Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 13 octobre 2021, 20-15.572, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 13 octobre 2021, 20-15.572, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 20-15.572
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300701
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 13 octobre 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, du 06 février 2020- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 octobre 2021
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 701 F-D
Pourvoi n° Q 20-15.572
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021
M. [N] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-15.572 contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] [S], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 février 2020), M. [S] est titulaire d'un bail verbal sur une parcelle agricole appartenant à M. [Z].
2. Par acte du 13 juin 2016, M. [Z] a signifié à M. [S] un congé refusant le renouvellement du bail, à compter du 31 décembre 2017.
3. Par acte du 29 juin 2016, M. [Z] a délivré à M. [S] un congé identique, rectifiant un élément d'état civil concernant celui-ci.
4. Par déclaration du 7 octobre 2016, M. [S] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé du 13 juin 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [Z] fait grief à l'arrêt de dire que seul l'acte du 13 juin 2016 a valeur de congé et de déclarer M. [S] recevable en sa contestation, alors « que la délivrance d'un congé régulier en la forme fait courir le délai de quatre mois imparti au preneur, à peine de forclusion, pour saisir le tribunal paritaire des baux ruraux afin de le contester ; qu'ayant constaté que deux congés portant sur la parcelle louée avaient été délivrés à M. [S] par actes des 13 et 29 juin 2016 et que ce dernier n'avait contesté que le congé du 13 juin 2016 par requête du 7 octobre 2016, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré que le congé signifié le 29 juin 2016 n'avait pu faire courir le délai de forclusion dès lors qu'il faisait suite à un précédent congé délivré par acte du 13 juin 2016 portant sur la même parcelle à la suite duquel M. [S] avait valablement saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, quand elle n'a pas relevé que le second congé aurait été affecté d'une irrégularité de forme ayant empêché le délai de saisine du tribunal paritaire de courir, a violé le articles L. 411-47 et R. 411-11 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a constaté que les congés successivement délivrés portaient sur la même parcelle donnée à bail, concernaient le même bailleur et le même preneur, comportaient les mêmes motifs et la même date d'effet, et se trouvaient rédigés de manière parfaitement identique, la seule différence portant sur l'année de naissance de M. [S].
7. Elle a relevé que le second acte délivré le 29 juin 2016 ne précisait pas qu'il annulait et remplaçait le premier signifié le 13 juin 2016.
8. Elle a retenu que M. [Z] avait manifesté sa volonté non équivoque de donner congé à M. [S] aux termes du premier exploit d'huissier de justice signifié le 13 juin 2016, auquel il n'avait pas renoncé par la délivrance du second.
9. Elle en a exactement déduit que l'acte délivré le 13 juin 2016, ayant à lui seul valeur de congé, avait eu pour effet de faire courir le délai de forclusion visé aux articles L. 411-54 et R. 411-11 du code rural et de la pêche maritime.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. M. [Z] fait grief à l'arrêt de dire que M. [S] est fondé à prétendre au renouvellement du bail et de déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 13 juin 2016, alors « que, pour prétendre au renouvellement de son bail, le preneur doit être en règle avec le contrôle des structures ; que le bailleur est fondé à s'opposer au renouvellement dès lors que le preneur ne justifie pas détenir une autorisation administrative d'exploiter, si elle est nécessaire, sans que le bailleur soit tenu de prouver avoir vainement, préalablement à la délivrance du congé, mis le preneur en demeure de régulariser sa situation ; qu'ayant constaté que, depuis la conclusion du bail initial, M. [S] avait accru la surface exploitée au-delà du seuil minimum de surface rendant obligatoire la détention d'une autorisation administrative d'exploiter et que ce dernier ne justifiait pas être titulaire d'une telle autorisation, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré que M. [Z] ne pouvait arguer de la « nullité du bail » pour s'opposer à son renouvellement faute d'avoir préalablement mis M. [S] en demeure de présenter une telle demande d'autorisation, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles L. 411-46 et L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime et, par fausse application, les articles L. 331-6 et L. 331-7 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 331-2, L. 411-46 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime :
12. Il résulte de ces textes que le bailleur est fondé à s'opposer au renouvellement du bail si le preneur ne justifie pas qu'il est en règle avec le contrôle des structures.
13. Pour annuler le congé, l'arrêt énonce que M. [Z] n'aurait été fondé à s'opposer au renouvellement du bail, en invoquant le défaut d'autorisation administrative d'exploiter, que si M. [S] avait reçu une mise en demeure infructueuse de régulariser sa situation au regard de la réglementation du contrôle des structures et retient qu'en l'absence de ce préalable obligatoire, le bailleur ne pouvait arguer de la nullité du bail pour s'opposer à son renouvellement.
14. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'exploitation agricole de M. [S], dont la surface avait été étendue et dépassait le seuil fixé pour le département, était susceptible de relever de la procédure d'autorisation prévue par les articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une action en nullité du bail mais de l'examen des conditions de son renouvellement, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [S] est fondé à prétendre au renouvellement du bail, en ce qu'il déclare le congé du 13 juin 2016 nul et de nul effet et en ce qu'il rejette les demandes de M. [Z], l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [Z]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que seul l'acte délivré à M. [K] [S] le 13 juin 2016 à la requête de M. [N] [Z] a valeur de congé et que l'acte signifié le 29 juin 2016 n'a pas valeur de congé, d'avoir déclaré en conséquence M. [K] [S] recevable en sa contestation formée à l'encontre du congé délivré le 13 juin 2016 et rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [N] [Z] au titre de la forclusion de l'action en contestation dudit congé,
AUX MOTIFS QUE
« aux termes des articles L 411-54 et R 411-11 du code rural et de la pêche maritime, le congé peut être déféré par le preneur au tribunal paritaire dans un délai de quatre mois à compter de sa réception, sous peine de forclusion.
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [S] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux dans le délai de quatre mois précité pour contester le congé de non-renouvellement du bail qui lui a été signifié à la requête de M. [Z] le 13 juin 2016 et qui n'a saisi ce même tribunal d'aucune contestation relative à l'acte qui lui a été signifié le 29 juin 2016 et contenant également congé.
M. [Z] soulève la forclusion de la contestation formée par M [S] à l'encontre du congé de non-renouvellement signifié aux termes de deux actes distincts, aux motifs que le second congé est parfaitement valable comme mentionnant les dispositions des articles L 411-47 et L 411-54 du code rural alors qu'il n'appartenait pas au preneur de préjuger de la validité ou de la portée du congé du 29 juin 2016 en omettant de le contester.
Cependant, il convient de relever que les congés délivrés les 13 et 29 juin 2016 portent sur la même parcelle donnée à bail, concernent le même bailleur et le même preneur, comportent les mêmes motifs de congé et la même date d'effet du congé au 31 décembre 2017 et sont rédigés de manière parfaitement identique, la seule différence portant sur l'année de naissance de Monsieur [S]. En conséquence, alors que le second acte délivré le 29 juin 2016 ne stipule pas qu'il annule et remplace le premier délivré le 13 juin 2016, il convient de considérer que Monsieur [Z] a manifesté sa volonté non équivoque de donner congé à Monsieur [S] aux termes du premier exploit d'huissier signifié le 13 juin 2016, congé auquel il n'a pas renoncé par la délivrance du second exploit d'huissier le 29 juin 2016, lequel ne fait que rectifier une simple erreur matérielle sur l'année de naissance de Monsieur [S] et ne saurait avoir la valeur d'un nouveau congé susceptible de faire courir un délai de forclusion.
Dès lors, seul l'acte délivré le 13 juin 2016 ayant valeur de congé a pour effet de faire courir le délai de forclusion visé aux articles précités, le second acte signifié le 29 juin 2016 qui ne remet pas en cause ce congé n'ayant aucun effet sur le point de départ de ce délai.
Monsieur [S] ayant saisi valablement le tribunal paritaire des baux ruraux dans le délai de quatre mois prévu aux articles L 411-54 et R 411-11 du code rural et de la pêche maritime à compter de la date de signification du congé du 13 juin 2016, il n'est donc pas forclos pour contester ce congé. C'est donc à tort que le premier juge a déclaré Monsieur [S] forclos en sa contestation formée à l'encontre de ce congé en considérant que s'il avait contesté dans le délai de quatre mois le congé du 13 juin 2016, il n'avait pas contesté celui délivré le 29 juin 2016 de sorte que ce dernier congé devait être validé.
Il convient donc d'infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau de dire que seul l'acte délivré le 13 juin 2016 a valeur de congé, l'acte signifié le 29 juin 2016 ne pouvant être considéré comme valant congé, de déclarer Monsieur [S] recevable en sa contestation relative au congé délivré le 13 juin 2016 et de rejeter, en conséquence, la fin-de non recevoir soulevée par Monsieur [Z] au titre de la forclusion de l'action en contestation de ce congé ; » (arrêt, p. 4 et 5).
ALORS QUE la délivrance d'un congé régulier en la forme fait courir le délai de quatre mois imparti au preneur, à peine de forclusion, pour saisir le tribunal paritaire des baux ruraux afin de le contester ; qu'ayant constaté que deux congés portant sur la parcelle louée avaient été délivrés à M. [S] par actes des 13 et 29 juin 2016 et que ce dernier n'avait contesté que le congé du 13 juin 2016 par requête du 7 octobre 2016 (arrêt p.2), la cour d'appel, qui a néanmoins considéré que le congé signifié le 29 juin 2016 n'avait pu faire courir le délai de forclusion dès lors qu'il faisait suite à un précédent congé délivré par acte du 13 juin 2016 portant sur la même parcelle à la suite duquel M. [S] avait valablement saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, quand elle n'a pas relevé que le second congé aurait été affecté d'une irrégularité de forme ayant empêché le délai de saisine du tribunal paritaire de courir, a violé le articles L 411-47 et R 411-11 du code rural et de la pêche maritime. SECOND MOYEN DE CASSATION
- Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. [K] [S] est fondé à prétendre au renouvellement du bail portant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 1] ZB n°[Cadastre 2] lieudit "[Localité 2]" sur la commune de Causse et Diège louée par M. [Z], d'avoir en conséquence déclaré nul et de nul effet le congé délivré à M. [K] [S] le 13 juin 2016 et d'avoir débouté M. [N] [Z] de l'ensemble de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE
«Aux termes de l'article L 411-46 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime, "le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L 411-31 ou n'impose le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L 411-57 à L 411-63, L 411-66 et L 411-67."
Il résulte de ces dispositions que le preneur doit justifier lors du renouvellement du bail, au même titre que le bénéficiaire d'un droit de reprise :
- que sa situation est conforme à la réglementation relative au contrôle des structures
- qu'il participe de manière effective et permanente aux travaux de l'exploitation et notamment occuper lui-même les biens d'habitation du bien loué ou une habitation située à proximité
- qu'il ne compromette pas par ses agissements la bonne exploitation du fonds pour les motifs prévus à l'article L 411-31.
Sur le motif tenant au défaut d'autorisation d'exploiter
Aux termes de l'article L 331-2-1-1° du code rural et de la pêche maritime, sont soumises à autorisation préalable les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Par ailleurs, selon l'article L 331-6 du même code, "Tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d'effet de la cession de bail selon les cas, les superficies et la nature des biens qu'il exploite ; ?.Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du litige, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux."
En l'espèce, Monsieur [Z] reproche à Monsieur [S], aux termes du congé du 13 février 2016, non de ne pas avoir sollicité et obtenu une autorisation d'exploiter concernant la parcelle faisant l'objet du bail en cause mais d'avoir augmenté, depuis la conclusion du bail, la surface de l'ensemble des terres qu'il exploite sans avoir sollicité et obtenu une autorisation d'exploiter relative à cet accroissement de surface. Ainsi ce qui importe n'est pas de savoir si Monsieur [S] a sollicité une autorisation d'exploiter pour la seule parcelle en cause mais de déterminer s'il est tenu à une autorisation d'exploiter pour chaque extension de la superficie de l'ensemble de son exploitation, puisque le contrôle des structures s'appliquant à l'exploitation agricole prise en son ensemble, c'est la totalité de la superficie de cette exploitation modifiée qui est prise en compte pour apprécier de la nécessité d'obtenir une autorisation administrative. Il convient donc d'envisager la situation de Monsieur [S] au regard de la législation sur les structures lors de chacune des modifications de son exploitation et non à l'égard de la seule parcelle en cause. »
Les pièces produites aux débats ne permettent pas de déterminer quelle était la surface totale des parcelles exploitées par Monsieur [S] à la date du bail en cause. Néanmoins il ressort des pièces relatives à un précédent litige ayant opposé les parties que l'exploitation agricole de Monsieur [S], toutes terres confondues, représentaient 100 hectares 33 ares et 4 ca selon un rapport d'expertise du 20 février 2012 établi à la suite de la consultation ordonnée par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez du 2 septembre 2010. Il résulte du relevé d'exploitation établi par la MSA le 14 août 2017 que la surface totale exploitée par Monsieur [S] s'élevait à 134 hectares 50 ares et 57 ca, cette surface étant identique au jour de la délivrance du congé comme le confirme une demande d'autorisation d'exploitation adressée par Monsieur [S] à la DDT de l'Aveyron en août 2015 à l'occasion de l'accroissement de sa surface d'exploitation par une parcelle de 2 ha 94 a et 20 ca, laquelle se rajoutait à une surface d'exploitation déclarée à hauteur de 131 ha 55 a et 77 ca. Il n'est donc pas contestable que Monsieur [S] a agrandi sa surface d'exploitation depuis la conclusion du bail.
Le schéma directeur des structures agricoles du département de l'Aveyron où se situe l'exploitation agricole de Monsieur [S] et publié le 31 mars 2016 a fixé à 68 hectares le seuil minimum de surface visé à l'article L 331-2- 1-1° précité.
Il est ainsi établi par l'ensemble de ces éléments que l'exploitation agricole de Monsieur [S] dépassant ce seuil ainsi fixé par le département de l'Aveyron, il est susceptible d'être soumis à la procédure d'autorisation prévue par les articles L 331-1 et suivants du code rural.
Monsieur [S] prétend qu'il a sollicité et obtenu l'autorisation d'exploiter nécessaire et produit à cet égard la demande qu'il a déposée à la DDT de l'Aveyron le 14 août 2015 et l'autorisation qu'il a obtenue le 26 janvier 2016. Cependant et comme le relève l'intimé, cette demande et cette autorisation ne portent que sur une parcelle de 2 ha 96 ares 80 et ne justifient pas à elles seules que Monsieur [S] serait en règle avec le contrôle des structures pour les autres surfaces exploitées excédant le seuil de 68 ha.
Néanmoins, en application de l'article L 331-6, seul le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée par l'article L 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L 331-7 emporte la nullité du bail. L'article L 331-7 alinéa 1 prévoit que lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions relatives au contrôle des structures, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. Dès lors, le bailleur qui entend s'opposer au renouvellement du bail en invoquant le défaut d'autorisation administrative d'exploiter, n'est fondé à le faire que si Monsieur [S] a reçu mise en demeure préalable de régulariser sa situation au regard de la règlementation du contrôle des structures. Or, il n'est pas prouvé, ni même allégué que Monsieur [S] se soit jamais vu mettre en demeure de présenter une telle demande d'autorisation. Par conséquent Monsieur [Z] ne peut arguer de la nullité du bail pour s'opposer à son renouvellement, en l'absence de ce préalable obligatoire et le congé délivré pour ce motif n'est donc pas valable.
Sur la participation effective et permanente à l'exploitation et la condition d'habitation
Conformément aux termes de l'article L 411-59 du code rural applicable au bénéficiaire de la reprise, tout preneur doit justifier à la date de renouvellement du bail :
- qu'il participe sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation
- qu'il occupe lui-même les bâtiments du bien loué ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.
Ces conditions doivent être appréciées indépendamment du comportement du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Il convient donc de relever que Monsieur [Z] n'ayant pas fondé son congé sur des agissements de Monsieur [S] de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds mais exclusivement sur le défaut d'habitation et de participation à l'exploitation, le juge n'a pas à vérifier si les défauts d'habitation et d'exploitation invoqués par le bailleur compromettent ou non la bonne exploitation du fonds faisant l'objet du bail. C'est donc à tort que Monsieur [S] soutient qu'il y a lieu d'apprécier si son éloignement géographique et l'exercice d'un autre emploi sont de nature ou non à compromettre la bonne exploitation du fonds. C'est également à tort que Monsieur [Z] invoquent le défaut d'habitation et d'exploitation comme étant des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation alors qu'il n'a pas motivé son congé en ce sens.
Par ailleurs, ces conditions s'apprécient à la date pour laquelle le congé a été délivré, en l'occurrence à la date du 31 décembre 2017 et non à la date de délivrance dudit congé.
En l'espèce, il ressort des pièces produites qu'à la date d'effet du congé du congé, Monsieur [S] avait toujours sa résidence principale à [Localité 1], soit à une distance d'environ 90 km des lieux loués. Monsieur [S] ne saurait dénier l'existence de cette résidence à titre principal alors qu'il admet se rendre sur les lieux de l'exploitation uniquement les fins de semaine et pendant ses congés et que tant son épouse que lui-même exerçaient leur emploi à cette date dans le [Localité 3], la domiciliation fiscale dont il justifie à Causse sur Diège n'étant pas de nature à contredire la fixation d'un domicile effectif à titre principal en un autre lieu.
Il n'est pas contesté, en outre, qu'il exerçait une autre activité professionnelle de conseiller foncier au sein de la SAFER du Tarn depuis 2010. S'il justifie avoir depuis le mois de février 2019 modifié sa résidence et fait l'objet d'une mutation professionnelle pour se rapprocher de son lieu d'exploitation, ces circonstances postérieures à la date d'effet du congé sont indifférentes et ne sont pas, au surplus, de nature à influer de manière significative sur le litige, dès lors que tant le lieu d'habitation de Monsieur [S] que le lieu de son emploi sont encore distants de 70 km du lieu d'exploitation et qu'il exerce toujours la même activité professionnelle.
S'agissant de la condition d'habitation, qui ne saurait se confondre avec la notion de domicile, il y a lieu de faire observer que l'article L 411-59 exige seulement que le preneur occupe lui-même les bâtiments d'habitation du bien loué ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe et n'exclut pas, sous réserve de ces conditions, que le preneur puisse disposer et occuper une autre résidence.
Or, en l'espèce, Monsieur [S] justifie, tant par les attestations versées aux débats que par les factures d'EDF produites, ce qui n'est pas contesté, que les fonds loués disposent sur place de bâtiments d'habitation. Ils démontrent également qu'il occupe ces bâtiments lors de ses temps de présence sur l'exploitation pour l'accomplissement des travaux nécessaires à celle-ci, la parcelle louée faisant l'objet d'une culture de maïs. Il ressort ainsi des attestations établies par Monsieur [I], Monsieur [D], Madame [S], sa mère, Monsieur [X] que Monsieur [S] est présent régulièrement sur le lieu d'exploitation (trois à quatre jours chaque semaine selon Monsieur [I] et Madame [S], et en tous les cas toutes les fins de semaine et pendant ses congés selon les autres témoins) et occupe de manière effective les bâtiments d'exploitation, comme en atteste Monsieur [I], ces dires étant confirmés par les factures et/ou les relevés d'électricité produits depuis 2013 jusqu'à janvier 2018.
Il en est de même de sa participation effective et permanente aux travaux d'exploitation alors qu'il ressort des attestations précitées que :
- Monsieur [S] est présent plusieurs jours par semaine sur l'exploitation et à minima chaque week-end, ainsi que pendant l'ensemble de ses périodes de congés ou RTT
- ce temps de présence est suffisant pour lui permettre de réaliser l'ensemble des travaux de sols, récoltes, fourrages, alimentation et surveillance de ses troupeaux constitués d'un cheptel d'ovins et de bovins, un contrat d'entraide réciproque existant, par ailleurs, avec Monsieur [I], dans le cadre de la surveillance de ce cheptel
- il réalise lui-même l'ensemble des travaux de culture et d'entretien de l'exploitation sans faire appel à des tiers
- il dispose de l'ensemble du matériel agricole nécessaire pour la mise en culture et les récoltes ou recourt à celui de la coopérative locale.
Il convient de relever que même si Monsieur [S] a recours à un contrat d'entraide réciproque pour la surveillance et l'alimentation de ses troupeaux, ce recours à charge de réciprocité, qui est un mode d'aide habituelle dans l'agriculture, ne saurait constituer en soi la preuve d'un défaut d'exploitation personnelle. De même, si Monsieur [Z] justifie qu'en juin 2016, des animaux du cheptel de Monsieur [S] se sont échappés de leur enclos et ont commis des dégradations dans le jardin de son voisin, ce seul fait isolé ne saurait davantage être considéré comme un défaut d'exploitation personnelle alors que Monsieur [I] atteste d'une part qu'il s'agissait d'un évènement exceptionnel et d'autre part que Monsieur [S] a lui-même récupéré le troupeau concerné le jour même de sa fugue, Monsieur [I] n'étant venu lui prêter main-forte que par la suite pour le déplacement du troupeau. A titre surabondant, il convient de faire observer qu'il n'est pas établi que l'activité d'élevage de Monsieur [S] concerne la parcelle louée par Monsieur [Z], parcelle dédiée à la culture du maïs, de sorte que ce dernier, pour s'opposer au renouvellement du bail en cause, ne saurait lui faire grief d'un temps de présence insuffisant pour la surveillance de ses troupeaux.
Le fait que le temps de présence de Monsieur [S] soit suffisant à permettre l'exploitation du fonds est, en outre, confirmé par le rapport d'expertise du 1er août 2017 établi à la requête du preneur et qui constate que depuis 2012, les rendements moyens réalisés sur la parcelle en cause sont de 12 % supérieurs à la moyenne du département.
En conséquence, Monsieur [S] démontre au vu de l'ensemble de ces éléments que ni son éloignement géographique au regard de sa résidence principale, ni l'exercice de son activité professionnelle ne sont incompatibles avec l'exploitation de la parcelle louée par Monsieur [Z] d'une superficie de seulement 97 ares 52 ca et qu'il remplit les conditions d'une participation effective et permanente, ainsi que d'une occupation des bâtiments d'habitation du bien loué ou d'une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.
Les motifs du congé du 13 juin 2016 n'étant pas fondés, Monsieur [S] est ainsi en droit de prétendre au renouvellement du bail portant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 1] ZB n° [Cadastre 2] lieudit "[Adresse 2]" sur la commune de Causse et Diège louée par Monsieur [Z]. Il convient donc de déclarer nul et de nul effet le congé du 13 juin 2016 et de débouter Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes. »
1) ALORS QUE pour prétendre au renouvellement de son bail, le preneur doit être en règle avec le contrôle des structures ; que le bailleur est fondé à s'opposer au renouvellement dès lors que le preneur ne justifie pas détenir une autorisation administrative d'exploiter, si elle est nécessaire, sans que le bailleur soit tenu de prouver avoir vainement, préalablement à la délivrance du congé, mis le preneur en demeure de régulariser sa situation ; qu'ayant constaté que, depuis la conclusion du bail initial, M. [S] avait accru la surface exploitée au-delà du seuil minimum de surface rendant obligatoire la détention d'une autorisation administrative d'exploiter et que ce dernier ne justifiait pas être titulaire d'une telle autorisation, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré que M. [Z] ne pouvait arguer de la « nullité du bail » pour s'opposer à son renouvellement faute d'avoir préalablement mis M. [S] en demeure de présenter une telle demande d'autorisation, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles L 411-46 et L 331-2 du code rural et de la pêche maritime et, par fausse application, les article L 331-6 et L 331-7 du même code ;
2) ALORS QUE le preneur doit, pour bénéficier du renouvellement, réunir la même condition d'habitation que celle exigée du bénéficiaire du droit de reprise par l'article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime ; qu'ayant constaté qu'à la date d'effet du congé, M. [S] résidait à titre principal à [Localité 1], c'est-à-dire à 90 kilomètres des biens loués, que tant son épouse que lui-même exerçaient leur emploi dans le Tarn, M. [S] occupant un emploi de conseiller foncier au sein de la Safer du Tarn depuis 2010, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré qu'il satisfaisait à la condition d'habitation dès lors qu'il occupait les bâtiments d'habitation des biens loués lorsqu'il se rendait sur les lieux de l'exploitation les fins de semaine et pendant ses congés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a statué par des motifs inopérants, a violé les articles L 411-46 et L 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS QUE le preneur doit, pour bénéficier du renouvellement, réunir la même condition d'exploitation que celle exigée du bénéficiaire du droit de reprise par l'article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime et ainsi justifier se consacrer aux travaux d'exploitation de manière effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation ; qu'ayant constaté que M. [S] occupait un emploi de conseiller foncier à la Safer du Tarn depuis 2010 et ne se consacrait aux travaux d'une exploitation de près de 135 ha comportant une activité d'élevage d'un cheptel d'ovins et de bovins que lors des fins de semaine et durant ses congés, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré qu'il satisfaisait à la condition de participation effective et permanente aux travaux de l'exploitation, aux motifs inopérants qu'il existait un contrat d'entraide réciproque avec un autre agriculteur pour surveiller et nourrir son cheptel et que les rendements moyens réalisés sur la parcelle louée étaient supérieurs de 12% à la moyenne du département, la cour d'appel a violé les articles L 411-46 et L 411-59 du code rural et de la pêche maritime.ECLI:FR:CCASS:2021:C300701
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 octobre 2021
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 701 F-D
Pourvoi n° Q 20-15.572
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021
M. [N] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-15.572 contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] [S], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 février 2020), M. [S] est titulaire d'un bail verbal sur une parcelle agricole appartenant à M. [Z].
2. Par acte du 13 juin 2016, M. [Z] a signifié à M. [S] un congé refusant le renouvellement du bail, à compter du 31 décembre 2017.
3. Par acte du 29 juin 2016, M. [Z] a délivré à M. [S] un congé identique, rectifiant un élément d'état civil concernant celui-ci.
4. Par déclaration du 7 octobre 2016, M. [S] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé du 13 juin 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [Z] fait grief à l'arrêt de dire que seul l'acte du 13 juin 2016 a valeur de congé et de déclarer M. [S] recevable en sa contestation, alors « que la délivrance d'un congé régulier en la forme fait courir le délai de quatre mois imparti au preneur, à peine de forclusion, pour saisir le tribunal paritaire des baux ruraux afin de le contester ; qu'ayant constaté que deux congés portant sur la parcelle louée avaient été délivrés à M. [S] par actes des 13 et 29 juin 2016 et que ce dernier n'avait contesté que le congé du 13 juin 2016 par requête du 7 octobre 2016, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré que le congé signifié le 29 juin 2016 n'avait pu faire courir le délai de forclusion dès lors qu'il faisait suite à un précédent congé délivré par acte du 13 juin 2016 portant sur la même parcelle à la suite duquel M. [S] avait valablement saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, quand elle n'a pas relevé que le second congé aurait été affecté d'une irrégularité de forme ayant empêché le délai de saisine du tribunal paritaire de courir, a violé le articles L. 411-47 et R. 411-11 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a constaté que les congés successivement délivrés portaient sur la même parcelle donnée à bail, concernaient le même bailleur et le même preneur, comportaient les mêmes motifs et la même date d'effet, et se trouvaient rédigés de manière parfaitement identique, la seule différence portant sur l'année de naissance de M. [S].
7. Elle a relevé que le second acte délivré le 29 juin 2016 ne précisait pas qu'il annulait et remplaçait le premier signifié le 13 juin 2016.
8. Elle a retenu que M. [Z] avait manifesté sa volonté non équivoque de donner congé à M. [S] aux termes du premier exploit d'huissier de justice signifié le 13 juin 2016, auquel il n'avait pas renoncé par la délivrance du second.
9. Elle en a exactement déduit que l'acte délivré le 13 juin 2016, ayant à lui seul valeur de congé, avait eu pour effet de faire courir le délai de forclusion visé aux articles L. 411-54 et R. 411-11 du code rural et de la pêche maritime.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. M. [Z] fait grief à l'arrêt de dire que M. [S] est fondé à prétendre au renouvellement du bail et de déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 13 juin 2016, alors « que, pour prétendre au renouvellement de son bail, le preneur doit être en règle avec le contrôle des structures ; que le bailleur est fondé à s'opposer au renouvellement dès lors que le preneur ne justifie pas détenir une autorisation administrative d'exploiter, si elle est nécessaire, sans que le bailleur soit tenu de prouver avoir vainement, préalablement à la délivrance du congé, mis le preneur en demeure de régulariser sa situation ; qu'ayant constaté que, depuis la conclusion du bail initial, M. [S] avait accru la surface exploitée au-delà du seuil minimum de surface rendant obligatoire la détention d'une autorisation administrative d'exploiter et que ce dernier ne justifiait pas être titulaire d'une telle autorisation, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré que M. [Z] ne pouvait arguer de la « nullité du bail » pour s'opposer à son renouvellement faute d'avoir préalablement mis M. [S] en demeure de présenter une telle demande d'autorisation, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles L. 411-46 et L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime et, par fausse application, les articles L. 331-6 et L. 331-7 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 331-2, L. 411-46 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime :
12. Il résulte de ces textes que le bailleur est fondé à s'opposer au renouvellement du bail si le preneur ne justifie pas qu'il est en règle avec le contrôle des structures.
13. Pour annuler le congé, l'arrêt énonce que M. [Z] n'aurait été fondé à s'opposer au renouvellement du bail, en invoquant le défaut d'autorisation administrative d'exploiter, que si M. [S] avait reçu une mise en demeure infructueuse de régulariser sa situation au regard de la réglementation du contrôle des structures et retient qu'en l'absence de ce préalable obligatoire, le bailleur ne pouvait arguer de la nullité du bail pour s'opposer à son renouvellement.
14. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'exploitation agricole de M. [S], dont la surface avait été étendue et dépassait le seuil fixé pour le département, était susceptible de relever de la procédure d'autorisation prévue par les articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une action en nullité du bail mais de l'examen des conditions de son renouvellement, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [S] est fondé à prétendre au renouvellement du bail, en ce qu'il déclare le congé du 13 juin 2016 nul et de nul effet et en ce qu'il rejette les demandes de M. [Z], l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [Z]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que seul l'acte délivré à M. [K] [S] le 13 juin 2016 à la requête de M. [N] [Z] a valeur de congé et que l'acte signifié le 29 juin 2016 n'a pas valeur de congé, d'avoir déclaré en conséquence M. [K] [S] recevable en sa contestation formée à l'encontre du congé délivré le 13 juin 2016 et rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [N] [Z] au titre de la forclusion de l'action en contestation dudit congé,
AUX MOTIFS QUE
« aux termes des articles L 411-54 et R 411-11 du code rural et de la pêche maritime, le congé peut être déféré par le preneur au tribunal paritaire dans un délai de quatre mois à compter de sa réception, sous peine de forclusion.
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [S] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux dans le délai de quatre mois précité pour contester le congé de non-renouvellement du bail qui lui a été signifié à la requête de M. [Z] le 13 juin 2016 et qui n'a saisi ce même tribunal d'aucune contestation relative à l'acte qui lui a été signifié le 29 juin 2016 et contenant également congé.
M. [Z] soulève la forclusion de la contestation formée par M [S] à l'encontre du congé de non-renouvellement signifié aux termes de deux actes distincts, aux motifs que le second congé est parfaitement valable comme mentionnant les dispositions des articles L 411-47 et L 411-54 du code rural alors qu'il n'appartenait pas au preneur de préjuger de la validité ou de la portée du congé du 29 juin 2016 en omettant de le contester.
Cependant, il convient de relever que les congés délivrés les 13 et 29 juin 2016 portent sur la même parcelle donnée à bail, concernent le même bailleur et le même preneur, comportent les mêmes motifs de congé et la même date d'effet du congé au 31 décembre 2017 et sont rédigés de manière parfaitement identique, la seule différence portant sur l'année de naissance de Monsieur [S]. En conséquence, alors que le second acte délivré le 29 juin 2016 ne stipule pas qu'il annule et remplace le premier délivré le 13 juin 2016, il convient de considérer que Monsieur [Z] a manifesté sa volonté non équivoque de donner congé à Monsieur [S] aux termes du premier exploit d'huissier signifié le 13 juin 2016, congé auquel il n'a pas renoncé par la délivrance du second exploit d'huissier le 29 juin 2016, lequel ne fait que rectifier une simple erreur matérielle sur l'année de naissance de Monsieur [S] et ne saurait avoir la valeur d'un nouveau congé susceptible de faire courir un délai de forclusion.
Dès lors, seul l'acte délivré le 13 juin 2016 ayant valeur de congé a pour effet de faire courir le délai de forclusion visé aux articles précités, le second acte signifié le 29 juin 2016 qui ne remet pas en cause ce congé n'ayant aucun effet sur le point de départ de ce délai.
Monsieur [S] ayant saisi valablement le tribunal paritaire des baux ruraux dans le délai de quatre mois prévu aux articles L 411-54 et R 411-11 du code rural et de la pêche maritime à compter de la date de signification du congé du 13 juin 2016, il n'est donc pas forclos pour contester ce congé. C'est donc à tort que le premier juge a déclaré Monsieur [S] forclos en sa contestation formée à l'encontre de ce congé en considérant que s'il avait contesté dans le délai de quatre mois le congé du 13 juin 2016, il n'avait pas contesté celui délivré le 29 juin 2016 de sorte que ce dernier congé devait être validé.
Il convient donc d'infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau de dire que seul l'acte délivré le 13 juin 2016 a valeur de congé, l'acte signifié le 29 juin 2016 ne pouvant être considéré comme valant congé, de déclarer Monsieur [S] recevable en sa contestation relative au congé délivré le 13 juin 2016 et de rejeter, en conséquence, la fin-de non recevoir soulevée par Monsieur [Z] au titre de la forclusion de l'action en contestation de ce congé ; » (arrêt, p. 4 et 5).
ALORS QUE la délivrance d'un congé régulier en la forme fait courir le délai de quatre mois imparti au preneur, à peine de forclusion, pour saisir le tribunal paritaire des baux ruraux afin de le contester ; qu'ayant constaté que deux congés portant sur la parcelle louée avaient été délivrés à M. [S] par actes des 13 et 29 juin 2016 et que ce dernier n'avait contesté que le congé du 13 juin 2016 par requête du 7 octobre 2016 (arrêt p.2), la cour d'appel, qui a néanmoins considéré que le congé signifié le 29 juin 2016 n'avait pu faire courir le délai de forclusion dès lors qu'il faisait suite à un précédent congé délivré par acte du 13 juin 2016 portant sur la même parcelle à la suite duquel M. [S] avait valablement saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, quand elle n'a pas relevé que le second congé aurait été affecté d'une irrégularité de forme ayant empêché le délai de saisine du tribunal paritaire de courir, a violé le articles L 411-47 et R 411-11 du code rural et de la pêche maritime. SECOND MOYEN DE CASSATION
- Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. [K] [S] est fondé à prétendre au renouvellement du bail portant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 1] ZB n°[Cadastre 2] lieudit "[Localité 2]" sur la commune de Causse et Diège louée par M. [Z], d'avoir en conséquence déclaré nul et de nul effet le congé délivré à M. [K] [S] le 13 juin 2016 et d'avoir débouté M. [N] [Z] de l'ensemble de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE
«Aux termes de l'article L 411-46 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime, "le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L 411-31 ou n'impose le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L 411-57 à L 411-63, L 411-66 et L 411-67."
Il résulte de ces dispositions que le preneur doit justifier lors du renouvellement du bail, au même titre que le bénéficiaire d'un droit de reprise :
- que sa situation est conforme à la réglementation relative au contrôle des structures
- qu'il participe de manière effective et permanente aux travaux de l'exploitation et notamment occuper lui-même les biens d'habitation du bien loué ou une habitation située à proximité
- qu'il ne compromette pas par ses agissements la bonne exploitation du fonds pour les motifs prévus à l'article L 411-31.
Sur le motif tenant au défaut d'autorisation d'exploiter
Aux termes de l'article L 331-2-1-1° du code rural et de la pêche maritime, sont soumises à autorisation préalable les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Par ailleurs, selon l'article L 331-6 du même code, "Tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d'effet de la cession de bail selon les cas, les superficies et la nature des biens qu'il exploite ; ?.Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du litige, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux."
En l'espèce, Monsieur [Z] reproche à Monsieur [S], aux termes du congé du 13 février 2016, non de ne pas avoir sollicité et obtenu une autorisation d'exploiter concernant la parcelle faisant l'objet du bail en cause mais d'avoir augmenté, depuis la conclusion du bail, la surface de l'ensemble des terres qu'il exploite sans avoir sollicité et obtenu une autorisation d'exploiter relative à cet accroissement de surface. Ainsi ce qui importe n'est pas de savoir si Monsieur [S] a sollicité une autorisation d'exploiter pour la seule parcelle en cause mais de déterminer s'il est tenu à une autorisation d'exploiter pour chaque extension de la superficie de l'ensemble de son exploitation, puisque le contrôle des structures s'appliquant à l'exploitation agricole prise en son ensemble, c'est la totalité de la superficie de cette exploitation modifiée qui est prise en compte pour apprécier de la nécessité d'obtenir une autorisation administrative. Il convient donc d'envisager la situation de Monsieur [S] au regard de la législation sur les structures lors de chacune des modifications de son exploitation et non à l'égard de la seule parcelle en cause. »
Les pièces produites aux débats ne permettent pas de déterminer quelle était la surface totale des parcelles exploitées par Monsieur [S] à la date du bail en cause. Néanmoins il ressort des pièces relatives à un précédent litige ayant opposé les parties que l'exploitation agricole de Monsieur [S], toutes terres confondues, représentaient 100 hectares 33 ares et 4 ca selon un rapport d'expertise du 20 février 2012 établi à la suite de la consultation ordonnée par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez du 2 septembre 2010. Il résulte du relevé d'exploitation établi par la MSA le 14 août 2017 que la surface totale exploitée par Monsieur [S] s'élevait à 134 hectares 50 ares et 57 ca, cette surface étant identique au jour de la délivrance du congé comme le confirme une demande d'autorisation d'exploitation adressée par Monsieur [S] à la DDT de l'Aveyron en août 2015 à l'occasion de l'accroissement de sa surface d'exploitation par une parcelle de 2 ha 94 a et 20 ca, laquelle se rajoutait à une surface d'exploitation déclarée à hauteur de 131 ha 55 a et 77 ca. Il n'est donc pas contestable que Monsieur [S] a agrandi sa surface d'exploitation depuis la conclusion du bail.
Le schéma directeur des structures agricoles du département de l'Aveyron où se situe l'exploitation agricole de Monsieur [S] et publié le 31 mars 2016 a fixé à 68 hectares le seuil minimum de surface visé à l'article L 331-2- 1-1° précité.
Il est ainsi établi par l'ensemble de ces éléments que l'exploitation agricole de Monsieur [S] dépassant ce seuil ainsi fixé par le département de l'Aveyron, il est susceptible d'être soumis à la procédure d'autorisation prévue par les articles L 331-1 et suivants du code rural.
Monsieur [S] prétend qu'il a sollicité et obtenu l'autorisation d'exploiter nécessaire et produit à cet égard la demande qu'il a déposée à la DDT de l'Aveyron le 14 août 2015 et l'autorisation qu'il a obtenue le 26 janvier 2016. Cependant et comme le relève l'intimé, cette demande et cette autorisation ne portent que sur une parcelle de 2 ha 96 ares 80 et ne justifient pas à elles seules que Monsieur [S] serait en règle avec le contrôle des structures pour les autres surfaces exploitées excédant le seuil de 68 ha.
Néanmoins, en application de l'article L 331-6, seul le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée par l'article L 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L 331-7 emporte la nullité du bail. L'article L 331-7 alinéa 1 prévoit que lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions relatives au contrôle des structures, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. Dès lors, le bailleur qui entend s'opposer au renouvellement du bail en invoquant le défaut d'autorisation administrative d'exploiter, n'est fondé à le faire que si Monsieur [S] a reçu mise en demeure préalable de régulariser sa situation au regard de la règlementation du contrôle des structures. Or, il n'est pas prouvé, ni même allégué que Monsieur [S] se soit jamais vu mettre en demeure de présenter une telle demande d'autorisation. Par conséquent Monsieur [Z] ne peut arguer de la nullité du bail pour s'opposer à son renouvellement, en l'absence de ce préalable obligatoire et le congé délivré pour ce motif n'est donc pas valable.
Sur la participation effective et permanente à l'exploitation et la condition d'habitation
Conformément aux termes de l'article L 411-59 du code rural applicable au bénéficiaire de la reprise, tout preneur doit justifier à la date de renouvellement du bail :
- qu'il participe sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation
- qu'il occupe lui-même les bâtiments du bien loué ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.
Ces conditions doivent être appréciées indépendamment du comportement du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Il convient donc de relever que Monsieur [Z] n'ayant pas fondé son congé sur des agissements de Monsieur [S] de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds mais exclusivement sur le défaut d'habitation et de participation à l'exploitation, le juge n'a pas à vérifier si les défauts d'habitation et d'exploitation invoqués par le bailleur compromettent ou non la bonne exploitation du fonds faisant l'objet du bail. C'est donc à tort que Monsieur [S] soutient qu'il y a lieu d'apprécier si son éloignement géographique et l'exercice d'un autre emploi sont de nature ou non à compromettre la bonne exploitation du fonds. C'est également à tort que Monsieur [Z] invoquent le défaut d'habitation et d'exploitation comme étant des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation alors qu'il n'a pas motivé son congé en ce sens.
Par ailleurs, ces conditions s'apprécient à la date pour laquelle le congé a été délivré, en l'occurrence à la date du 31 décembre 2017 et non à la date de délivrance dudit congé.
En l'espèce, il ressort des pièces produites qu'à la date d'effet du congé du congé, Monsieur [S] avait toujours sa résidence principale à [Localité 1], soit à une distance d'environ 90 km des lieux loués. Monsieur [S] ne saurait dénier l'existence de cette résidence à titre principal alors qu'il admet se rendre sur les lieux de l'exploitation uniquement les fins de semaine et pendant ses congés et que tant son épouse que lui-même exerçaient leur emploi à cette date dans le [Localité 3], la domiciliation fiscale dont il justifie à Causse sur Diège n'étant pas de nature à contredire la fixation d'un domicile effectif à titre principal en un autre lieu.
Il n'est pas contesté, en outre, qu'il exerçait une autre activité professionnelle de conseiller foncier au sein de la SAFER du Tarn depuis 2010. S'il justifie avoir depuis le mois de février 2019 modifié sa résidence et fait l'objet d'une mutation professionnelle pour se rapprocher de son lieu d'exploitation, ces circonstances postérieures à la date d'effet du congé sont indifférentes et ne sont pas, au surplus, de nature à influer de manière significative sur le litige, dès lors que tant le lieu d'habitation de Monsieur [S] que le lieu de son emploi sont encore distants de 70 km du lieu d'exploitation et qu'il exerce toujours la même activité professionnelle.
S'agissant de la condition d'habitation, qui ne saurait se confondre avec la notion de domicile, il y a lieu de faire observer que l'article L 411-59 exige seulement que le preneur occupe lui-même les bâtiments d'habitation du bien loué ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe et n'exclut pas, sous réserve de ces conditions, que le preneur puisse disposer et occuper une autre résidence.
Or, en l'espèce, Monsieur [S] justifie, tant par les attestations versées aux débats que par les factures d'EDF produites, ce qui n'est pas contesté, que les fonds loués disposent sur place de bâtiments d'habitation. Ils démontrent également qu'il occupe ces bâtiments lors de ses temps de présence sur l'exploitation pour l'accomplissement des travaux nécessaires à celle-ci, la parcelle louée faisant l'objet d'une culture de maïs. Il ressort ainsi des attestations établies par Monsieur [I], Monsieur [D], Madame [S], sa mère, Monsieur [X] que Monsieur [S] est présent régulièrement sur le lieu d'exploitation (trois à quatre jours chaque semaine selon Monsieur [I] et Madame [S], et en tous les cas toutes les fins de semaine et pendant ses congés selon les autres témoins) et occupe de manière effective les bâtiments d'exploitation, comme en atteste Monsieur [I], ces dires étant confirmés par les factures et/ou les relevés d'électricité produits depuis 2013 jusqu'à janvier 2018.
Il en est de même de sa participation effective et permanente aux travaux d'exploitation alors qu'il ressort des attestations précitées que :
- Monsieur [S] est présent plusieurs jours par semaine sur l'exploitation et à minima chaque week-end, ainsi que pendant l'ensemble de ses périodes de congés ou RTT
- ce temps de présence est suffisant pour lui permettre de réaliser l'ensemble des travaux de sols, récoltes, fourrages, alimentation et surveillance de ses troupeaux constitués d'un cheptel d'ovins et de bovins, un contrat d'entraide réciproque existant, par ailleurs, avec Monsieur [I], dans le cadre de la surveillance de ce cheptel
- il réalise lui-même l'ensemble des travaux de culture et d'entretien de l'exploitation sans faire appel à des tiers
- il dispose de l'ensemble du matériel agricole nécessaire pour la mise en culture et les récoltes ou recourt à celui de la coopérative locale.
Il convient de relever que même si Monsieur [S] a recours à un contrat d'entraide réciproque pour la surveillance et l'alimentation de ses troupeaux, ce recours à charge de réciprocité, qui est un mode d'aide habituelle dans l'agriculture, ne saurait constituer en soi la preuve d'un défaut d'exploitation personnelle. De même, si Monsieur [Z] justifie qu'en juin 2016, des animaux du cheptel de Monsieur [S] se sont échappés de leur enclos et ont commis des dégradations dans le jardin de son voisin, ce seul fait isolé ne saurait davantage être considéré comme un défaut d'exploitation personnelle alors que Monsieur [I] atteste d'une part qu'il s'agissait d'un évènement exceptionnel et d'autre part que Monsieur [S] a lui-même récupéré le troupeau concerné le jour même de sa fugue, Monsieur [I] n'étant venu lui prêter main-forte que par la suite pour le déplacement du troupeau. A titre surabondant, il convient de faire observer qu'il n'est pas établi que l'activité d'élevage de Monsieur [S] concerne la parcelle louée par Monsieur [Z], parcelle dédiée à la culture du maïs, de sorte que ce dernier, pour s'opposer au renouvellement du bail en cause, ne saurait lui faire grief d'un temps de présence insuffisant pour la surveillance de ses troupeaux.
Le fait que le temps de présence de Monsieur [S] soit suffisant à permettre l'exploitation du fonds est, en outre, confirmé par le rapport d'expertise du 1er août 2017 établi à la requête du preneur et qui constate que depuis 2012, les rendements moyens réalisés sur la parcelle en cause sont de 12 % supérieurs à la moyenne du département.
En conséquence, Monsieur [S] démontre au vu de l'ensemble de ces éléments que ni son éloignement géographique au regard de sa résidence principale, ni l'exercice de son activité professionnelle ne sont incompatibles avec l'exploitation de la parcelle louée par Monsieur [Z] d'une superficie de seulement 97 ares 52 ca et qu'il remplit les conditions d'une participation effective et permanente, ainsi que d'une occupation des bâtiments d'habitation du bien loué ou d'une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.
Les motifs du congé du 13 juin 2016 n'étant pas fondés, Monsieur [S] est ainsi en droit de prétendre au renouvellement du bail portant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 1] ZB n° [Cadastre 2] lieudit "[Adresse 2]" sur la commune de Causse et Diège louée par Monsieur [Z]. Il convient donc de déclarer nul et de nul effet le congé du 13 juin 2016 et de débouter Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes. »
1) ALORS QUE pour prétendre au renouvellement de son bail, le preneur doit être en règle avec le contrôle des structures ; que le bailleur est fondé à s'opposer au renouvellement dès lors que le preneur ne justifie pas détenir une autorisation administrative d'exploiter, si elle est nécessaire, sans que le bailleur soit tenu de prouver avoir vainement, préalablement à la délivrance du congé, mis le preneur en demeure de régulariser sa situation ; qu'ayant constaté que, depuis la conclusion du bail initial, M. [S] avait accru la surface exploitée au-delà du seuil minimum de surface rendant obligatoire la détention d'une autorisation administrative d'exploiter et que ce dernier ne justifiait pas être titulaire d'une telle autorisation, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré que M. [Z] ne pouvait arguer de la « nullité du bail » pour s'opposer à son renouvellement faute d'avoir préalablement mis M. [S] en demeure de présenter une telle demande d'autorisation, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles L 411-46 et L 331-2 du code rural et de la pêche maritime et, par fausse application, les article L 331-6 et L 331-7 du même code ;
2) ALORS QUE le preneur doit, pour bénéficier du renouvellement, réunir la même condition d'habitation que celle exigée du bénéficiaire du droit de reprise par l'article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime ; qu'ayant constaté qu'à la date d'effet du congé, M. [S] résidait à titre principal à [Localité 1], c'est-à-dire à 90 kilomètres des biens loués, que tant son épouse que lui-même exerçaient leur emploi dans le Tarn, M. [S] occupant un emploi de conseiller foncier au sein de la Safer du Tarn depuis 2010, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré qu'il satisfaisait à la condition d'habitation dès lors qu'il occupait les bâtiments d'habitation des biens loués lorsqu'il se rendait sur les lieux de l'exploitation les fins de semaine et pendant ses congés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a statué par des motifs inopérants, a violé les articles L 411-46 et L 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS QUE le preneur doit, pour bénéficier du renouvellement, réunir la même condition d'exploitation que celle exigée du bénéficiaire du droit de reprise par l'article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime et ainsi justifier se consacrer aux travaux d'exploitation de manière effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation ; qu'ayant constaté que M. [S] occupait un emploi de conseiller foncier à la Safer du Tarn depuis 2010 et ne se consacrait aux travaux d'une exploitation de près de 135 ha comportant une activité d'élevage d'un cheptel d'ovins et de bovins que lors des fins de semaine et durant ses congés, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré qu'il satisfaisait à la condition de participation effective et permanente aux travaux de l'exploitation, aux motifs inopérants qu'il existait un contrat d'entraide réciproque avec un autre agriculteur pour surveiller et nourrir son cheptel et que les rendements moyens réalisés sur la parcelle louée étaient supérieurs de 12% à la moyenne du département, la cour d'appel a violé les articles L 411-46 et L 411-59 du code rural et de la pêche maritime.