Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 novembre 2021, 15-17.479, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 novembre 2021, 15-17.479, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 15-17.479
- ECLI:FR:CCASS:2021:CO00731
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 04 novembre 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, du 17 février 2015- Président
- M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 novembre 2021
Cassation partielle
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 731 F-D
Pourvoi n° J 15-17.479
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2021
M. [N] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 15-17.479 contre l'arrêt rendu le 17 février 2015 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
La Société générale a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. [B], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 17 février 2015), le 13 mars 2009, la société Normandiag'immo s'est portée acquéreur du fonds de commerce de la société Expertise immobilière Haute Normandie (la société EIHN) pour le prix de 450 000 euros, financé par un prêt consenti par la Société générale (la banque). Par un acte du même jour, M. [B] s'est rendu caution du remboursement de ce prêt, à concurrence de la somme de 260 000 euros. La société débitrice principale ayant été placée en sauvegarde puis en liquidation judiciaire, la banque a assigné la caution en paiement.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de réduire la majoration des intérêts conventionnels au taux de 0,2 % au lieu de 4 %, alors « que pour modérer le montant de la clause pénale, le juge doit se fonder sur la disproportion manifeste entre la peine stipulée et le préjudice effectivement subi ; qu'en se bornant à affirmer que la majoration stipulée aboutirait à porter le montant total des intérêts au taux de 10,30 % capitalisés annuellement et que ces derniers seraient « manifestement excessifs au regard du taux initialement fixé et du préjudice effectif de l'établissement de crédit », sans que ces motifs généraux n'exposent en quoi la peine stipulée était manifestement excessive en considération du préjudice effectivement subi par l'établissement de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil (rédaction applicable au litige). »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
4. Selon ce texte, lorsque la convention stipule que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
5. Pour modérer le montant de la clause pénale, l'arrêt retient que les intérêts majorés de 4 % réclamés par la banque, qui aboutiraient à porter le taux des intérêts à 10,30 % capitalisés annuellement, sont manifestement excessifs au regard du taux initialement fixé et du préjudice effectif de l'établissement de crédit.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir le caractère manifestement excessif du montant de la clause pénale par rapport au préjudice effectivement subi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il réduit la majoration des intérêts au taux de 0,2 % au lieu de 4 %, l'arrêt rendu le 17 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. [B].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [B] à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 185.609,94€ selon compte arrêté en intérêts au 03/11/2011 et les intérêts postérieurement échus et à échoir, à capitaliser annuellement ;
Aux motifs propres que « 1 Sur la proportionnalité de l'engagement de caution : Il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation qu'un « créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permettent de faire face à cette obligation » ; qu'en l'espèce Monsieur [N] [B] a fourni au moment de la souscription de son engagement de caution, des éléments d'appréciation dans la fiche de renseignement qu'il a certifié exacte le 23 février 2009 ; que la cour procède sur la base des documents produits, à une analyse du patrimoine de l'intéressé au moment où il s'est porté caution avec l'accord de son épouse, selon les données suivantes : - patrimoine à titre d'investissement locatif : °en propre : un appartement sis [Adresse 2] d'une valeur de 130.000€ moins encours de prêt du Crédit Mutuel de 44.000€ soit une valeur nette d'environ 86.000€ ; °en indivis avec son épouse : via la SCI PASSERAT, des locaux commerciaux et un appartement T2 sis [Adresse 1] d'une valeur de 250.000€ moins encours de prêt bancaire de 175.000€ soit une valeur nette de 75.000€ (et pour sa part de 37.500€) ; - patrimoine à titre de résidence et en indivis avec son épouse : °une maison sise à [Adresse 1] d'une valeur nette de 11.000€ (et pour sa part 5.500€) après déduction du prêt, °une maison sise à [Adresse 10] achetée 255.000€ avec un prêt de 230.000€ soit une valeur nette de 25.000€ (soit 12.500€ pour M. [B]), - un capital correspondant à 50% de la somme de 218.767€ soit 109.383€ (cf. : courrier de l'office notarial JONQUETMAZURE en date du 26/02/2009) ; que la SOCIETE GENERALE a par ailleurs produit deux états de renseignement hypothécaires (pièces 28 et 29), lesquels démontrent l'existence actuelle du patrimoine immobilier de M. [B] sur lequel celle-ci a pris une garantie en saisissant le juge de l'exécution ; que la cour relève que l'appelant a omis d'intégrer dans ses décomptes les avoirs en espèces déposés sur compte bancaires (outre les revenus locatifs), et que l'ensemble du patrimoine de M. [B] lui permet de répondre à l'engagement de caution solidaire à hauteur de la somme de 185.609€, nonobstant les prêts souscrits et le caractère indivis de certains biens ; que c'est donc vainement que ce dernier invoque une disproportion manifeste entre ses ressources et son engagement de caution au moment de la conclusion de l'acte, ainsi que l'impossibilité de faire face à ses engagements au regard de sa situation financière actuelle et des besoins de sa famille » (arrêt p. 3, 1°) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'« en premier lieu, la S.G. fait valoir pour la proportionnalité de l'engagement de caution de M. [B], que celui-ci avait la qualité de caution avertie ; que les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation n'ont aucun lien avec le caractère averti ou non de la caution, le Tribunal ne retiendra pas ce premier moyen ; qu'en second lieu, la S.G. appuie sa discussion sur l'estimation du patrimoine et des revenus de M. [B] ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation que la proportionnalité de l'engagement de cautionnement rapportée au patrimoine et revenus de la caution, s'apprécie lors de la conclusion de celui-ci ; que l'acte de cautionnement de M. [B] a été régularisé le 13/03/2009 ; que pour la constitution de cet acte, une fiche de renseignements confidentiels a été établie et certifiée exacte par M. [B] en date du 23/02/2009 ; que cette fiche était elle-même assortie d'un état patrimonial daté du 15/10/2008 fourni par M. et Mme [B] à la S.G. à l'occasion du dossier de financement de leur nouvelle résidence principale au [Localité 9] (cf. pièce 27 Dem. Et pièce n° Def.) ; qu'il résulte globalement de cet état, que le couple affichait un patrimoine total brut de 1.226.835€, ramené à 666.838€ net d'emprunts, et se ventilant en 136.835€ d'avoirs et dépôts et 1.090.000€ (550.003€ net) d'immobilier ; que par ailleurs les revenus du couple – hors revenus locatifs – ressortaient à 5.145€/mois dont 3.000€ pour M. [B] ; que plus précisément pour M. [B], seul engagé comme caution – nonobstant le consentement exprès de son épouse [E] à l'acte – son patrimoine immobilier était composé des biens suivants : 1°) A titre d'investissements locatifs >en propre, -- un appartement sis [Adresse 2] d'une valeur de 130.000€ moins encours de prêt Crédit Mutuel de 44.000€, soit une valeur nette de 86.000€ >en indivis à 50% (avec Mme) -- via la SCI PASSERAT, partie d'immeuble à usage mixte (2 locaux commerciaux dont un loué à la Sté AUB DIAGNOSTIC + un appartement T2) sise [Adresse 1], d'une valeur de 250.000€ moins encours de prêt Banque Populaire de 175.000€, soit une valeur nette et pour sa part, de 37.500€ -- deux appartements T2 sis à [Adresse 13], d'une valeur de 100.000€ moins encours de prêts Caisse d'Epargne de 89.000€, soit une valeur nette pour sa part, de 5.500€ -- studio acheté en VEFA pour défiscalisation, sis à [Adresse 15], d'une valeur de 110.000€ moins encours de prêt de 110.000€, soit une valeur nette de : pour mémoire (nb : ce studio qui figure sur l'état patrimonial du 15/10/2008, n'a pas été repris sur la fiche de renseignements certifiée du 23/02/2009) ; 2°) A titre de résidence principale et en indivis à 50% avec Mme -- Jusqu'en février 2009 : maison T5 sise à [Adresse 14], d'une valeur de 230.000€ moins encours de prêt de 140.000€, soit une valeur nette estimative et pour sa part, de 45.000€ -- puis : Maison, sise [Adresse 3], achetée 255.000€ (hors frais notaire et commission agence) avec un prêt de la S.G. (présentement requérante) de 230.000€, soit une valeur nette pour sa part de 12.500€ ; qu'à ce stade, il apparaît une situation patrimoniale nette cumulée de M. [B] allant de 174.000€ à 141.500€, selon que l'on retient la résidence principale de [Localité 12] ou la nouvelle du [Localité 9] ; que cependant la lecture de ce calcul est contrariée par l'examen détaillé des pièces fournies par les parties, ainsi qu'il est développé ci-après ; que la valeur d'un immeuble varie en fonction des inscriptions hypothécaires ou privilèges pouvant le grever ; qu'en l'espèce et s'agissant cette fois de la résidence principale, il s'avère qu'au moment de l'établissement de l'acte de caution, la maison sise au [Localité 9] avait déjà été achetée et financée depuis janvier 2009, de sorte qu'il était logique qu'elle figure comme résidence principale sur la fiche de renseignements certifiée le 23/02/2009 par M. [B] ; qu'aussi à l'époque, la maison sise [Adresse 1], ex-résidence principale de M. et Mme [B], était sur le point d'être vendue ; que M. [B] ne pouvait l'ignorer, un courrier de l'office notarial [H] du 26/02/2009 l'informant de la signature de la vente en date du 25/02/2009 ; que par même courrier, M. et Mme [B] étaient informés d'un virement de 218.767€ correspondant au solde disponible sur le prix de vente (Ndr : après commission agence au Cabinet [Z] de 14.000€ et frais notariés) ; que – ainsi que M. [B] l'a précisé lors de la plaidoirie – cette somme a pu être encaissée en l'absence d'inscription hypothécaire sur la maison, cette dernière ayant fait l'objet d'un prêt garanti par un placement, qu'il sera remarqué que ce placement n'apparaît pas sur l'état et renseignements patrimoniaux fournis par M. [B] ; que le capital ainsi récupéré du produit de la vente, n'a pas servi à refinancer la nouvelle résidence du [Localité 9], puisque celle-ci était achetée depuis plusieurs semaines à l'aide d'un prêt de la S.G., lequel ne fait aucune mention d'un quelconque crédit-relais (un moment pourtant envisagé – cf. pièce n°1 Def.) ; qu'au demeurant, ce prêt est assorti de pénalités en cas de remboursement anticipé partiel, ce qui n'est jamais le cas, dans le cadre d'un crédit relais (cf. pièce 34 Def.) ; qu'il est peu vraisemblable que la S.G. ait pu ignorer l'absence d'inscription hypothécaire sur la maison de [Localité 12], ayant eu à étudier l'hypothèse d'un crédit-relais sur celle-ci et ayant nécessairement levé les états hypothécaires comme il est d'usage en pareil cas, qu'en outre elle n'ignorait pas non plus la vente en cours, pour la même raison ; que cela signifie qu'à la date où la fiche de renseignements a été certifiée par M. [B], celui-ci disposait d'un capital potentiel certain de 50% de 218.767€, soit 109.383€ (arrondi à 109.000€) qui, en tout état de cause, était devenu réel et disponible à la date de la signature de l'acte de cautionnement (pour mémoire le 13/03/2009) ; que ce capital doit donc entrer dans l'appréciation du patrimoine de M. [B] lors de la constitution de son engagement de caution ; que l'engagement de caution de 260.000€ de M. [B] portait sur la garantie d'une obligation principale de 200.000€, de surcroît amortissable, on ne peut vraiment pas invoquer un engagement manifestement disproportionné, sachant que d'autre part, les revenus de l'intéressé s'élevaient à 3.000€/mois outre un bonus de 500€/mois de revenus locatifs nets d'emprunts (bonus confirmé par M. [B] lors de la plaidoirie) ainsi qu'il ressortait de la fiche de renseignements certifiée en date du 23/02/2009 ; que par ailleurs cet engagement a été recueilli conformément aux dispositions des Art. L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation et qu'il a été satisfait à l'obligation d'information dès le premier incident de paiement prescrite par l'art. L. 341-1 du code précité ; qu'en conséquence, le Tribunal considérera que la S.G. peut se prévaloir de l'engagement de caution de M. [B], la recevra en ses demandes et la déclarera bien fondée » (jugement p. 5, 6, 7, et 8 in limine) ;
1°) Alors que la proportionnalité de l'engagement de la caution doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de celle-ci ; que dans ses conclusions d'appel, M. [B] faisait valoir que la maison sise [Adresse 1], d'une valeur de 230.000€, qu'il détenait en indivision avec son épouse, avait été financée par un emprunt pour lequel le capital restant dû était de 140.631€, de sorte que sa valeur nette pouvait être évaluée à 89.369€, soit une valeur de patrimoine de 44.684€ (conclusions p. 9, n°IV) ; qu'en retenant, pour dire que M. [B] disposait au jour où il a été appelé d'un patrimoine suffisant pour faire face à son engagement de caution solidaire à hauteur de 185.609€, que celui-ci détenait un capital correspondant à 50% du prix de vente de cette maison de 218.767€, soit 109.383€, qu'il avait omis d'intégrer dans ses décomptes (arrêt p. 3 in fine), sans rechercher si les sommes restant dues au titre du prêt ayant servi à financer l'acquisition de cette maison ne devaient pas être déduites de ce montant, la cour d'appel n'a pas tenu compte de l'endettement global de la caution, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
2°) Alors que la proportionnalité du cautionnement s'apprécie au moment de l'engagement de la caution, au regard des seuls biens et revenus actuels de celle-ci, sans considération de ses revenus escomptés ; qu'en retenant par motifs adoptés des premiers juges, pour dire que l'engagement de M. [B] n'était pas disproportionné à ses biens et revenus au moment de son engagement de caution, que, « à l'époque, la maison sise [Adresse 1], ex-résidence principale de M. et Mme [B], était sur le point d'être vendue » (jugement p. 7, §2), la cour d'appel a tenu compte d'un revenu escompté de M. [B], et ainsi violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
3°) Alors que la proportionnalité de l'engagement de la caution s'apprécie au regard des biens de celle-ci dans l'état dans lequel ils se trouvent au moment du cautionnement ; qu'en cause d'appel, M. [B] faisait valoir que l'estimation qu'il proposait de son patrimoine immobilier au moment de son engagement de caution ne tenait pas compte du fait qu'il était en grande partie détenu en indivision, ce qui amoindrissait sa valeur, et en partie loué, ce qui représentait une moins-value lors d'une revente (conclusions p. 11, §3) ; qu'en retenant que l'engagement de M. [B] n'était pas disproportionné à ses biens et revenus au moment du cautionnement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les biens immobiliers de M. [B] ne subissaient pas une moins-value du fait qu'ils étaient alors soit en indivision, soit en location, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
4°) Alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. [B] faisait valoir que pour déterminer la valeur réelle nette d'un patrimoine immobilier, un abattement de 20 à 25% doit être appliqué, de manière à tenir compte des droits et taxes dont le vendeur doit s'acquitter (conclusions p. 11, §1 et 2) ; qu'en retenant que M. [B] disposait d'un patrimoine suffisant pour répondre de son engagement de caution, sans répondre à ce moyen de M. [B], de nature à influer considérablement les sommes dont il pouvait disposer, compte tenu des frais de réalisation de son patrimoine immobilier, pour faire face à son engagement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) Alors que les juges du fond doivent rechercher si le patrimoine de la caution lui permet, au moment où elle est appelée, de faire face à son obligation, en tenant compte des intérêts et accessoires échus au moment où ils statuent ; que, pour dire que M. [B] disposait d'un patrimoine suffisant, au moment où il était appelé, pour faire face à son engagement de caution, la cour d'appel a retenu la somme de 185.609,94€ arrêtée selon décompte du 3 novembre 2011 ; qu'en omettant d'inclure, pour s'assurer que M. [B] se trouvait en mesure de faire face à son obligation, dans cette somme le montant des intérêts et majorations échus entre le 3 novembre 2011 et le 17 février 2015, date de sa décision, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [B] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts à titre subsidiaire, fondée sur la violation du devoir de mise en garde du banquier vis-à-vis de la caution ;
Aux motifs propres que « 2. Sur la responsabilité de la banque : Il est constant que sont tenus d'une obligation particulière de mise en garde, les établissements de crédit ayant sur la situation financière de l'emprunteur et sur les risques encourus, des informations ignorées de ce dernier ; que l'appelant prétend qu'en l'espèce, la SOCIETE GENERALE connaissait la situation financière irrémédiablement compromise de la société EIHN à très court terme, et qu'elle a commis une faute en se gardant de l'en informer ; que néanmoins, les premiers juges ont relevé avec pertinence que M. [B], professionnel expérimenté et averti, avait eu communication des documents comptables de cette société, incluant le passif de cette dernière ainsi que les engagements de la SOCIETE GENERALE, de sorte qu'il était parfaitement informé des difficultés de l'opération ; qu'il ressort du procès-verbal de délibération du 20 février 2009 que l'assemblée générale de la société NORMANDIAG'IMMO a décidé de racheter le fonds de commerce de la SARL EIHN au regard d'une étude de faisabilité « compte tenu des opportunités de croissance que présentait cette opération » ; que M. [B] ne peut valablement prétendre que la situation de la société EIHN était compromise à très court terme, puisque cette société n'a fait l'objet d'un jugement de sauvegarde que le 10 septembre 2010 soit 14 mois après la reprise, la liquidation judiciaire ayant été prononcée en août 2011 ; que la cour rappelle que le banquier n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client et qu'il appartient à l'emprunteur, professionnel averti, de s'assurer que les conditions de faisabilité de l'opération sont réunies ; que c'est donc aux termes d'une exacte appréciation que les premiers juges ont considéré que la responsabilité de l'établissement de crédit ne pouvait pas être engagée » (arrêt p. 4, n°2).
Et aux motifs adoptés des premiers juges que « le défendeur prétend que la S.G. a cherché à reporter le risque qu'elle avait sur la Sté EIHN, sur M. [B] en se gardant bien de lui faire part des conséquences inéluctables qui allaient suivre à très court terme le rachat du fonds de commerce ; que pour qu'il y ait report de risque, il eut fallu que M. [B] rachète la Sté EIHN ; qu'en l'occurrence, M. [B] s'est seulement porté acquéreur d'un fonds de commerce de cette dernière ; que dès lors, le financement de ce fonds présentait un nouveau risque pour la banque ; qu'or la S.G. étant déjà en risque avéré à hauteur d'environ 280.000€ sur EIHN et ne disposant d'aucun privilège sur le fonds de commerce cédé, il est extravagant de penser qu'elle ait pu prendre un risque supplémentaire de 400.000€ sur M. [B] s'en croire un seul instant à la réussite de celui-ci dans la reprise du fonds ; qu'or de ce point de vue M. [B] : -- avait une expérience de plusieurs années dans l'activité considérée, l'ayant exercée dans l'[Localité 5] via la Sté AUBE DIAGNOSTIC depuis 2007, sous la franchise et l'enseigne « AGENDA » -- retrouvait le même franchiseur et enseigne AGENDA, en Normandie -- témoignait à travers sa surface immobilière significative (et peu courante, en dehors d'héritages, à l'âge de 40 ans) d'un succès en affaires, indéniable -- s'engageait lui-même dans cette opération <compte tenu des opportunités de croissance qu'elle présentait> (cf. p.v. d'AG du 20/02/2009 de la Sté NORMANDIAG'IMMO) ; qu'au demeurant, OSEO a également cru en la faisabilité du projet, en acceptant d'en contre-garantir le financement à concurrence de 50% ; que la défense soutient également que la S.G. aurait sciemment dissimulé à M. [B], la situation extrêmement dégradée de la Sté EIHN, et aurait, en conséquence manqué à son obligation particulière de mise en garde sur les risques encourus ; que la jurisprudence sanctionne en effet les établissements de crédit qui ont sur la situation financière de l'emprunteur et les risques encourus, des informations ignorées de ce dernier et qui sont dès lors tenus d'une obligation particulière de mise en garde ; mais que M. [B] était un professionnel expérimenté et averti ; qu'il ne pouvait ignorer la situation financière de la Sté EIHN, ayant eu communication des documents comptables de celle-ci et dans lesquels figuraient nécessairement et clairement au passif, les engagements de la S.G. ; qu'au contraire, M. [B] était parfaitement au fait des difficultés de l'opération qu'il abordait ; qu'il suffit pour s'en convaincre de consulter le protocole d'accord du 18/02/2009 qui : - dans son exposé § IV déclinait la situation de la Sté EIHN sans cacher les postes qui grevaient le résultat d'exploitation, ni la présence d'inscriptions prises en 2006 et 2007 par l'URSSAF pour 100.533€ puis radiées - dans son ART.II, soumettait en préalable à la cession, la réalisation d'un certain nombre de conditions suspensives dont, pour les plus éloquentes sur les difficultés d'EIHN : la réduction de l'effectif salarié à 7 personnes avec 3 licenciements et la production d'une situation comptable au 31/12/2008 validée par le cabinet KPMG ; que par ailleurs, dans son ART.V, ledit protocole obligeait le cédant EIHN et son dirigeant M. [D], à s'interdire toute activité concurrente dans les départements 27 et 76 ainsi que dans un rayon de 30km autour de ces départements, ce, pour une durée de dix années, et à cesser toute activité en relation avec les prestations de services auprès des particuliers et professionnels de l'immobilier à partir des locaux d'[Localité 8] et de [Localité 7] conservés par EIHN et non compris dans le périmètre de la cession ; qu'il ne fallait donc pas être grand clerc pour deviner que cela allait conduire tout droit EIHN au dépôt de bilan et à sa liquidation judiciaire prononcée le 12/06/2009 par le tribunal de commerce du [Localité 9] ; qu'aussi M. [B], qui connaissait déjà bien son franchiseur, la Sté AGENDA France SAS, pouvait avoir accès à des informations privilégiées sur l'activité et la clientèle de la Sté EIHN ; que le tribunal observera que, AGENDA, qui a agréé M. [B] en tant qu'acquéreur du fonds, conformément aux dispositions du contrat de franchise dont était titulaire EIHN, n'ignorait pas plus la situation difficile de cette dernière puisqu'il peut être constaté sur l'état des créances chirographaires (cf. pièce 13, Def.) un déclaration d'AGENDA pour 55.549,87€ au passif de la liquidation judiciaire ; que l'on cherche en vain les informations qui auraient pu être dissimulées à M. [B] par la S.G. et qu'il aurait ignorées ; que M. [B] fait état à plusieurs reprises dans ses correspondances « des irrégularités ayant entaché la cession du fonds de commerce », mais sans jamais désigner, définir ou caractériser précisément ces irrégularités ; que M. [B] attribue une partie des difficultés de sa Sté NORMANDIAG'IMMO au fait qu'elle n'a pu bénéficier des réfactions de prix (prévues pour un minimum de 63.750€) en raison de la liquidation judiciaire d'EIHN, oubliant dans le même temps de dire qu'il n'a pas non plus payé les 50.000€ de la partie variable du prix du fonds ; qu'au surplus, M. [B] entend faire grief à la S.G. de ne pas avoir mis en place la ligne de découvert de 50.000€ qui aurait été accordée lors du rachat du fonds de commerce et de l'avoir laissé soutenir en pure perte, à raison d'apports totalisant 150.000€, la Sté NORMANDIAG'IMMO ; mais qu'il ressort du dernier dossier que la ligne découvert n'était qu'une proposition <sous réserve de l'accord de notre comité de crédit> et que les 150.000€ d'apports correspondent, ni plus ni moins, aux 60.000€ d'apport en capital de NORMANDIAG'IMMO et aux 90.000€ d'apports en comptes courants débloqués, exigés par la S.G. et OSEO préalablement au déblocage du prêt de 400.000€ pour l'acquisition du fonds d'EIHN ; que de tout ce qui précède qu'il n'y a pas matière à engager la responsabilité de la S.G., le tribunal recevra M. [B] ne sa demande reconventionnelle, mais la déclarera mal fondée et l'en déboutera » (jugement p. 8, 9, et 10 in limine).
Alors que l'établissement de crédit est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de la caution avertie lorsqu'il dispose d'informations, sur la situation financière de l'emprunteur et les risques financiers encourus, ignorées de celle-ci ; qu'en cause d'appel, M. [B] faisait valoir qu'il n'avait pas eu accès aux données comptables de la société EIHN qui lui auraient permis de découvrir l'ampleur de découvert de celle-ci à l'égard de la Société Générale, dès lors que les seules informations dont il disposait étaient relatives à son fonds de commerce, qu'il avait racheté (conclusions p. 16, n°24) ; qu'en retenant, pour dire que la Société Générale ne disposait pas d'informations ignorées de M. [B] sur la situation de la société EIHN, que celui-ci avait eu communication des documents comptables de cette société, de sorte qu'il était parfaitement informé des difficultés de l'opération (arrêt p. 4, §3), sans rechercher, comme elle y était invitée, si les informations ainsi transmises n'étaient pas relatives au seul fonds de commerce racheté à la société EIHN et permettaient de connaître l'ampleur du découvert de celle-ci à l'égard de la Société Générale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN, SUBSIDIAIRE, DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [B] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts à titre subsidiaire, fondée sur la violation de l'obligation annuelle d'information du banquier vis-à-vis de la caution ;
Aux motifs que « 3 Sur l'information annuelle de la caution : Monsieur [B] soutient que la SOCIETE GENERALE ne rapporte pas la preuve de l'information annuelle imposée par l'article L. 313-22 du code de commerce ; que cette allégation est contredite tant par les courriers dont copies sont versées aux débats, que par les procès-verbaux de constat faisant apparaître le nom de M. [B] en page 6 du tableau annexé à celui du 24 mars 2011 et en page 5 du tableau annexé à celui du 28 mars 2012 (cf. : pièces 7, 8, 32, 33, 34 et 35) » (arrêt p. 4, 3°) ;
1°) Alors que le créancier professionnel doit délivrer une information annuelle personnalisée à la caution ; que dans ses conclusions d'appel, M. [B] faisait valoir que les modèles de lettre produits par la Société Générale pour justifier de l'envoi de l'information annuelle n'étaient pas adaptés à sa situation de caution (conclusions p. 17, n°3) ; qu'en retenant que la Société Générale avait correctement exécuté son obligation annuelle d'information de la caution, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les lettres produites par la Société Générale correspondaient à la situation de M. [B], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
2°) Alors que le créancier professionnel doit délivrer une information annuelle complète à la caution ; qu'en retenant que la Société Générale avait correctement exécuté son obligation d'information annuelle, sans préciser, comme elle y était invitée, que cette information avait été délivrée chaque année à la caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR réduit la majoration des intérêts conventionnels au taux de 0,2 % au lieu de 4 % ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article 1152 du Code civil, « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire » ; qu'en l'espèce, la Société Générale a par contrat en date du 25 mars 2009, consenti à la société Normandiag'immo un prêt de 400 000 euros sur une durée de 7ans et ce au taux de 6,30 % l'an ; que les intérêts majorés de 4 % réclamés par la Société Générale – qui aboutiraient à porter le montant total des intérêts au taux de 10,30 % capitalisés annuellement – sont manifestement excessifs au regard du taux initialement fixé et du préjudice effectif de l'établissement de crédit » ;
ALORS QUE pour modérer le montant de la clause pénale, le juge doit se fonder sur la disproportion manifeste entre la peine stipulée et le préjudice effectivement subi ; qu'en se bornant à affirmer que la majoration stipulée aboutirait à porter le montant total des intérêts au taux de 10,30 % capitalisés annuellement et que ces derniers seraient « manifestement excessifs au regard du taux initialement fixé et du préjudice effectif de l'établissement de crédit », sans que ces motifs généraux n'exposent en quoi la peine stipulée était manifestement excessive en considération du préjudice effectivement subi par l'établissement de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil (rédaction applicable au litige).ECLI:FR:CCASS:2021:CO00731
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 novembre 2021
Cassation partielle
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 731 F-D
Pourvoi n° J 15-17.479
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2021
M. [N] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 15-17.479 contre l'arrêt rendu le 17 février 2015 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
La Société générale a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. [B], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 17 février 2015), le 13 mars 2009, la société Normandiag'immo s'est portée acquéreur du fonds de commerce de la société Expertise immobilière Haute Normandie (la société EIHN) pour le prix de 450 000 euros, financé par un prêt consenti par la Société générale (la banque). Par un acte du même jour, M. [B] s'est rendu caution du remboursement de ce prêt, à concurrence de la somme de 260 000 euros. La société débitrice principale ayant été placée en sauvegarde puis en liquidation judiciaire, la banque a assigné la caution en paiement.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de réduire la majoration des intérêts conventionnels au taux de 0,2 % au lieu de 4 %, alors « que pour modérer le montant de la clause pénale, le juge doit se fonder sur la disproportion manifeste entre la peine stipulée et le préjudice effectivement subi ; qu'en se bornant à affirmer que la majoration stipulée aboutirait à porter le montant total des intérêts au taux de 10,30 % capitalisés annuellement et que ces derniers seraient « manifestement excessifs au regard du taux initialement fixé et du préjudice effectif de l'établissement de crédit », sans que ces motifs généraux n'exposent en quoi la peine stipulée était manifestement excessive en considération du préjudice effectivement subi par l'établissement de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil (rédaction applicable au litige). »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
4. Selon ce texte, lorsque la convention stipule que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
5. Pour modérer le montant de la clause pénale, l'arrêt retient que les intérêts majorés de 4 % réclamés par la banque, qui aboutiraient à porter le taux des intérêts à 10,30 % capitalisés annuellement, sont manifestement excessifs au regard du taux initialement fixé et du préjudice effectif de l'établissement de crédit.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir le caractère manifestement excessif du montant de la clause pénale par rapport au préjudice effectivement subi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il réduit la majoration des intérêts au taux de 0,2 % au lieu de 4 %, l'arrêt rendu le 17 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. [B].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [B] à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 185.609,94€ selon compte arrêté en intérêts au 03/11/2011 et les intérêts postérieurement échus et à échoir, à capitaliser annuellement ;
Aux motifs propres que « 1 Sur la proportionnalité de l'engagement de caution : Il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation qu'un « créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permettent de faire face à cette obligation » ; qu'en l'espèce Monsieur [N] [B] a fourni au moment de la souscription de son engagement de caution, des éléments d'appréciation dans la fiche de renseignement qu'il a certifié exacte le 23 février 2009 ; que la cour procède sur la base des documents produits, à une analyse du patrimoine de l'intéressé au moment où il s'est porté caution avec l'accord de son épouse, selon les données suivantes : - patrimoine à titre d'investissement locatif : °en propre : un appartement sis [Adresse 2] d'une valeur de 130.000€ moins encours de prêt du Crédit Mutuel de 44.000€ soit une valeur nette d'environ 86.000€ ; °en indivis avec son épouse : via la SCI PASSERAT, des locaux commerciaux et un appartement T2 sis [Adresse 1] d'une valeur de 250.000€ moins encours de prêt bancaire de 175.000€ soit une valeur nette de 75.000€ (et pour sa part de 37.500€) ; - patrimoine à titre de résidence et en indivis avec son épouse : °une maison sise à [Adresse 1] d'une valeur nette de 11.000€ (et pour sa part 5.500€) après déduction du prêt, °une maison sise à [Adresse 10] achetée 255.000€ avec un prêt de 230.000€ soit une valeur nette de 25.000€ (soit 12.500€ pour M. [B]), - un capital correspondant à 50% de la somme de 218.767€ soit 109.383€ (cf. : courrier de l'office notarial JONQUETMAZURE en date du 26/02/2009) ; que la SOCIETE GENERALE a par ailleurs produit deux états de renseignement hypothécaires (pièces 28 et 29), lesquels démontrent l'existence actuelle du patrimoine immobilier de M. [B] sur lequel celle-ci a pris une garantie en saisissant le juge de l'exécution ; que la cour relève que l'appelant a omis d'intégrer dans ses décomptes les avoirs en espèces déposés sur compte bancaires (outre les revenus locatifs), et que l'ensemble du patrimoine de M. [B] lui permet de répondre à l'engagement de caution solidaire à hauteur de la somme de 185.609€, nonobstant les prêts souscrits et le caractère indivis de certains biens ; que c'est donc vainement que ce dernier invoque une disproportion manifeste entre ses ressources et son engagement de caution au moment de la conclusion de l'acte, ainsi que l'impossibilité de faire face à ses engagements au regard de sa situation financière actuelle et des besoins de sa famille » (arrêt p. 3, 1°) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'« en premier lieu, la S.G. fait valoir pour la proportionnalité de l'engagement de caution de M. [B], que celui-ci avait la qualité de caution avertie ; que les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation n'ont aucun lien avec le caractère averti ou non de la caution, le Tribunal ne retiendra pas ce premier moyen ; qu'en second lieu, la S.G. appuie sa discussion sur l'estimation du patrimoine et des revenus de M. [B] ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation que la proportionnalité de l'engagement de cautionnement rapportée au patrimoine et revenus de la caution, s'apprécie lors de la conclusion de celui-ci ; que l'acte de cautionnement de M. [B] a été régularisé le 13/03/2009 ; que pour la constitution de cet acte, une fiche de renseignements confidentiels a été établie et certifiée exacte par M. [B] en date du 23/02/2009 ; que cette fiche était elle-même assortie d'un état patrimonial daté du 15/10/2008 fourni par M. et Mme [B] à la S.G. à l'occasion du dossier de financement de leur nouvelle résidence principale au [Localité 9] (cf. pièce 27 Dem. Et pièce n° Def.) ; qu'il résulte globalement de cet état, que le couple affichait un patrimoine total brut de 1.226.835€, ramené à 666.838€ net d'emprunts, et se ventilant en 136.835€ d'avoirs et dépôts et 1.090.000€ (550.003€ net) d'immobilier ; que par ailleurs les revenus du couple – hors revenus locatifs – ressortaient à 5.145€/mois dont 3.000€ pour M. [B] ; que plus précisément pour M. [B], seul engagé comme caution – nonobstant le consentement exprès de son épouse [E] à l'acte – son patrimoine immobilier était composé des biens suivants : 1°) A titre d'investissements locatifs >en propre, -- un appartement sis [Adresse 2] d'une valeur de 130.000€ moins encours de prêt Crédit Mutuel de 44.000€, soit une valeur nette de 86.000€ >en indivis à 50% (avec Mme) -- via la SCI PASSERAT, partie d'immeuble à usage mixte (2 locaux commerciaux dont un loué à la Sté AUB DIAGNOSTIC + un appartement T2) sise [Adresse 1], d'une valeur de 250.000€ moins encours de prêt Banque Populaire de 175.000€, soit une valeur nette et pour sa part, de 37.500€ -- deux appartements T2 sis à [Adresse 13], d'une valeur de 100.000€ moins encours de prêts Caisse d'Epargne de 89.000€, soit une valeur nette pour sa part, de 5.500€ -- studio acheté en VEFA pour défiscalisation, sis à [Adresse 15], d'une valeur de 110.000€ moins encours de prêt de 110.000€, soit une valeur nette de : pour mémoire (nb : ce studio qui figure sur l'état patrimonial du 15/10/2008, n'a pas été repris sur la fiche de renseignements certifiée du 23/02/2009) ; 2°) A titre de résidence principale et en indivis à 50% avec Mme -- Jusqu'en février 2009 : maison T5 sise à [Adresse 14], d'une valeur de 230.000€ moins encours de prêt de 140.000€, soit une valeur nette estimative et pour sa part, de 45.000€ -- puis : Maison, sise [Adresse 3], achetée 255.000€ (hors frais notaire et commission agence) avec un prêt de la S.G. (présentement requérante) de 230.000€, soit une valeur nette pour sa part de 12.500€ ; qu'à ce stade, il apparaît une situation patrimoniale nette cumulée de M. [B] allant de 174.000€ à 141.500€, selon que l'on retient la résidence principale de [Localité 12] ou la nouvelle du [Localité 9] ; que cependant la lecture de ce calcul est contrariée par l'examen détaillé des pièces fournies par les parties, ainsi qu'il est développé ci-après ; que la valeur d'un immeuble varie en fonction des inscriptions hypothécaires ou privilèges pouvant le grever ; qu'en l'espèce et s'agissant cette fois de la résidence principale, il s'avère qu'au moment de l'établissement de l'acte de caution, la maison sise au [Localité 9] avait déjà été achetée et financée depuis janvier 2009, de sorte qu'il était logique qu'elle figure comme résidence principale sur la fiche de renseignements certifiée le 23/02/2009 par M. [B] ; qu'aussi à l'époque, la maison sise [Adresse 1], ex-résidence principale de M. et Mme [B], était sur le point d'être vendue ; que M. [B] ne pouvait l'ignorer, un courrier de l'office notarial [H] du 26/02/2009 l'informant de la signature de la vente en date du 25/02/2009 ; que par même courrier, M. et Mme [B] étaient informés d'un virement de 218.767€ correspondant au solde disponible sur le prix de vente (Ndr : après commission agence au Cabinet [Z] de 14.000€ et frais notariés) ; que – ainsi que M. [B] l'a précisé lors de la plaidoirie – cette somme a pu être encaissée en l'absence d'inscription hypothécaire sur la maison, cette dernière ayant fait l'objet d'un prêt garanti par un placement, qu'il sera remarqué que ce placement n'apparaît pas sur l'état et renseignements patrimoniaux fournis par M. [B] ; que le capital ainsi récupéré du produit de la vente, n'a pas servi à refinancer la nouvelle résidence du [Localité 9], puisque celle-ci était achetée depuis plusieurs semaines à l'aide d'un prêt de la S.G., lequel ne fait aucune mention d'un quelconque crédit-relais (un moment pourtant envisagé – cf. pièce n°1 Def.) ; qu'au demeurant, ce prêt est assorti de pénalités en cas de remboursement anticipé partiel, ce qui n'est jamais le cas, dans le cadre d'un crédit relais (cf. pièce 34 Def.) ; qu'il est peu vraisemblable que la S.G. ait pu ignorer l'absence d'inscription hypothécaire sur la maison de [Localité 12], ayant eu à étudier l'hypothèse d'un crédit-relais sur celle-ci et ayant nécessairement levé les états hypothécaires comme il est d'usage en pareil cas, qu'en outre elle n'ignorait pas non plus la vente en cours, pour la même raison ; que cela signifie qu'à la date où la fiche de renseignements a été certifiée par M. [B], celui-ci disposait d'un capital potentiel certain de 50% de 218.767€, soit 109.383€ (arrondi à 109.000€) qui, en tout état de cause, était devenu réel et disponible à la date de la signature de l'acte de cautionnement (pour mémoire le 13/03/2009) ; que ce capital doit donc entrer dans l'appréciation du patrimoine de M. [B] lors de la constitution de son engagement de caution ; que l'engagement de caution de 260.000€ de M. [B] portait sur la garantie d'une obligation principale de 200.000€, de surcroît amortissable, on ne peut vraiment pas invoquer un engagement manifestement disproportionné, sachant que d'autre part, les revenus de l'intéressé s'élevaient à 3.000€/mois outre un bonus de 500€/mois de revenus locatifs nets d'emprunts (bonus confirmé par M. [B] lors de la plaidoirie) ainsi qu'il ressortait de la fiche de renseignements certifiée en date du 23/02/2009 ; que par ailleurs cet engagement a été recueilli conformément aux dispositions des Art. L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation et qu'il a été satisfait à l'obligation d'information dès le premier incident de paiement prescrite par l'art. L. 341-1 du code précité ; qu'en conséquence, le Tribunal considérera que la S.G. peut se prévaloir de l'engagement de caution de M. [B], la recevra en ses demandes et la déclarera bien fondée » (jugement p. 5, 6, 7, et 8 in limine) ;
1°) Alors que la proportionnalité de l'engagement de la caution doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de celle-ci ; que dans ses conclusions d'appel, M. [B] faisait valoir que la maison sise [Adresse 1], d'une valeur de 230.000€, qu'il détenait en indivision avec son épouse, avait été financée par un emprunt pour lequel le capital restant dû était de 140.631€, de sorte que sa valeur nette pouvait être évaluée à 89.369€, soit une valeur de patrimoine de 44.684€ (conclusions p. 9, n°IV) ; qu'en retenant, pour dire que M. [B] disposait au jour où il a été appelé d'un patrimoine suffisant pour faire face à son engagement de caution solidaire à hauteur de 185.609€, que celui-ci détenait un capital correspondant à 50% du prix de vente de cette maison de 218.767€, soit 109.383€, qu'il avait omis d'intégrer dans ses décomptes (arrêt p. 3 in fine), sans rechercher si les sommes restant dues au titre du prêt ayant servi à financer l'acquisition de cette maison ne devaient pas être déduites de ce montant, la cour d'appel n'a pas tenu compte de l'endettement global de la caution, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
2°) Alors que la proportionnalité du cautionnement s'apprécie au moment de l'engagement de la caution, au regard des seuls biens et revenus actuels de celle-ci, sans considération de ses revenus escomptés ; qu'en retenant par motifs adoptés des premiers juges, pour dire que l'engagement de M. [B] n'était pas disproportionné à ses biens et revenus au moment de son engagement de caution, que, « à l'époque, la maison sise [Adresse 1], ex-résidence principale de M. et Mme [B], était sur le point d'être vendue » (jugement p. 7, §2), la cour d'appel a tenu compte d'un revenu escompté de M. [B], et ainsi violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
3°) Alors que la proportionnalité de l'engagement de la caution s'apprécie au regard des biens de celle-ci dans l'état dans lequel ils se trouvent au moment du cautionnement ; qu'en cause d'appel, M. [B] faisait valoir que l'estimation qu'il proposait de son patrimoine immobilier au moment de son engagement de caution ne tenait pas compte du fait qu'il était en grande partie détenu en indivision, ce qui amoindrissait sa valeur, et en partie loué, ce qui représentait une moins-value lors d'une revente (conclusions p. 11, §3) ; qu'en retenant que l'engagement de M. [B] n'était pas disproportionné à ses biens et revenus au moment du cautionnement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les biens immobiliers de M. [B] ne subissaient pas une moins-value du fait qu'ils étaient alors soit en indivision, soit en location, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
4°) Alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. [B] faisait valoir que pour déterminer la valeur réelle nette d'un patrimoine immobilier, un abattement de 20 à 25% doit être appliqué, de manière à tenir compte des droits et taxes dont le vendeur doit s'acquitter (conclusions p. 11, §1 et 2) ; qu'en retenant que M. [B] disposait d'un patrimoine suffisant pour répondre de son engagement de caution, sans répondre à ce moyen de M. [B], de nature à influer considérablement les sommes dont il pouvait disposer, compte tenu des frais de réalisation de son patrimoine immobilier, pour faire face à son engagement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) Alors que les juges du fond doivent rechercher si le patrimoine de la caution lui permet, au moment où elle est appelée, de faire face à son obligation, en tenant compte des intérêts et accessoires échus au moment où ils statuent ; que, pour dire que M. [B] disposait d'un patrimoine suffisant, au moment où il était appelé, pour faire face à son engagement de caution, la cour d'appel a retenu la somme de 185.609,94€ arrêtée selon décompte du 3 novembre 2011 ; qu'en omettant d'inclure, pour s'assurer que M. [B] se trouvait en mesure de faire face à son obligation, dans cette somme le montant des intérêts et majorations échus entre le 3 novembre 2011 et le 17 février 2015, date de sa décision, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [B] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts à titre subsidiaire, fondée sur la violation du devoir de mise en garde du banquier vis-à-vis de la caution ;
Aux motifs propres que « 2. Sur la responsabilité de la banque : Il est constant que sont tenus d'une obligation particulière de mise en garde, les établissements de crédit ayant sur la situation financière de l'emprunteur et sur les risques encourus, des informations ignorées de ce dernier ; que l'appelant prétend qu'en l'espèce, la SOCIETE GENERALE connaissait la situation financière irrémédiablement compromise de la société EIHN à très court terme, et qu'elle a commis une faute en se gardant de l'en informer ; que néanmoins, les premiers juges ont relevé avec pertinence que M. [B], professionnel expérimenté et averti, avait eu communication des documents comptables de cette société, incluant le passif de cette dernière ainsi que les engagements de la SOCIETE GENERALE, de sorte qu'il était parfaitement informé des difficultés de l'opération ; qu'il ressort du procès-verbal de délibération du 20 février 2009 que l'assemblée générale de la société NORMANDIAG'IMMO a décidé de racheter le fonds de commerce de la SARL EIHN au regard d'une étude de faisabilité « compte tenu des opportunités de croissance que présentait cette opération » ; que M. [B] ne peut valablement prétendre que la situation de la société EIHN était compromise à très court terme, puisque cette société n'a fait l'objet d'un jugement de sauvegarde que le 10 septembre 2010 soit 14 mois après la reprise, la liquidation judiciaire ayant été prononcée en août 2011 ; que la cour rappelle que le banquier n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client et qu'il appartient à l'emprunteur, professionnel averti, de s'assurer que les conditions de faisabilité de l'opération sont réunies ; que c'est donc aux termes d'une exacte appréciation que les premiers juges ont considéré que la responsabilité de l'établissement de crédit ne pouvait pas être engagée » (arrêt p. 4, n°2).
Et aux motifs adoptés des premiers juges que « le défendeur prétend que la S.G. a cherché à reporter le risque qu'elle avait sur la Sté EIHN, sur M. [B] en se gardant bien de lui faire part des conséquences inéluctables qui allaient suivre à très court terme le rachat du fonds de commerce ; que pour qu'il y ait report de risque, il eut fallu que M. [B] rachète la Sté EIHN ; qu'en l'occurrence, M. [B] s'est seulement porté acquéreur d'un fonds de commerce de cette dernière ; que dès lors, le financement de ce fonds présentait un nouveau risque pour la banque ; qu'or la S.G. étant déjà en risque avéré à hauteur d'environ 280.000€ sur EIHN et ne disposant d'aucun privilège sur le fonds de commerce cédé, il est extravagant de penser qu'elle ait pu prendre un risque supplémentaire de 400.000€ sur M. [B] s'en croire un seul instant à la réussite de celui-ci dans la reprise du fonds ; qu'or de ce point de vue M. [B] : -- avait une expérience de plusieurs années dans l'activité considérée, l'ayant exercée dans l'[Localité 5] via la Sté AUBE DIAGNOSTIC depuis 2007, sous la franchise et l'enseigne « AGENDA » -- retrouvait le même franchiseur et enseigne AGENDA, en Normandie -- témoignait à travers sa surface immobilière significative (et peu courante, en dehors d'héritages, à l'âge de 40 ans) d'un succès en affaires, indéniable -- s'engageait lui-même dans cette opération <compte tenu des opportunités de croissance qu'elle présentait> (cf. p.v. d'AG du 20/02/2009 de la Sté NORMANDIAG'IMMO) ; qu'au demeurant, OSEO a également cru en la faisabilité du projet, en acceptant d'en contre-garantir le financement à concurrence de 50% ; que la défense soutient également que la S.G. aurait sciemment dissimulé à M. [B], la situation extrêmement dégradée de la Sté EIHN, et aurait, en conséquence manqué à son obligation particulière de mise en garde sur les risques encourus ; que la jurisprudence sanctionne en effet les établissements de crédit qui ont sur la situation financière de l'emprunteur et les risques encourus, des informations ignorées de ce dernier et qui sont dès lors tenus d'une obligation particulière de mise en garde ; mais que M. [B] était un professionnel expérimenté et averti ; qu'il ne pouvait ignorer la situation financière de la Sté EIHN, ayant eu communication des documents comptables de celle-ci et dans lesquels figuraient nécessairement et clairement au passif, les engagements de la S.G. ; qu'au contraire, M. [B] était parfaitement au fait des difficultés de l'opération qu'il abordait ; qu'il suffit pour s'en convaincre de consulter le protocole d'accord du 18/02/2009 qui : - dans son exposé § IV déclinait la situation de la Sté EIHN sans cacher les postes qui grevaient le résultat d'exploitation, ni la présence d'inscriptions prises en 2006 et 2007 par l'URSSAF pour 100.533€ puis radiées - dans son ART.II, soumettait en préalable à la cession, la réalisation d'un certain nombre de conditions suspensives dont, pour les plus éloquentes sur les difficultés d'EIHN : la réduction de l'effectif salarié à 7 personnes avec 3 licenciements et la production d'une situation comptable au 31/12/2008 validée par le cabinet KPMG ; que par ailleurs, dans son ART.V, ledit protocole obligeait le cédant EIHN et son dirigeant M. [D], à s'interdire toute activité concurrente dans les départements 27 et 76 ainsi que dans un rayon de 30km autour de ces départements, ce, pour une durée de dix années, et à cesser toute activité en relation avec les prestations de services auprès des particuliers et professionnels de l'immobilier à partir des locaux d'[Localité 8] et de [Localité 7] conservés par EIHN et non compris dans le périmètre de la cession ; qu'il ne fallait donc pas être grand clerc pour deviner que cela allait conduire tout droit EIHN au dépôt de bilan et à sa liquidation judiciaire prononcée le 12/06/2009 par le tribunal de commerce du [Localité 9] ; qu'aussi M. [B], qui connaissait déjà bien son franchiseur, la Sté AGENDA France SAS, pouvait avoir accès à des informations privilégiées sur l'activité et la clientèle de la Sté EIHN ; que le tribunal observera que, AGENDA, qui a agréé M. [B] en tant qu'acquéreur du fonds, conformément aux dispositions du contrat de franchise dont était titulaire EIHN, n'ignorait pas plus la situation difficile de cette dernière puisqu'il peut être constaté sur l'état des créances chirographaires (cf. pièce 13, Def.) un déclaration d'AGENDA pour 55.549,87€ au passif de la liquidation judiciaire ; que l'on cherche en vain les informations qui auraient pu être dissimulées à M. [B] par la S.G. et qu'il aurait ignorées ; que M. [B] fait état à plusieurs reprises dans ses correspondances « des irrégularités ayant entaché la cession du fonds de commerce », mais sans jamais désigner, définir ou caractériser précisément ces irrégularités ; que M. [B] attribue une partie des difficultés de sa Sté NORMANDIAG'IMMO au fait qu'elle n'a pu bénéficier des réfactions de prix (prévues pour un minimum de 63.750€) en raison de la liquidation judiciaire d'EIHN, oubliant dans le même temps de dire qu'il n'a pas non plus payé les 50.000€ de la partie variable du prix du fonds ; qu'au surplus, M. [B] entend faire grief à la S.G. de ne pas avoir mis en place la ligne de découvert de 50.000€ qui aurait été accordée lors du rachat du fonds de commerce et de l'avoir laissé soutenir en pure perte, à raison d'apports totalisant 150.000€, la Sté NORMANDIAG'IMMO ; mais qu'il ressort du dernier dossier que la ligne découvert n'était qu'une proposition <sous réserve de l'accord de notre comité de crédit> et que les 150.000€ d'apports correspondent, ni plus ni moins, aux 60.000€ d'apport en capital de NORMANDIAG'IMMO et aux 90.000€ d'apports en comptes courants débloqués, exigés par la S.G. et OSEO préalablement au déblocage du prêt de 400.000€ pour l'acquisition du fonds d'EIHN ; que de tout ce qui précède qu'il n'y a pas matière à engager la responsabilité de la S.G., le tribunal recevra M. [B] ne sa demande reconventionnelle, mais la déclarera mal fondée et l'en déboutera » (jugement p. 8, 9, et 10 in limine).
Alors que l'établissement de crédit est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de la caution avertie lorsqu'il dispose d'informations, sur la situation financière de l'emprunteur et les risques financiers encourus, ignorées de celle-ci ; qu'en cause d'appel, M. [B] faisait valoir qu'il n'avait pas eu accès aux données comptables de la société EIHN qui lui auraient permis de découvrir l'ampleur de découvert de celle-ci à l'égard de la Société Générale, dès lors que les seules informations dont il disposait étaient relatives à son fonds de commerce, qu'il avait racheté (conclusions p. 16, n°24) ; qu'en retenant, pour dire que la Société Générale ne disposait pas d'informations ignorées de M. [B] sur la situation de la société EIHN, que celui-ci avait eu communication des documents comptables de cette société, de sorte qu'il était parfaitement informé des difficultés de l'opération (arrêt p. 4, §3), sans rechercher, comme elle y était invitée, si les informations ainsi transmises n'étaient pas relatives au seul fonds de commerce racheté à la société EIHN et permettaient de connaître l'ampleur du découvert de celle-ci à l'égard de la Société Générale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN, SUBSIDIAIRE, DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [B] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts à titre subsidiaire, fondée sur la violation de l'obligation annuelle d'information du banquier vis-à-vis de la caution ;
Aux motifs que « 3 Sur l'information annuelle de la caution : Monsieur [B] soutient que la SOCIETE GENERALE ne rapporte pas la preuve de l'information annuelle imposée par l'article L. 313-22 du code de commerce ; que cette allégation est contredite tant par les courriers dont copies sont versées aux débats, que par les procès-verbaux de constat faisant apparaître le nom de M. [B] en page 6 du tableau annexé à celui du 24 mars 2011 et en page 5 du tableau annexé à celui du 28 mars 2012 (cf. : pièces 7, 8, 32, 33, 34 et 35) » (arrêt p. 4, 3°) ;
1°) Alors que le créancier professionnel doit délivrer une information annuelle personnalisée à la caution ; que dans ses conclusions d'appel, M. [B] faisait valoir que les modèles de lettre produits par la Société Générale pour justifier de l'envoi de l'information annuelle n'étaient pas adaptés à sa situation de caution (conclusions p. 17, n°3) ; qu'en retenant que la Société Générale avait correctement exécuté son obligation annuelle d'information de la caution, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les lettres produites par la Société Générale correspondaient à la situation de M. [B], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
2°) Alors que le créancier professionnel doit délivrer une information annuelle complète à la caution ; qu'en retenant que la Société Générale avait correctement exécuté son obligation d'information annuelle, sans préciser, comme elle y était invitée, que cette information avait été délivrée chaque année à la caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR réduit la majoration des intérêts conventionnels au taux de 0,2 % au lieu de 4 % ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article 1152 du Code civil, « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire » ; qu'en l'espèce, la Société Générale a par contrat en date du 25 mars 2009, consenti à la société Normandiag'immo un prêt de 400 000 euros sur une durée de 7ans et ce au taux de 6,30 % l'an ; que les intérêts majorés de 4 % réclamés par la Société Générale – qui aboutiraient à porter le montant total des intérêts au taux de 10,30 % capitalisés annuellement – sont manifestement excessifs au regard du taux initialement fixé et du préjudice effectif de l'établissement de crédit » ;
ALORS QUE pour modérer le montant de la clause pénale, le juge doit se fonder sur la disproportion manifeste entre la peine stipulée et le préjudice effectivement subi ; qu'en se bornant à affirmer que la majoration stipulée aboutirait à porter le montant total des intérêts au taux de 10,30 % capitalisés annuellement et que ces derniers seraient « manifestement excessifs au regard du taux initialement fixé et du préjudice effectif de l'établissement de crédit », sans que ces motifs généraux n'exposent en quoi la peine stipulée était manifestement excessive en considération du préjudice effectivement subi par l'établissement de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil (rédaction applicable au litige).