Cour d'appel de Bordeaux, 14 octobre 2021, 18/047511

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 14 OCTOBRE 2021

(Rédacteur : Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller)


No RG 18/04751 - No Portalis DBVJ-V-B7C-KTCC



SARL SOCIETE ARBAO


c/

Monsieur [T] [M]
Société GALPARQUET
SA GENERALI IARD













Nature de la décision : AU FOND











Grosse délivrée le :Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 juin 2018 (R.G. 17/03228) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 13 août 2018

APPELANTE :

La société ARBAO SARL au capital de 400000 euros inscrite au RCS de Bordeaux sous le numéro B 381 151 406 dont le siège social est Parc Château
[Adresse 6] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistée de Me Laurence-Anne CAILLERE BLANCHOT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[T] [M]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]
de nationalité Française
Profession : Responsable d'agence,
demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

Société GALPARQUET prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis Siège Social [Adresse 5] ESPAGNE

non représentée, régulièrement assignée

SA GENERALI IARD
La compagnie GENERALI, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 552 062 663, dont le siège social est situé [Adresse 4], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Représentée par Me Charlotte GUESPIN de la SCP GUESPIN - CASANOVA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX


COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 septembre 2021 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,
Madame Catherine LEQUES, Conseiller,
Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN


ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.


EXPOSE DU LITIGE :

M. [T] [M] a confié à la Sarl Arbao, assurée auprès de la société Generali des travaux de pose d'un parquet à parement en chêne au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation sis [Adresse 3] pour un montant de 8 411,89 euros, selon facture du 24 juillet 2012 . Un procès-verbal de réception de l'ouvrage a été signé le 24 juillet 2012.

Dès le mois de mars 2013, divers désordres sont apparus. Une expertise amiable a été diligentée par le cabinet Polyexpert à la demande de l'assureur protection juridique de M. [M] dans le cadre de laquelle un protocole d'accord a été passé entre M. [M] et la Sarl Arbao aux termes duquel elle s'engageait à "faire de essais de réparation avant le 17 avril 2014 afin que M. [M] puisse apprécier le côté esthétique du mode réparatoire", lequel n'a pas abouti.

A la demande de M. [M], par ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 10 juillet 2015, un expert judiciaire a été désigné. Le rapport d'expertise a été déposé le 8 mars 2017.

Par acte du 22 mars 2017, M. [M] a assigné la Sarl Arbao en indemnisation de ses préjudices.

Par actes du 12 juillet 2017, la Sarl Arbao a appelé en intervention forcée aux fins de garantie son assureur la société Generali et la société Galparquet dont le siège social est situé en Espagne.

Par jugement du 27 juin 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- constaté que la juridiction n'est régulièrement saisie d'aucune demande contre la société Galparquet,
- fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale soulevée par Generali et déclaré l'action en intervention forcée de M. [M] aux fins de garantie prescrite à son encontre,
- déclaré la société Arbao responsable sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- condamné la société Arbao à payer à M.[M] les sommes de :
- 13 977 euros TTC au titre du préjudice matériel
- 3 500 euros au titre des frais de relogement
- 500 euros au titre du préjudice de jouissance
- condamné la société Arbao à payer à M. [M] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [M] au sur plus de ses demandes,
- admet les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouté Generali de sa demande en frais irrépétibles,
- condamné la société Arbao aux dépens, comprenant les frais de référé et d'expertise judiciaire.
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

La Sarl Arbao a interjeté appel du jugement le 13 août 2018.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2019, elle demande à la cour de:

- la recevoir en son appel,
- l'en déclarer recevable et bien fondée,
En conséquence,
- infirmer le jugement rendu le 27 juin 2018,
Statuant à nouveau, à titre liminaire,
- dire et juger inopposable à la présente action, la prescription appliquée par le tribunal, au visa des articles L.114 et suivants du code des assurances et 2239 du code civil, à l'encontre de la société Generali,

A titre principal,
- constater qu'elle est une société qui assure la vente et la pose de lames de bois, matériaux en bois et autre quincaillerie,
- constater que l'expert l'a mise hors de cause dans son rapport définitif en page13 : « les travaux ont bien été réalisés conformément aux règles de l'art et au devis liant les parties »,
- dire et juger que l'expert n'a retenu aucune part de responsabilité à son encontre dans l'apparition des désordres sur l'ouvrage de M. [M],
- en conséquence, prononcer sa mise hors de cause,

A titre subsidiaire,
- dire et juger que les désordres affectant l'ouvrage de M [M] relèvent de la garantie biennale,
- dire et juger prescrite l'action de M [M] engagée à ce titre,
Si par impossible, la Cour devait estimer devoir appliquer retenir une part de responsabilité de la Sarl Arbao dans l'origine des désordres constatés par l'Expert, sur le fondement de la garantie décennale,
- dire que sa responsabilité ne saurait être engagée en raison d'une cause étrangère l'exonérant : le matériau fabriqué par la société Galparquet,
En tout état de cause,
- dire et juger que M. [M] a réceptionné les travaux sans réserves dès le mois de juillet 2012,
- que son action fondée sur les dispositions de l'article 1604 du code civil est irrecevable,
- dire et juger qu'elle ne saurait voir sa responsabilité engagée sur le fondement des articles anciennement dénommés 1134 et 1147 du code civil, aucune faute ne pouvant être mise à sa charge,
- dire et juger que l'action de M. [M] sur le fondement des articles L.217.4 du code de la consommation est non applicable en l'espèce et de surcroît prescrite,
En tout état de cause,
- dire et juger que la société Generali doit sa garantie au titre du contrat No AD833034 pour le chantier de M. [M],
- condamner ainsi la société Generali et la société Galparquet in solidum, à relever indemne la Sarl Arbao de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre de l'indemnisation du préjudice subi par M. [M] à la suite de la fourniture et la pose du parquet litigieux,
- débouter M. [M] de ses demandes au titre des préjudices immatériels ou à tout le moins les réduire en de justes proportions,
- débouter M. [M] de ses demandes au visa de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner à lui verser 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2018, M. [M] demande à la cour de :

- voir déclarer l'appel de la Sarl Arbao recevable, mais mal fondée, notamment en ce qu'il a pour objet de remettre en cause sa responsabilité à l'égard de M. [M] et les condamnations prononcées à son bénéfice,
- voir confirmer, à titre principal, la déclaration de responsabilité de la Sarl Arbao sur le fondement de l'article 1792 du code, le parquet fourni et posé par la Sarl Arbao à son domicile situé [Adresse 2], étant un ouvrage rendu impropre à sa destination,
- voir, à titre subsidiaire, dire et juger que la responsabilité contractuelle de la Sarl Arbao peut être retenue, si le parquet litigieux n'est pas considéré comme un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du Code civil, le vendeur-poseur étant responsable des défauts affectant le parquet livré et tenu à une obligation de mise en garde à l'égard du maître de l'ouvrage,
- voir, à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que la Sarl Arbao n'a pas livré un parquet conforme à l'usage auquel il était destiné puisqu'il se révèle dangereux pour les personnes,
- voir, en toute hypothèse, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Sarl Arbao à lui payer la somme de 13 977 € à titre d'indemnisation de son préjudice matériel,
- le voir dire et juger recevable et fondé dans son appel incident sur les autres postes de préjudice et condamner en conséquence la Sarl Arbao à lui payer :
- 4 032 euros, au titre du relogement de la famille durant la période d'exécution des travaux,
- 2 940 euros, au titre du surcoût des frais de nourriture pendant la période d'exécution des travaux,
- 1 500 euros, au titre du préjudice de jouissance depuis l'apparition des désordres jusqu'à la date de réalisation des travaux.
- voir, également, confirmer les frais irrépétibles alloués pour la première instance et condamner, en appel, la Sarl Arbao à lui payer la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- voir enfin condamner la Sarl Arbao aux dépens, comprenant ceux de la procédure de référé, de l'expertise judiciaire, de la première instance et de l'appel, dont distraction au profit de Maître Dominique Laplagne, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2019, la société Generali demande à la cour de:

- dire et juger que toutes les actions dérivant du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance,
- dire et juger que quand l'action en garantie contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai court depuis l'assignation de l'assuré par le tiers,
- dire et juger qu'en l'occurrence la société Arbao a été mise en cause par M [M] dès 2013 et que sa responsabilité a été évidemment été envisagée puis retenue puisqu'un protocole a été signé entre les parties le 12 mars 2014,
- dire et juger que la société Arbao a ensuite été assignée en référé aux fins de désignation d'expert par acte en date du 09 avril 2015,
- dire et juger que la société Arbao ne l'a pas assignée ni formulé aucune demande à son encontre dans le délai de deux ans à compter de sa mise en cause en 2013, ni après la régularisation du protocole en mars 2014 et encore moins après l'assignation en référé et ce avant le 9 avril 2017 au plus tard, l'assignation au fond lui ayant été délivrée le 12 juillet 2017,
- dire et juger que la prescription n'a pas été suspendue par les opérations d'expertise à son égard, la concluante n'ayant pas participé à ces opérations,
- dire et juger par suite l'action de la société Arbao à son encontre prescrite,
- dire et juger qu'elle est bien fondée à opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire,
- dire et juger que la prescription biennale fait partie de ces exceptions,
- dire et juger par suite l'action de la Sarl Arbao irrecevable comme prescrite à son égard,
- confirmer le jugement entreprise sur ce point,
- débouter par suite toutes parties à commencer par la Sarl Arbao de leurs prétentions à son encontre,

A titre subsidiaire,
- dire et juger que la Sarl Arbao n'a pas déclaré à son assureur son sinistre, pas plus d'ailleurs que tout événement susceptible de mettre en jeu sa responsabilité dans les 5 jours suivant la date à laquelle il en a eu connaissance,
- dire et juger que ce silence et ce non-respect de ses obligations contractuelles a incontestablement causé un préjudice à la compagnie Generali qui n'a pas été en mesure notamment de participer aux opérations d'expertise, ni de faire valoir quelque observation que ce soit,
- dire et juger qu'elle est bien fondée à opposer à la Sarl Arbao une déchéance de garantie,
- débouter par suite la Sarl Arbao ainsi que toute autre éventuelle partie de toute demande de condamnation à son encontre,
En outre,
- dire et juger qu'elle n'a pas participé aux opérations d'expertise judiciaires confiées à M. [Z] ayant fait l'objet d'un rapport le 8 mars 2017,
- constater que M. [M] fonde ses réclamations exclusivement sur la base de ce rapport non contradictoire à son égard,
- dire et juger que ces conclusions lui sont inopposables et ne sauraient fonder quelle que condamnation que ce soit à son encontre,
- dire et juger en tout état de cause que sa garantie ne saurait être mobilisée ni au titre du volet décennal, ni au titre du volet responsabilité civile,
- mettre hors de cause la compagnie Generali,
En tout état de cause,
- dire et juger M. [M] mal fondé en ses demandes complémentaires telles qu'elles résultent de son appel incident et plus particulièrement de ses demandes au titre des prétendus frais de nourriture et préjudice de jouissance,
- débouter toutes parties de toutes demandes plus amples ou contraires à son encontre,
- condamner la Sarl Arbao et M. [M] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl Arbao et M. [M] aux entiers dépens de l'instance.

La société Galparquet n'a pas constitué avocat.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux conclusions susvisées pour un exposé complet des moyens et de l'argumentation développés par chacune des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

A titre liminaire, il sera rappelé que les diverses demandes reprises intégralement ci-dessus de " constater " ou "dire que", ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, sur lesquelles il n'y a pas lieu de statuer.

Sur l'action à l'encontre de la société Galparquet.

La Sarl Arbao produit l'attestation de signification ou de notification prévue par l'article 10 du règlement CE no1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la "signification et à la notification dans les Etats-membres en matière civile ou commerciale" attestant de la notification de l'assignation au fond délivrée par la Sarl Arbao à la société Galparquet, dont le siège social se situe [Adresse 5], en Espagne, reçue par Mme [H] [K] [O], employée.

La société Galparquet a ainsi été régulièrement assignée en sorte que le tribunal de grande instance de Bordeaux était régulièrement saisi de l'action de la Sarl Arbao à son encontre.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

La procédure devant la cour d'appel est également régulière, la déclaration d'appel ainsi que les conclusions devant la cour d'appel ayant été signifiées à la société Galparquet le 5 novembre 2018 ainsi qu'il ressort de l'attestation prévue par l'article 10 du règlement CE no1393/2007 du 13 novembre 2007 communiquée électroniquement.

Les demandes de la Sarl Arbao à l'encontre de la société Galparquet sont donc recevables.

Sur les demandes de M. [M] à l'encontre de la Sarl Arbao.

Le tribunal a retenu, se basant sur le rapport d'expertise judiciaire, que le parquet posé par la Sarl Arbao pour le compte de M. [M] devait être qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil en raison de l'ampleur des travaux ainsi que le caractère décennal des désordres affectant le parquet, ceux-ci affectant l'ouvrage dans l'un de ses éléments constitutifs le rendant impropre à sa destination.

La Sarl Arbao demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité et sollicite sa mise hors de cause, faisant valoir que les désordres constatés par l'expert ne sont pas de nature décennale mais sont purement esthétiques, seul un risque d'échardes étant signalé en cas de circulation pieds nus, que ces désordres portent sur le parquet qui est un élément dissociable et ne mettent pas en cause le bon fonctionnement ni la destination de l'ouvrage dans son ensemble. Elle ajoute que les travaux ont été réalisés conformément aux règles de l'art, les désordres procédant d'un défaut affectant le matériau mis en oeuvre, lequel provient de l'anatomie du bois lequel défaut est imputable au fournisseur la société Gal parquet.
Elle soutient à titre subsidiaire que ni la garantie biennale ni la garantie de droit commun ne pourraient être utilement mises en oeuvre, la garantie biennale étant prescrite et aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle n'étant démontrée.

M. [M] fonde ses demandes sur la garantie décennale faisant valoir que les travaux de pose du plancher constituent un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et que les désordres l'affectant le rendent impropre à sa destination puisqu'il est impossible d'y marcher pieds-nus. A défaut, il recherche la responsabilité de la société Arbao sur le fondement de l'article 1147 du code civil faisant valoir que celle-ci est responsable de la qualité des matériaux fournis.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que :

"les joints de rives entre lames présentent un aspect marqué faiblement chanfreiné destiné volontairement à souligner le joint d'assemblage du parement visible". Sont observés des "phénomènes de fissuration, de micro-fendillements et de fendillements du parement prenant naissance et se prolongeant, au niveau du bois d'été des cernes d'accroissement. Ces phénomènes de 2 à 8 centimètres de longueur engendrent ponctuellement des micro-ruptures et des ruptures du parement à l'origine des soulèvements de fibres et d'échardes de bois.
L'ensemble de la surface est concerné à des degrés divers à hauteur d'environ 20% des lames à ce jour...
Sur le plan de la conséquence de ces désordres, outre un impact esthétique, le risque de soulèvement des fibres, voire d'échardes, confère à la surface un caractère potentiellement blessant qui n'est pas compatible avec un usage pieds nus ou avec l'évolution notamment d'enfants en bas âge. Au cous d'un nouvel accédit organisé seize mois plus tard, nous constatons une légère évolution du phénomène dans les zones plus fortement sollicitées ( devant l'évier de la cuisine notamment)".

La mise en oeuvre de la garantie décennale suppose que l'on soit en présence d'un ouvrage, qualité que dénie la Sarl Arbao au parquet posé par elle.

Les travaux effectués par la Sarl Arbao concernent la pose d'un parquet collé sur un carrelage existant, au rez-de-chaussée de l'immeuble de M. [M], sur une surface de 80 m² (couloir d'entrée, chambre, cuisine, salon et salle à manger) ainsi que la pose de plinthes de finition en bois, la mise en place des joints polyuréthane de finition autour des ouvrages existants ainsi que la pose des seuils et baguettes de jonction.

Un tel élément constitue un élément d'équipement indissociable relevant de l'article 1792-2 du code civil. En effet, le parquet constitue en l'espèce un élément formant indissociablement corps avec l'ouvrage lui-même, dans la mesure où il a été collé sur un carrelage préexistant et formant lui-même indissociablement corps avec le bâtiment, le parquet ne pouvant être déposé ou démonté ou remplacé sans détérioration de cet ouvrage.

La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 du code civil s'étend aux dommages affectant la solidité d'un tel élément d'équipement. Il convient donc de rechercher si les conditions d'applications de l'article 1792 du code civil sont réunies.

Les désordres constatés par l'expert consistent en des fissurations et fendillements du parement, ces phénomènes de 2 à8 centimètres de longueur engendrant ponctuellement des micro-ruptures et ruptures du parement à l'origine de soulèvement de fibres et d'échardes de bois. 20% des lames de parquet sont concernées par ce phénomène, se trouvant principalement dans la cuisine, la zone devant la porte-fenêtre de la salle à manger, entre la cuisine et le salon et devant la cheminée. L'expert a relevé le caractère évolutif de ces désordres avec une étendue progressive des lames de parquet concernées.

Ainsi que relevé à juste titre par le tribunal, de tels désordres, dont le caractère esthétique n'est nullement mis en évidence par le rapport d'expertise qui fait au contraire ressortir l'impact esthétique de second plan de ces désordres qui confèrent à la surface du plancher un caractère potentiellement blessant non compatible avec un usage pieds nus ou avec l'évolution d'enfants en bas-âge, entraînent l'impropriété à sa destination de l'ouvrage qui ne peut être utilisé dans des conditions normales, de telles conditions devant permettre de marcher sur un parquet sans risque de se blesser.

Par ailleurs, la réception est intervenue sans réserves le 24 juillet 2012 et les désordres n'étaient pas apparents lors de celle-ci.

Les désordres affectant le plancher posé par la Sarl Arbao sont donc de nature décennale.

La Sarl Arbao sollicite sa mise hors de cause au motif que l'expert impute la responsabilité des désordres à un défaut du matériau fabriqué par la société Galparquet et n'a pas remis en cause la qualité du travail effectué par elle, en sorte que sa responsabilité ne saurait être retenue.

En l'espèce, l'expert impute le désordre au défaut affectant le matériau mis en oeuvre lequel consiste dans l'anatomie du bois de chêne constituant le parement des lames, dans l'existence d'un léger contre-fil et dans la faible épaisseur du bois qui fragilise le parement qui se fissure, voir se fendille. Ce n'est qu'accessoirement que des chocs en rive occasionnés au moment de la pose des lames ont pu engendrer quelques-uns des défauts observés en raison de la fragilité de la zone concernée.

La Sarl Arbao ne peut s'exonérer de sa responsabilité décennale qu'en rapportant la preuve que l'origine des dommages provient d'une cause étrangère. La cause étrangère s'entend d'un événement extérieur à l'ouvrage lui-même, l'absence de faute ne constituant pas une cause d'exonération de la responsabilité décennale qui est une responsabilité de plein droit pas davantage que le défaut inhérent au matériau lui-même.

La preuve n'est par ailleurs pas rapportée que l'usage par le maître d'ouvrage du parquet a contribué à sa dégradation ainsi que le suggère la Sarl Arbao, l'expert n'ayant nullement envisagé cette cause de désordre.

La Sarl Arbao ne rapporte donc pas la preuve de l'existence d'une cause étrangère susceptible de l'exonérer de sa responsabilité de plein droit sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Sa demande de mise hors de cause est donc mal fondée.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité décennale de la société Arbao. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les préjudices.

M. [M] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la Sarl Arbao à lui payer la somme de 13 977 € à titre d'indemnisation de son préjudice matériel.

La Sarl Arbao ne demande plus l'infirmation sur ce point bien qu'elle ait fait appel du jugement de ce chef.

Le jugement sera donc confirmé en ce que le coût des travaux réparatoires a été chiffré sur la base du rapport d'expertise à la somme de 13.977 euros et la Sarl Arbao condamnée au paiement de cette somme à M. [M].

M. [M] a formé un appel incident sur l'évaluation des préjudices suivants :

- les frais de relogement de la famille durant la période d'exécution des travaux, qu'il demande à voir fixer à la somme de 4 032 euros, au lieu des 3500 euros alloués par le tribunal,
- le surcoût des frais de nourriture pendant la période d'exécution des travaux, soit la somme de 2 940 euros, dont le tribunal l'a débouté
- le préjudice de jouissance depuis l'apparition des désordres jusqu'à la date de réalisation des travaux que M. [M] demande à voir fixer à 1 500 euros, au lieu de 500 euros alloués par le tribunal.

Il sera relevé que l'expert indique que les travaux de réfection, dont la durée est évaluée à trois semaines, entraînent la nécessité de reloger cette famille de sept personnes. Il a chiffré les frais de relogement à 4032 euros TTC sur la base d'une proposition de location de deux appartements meublés de 38 m² disposant chacun d'une chambre dans l'établissement "Aparthotel Adagio Bordeaux Gambetta". A défaut de tout autre élément, il convient de retenir l'évaluation ainsi proposée par l'expert et d'allouer à M. [M] la somme de 4032 euros au titre des frais de relogement. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

S'agissant du surcoût des frais de nourritures, aucun justificatif n'étant produit, d'autant plus que la location d'appartement meublé permet à une famille d'y prendre ses repas. C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande à ce titre.

Le préjudice de jouissance a par ailleurs été justement évalué à la somme de 500 euros par le tribunal, M. [M] ne produisant aucun élément pour justifier des contraintes entraînées par la dégradation du parquet.

Sur la garantie de la société Generali.

- sur la prescription.

Il convient de relever en premier lieu que le délai de prescription de l'article L114-1 du code des assurances est rappelée par la police d'assurance en son article 21 des conditions générales du contrat "Multibat" souscrites par la Sarl Arbao qui reproduisent ce texte et qu'elle ne conteste pas avoir reçu, l'inopposabilité soulevée par la Sarl Arbao n'étant pas fondée.

Le tribunal a déclaré prescrite sur le fondement de l'article L114-1 du code des assurances l'action en garantie de la Sarl Arbao à l'encontre de la société Generali.

La Sarl Arbao conclut à l'infirmation du jugement sur ce point, soutenant que la société Generali était présente aux opérations d'expertise amiable effectuées par le cabinet Polyexpert à la suite desquelles elle a dénié sa garantie par courrier du 29 janvier 2015, qu'elle-même n'a été assignée au fond que le 22 mars 2017 et a appelé en la cause la société Generali par assignation du 12 juillet 2017. Elle soutient que ce n'est qu'à compter de la mise en jeu de sa responsabilité que le délai de prescription a couru et que c'est à tort que la tribunal a fixé au 9 avril 2015, date de l'assignation en référé expertise le point de départ du délai de prescription.

La société Generali a conclu à la confirmation du jugement, arguant de ce que la responsabilité de M. [Y] a été mise en cause dès 2013, qu'un protocole a été signé le 12 mars 2014 sans qu'aucune déclaration de sinistre ne lui soit adressée, que la société Arbao aurait dû agir à son encontre au plus tard le 9 avril 2015 date de l'assignation en référé-expertise, ce qu'elle n'a pas fait en sorte que lors de la délivrance de l'assignation le 12 juillet 2017, le délai biennal de l'article L114-1 du code des assurances était écoué.

Aux termes de l'article L114-1 du code des assurances, "toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court :
1o En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;
2o En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.
Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d'assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l'assuré décédé.
Pour les contrats d'assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2o, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l'assuré."

En l'espèce, l'action de l'assuré ayant pour cause le recours de M.[M], le délai de prescription a commencé à courir du jour où celui-ci a exercé une action en justice contre la Sarl Arbao.

L'assignation aux fins d'expertise délivrée le 9 avril 2015 par M. [M] à la Sarl Arbao fait état des multiples désordres affectant le plancher posé par la Sarl Arbao. Cette assignation par laquelle M. [M] a clairement manifesté son intention de mettre en oeuvre la responsabilité de la Sarl Arbao pour les désordres affectant le parquet posé par elle constitue le point de départ du délai de prescription de l'article L114-1 du code des assurances.

L'assignation aux fins d'expertise étant en date du 9 avril 2015 et la Sarl Arbao n'ayant appelé la société Generali en la cause que par acte du 12 juillet 2017, le délai de prescription biennale était écoulé à cette date. Ce délai n'a pas été interrompu par la désignation de l'expert par ordonnance du 10 juillet 2015 ni par l'ordonnance du 2 décembre 2016 déclarant communes les opérations d'expertise à la société Galparquet, pas plus qu'il n'a été suspendu durant les opérations d'expertise ainsi que le soutient la Sarl Arbao dans la mesure où la société Generali n'a pas été appelée à ces opérations et n'était pas partie à cette instance en sorte que l'effet interruptif n'a pu jouer à son égard.

Par ailleurs, la Sarl Arbao ne justifie pas qu'elle a déclaré, conformément aux dispositions de l'article L114-2 du code des assurances, par lettre recommandée avec accusé de réception le sinistre à la société Generali, aucun courrier adressé par elle à la société Generali sous cette forme n'étant versé aux débats.

Enfin, la preuve n'est pas rapportée que la société Generali a participé aux opérations d'expertises amiables, les pièces produites à cet égard n'établissant pas cette participation. En effet, le courrier du cabinet Polyexpert à la société Pacifica en date du 25 novembre 2014 fait état de la participation à une réunion d'expertise du cabinet Janor Assurances, assureur de la Sarl Arbao, lequel n'est pas la société Generali et dont il s'avère qu'il est un courtier en assurances, chargé à ce titre de représenté l'assuré et non l'assureur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de la Sarl Arbao envers la société Generali.

Sur les demandes à l'encontre de la société Galparquet.

La Sarl Arbao demande la condamnation de la société Galparquet à la relever indemne de toute condamnation prononcée à son encontre, au motif que la société Galparquet est seule responsable des désordres affectant les lames du parquet. Elle ne précise pas le fondement juridique de sa demande mais vise dans le dispositif de ses conclusions les articles 1792 et suivants du code civil.

Aux termes de l'article 1792-4 du code civil, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil à la charge du locateur d'ouvrage, le fabricant qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré. Est assimilé au fabricant celui qui a importé un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement fabriqué à l'étranger.

La Sarl Arbao produit la facture établie à son nom par la société Galparquet le 28 mai 2012 pour l'achat de parquet d'un montant de 6790,51 euros TTC.

En l'espèce, l'expert impute les désordres affectant les lames de parquet posées par la Sarl Arbao à la mauvaise qualité du matériau sans retenir aucune responsabilité à la charge de la Sarl Arbao, la pose du parquet ayant été effectuée conformément aux règles de l'art.

En conséquence, la société Galparquet, en tant que fournisseur du parquet sera condamnée à relever indemne la Sarl Arbao de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

Sur les demandes accessoires.

La Sarl Arbao qui succombe en son appel sauf en ce qui concerne son action à l'encontre de la société Galparquet, sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera condamnée à payer à M. [M] une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée en première instance. L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Generali.

Par ces motifs,

réputé contradictoire

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- constaté que la juridiction n'est régulièrement saisie d'aucune demande contre la société Galparquet,
- condamné la Sarl Arbao à payer à M. [T] [M] une somme de 3500 euros au titre du préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs :
- dit que le tribunal de grande instance de Bordeaux était régulièrement saisi d'une action à l'encontre de la société Galparquet,

- condamne la Sarl Arbao à payer à M. [T] [M] une somme de 4032 euros TTC au titre de frais de relogement,
- condamne la société Galparquet à relever indemne la Sarl Arbao de toute condamnation prononcée à son encontre,

Condamne la Sarl Arbao à payer à M. [T] [M] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Galparquet à relever indemne la Sarl Arbao de cette condamnation,

Condamne la Sarl Arbao aux dépens d'appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


LE GREFFIER LA PRESIDENTE
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