Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 13 octobre 2021, 20-19.278, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 698 FS-B

Pourvoi n° T 20-19.278




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

1°/ M. [Y] [H], domicilié chez Mme [J] [H] [Adresse 2],

2°/ Mme [K] [T] prise en qualité de mandataire liquidateur de M. [Y] [H], domiciliée [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° T 20-19.278 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [D] [N],

2°/ à Mme [E] [L], épouse [N],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

3°/ à la société SMABTP, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à M. [S] [G], domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de M. [H] et de Mme [T] ès qualités, de Me Le Prado, avocat de M. et Mme [N], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseil doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Laurent, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Brun, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 23 janvier 2020), le 18 décembre 2007, M. et Mme [N] ont donné à bail à M. [H] des locaux commerciaux à usage de débit de boissons, restaurant et dancing.

2. En décembre 2014, après avis de la commission de sécurité communale, le maire a ordonné la fermeture au public de l'établissement.

3. Invoquant un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance, Mme [T], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [H], a assigné M. et Mme [N] en résolution judiciaire du bail commercial, en restitution des loyers perçus et en indemnisation de divers préjudices.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [H] et Mme [T], ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter la demande de résolution judiciaire du bail commercial, alors :

« 1°/ qu'en affirmant, pour exonérer M. et Mme [N] de tout manquement à leur obligation de délivrance, que Me [T] ès qualités ne démontrait pas que le désordre affectant la charpente de l'immeuble donné à bail existait antérieurement à la conclusion du bail, tout en constatant que, dans son rapport, l'expert judiciaire avait conclu que « l'origine du désordre provient d'un sous-dimensionnement de la charpente qui a fléchi jusqu'à occasionner la rupture des entraits, le temps ayant fait son oeuvre », ce dont il résultait que l'immeuble donné à bail était d'emblée affecté d'un défaut structurel majeur, en l'occurrence un sous-dimensionnement de la charpente, caractérisant l'existence d'un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et à violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en l'espèce et les articles 1719 et 1720 du même code ;

2°/ qu'il appartient au bailleur, en exécution de son obligation de délivrance, de veiller de façon constante, et sans avoir même à être informé par son locataire de la nécessité de travaux à effectuer, à l'entretien de son immeuble ; qu'en énonçant, pour exonérer M. et Mme [N] de tout manquement à leur obligation de délivrance, que Me [T] ès qualités ne démontrait, ni que le désordre affectant la charpente « était visible des bailleurs », ni que « M. et Mme [N] aient été mis en demeure, antérieurement au 14 janvier 2015, d'avoir à effectuer des travaux en lien avec l'affaissement de la charpente », cependant qu'il appartenait à M. et Mme [N], en exécution de leur obligation de délivrance, de veiller d'emblée et de façon constante à l'état de l'immeuble donné à bail, sans avoir à être informé sur ce point par M. [H], la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'espèce et des articles 1719 et 1720 du même code. »

Réponse de la Cour

6. Sans préjudice de l'obligation continue d'entretien de la chose louée, les vices apparus en cours de bail et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n'a pris aucune disposition pour y remédier.

7. D'une part, la cour d'appel a souverainement retenu qu'il n'était pas établi que le désordre affectant la charpente existait antérieurement à la conclusion du bail.

8. D'autre part, elle a constaté que le locataire, averti dès le mois de janvier 2013 d'une difficulté liée à l'état de la charpente, n'en avait informé les bailleurs que le 14 janvier 2015 et que ceux-ci avaient pris alors les dispositions nécessaires pour y remédier mais que le locataire n'avait tenu aucun compte de leur offre de travaux qui auraient été de nature à mettre un terme aux désordres allégués.

9. Elle a pu en déduire que les bailleurs n'avaient pas manqué à leur obligation de délivrance pendant l'exécution du bail.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [H] et Mme [T], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [H], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. [H] et Mme [T] ès qualités

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [H] et Maître [T] ès qualités reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leurs demandes portant sur la résolution du bail commercial liant M. [H] à M. et Mme [N],

ALORS, D'UNE PART, QU' en affirmant, pour exonérer M. et Mme [N] de tout manquement à leur obligation de délivrance, que Maître [T] ès qualités ne démontrait pas que le désordre affectant la charpente de l'immeuble donné à bail existait antérieurement à la conclusion du bail (arrêt attaqué, p. 10, alinéa 5), tout en constatant que, dans son rapport, l'expert judiciaire avait conclu que « l'origine du désordre provient d'un sous-dimensionnement de la charpente qui a fléchi jusqu'à occasionner la rupture des entraints, le temps ayant fait son oeuvre » (arrêt attaqué, p. 10, alinéa 3), ce dont il résultait que l'immeuble donné à bail était d'emblée affecté d'un défaut structurel majeur, en l'occurrence un sous-dimensionnement de la charpente, caractérisant l'existence d'un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et à violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en l'espèce et les articles 1719 et 1720 du même code ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU' il appartient au bailleur, en exécution de son obligation de délivrance, de veiller de façon constante, et sans avoir même à être informé par son locataire de la nécessité de travaux à effectuer, à l'entretien de son immeuble ; qu'en énonçant, pour exonérer M. et Mme [N] de tout manquement à leur obligation de délivrance, que Maître [T] ès qualités ne démontrait, ni que le désordre affectant la charpente « était visible des bailleurs », ni que « M. et Mme [N] aient été mis en demeure, antérieurement au 14 janvier 2015, d'avoir à effectuer des travaux en lien avec l'affaissement de la charpente » (arrêt attaqué, p. 10, alinéas 5 et 6), cependant qu'il appartenait à M. et Mme [N], en exécution de leur obligation de délivrance, de veiller d'emblée et de façon constante à l'état de l'immeuble donné à bail, sans avoir à être informé sur ce point par M. [H], la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'espèce et des articles 1719 et 1720 du même code.




SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [H] et Maître [T] ès qualités reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevable comme prescrite la demande de résolution judiciaire de la cession du fonds de commerce du 3 janvier 2018,

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré du fait que M. [H] avait été informé « dès le 31 janvier 2013 des déformations constatées au niveau de la charpente et du faux plafond par le contrôleur technique de SOCOTEC après que celui-ci avait eu accès à la charpente pour vérifier sa stabilité au feu » et que « dès lors le délai de deux ans ayant couru à compter de cette date, a expiré le 31 janvier 2015 » (arrêt attaqué, p. 11, alinéas 8 et 9), sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ; qu'en affirmant que M. [H] avait été informé « dès le 31 janvier 2013 des déformations constatées au niveau de la charpente et du faux plafond par le contrôleur technique de Socotec après que celui-ci avait eu accès à la charpente pour vérifier sa stabilité au feu » et que « dès lors le délai de deux ans ayant couru à compter de cette date, a expiré le 31 janvier 2015 » (arrêt attaqué, p. 11, alinéas 8 et 9), cependant que le rapport de la Socotec se bornait à faire état de déformations de la toiture dont elle considérait qu'il était « fort probable » qu'elles soient « dues à un manque de contreventement de la charpente dans le sens perpendiculaire aux fermes, ce qui peut entraîner un léger déversement des fermes » (rapport de la Socotec, p. 5 in fine), la cour d'appel, qui n'a pas ainsi caractérisé la connaissance qu'aurait acquise M. [H], à la lecture de ce rapport, du vice structurel affectant la toiture de l'immeuble donné à bail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1648 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2021:C300698
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