiers du CPH de Saint Denis, en précisant que l'organisation matérielle des audiences devant la cour d'appel ne peut à elle seule justifier des honoraires aussi élevés qu'en première instance. Maître [S] a répondu par courrier du 24 décembre 2012 accepter cette somme à titre de provision. Il rappelait alors qu'il envisageait de recruter un collaborateur en raison de la lourdeur de la gestion des dossiers de l'ARAST ayant bouleversé le fonctionnement de son cabinet. Il indiquait encore qu'une somme de 300 € par dossier n'était pas excessive mais au contraire à peine suffisante.

En réponse, le 11 février 2013, l'AGS proposait à Maître [S] un honoraires forfaitaire de 90.000 € HT pour assurer la représentation de l'AGS devant la cour d'appel.

Maître [S] répondait le 13 février 2013 et rappelait la tarification à 300 € par dossier en première instance. Il ajoutait que cette proposition revenait à diviser par trois les honoraires de première instance et rappelait la lourdeur de gestion de tels dossiers. Il précisait encore que "les charges déjà générées pour ces dossiers sont déjà considérables et grèvent ma trésorerie. A ce stade, je ne peux donc qu'accepter la fixation de mes honoraires à 90.000 € HT hors honoraires de conseil et de médiation. Je reviendrai vers vous à l'avenir en cas de difficulté".

Une grille d'honoraires liait Maître [S] et l'AGS et prévoyait une somme de 520,80 € par dossier en première instance avec une dégressivité en cas de dossiers multiples, outre une négociation au delà de vingt dossiers. La grille prévoyait encore en appel une somme de 520,80 € par dossier dans les cas où l'AGS était intimée et 781,20 € lorsqu'elle était appelante.

Dans son attestation du 30 mars 2016, Mme [C] [M], secrétaire assistante de Maître [S] de 2006 à 2010 a déclaré que ce dernier avait voulu négocier avec l'AGS pour les dossiers ARAST mais que l'AGS voulait lui imposer "des honoraires très bas". Elle ajoutait que les dossiers ARAST prenaient de plus en plus de temps au point que Maître [S] ne travaillait plus que pour l'AGS. Elle ajoutait avoir vu Maître [S] anxieux et fatigué en raison de ce dossier hors norme, qu'il devait y faire face seul car il ne pouvait recruter de collaborateur faute d'argent et qu'il régnait une incertitude sur le plan financier. Mme [M] indiquait qu'au vu des difficultés financières de Maître [S], elle avait préféré quitter le cabinet de ce dernier pour rejoindre un poste qui lui était proposé.

Après réception des factures d'octobre et novembre 2010, l'AGS envoyait un premier versement de 57.300 € le 30 novembre 2010. Puis Maître [S] recevait un chèque d'un montant de 163.200 € le 8 mars 2011 et un dernier versement le 13 avril 2012 de 29.100 €. Or, ce dernier travaillait quasi exclusivement sur les dossiers de l'ARAST depuis plusieurs mois, au vu de l'agenda 2010. La somme totale de 249.600 € pour les dossiers de première instance, rapportée sur 20 mois, n'apparaît pas particulièrement élevée. Il convient encore de relever qu'aucune provision ne lui avait été versée.

Les difficultés financières de Maître [S] sont encore confirmées par les impayés de loyers de son local professionnel. Il a occupé ces locaux depuis février 2000 et a régulièrement payé les loyers jusqu'en 2012. Il a ensuite accumulé des retards puis, a réglé à l'avance les loyers jusqu'en mai 2013. Il n'a pas repris les paiements après mai 2013 pour accumuler une dette de près de 23 000 €.

Manifestement, Maître [S] a connu des déboires financiers avec le dossier de l'ARAST. Il a cessé de payer le loyer de son local professionnel, sa secrétaire assistante a préféré quitter le cabinet en raison des problèmes économiques de son employeur.

C'est dans ces conditions difficiles que dans son courrier du 11 février 2013, l'AGS lui a proposé une somme forfaitaire de 90.000 € HT en ajoutant : "nous attendons de votre part que vous nous fixiez le plus rapidement sur vos intentions au regard de cette proposition afin que nous puissions le cas échéant prendre les dispositions nécessaires à la préservation des intérêts de l'AGS".

Or, en février 2013, Maître [S] était toujours en grande difficulté financière. La dernière phrase du courrier de l'AGS constitue un ultimatum plaçant Maître [S] dans l'obligation d'accepter

la proposition en raison de son état de dépendance économique à l'égard de l'AGS. Cette situation caractérise une contrainte économique constituant un vice du consentement conformément à l'article 1111 ancien du code civil applicable à l'espèce.

En conséquence, l'AGS ne démontre pas la réalité d'un accord librement consenti entre les parties. En l'absence d'accord, le montant des honoraires est fixé en fonction des usages, de la fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et de ses diligences.

Sur les honoraires en appel :

Le nombre de 795 dossiers en appel n'est pas contesté par l'AGS. Il est encore constant que l'AGS est appelante dans les dossiers de [Localité 3], contrairement aux dossiers de [Localité 4] où elle n'est qu'intimée. Par ailleurs, selon la grille de tarification de l'AGS, la rémunération des dossiers pour lesquels l'AGS est intimée est inférieure à celle prévue dans les dossiers où elle est appelante, les diligences à accomplir étant alors supérieures dans cette seconde hypothèse.

Maître [S] a versé ses écritures dans le cadre de la procédure d'appel dans plusieurs dossiers de [Localité 3], déposées au greffe de la cour le 21 mai 2013. L'AGS a versé les écritures de Maître [D] dans un dossier d'appel déposé à l'audience du 30 juillet 2013. Il est évident que les écritures de Maître [D] reprennent très largement celles de Maître [S] pour des conclusions de plus de 65 pages. Aucune écriture postérieure à la date du 30 juillet 2013 n'est versée que ce soit dans les dossiers du CPH de Saint Pierre ou dans les dossiers de [Localité 3]. L'AGS ne démontre pas que Maître [D] a assuré l'entière défense de l'AGS en cause d'appel. Bienau contraire, il ressort des pièces que c'est bien Maître [S] qui a assuré la défense des intérêts de l'AGS en cause d'appel, Maître [D] n'ayant apporté que quelques modifications dans les dossiers d'appel du CPH de Saint Pierre. Ce n'est que le 29 octobre 2013 que l'AGS a dénoncé ses relations avec Maître [S] alors qu'à cette date, les conclusions de l'AGS avaient déjà été rédigées, voire déposées au greffe de la cour. De ces éléments, il ressort que la participation de Maître [D] en cause d'appel s'est limitée aux plaidoiries des dossiers de [Localité 3], Maître [S] ayant assuré tout l'amont de la procédure d'appel.

Par ailleurs, Maître [S] a assuré la défense de l'AGS depuis 1999 et jusqu'au 29 octobre 2013, sans être contredit par cette dernière. Ces 14 ans de relations d'affaires permettent de penser que l'AGS a été satisfaite des prestations de Maître [S] tout au long de cette période.

De même, il n'est pas contesté que ce dossier est un dossier "hors norme", soulevant des difficultés de tous ordres, juridiques et procédurales notamment. Mais surtout, le nombre considérable de dossiers a été source de confusion dans sa gestion par la cour. Un courrier de Maître [D] du 31 mars 2016 adressé à l'AGS précisait : "je vous confirme par ailleurs que la gestion des dossiers ARAST a été particulièrement difficile en cause d'appel, du fait des modifications récurrentes de la cour quant aux méthodes de travail", situation que confirmait le premier président dans un courrier à Maître [S] du 10 décembre 2014.

Devant la lourdeur de la tâche, Maître [D] écrivait à l'AGS le 2 octobre 2013 pour solliciter une provision en raison de la nécessité d'embaucher une assistante ainsi qu'un coût de fonctionnement lourd, un volume de papier extrêmement important, outre des frais d'huissier. Il est encore constant que l'AGS a prévu dans sa grille de rémunérations un tarif identique à celui de première instance pour les dossiers en appel lorsqu'elle est intimée et un surcoût lorsqu'elle est appelante, compte tenu des diligences plus importantes dans cette seconde hypothèse. Or, l'AGS a proposé à Maître [S] une somme de 249.600 € TTC pour les dossiers de première instance et la somme de 97.650 € TTC pour la procédure d'appel, soit une somme inférieure de plus de deux fois et demi et ce malgré un dossier hors norme ayant accaparé tout le temps disponible de Maître [S] qui a dû délaisser ses autres clients pour travailler essentiellement sur les dossiers de l'ARAST, comme l'indique Mme [M] dans son attestation. Dès lors, l'AGS ne peut être approuvée lorsqu'elle soutient que cette procédure d'appel a nécessité un travail moindre que celui de première instance alors que la procédure d'appel a été particulièrement chronophage comme le décrit Maître [D], que sa propre grille de rémunération établit un tarif supérieur pour les dossiers d'appel lorsqu'elle est intimée, ce qui était le cas dans la procédure dyonisienne et que le coût proposé par l'AGS s'élève aux alentours de 113 € HT, soit une somme inférieure à celle l'AJ en tenant compte de la dégressivité en raison du nombre de dossiers.

Bien au contraire, Maître [S] a ainsi dû faire face à un important surcroît d'activité alors qu'il avait un petit cabinet, sans collaborateur et avec l'aide d'une secrétaire. Il a dû recruter une personne supplémentaire pour faire face à ce dossier. Il a assisté aux audiences tant devant le CPH que devant la cour d'appel, au moins avant la dénonciation de ses relations contractuelles avec l'AGS. De plus, il ressort de l'attestation de Mme [M] que l'AGS avait cessé de "fournir leurs observations dans les dossiers à la Réunion dans le courant de l'année 2008", soit aussi dans les dossiers ARAST. Dès lors, compte tenu de ces éléments, il n'apparaît pas étonnant que Maître [S] ne pouvait pas être joignable à tout instant et qu'il a dû faire face à de nombreuses tâches liées à ce lourd contentieux. L'AGS ne démontre pas la réalité des omissions, des défaillances et d'une implication défaillante de Maître [S] dans ce dossier alors que la lourdeur de la tâche est en revanche une réalité. La proposition d'un tarif aussi éloigné de ses propres tarifs habituels et inférieur aux tarifs de l'AJ est bien dérisoire d'autant que la situation financière de l'AGS ne justifie en rien un tel écart.

Compte tenu de la grille tarifaire de l'AGS, des honoraires de première instance, de la complexité du dossier, la demande de Maître [S] n'apparaît pas excessive et a tenu compte du fait qu'il n'a pas plaidé les dossiers. En conséquence, il convient d'infirmer la décision de première instance et de fixer la rémunération de Maître [S] à la somme de 350.000 € TTC. Compte tenu de la somme de 97.650 € déjà versée, l'AGS reste à devoir à Maître [S] la somme de 252.350 € » ;

Alors, d'une part, que si la violence économique exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité, seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, permet de caractériser ce vice ; que la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante quel que soit son mode d'exercice, et que, dès lors, l'avocat exerce ses fonctions avec indépendance, dans le respect des termes de son serment ; que ces principes guident l'avocat en toutes circonstances, en sorte qu'il ne saurait se placer en situation de dépendance économique vis-à-vis de l'un de ses clients ; qu'en retenant pourtant que Me [S] était en difficulté financière et était donc dépendant de l'AGS, pour annuler la convention d'honoraires conclue entre eux le 13 février 2013, laquelle fixait à 90.000 euros hors taxe le montant des honoraires forfaitaires perçus par l'avocat pour la procédure d'appel, et fixer ces honoraires à la somme de 350.000 euros, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 1112 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 101 février 2016, ensemble les articles 1 et 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Alors, subsidiairement, que même à supposer que l'avocat puisse se placer en situation de dépendance économique à l'égard de l'un de ses clients, le vice de violence est exclu lorsqu'il n'est pas établi qu'il a été contraint par sa dépendance à consentir un avantage excessif ou anormal à son cocontractant ; qu'en retenant que Me [S] était en grande difficulté financière lorsqu'il a accepté la proposition de l'AGS de lui verser un forfait de 90.000 euros hors taxe pour la procédure d'appel, pour dire que son consentement a été vicié et fixer ses honoraires à la somme de 350 000 euros, par des motifs impropres à caractériser l'exploitation abusive de la situation par l'AGS, laquelle en aurait tiré un avantage indu, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1112 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Alors, en tout état de cause, que si les juges ne sont pas tenus d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, ils doivent répondre à leurs moyens, lesquels sont de nature à influer sur la solution du litige ; que dans ses conclusions, l'AGS faisait expressément valoir que dès le 25 mai 2011, elle a proposé un forfait à Me [S] au titre de la procédure d'appel, et que celui-ci n'y a répondu que le 11 janvier 2013, soit vingt mois plus tard (conclusions, p. 12-13), ce qui excluait par là-même que Me [S] ait subi une pression de la part de l'AGS, compte-tenu de cette temporalité ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le premier président de la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

Le greffier de chambre ECLI:FR:CCASS:2021:C201157
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