Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2021, 20-12.434, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2021




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 1172 F-D

Pourvoi n° D 20-12.434




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

La société Nulle part ailleurs production, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-12.434 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [N] [S], domicilié [Adresse 3],

2°/ au Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE-CGC), dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Nulle part ailleurs production, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 octobre 2019), M. [S] a exercé différentes missions pour la société Nulle part ailleurs production (la société) depuis 1994, en qualité d'accessoiriste, de chef accessoiriste puis de chef décorateur à compter du mois d'août 2000. Il a ainsi conclu soixante-treize contrats de travail à durée déterminée d'usage successifs, dont le dernier a pris fin le 20 juin 2014. Il a été élu en qualité de délégué du personnel titulaire le 6 juin 2013.

2. Le salarié et le Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE-CGC) (le syndicat) ont saisi la juridiction prud'homale le 30 octobre 2014 et sollicité notamment la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée, la requalification de la rupture en licenciement nul, le constat de la violation par l'employeur du statut protecteur et la réintégration du salarié à son poste dans l'entreprise.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a violé le statut protecteur dont devait bénéficier le salarié, de requalifier la rupture du contrat à durée indéterminée en licenciement nul, d'ordonner la réintégration du salarié au sein de la société au poste de chef décorateur au sein de Groland en contrat de travail à durée indéterminée et aux mêmes conditions salariales qu'antérieurement au 20 juin 2014 ou dans un emploi équivalent aux mêmes conditions, sous astreinte, et de la condamner à lui payer une indemnité d'un montant égal au salaire qu'il aurait dû percevoir entre la rupture de son contrat de travail le 20 juin 2014 et sa réintégration dans l'entreprise sur la base d'une rémunération mensuelle brute égale à 5 844 euros, cette indemnité devant être réglée dans les deux mois à compter de l'arrêt, et de la condamner à verser au syndicat la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L. 2421-8 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, que lorsque le salarié fait acte de candidature moins d'un mois avant l'expiration d'un contrat à durée déterminée, l'arrivée du terme de ce contrat entraîne la cessation du lien contractuel sans que l'employeur soit tenu de saisir l'inspecteur du travail, cette formalité ne lui étant imposée que lorsque le salarié est protégé avant le point de départ du délai d'un mois ; qu'en vertu de l'article L. 2314-26 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, les fonctions du délégué du personnel prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail ou la perte des conditions requises pour l'éligibilité ; que la cour d'appel a constaté que le salarié s'était présenté aux élections des délégués du personnel le 21 mai 2013, cependant qu'il était lié à la société par un contrat à durée déterminée du 21 août 2012 au 21 juin 2013, et donc qu'il avait fait acte de candidature moins d'un mois avant l'expiration de ce contrat à durée déterminée ; qu'il en résultait que son contrat de travail avait pris fin le 21 juin 2013, sans que l'inspecteur du travail n'ait à être saisi pour autorisation, ce qui entraînait nécessairement l'expiration du mandat de délégué du personnel à la même date ; que le salarié n'était donc plus titulaire d'un mandat de délégué du personnel durant le dernier contrat de travail à durée déterminée le liant à la société et s'étendant du 20 août 2013 au 20 juin 2014, la conclusion de ce nouveau contrat ne pouvant justifier sa réintégration dans un mandat représentatif ayant expiré, de sorte qu'il n'était pas un salarié protégé au moment de la rupture de la relation contractuelle ; qu'en jugeant le contraire et en considérant que, de par les élections intervenues en 2013, la société avait nécessairement connaissance de la protection s'en déduisant, laquelle aurait été effective au 20 juin 2014, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ qu'il ne saurait être reproché à un employeur, au titre d'une prétendue rétroactivité de la sanction de requalification prévue à l'article L. 1245-1 du code du travail, de ne pas avoir respecté les règles relevant du statut protecteur à un salarié qui, au moment de l'échéance d'un contrat à durée déterminée et en application des règles correspondantes, n'était pas un salarié protégé ; qu'en effet, dans une telle situation, l'employeur peut légitimement penser que la situation contractuelle du salarié est régulière, l'examen de cette régularité dépendant de notions imprécises telles que la nature temporaire de l'emploi occupé ; qu'il ne peut, en tout état de cause, considérer le contrat comme étant un contrat à durée indéterminée s'il doute de sa régularité, la sanction de requalification étant à la disposition du seul salarié, de sorte que la saisine de l'inspecteur du travail en vue d'obtenir une autorisation de licenciement ou de rupture du contrat de travail serait nécessairement vouée au rejet ; qu'en considérant que la société devait être sanctionnée pour ne pas avoir appliqué les règles du statut protecteur à l'occasion de l'échéance du dernier contrat à durée déterminée la liant au salarié, le 20 juin 2014, alors que celui-ci n'était plus, du fait de la rupture de son précédent contrat de travail à durée déterminée intervenue le 21 juin 2013, délégué du personnel, aux motifs qu'il s'était présenté aux élections des délégués du personnel le 21 mai 2013 et avait été élu le 6 juin 2013 en tant que délégué du personnel titulaire, ce qui imposait au regard de la requalification des contrats à durée déterminée conclus avec le salarié l'obligation de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail pour le licencier, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1 et du code du travail, L. 2411-1 et L. 2411-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a décidé que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 14 janvier 1994, a retenu exactement que cette requalification entraînait l'application des règles propres au licenciement à la rupture du 20 juin 2014, résultant de la survenue du terme du dernier contrat à durée déterminée

5. Ayant constaté que le salarié avait été élu le 6 juin 2013 en tant que délégué du personnel titulaire, elle en a déduit à bon droit qu'il incombait à l'employeur, en application de l'article L. 2411-5 du code du travail, de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail pour le licencier et qu'à défaut d'autorisation le licenciement était nul de plein droit.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi consécutivement à une discrimination syndicale, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du code du travail interdisant les discriminations, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que pour dire que le salarié présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel s'est notamment fondée sur les déclarations de Mme [I], énonçant que le salarié avait subi une intense pression de 2012 à 2014 de la part de ses supérieurs et sur les déclarations de M. [G], qui énonçait que des pressions quotidiennes avaient été subies par le salarié de la part de la chargée de production arrivée en 2006, celle-ci remettant quotidiennement en cause le professionnalisme, le talent artistique et l'honnêteté du salarié ; qu'en se déterminant de la sorte, cependant qu'elle n'avait pas établi l'existence de la moindre activité syndicale de la part du salarié avant son élection en tant que délégué du personnel en juin 2013, de sorte que le traitement défavorable dont se plaignait le salarié ne pouvait, en apparence, être lié à cette activité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;

2°/ que la cour d'appel a retenu que la société ne pouvait pas se prévaloir de l'expiration du mandat de délégué du personnel du salarié au 21 juin 2013, justifiée par l'échéance du terme de son contrat du 21 août 2012 au 21 juin 2013, dès lors que le salarié avait conclu avec la société un autre contrat du 20 août 2013 au 20 juin 2014 ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles L. 2421-8 et L. 2314-26 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel, appréciant l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a pu déduire de ses énonciations et constatations que les éléments présentés par le salarié laissaient supposer l'existence d'une discrimination et a estimé que l'employeur n'apportait pas la preuve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Nulle part ailleurs production aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Nulle part ailleurs production et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Nulle part ailleurs production

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION avait violé le statut protecteur dont devait bénéficier Monsieur [N] [S], d'AVOIR requalifié la rupture du contrat à durée indéterminée en licenciement nul, d'AVOIR ordonné la réintégration de Monsieur [S] au sein de la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION au poste de chef décorateur au sein de GROLAND en contrat de travail à durée indéterminée et aux mêmes conditions salariales qu'antérieurement au 20 juin 2004 ou dans un emploi équivalent aux mêmes conditions, sous astreinte, et d'AVOIR condamné la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer à Monsieur [S] une indemnité d'un montant égal au salaire qu'il aurait dû percevoir entre la rupture de son contrat de travail le 20 juin 2014 et sa réintégration dans l'entreprise sur la base d'une rémunération mensuelle brute égale à 5.844 euros, cette indemnité devant être réglée dans les deux mois à compter du présent arrêt, et d'AVOIR condamné la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser au syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE-CGC) la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession ;

AUX MOTIFS QUE « les pièces produites aux débats justifient que le dernier contrat à durée déterminée d'usage conclu par M. [S] l'a été le 20 juin 2013 pour une période s'étendant du 20 août 2013 au 20 juin 2014. La relation de travail a été ici requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 14 janvier 1994 jusqu'au 20 juin 2014. Cette requalification entraîne l'application à la rupture du contrat les règles propres au licenciement. Celui-ci n'ouvre droit pour le salarié, qu'à des réparations de nature indemnitaire, dès lors cependant qu'aucun texte n'interdisait ou ne restreignait la faculté de l'employeur de licencier. Or, en l'espèce, M. [S] s'était présenté aux élections des délégués du personnel le 21 mai 2013 et avait été élu le 6 juin 2013 en tant que délégué du personnel titulaire ce qui impliquait, de la part de l'employeur, dans les termes de l'article L 2411-5 du code du travail applicables au regard de la requalification intervenue, de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail pour le licencier. En effet, de par les élections intervenues, l'employeur avait nécessairement connaissance de la protection s'en déduisant laquelle était toujours effective au 20 juin 2014. Cette autorisation faisant défaut, le licenciement est nul de plein droit. Cette nullité implique le droit à réintégration laquelle a été sollicitée en l'espèce par le salarié lequel continuait de bénéficier de son statut protecteur au jour de sa demande de réintégration devant le conseil de Prud'hommes. Il est rappelé à cet égard qu'en raison de la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun dont bénéficient les salariés investis de fonctions représentatives, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, seule une impossibilité absolue peut libérer l'employeur de l'obligation de réintégrer le salarié à son poste de travail, avec maintien de ses conditions de travail antérieures. La société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION fait valoir sur ce point qu'en raison des agissements inacceptables auxquels s'est livré le salarié, lesquels constituent des faits de harcèlement moral à l'encontre de Madame [C], chargée de production, sa réintégration est impossible. La cour observe cependant que les pièces produites par l'employeur ne permettent pas de retenir le harcèlement allégué. En effet, il convient d'observer que les courriels adressés par Mme [C] à M. [S] en date du 14 avril 2011 ou du 16 janvier 2014, justifient au contraire d'une pleine maitrise de son autorité sur le salarié ("je te remercie de faire en sorte de respecter désormais les horaires () Je te rappelle qu'aucun scooter ne doit stationner dans le local stockage') ("[N], peux-tu prévenir immédiatement la production des problèmes et incidents sur les tournages qui relèvent notamment de la décoration"), la chargée de production étant par ailleurs pleinement associée aux observations formulées au salarié par Mme [O], directrice de la production des Programmes de Flux de Canal+, dans un courriel du 8 novembre 2013 visant des axes d'organisation à modifier dont l'organisation de l'équipe de M. [S]. Le courriel du 12 mars 2014 de Mme [C] communiqué par l'employeur ne vise pas par ailleurs M. [S] personnellement, mais est relatif à la participation ou non de la chargée de production à "une réunion d'échanges voulue par nos intermittents". La cour observe par ailleurs que dans les termes de son attestation du 9 décembre 2014, Mme [C] ne caractérise pas, par l'énoncé de faits précis, les éléments justifiant "des relations professionnelles avec M. [S] très compliquées et très conflictuelles" dont elle fait part tandis que Mme [O] se limite à faire état, dans une attestation rédigée à la même date, de "nombreux échanges sur la non maitrise du budget accessoirisation, des discussions interminables sur le calendrier des congés, un défaut d'adaptation de M. [S] aux nouvelles normes" sans que des faits de harcèlement à l'encontre de la hiérarchie ne puissent en être déduits. Pour s'opposer à la réintégration de M. [S], la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION fait également valoir que l'émission ne fait plus appel à un chef décorateur pour sa production, que l'équipe travaille désormais dans un climat d'apaisement et avec motivation depuis le départ du salarié. Cependant, de tels motifs, dont le premier n'est pas pour sa part établi, ne sauraient, en tout état de cause, constituer une impossibilité absolue de réintégrer le salarié au sein de la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION. La réintégration sera donc prononcée dans le poste de chef décorateur exercé ou tout poste équivalent, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, ce sous astreinte provisoire d'un montant de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt et pendant une période de six mois, la cour ne se réservant pas la liquidation. S'agissant des condamnations en paiement induites par la requalification, il sera versé à M. [S] une indemnité de requalification d'un montant de 5.844 euros dans les termes du jugement de première instance. La société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION sera en outre condamnée à lui régler une indemnité forfaitaire égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration sur la base d'une rémunération brute mensuelle de 5.844 euros, l'indemnité devant être réglée dans les deux mois du présent arrêt, les circonstances de l'espèce ne justifiant pas d'assortir ce paiement d'une astreinte. La violation du statut protecteur d'un représentant du personnel ayant porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession, la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION sera condamnée à payer au syndicat national des personnels de la communication et l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE- CGC) une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi ce, par confirmation du jugement entrepris » ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « Sur le rappel de salaire résultant du statut de salarié protégé - L'article L. 2412-1 du code du travail dispose que bénéficie de la protection en cas de rupture d'un contrat à durée déterminée notamment le délégué syndical. L'article L. 2412-2 du même code dispose que la rupture du contrat de travail à durée déterminée du délégué syndical avant l'échéance du terme en raison d'une faute grave « ou de l'inaptitude constatée par le médecin du travail », ou à l'arrivée du terme lorsque l'employeur n'envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Cette procédure est applicable pendant les délais prévus aux articles L. 2411-5 et L. 2411-8. Lorsque le salarié protégé est titulaire d'un contrat à durée déterminée, l'arrivée du terme du contrat n'entraîne la cessation du lien contractuel qu'après saisine de l'inspecteur du travail conformément à L. 2411-8 ; cette obligation s'impose à l'employeur quelle que soit la durée du contrat. Si l'employeur à l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée ne saisit pas l'inspecteur du travail, le contrat n'est pas rompu. L'employeur a indiqué que la réintégration du salarié était impossible et non souhaitable. Le salarié protégé qui ne peut obtenir sa réintégration a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois. Dès lors, il sera fait droit à la demande de rappel de salaire, soit la somme de 170.230 € correspondant aux salaires qu'il devait percevoir du 20 juin 2014 au 6 décembre 2016 (fin de son mandat). L'astreinte n'est pas nécessaire. -Sur la nullité du licenciement- L'article L. 2411-5 du code du travail dispose que le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution. La rupture du contrat de travail d'un délégué syndical est en principe nulle dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la saisine de l'Inspection du travail. Dès lors, compte tenu du préjudice subi et de l'ancienneté du salarié, il lui sera alloué la somme de 70.128 € correspondant à 12 mois de salaire » ;

ALORS, D'UNE PART, QU' il résulte de l'article L. 2421-8 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige, que lorsque le salarié fait acte de candidature moins d'un mois avant l'expiration d'un contrat à durée déterminée, l'arrivée du terme de ce contrat entraine la cessation du lien contractuel sans que l'employeur soit tenu de saisir l'inspecteur du travail, cette formalité ne lui étant imposée que lorsque le salarié est protégé avant le point de départ du délai d'un mois ; qu'en vertu de l'article L. 2314-26 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, les fonctions du délégué du personnel prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail ou la perte des conditions requises pour l'éligibilité ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur [S] s'était présenté aux élections des délégués du personnel le 21 mai 2013, cependant qu'il était lié à la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION par un contrat à durée déterminée du 21 aout 2012 au 21 juin 2013, et donc que Monsieur [S] avait fait acte de candidature moins d'un mois avant l'expiration de ce contrat à durée déterminée ; qu'il en résultait que son contrat de travail avait pris fin le 21 juin 2013, sans que l'inspecteur du travail n'ait à être saisi pour autorisation, ce qui entraînait nécessairement l'expiration du mandat de délégué du personnel à la même date ; que Monsieur [S] n'était donc plus titulaire d'un mandat de délégué du personnel durant le dernier contrat de travail à durée déterminée le liant à la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION et s'étendant du 20 août 2013 au 20 juin 2014, la conclusion de ce nouveau contrat ne pouvant justifier sa réintégration dans un mandat représentatif ayant expiré, de sorte qu'il n'était pas un salarié protégé au moment de la rupture de la relation contractuelle ; qu'en jugeant le contraire et en considérant que, de par les élections intervenues en 2013, la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION avait nécessairement connaissance de la protection s'en déduisant, laquelle aurait été effective au 20 juin 2014, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU' il ne saurait être reproché à un employeur, au titre d'une prétendue rétroactivité de la sanction de requalification prévue à l'article L. 1245-1 du code du travail, de ne pas avoir respecté les règles relevant du statut protecteur à un salarié qui, au moment de l'échéance d'un contrat à durée déterminée et en application des règles correspondantes, n'était pas un salarié protégé ; qu'en effet, dans une telle situation, l'employeur peut légitimement penser que la situation contractuelle du salarié est régulière, l'examen de cette régularité dépendant de notions imprécises telles que la nature temporaire de l'emploi occupé ; qu'il ne peut, en tout état de cause, considérer le contrat comme étant un contrat à durée indéterminée s'il doute de sa régularité, la sanction de requalification étant à la disposition du seul salarié, de sorte que la saisine de l'inspecteur du travail en vue d'obtenir une autorisation de licenciement ou de rupture du contrat de travail serait nécessairement vouée au rejet ; qu'en considérant que la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION devait être sanctionnée pour ne pas avoir appliqué les règles du statut protecteur à l'occasion de l'échéance du dernier contrat à durée déterminée la liant à Monsieur [S], le 20 juin 2014, alors que celui-ci n'était plus, du fait de la rupture de son précédent contrat de travail à durée déterminée intervenue le 21 juin 2013, délégué du personnel, aux motifs que Monsieur [S] s'était présenté aux élections des délégués du personnel le 21 mai 2013 et avait été élu le 6 juin 2013 en tant que délégué du personnel titulaire, ce qui imposait au regard de la requalification des contrats à durée déterminée conclus avec Monsieur [S] l'obligation de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail pour le licencier, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1 et du code du travail, L. 2411-1 et L. 2411-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi consécutivement à une discrimination syndicale ;

AUX MOTIFS QU' « afin de justifier d'éléments de faits constituant selon lui une discrimination syndicale, M. [S] se réfère à la lettre du 24 septembre 2013 de la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION l'informant de ce qu'il ne sera plus convoqué aux prochaines réunions des délégués du personnel en raison de la perte de son mandat depuis le 22 juin 2013, le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 17 juillet 2014 portant sur la transformation des contrats à durée déterminée d'usage des salariés de l'équipe Groland en contrat à durée indéterminée, son courrier du 22 septembre 2014 au défenseur des droits ainsi que diverses attestations de collègues (ses pièces 93 à 97), l'avertissement dont il a fait l'objet le 23 avril 2012, les pièces adverses n°2, 11, 15, 22 et 23. Aux termes de son courrier du 22 septembre 2014 au défenseur des droits, il mentionne notamment qu'il est délégué du personnel depuis le 3 juin 2013, qu'il est le seul salarié rattaché à la production de l'émission Groland à ne pas s'être vu proposer un contrat à durée indéterminée, le refus lui en étant signifié le 8 septembre 2014. Il ajoute que depuis juin 2013, la direction de Canal+ a toujours refusé de lui reconnaître son mandat et l'a mis dans l'incapacité d'exercer celui-ci allant jusqu'à lui refuser l'accès aux réunions des délégués du personnel. La cour relève qu'aux termes de son attestation produite par le salarié, M. [L], réalisateur, mentionne avoir été témoin de pressions d'ordre moral et psychologique subies par M. [S] de la part de Madame [C] laquelle a été mutée dans un autre service de Canal+ depuis septembre 2014. Ce salarié énonce que M. [S] ayant pris le risque de se syndiquer dans le but de se faire entendre après quatre années de pression et pour défendre les droits de ses collègues pour leur intégration en contrat à durée indéterminée s'est retrouvé évincé du plan de "cdisation". Madame [I], ancienne salariée, énonce que M. [S] a subi une intense pression de 2012 à 2014 de la part de ses supérieurs, que ces pressions s'exerçaient sur la prise de ses congés, le choix de ses assistants, la gestion de son budget. M. [G], réalisateur, énonce pour sa part que des pressions quotidiennes ont été subies par M. [S] de la part de la chargée de production, arrivée en 2006, que celle-ci remettait en cause quotidiennement le professionnalisme, le talent artistique et l'honnêteté de M. [S], un climat délétère régnant au sein du groupe dans ces conditions. Il ajoute que depuis la rentrée 2014, l'intimé manque cruellement à l'émission tant au réalisateur qu'à son équipe, aux assistants et régisseurs de par ses choix artistiques et son grand professionnalisme. Le courrier du 12 février 2014 de CGC Médias adressé à la directive des relations sociales Canal+ justifie également de la contestation à cette date par ce syndicat du fait que M. [S], délégué du personnel, ne soit plus invité aux réunions du site Canal+ Lumière. Le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 17 juillet 2014 vise pour sa part l'engagement de la direction de Canal+ d'intégrer en contrat à durée indéterminée tous les salariés en contrat à durée déterminée d'usage sauf ceux ayant moins de trois ans parmi lesquels ne peut donc figurer l'intimé. Ces éléments dont il ressort que M. [S], dont le dernier contrat de travail à durée déterminée a été effectué sur la période du 20 aout 2013 au 20 juin 2014, n'était pas convié aux réunions des délégués du personnel début 2014, n'a pas bénéficié d'un contrat à durée indéterminée en septembre 2014 alors qu'il justifiait des critères pour ce faire, subissait des pressions dans l'exercice de son métier, laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale. Il incombe donc à l'employeur de prouver que ses décisions ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Or, la cour observe que la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION ne verse ici aux débats que quelques courriels et attestations qui ne permettent pas d'apporter une telle justification. En effet, ces courriels ne viennent pas établir l'insubordination reprochée à M. [S] alors que: - la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION ne produit pas aux débats la réponse de M. [S] au courriel de Madame [O] en date du 1er décembre 2011 aux termes duquel celle-ci lui indique voir modifier ou évoluer au plus vite certaines organisations de travail ni ne justifie de ce qu'il n'aurait pas respecté les souhaits ainsi formulés par la directrice, la cour notant par ailleurs que l'envoi par le salarié d'un seul message par le biais de sa boîte mail personnelle le 3 avril 2012 n'a plus fait, à cette date, l'objet d'observations particulières de l'employeur, - le courriel de Madame [C] en date du 14 avril 2011 se limite à faire le point avec M. [S] sur les horaires respectifs des équipes de décoration et de réalisation ainsi que sur la durée hebdomadaire du travail, sans justifier de ce que les instructions n'auraient pas été suivies d'effet, - l'avertissement du 23 avril 2012 se réfère aux termes d'un courriel de M. [S] en date du 3 avril 2012 et à la planification qu'il avait effectué de quatre intermittents. Aux termes de ce courriel communiqué aux débats, le salarié faisait état de ce qu'une négligence relativement à un « bon pour accord » aboutissait à un retard sur le planning prévisionnel des préparatifs de l'émission tandis qu'il était vivement souhaitable que Mme [C] fasse le nécessaire afin que le déroulement des préparations et des tournages de Groland soit cohérent. Si le ton employé marque un certain agacement du salarié, il n'en reste pas moins que le courriel reste ponctuel et a été notifié à une époque (2012) bien antérieure à l'année 2014 durant laquelle il a été décidé de ne pas proposer au salarié un contrat à durée indéterminée, - le courriel du 16 mai 2012 concerne un rappel collectif sur les véhicules de service, - le courriel du 5 novembre 2012 se borne à faire état d'une avance de 2.000 euros à l'intéressé pour une mission EFN3OGROLA tandis que ceux échangés entre Mme [C] et Mme [B] le 19 juin 2013 mentionnent que des problèmes subsistent concernant cette avance malgré "la production par M [S] de l'ensemble de ses justificatifs" ce qui conduit d'ailleurs à en prélever la somme sur le solde de tout compte du salarié, - le courriel du 8 novembre 2013, s'il vise une difficulté relative à la validation des régies par M. [S], permet cependant à Mme [O] d'énoncer `l'ai noté que tu avais bien compris la distinction entre des missions opérationnelles et les problèmes liés à la régie du mois de juin", - l'achat de caviar et de boites d'oeufs de lompe pour un sketch Groland en mars 2014 reste pour le moins ponctuel, le courriel de Mme [O] relatif à cet achat le 19 mars 2014 n'étant d'ailleurs pas adressé à M. [S], - il ressort des échanges de courriels du 21 mars 2014 que le planning des intermittents établi par M. [S] à cette date était uniquement prévisionnel et n'enfreignait donc pas les instructions de Mme [O] telles qu'énoncées dans le couriel du 1" décembre 2011 visant que le salarié faisait sur ce point des propositions ("pour ce qui concerne la qualification des intermittents, [N], il convient désormais de faire systématiquement les propositions de dates par mail (..)'). L'employeur est ainsi défaillant à justifier que le défaut de conclusion d'un contrat à durée indéterminée avec M. [S] en septembre 2014 aurait été décidé pour des raisons extérieures à son mandat représentatif, la cour observant par ailleurs que l'employeur ne pouvait opposer le terme du contrat du 21 aout 2012 au 21 juin 2013 pour décider que l'intéressé n'était plus à même d'exercer son mandat de délégué du personnel en février 2014 ce alors que ce contrat avait été suivi d'un autre du 20 août 2013 au 20 juin 2014. Ces éléments conduiront à retenir la discrimination syndicale. Compte tenu du préjudice subi, la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION sera condamnée à régler à M. [S] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts » ;

ALORS, D'UNE PART, QU' en vertu de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du code du travail interdisant les discriminations, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que pour dire que Monsieur [S] présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel s'est notamment fondée sur les déclarations de Madame [I], énonçant que Monsieur [S] avait subi une intense pression de 2012 à 2014 de la part de ses supérieurs et sur les déclarations de Monsieur [G], qui énonçait que des pressions quotidiennes avaient été subies par Monsieur [S] de la part de la chargée de production arrivée en 2006, celle-ci remettant quotidiennement en cause le professionnalisme, le talent artistique et l'honnêteté de Monsieur [S] ; qu'en se déterminant de la sorte, cependant qu'elle n'avait pas établi l'existence de la moindre activité de syndicale de la part de Monsieur [S] avant son élection en tant que délégué du personnel en juin 2013, de sorte que le traitement défavorable dont se plaignait Monsieur [S] ne pouvait, en apparence, être lié à cette activité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la cour d'appel a retenu que la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION ne pouvait pas se prévaloir de l'expiration du mandat de délégué du personnel de Monsieur [S] au 21 juin 2013, justifiée par l'échéance du terme de son contrat du 21 août 2012 au 21 juin 2013, dès lors que Monsieur [S] avait conclu avec la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION un autre contrat du 20 août 2013 au 20 juin 2014 ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles L. 2421-8 et L. 2314-26 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.ECLI:FR:CCASS:2021:SO01172
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