Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 novembre 2021, 20-19.040, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 novembre 2021




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1332 F-D

Pourvoi n° J 20-19.040

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [G] [G] [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juin 2020.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

M. [G] [G] [G] [G] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-19.040 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Assistance sécurité conseil, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G] [G] [G], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Assistance sécurité conseil, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, le 21 mars 2019), M. [G] [G] [G] a été engagé, le 10 avril 2008, en qualité d'agent de prévention et de sécurité par la société Assistance sécurité conseil (la société).

2. Il a été élu délégué du personnel, le 30 décembre 2014.

3. À la suite de la perte, par la société, du marché de prestations de sécurité/sûreté du site de [Localité 4] logistique où il était affecté, le salarié a refusé le transfert de son contrat de travail, autorisé par l'inspection du travail, à l'entreprise entrante.

4. Le 25 mars 2015, la société a affecté le salarié à un poste sur le site du centre commercial [Adresse 3], à compter du 7 avril suivant.

5. Le salarié a refusé de rejoindre cette nouvelle affectation.

6. D'abord placé en arrêt de travail pour maladie du 7 au 22 avril 2015, il n'a, ensuite, pas été rémunéré du 23 avril au 13 mai 2015.

7. Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur par lettre du 19 mai 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission et de le débouter de ses demandes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de droits à congés payés afférents, d'indemnité pour violation du statut protecteur, de rappel de salaire pour les mois d'avril et mai 2015, de droits à congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement nul ainsi que de dommages-intérêts pour comportement déloyal, alors « que commet un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail l'employeur qui procède à des retenues injustifiées sur la rémunération du salarié protégé ; qu'en refusant de constater que l'employeur avait commis un tel manquement pour avoir effectué une retenue sur salaires pour la période du 23 avril au 13 mai 2015 au prétexte que l'exposant, pourtant titulaire d'un mandat de délégué du personnel, ne s'était pas présenté sur son nouveau lieu de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 2411-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1, L. 1231-1 du code du travail et l'article L. 2411-1,du même code, dans sa rédaction alors applicable :

9. Il résulte de ces textes qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé. En cas de refus par celui-ci de cette modification ou de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. Il appartient à l'employeur de maintenir tous les éléments de rémunération antérieurement perçus par le salarié aussi longtemps que l'inspecteur du travail n'a pas autorisé son licenciement.

10. Pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission et débouter le salarié de ses demandes subséquentes ainsi que de sa demande de rappel de salaire et de droits à congés payés afférents, l'arrêt retient que le salaire est la contrepartie d'un travail, que le salarié n'ayant pas travaillé selon le planning qui lui avait été remis du 23 avril au 13 mai 2015, sans justificatif, c'est à bon droit que la société a procédé à une retenue de salaires et que, en conséquence, le non-paiement des salaires en avril et en mai 2015 n'est pas constitutif d'un manquement de l'employeur.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le changement de site d'affectation décidé par l'employeur à compter du 7 avril 2015 avait été refusé par le salarié, titulaire d'un mandat de délégué du personnel, et que l'inspecteur du travail n'avait pas autorisé le licenciement de ce dernier à la suite de ce refus, ce dont elle aurait dû déduire que l'absence de rémunération constituait un manquement grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Assistance sécurité conseil de sa demande en paiement de la somme de 1 606,11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de sa demande en paiement de frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 21 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société ASC Assistance sécurité conseil aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Assistance sécurité conseil et la condamne à payer à la SCP Thouvenin la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [G] [G] [G]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [G] [G] [G] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission et de l'AVOIR débouté de ses demandes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, d'indemnité pour violation du statut protecteur, de rappel de salaire pour les mois d'avril et mai 2015, de congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour licenciement nul, et de dommages et intérêts pour comportement déloyal.

1° ALORS QUE lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat de représentant du personnel prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur quand les faits invoqués le justifiaient ; qu'un changement de lieu de travail, y compris en exécution d'une clause de mobilité, ne peut être imposé à un salarié protégé et il appartient à l'employeur d'engager la procédure de licenciement en cas de refus par le salarié de ce changement en demandant l'autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'ayant constaté que l'employeur avait imposé au salarié, titulaire d'un mandat de délégué du personnel, une mutation en exécution d'une clause de mobilité, tout en refusant d'y voir un abus du pouvoir de direction ainsi qu'un manquement de l'employeur rendant impossible la poursuite de la relation de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 2411-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige.

2° ALORS QUE abuse de son pouvoir de direction et commet un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail l'employeur qui impose à un salarié, titulaire d'un mandat de représentant du personnel, un changement de lieu de travail, y compris en exécution d'une clause de mobilité ; qu'en retenant que l'employeur avait pu imposer au salarié, titulaire d'un mandat de délégué du personnel, une mutation, en considération du fait que celui-ci avait refusé le transfert de son contrat de travail au sein de l'entreprise qui avait repris le marché, qu'il n'existait aucun poste vacant, que le nouveau lieu de travail entrait dans le périmètre géographique de la clause de mobilité, et que le salarié n'apportait pas la preuve de l'incompatibilité de sa mutation avec son mandat représentatif, de l'atteinte qu'elle portait à sa santé et de ce qu'elle avait un lien avec son mandat, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et partant a violé les articles L. 1231-1 et L. 2411-1 du code du travail.

3° ALORS QUE commet un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail l'employeur qui procède à des retenues injustifiées sur la rémunération du salarié protégé ; qu'en refusant de constater que l'employeur avait commis un tel manquement pour avoir effectué une retenue sur salaires pour la période du 23 avril au 13 mai 2015 au prétexte que l'exposant, pourtant titulaire d'un mandat de délégué du personnel, ne s'était pas présenté sur son nouveau lieu de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 2411-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

M. [G] [G] [G] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de rappel de salaire pour les mois d'avril et mai 2015 et les congés payés y afférents.

ALORS QU'un changement de lieu de travail, y compris en exécution d'une clause de mobilité, ne peut être imposé au salarié protégé et donner lieu à une retenue sur salaire pour non présentation sur le nouveau lieu de travail ; qu'ayant constaté que le salarié, titulaire d'un mandat de délégué du personnel, avait été privé de son salaire pour ne pas s'être présenté sur son nouveau lieu de travail à compter du 23 avril 2015 et n'avoir pas justifié de son absence, quand sa qualité de salarié protégé interdisait à l'employeur d'opérer une retenue sur salaire pour ce motif, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 2411-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2021:SO01332
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