Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 13 octobre 2021, 20-12.901, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 697 FS-B

Pourvoi n° M 20-12.901




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

1°/ M. [J] [H], domicilié [Adresse 4],

2°/ M. [S] [H], domicilié [Adresse 3],

3°/ Mme [I] [H], domiciliée [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° M 20-12.901 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Lauman, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat des consorts [H], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Lauman, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Laurent, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Brun, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon,11 septembre 2019), Mme [I] [H] et MM. [J] et [S] [H] (les consorts [H]) ont accepté, à compter du 1er novembre 2011, le renouvellement du bail commercial dont la société Lauman, exploitant un commerce de restaurant-bar-brasserie, était bénéficiaire, moyennant la fixation d'un loyer déplafonné. Ils ont, ensuite, assigné la locataire en fixation, selon la valeur locative, du loyer du bail renouvelé.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la fixation d'un loyer déplafonné, alors : « que l'extension des lieux loués à usage de brasserie, par l'agrandissement d'une terrasse extérieure, exploitée sur une autorisation d'occupation du domaine public, accordée et renouvelée depuis des dizaines d'années, constitue une modification notable des conditions d'exploitation et un motif de déplafonnement du loyer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ayant constaté que la brasserie bénéficiait d'une terrasse agrandie dont l'expert judiciaire a considéré qu'elle constitue un avantage exceptionnel pour les preneurs, par sa surface, le faible montant de la redevance d'occupation du domaine public payée en comparaison avec le chiffre d'affaires élevé généré et la meilleure visibilité donnée au bar-brasserie exploité dans les lieux, avantage justifiant, selon lui, une majoration de 10 à 15 % de la valeur locative, la cour d'appel ne pouvait refuser de considérer qu'il y avait une modification notable des caractéristiques des lieux loués dans leurs conditions d'exploitation permettant aux bailleurs d'obtenir le déplafonnement du loyer, aux motifs inopérants que la terrasse ne fait pas partie des locaux loués, n'appartient pas aux preneurs et se trouve sur le domaine public dont le caractère précaire résulte de ce que l'autorisation municipale est révocable à tout moment, sans violer les articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-3 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige. »

3. La cour d'appel a exactement retenu que l'extension, au cours du bail expiré, de la terrasse de plein air devant l'établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d'une autorisation administrative, ne pouvait être retenue comme une modification des caractéristiques des locaux loués, dès lors qu'elle ne faisait pas partie de ceux-ci.

4. Le grief n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Les consorts [H] font le même grief à l'arrêt, alors « que la modification notable des facteurs locaux de commercialité qui a une incidence favorable sur le commerce exploité par le preneur constitue un motif de déplafonnement ; que les facteurs locaux de commercialité dépendent notamment de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance du lieu de son implantation, de l'attrait particulier que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter les bailleurs de leur demande en déplafonnement du loyer, que l'extension de la terrasse de plein air qui se trouve devant l'établissement ne pouvait être regardée comme une modification notable des caractéristiques des locaux loués, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, conformément aux constatations effectuées par l'expert judiciaire, elle pouvait être regardée comme une modification notable des facteurs locaux de commercialité qui avait nécessairement une incidence favorable sur le commerce de bar-brasserie exploité par la preneuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145- 6 du code de commerce :

6. Selon ces textes, la valeur locative est déterminée notamment au regard des facteurs locaux de commercialité dont l'évolution notable au cours du bail expiré permet, si elle a une incidence favorable sur l'activité exercée dans les locaux loués, d'écarter la règle du plafonnement du loyer du bail renouvelé et de le fixer selon la valeur locative.

7. Pour rejeter la demande des bailleurs, l'arrêt retient que, parmi les quatre critères d'évaluation utiles, les bailleurs invoquent seulement la modification des caractéristiques du local loué.

8. En se déterminant ainsi, alors que l'autorisation municipale accordée, en permettant d'étendre l'exploitation d'une terrasse sur le domaine public, contribue au développement de l'activité commerciale, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée, si cette situation modifiait les facteurs locaux de commercialité et constituait par là-même un motif de déplafonnement, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la société Lauman aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour les consorts [H]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme [I] [H] et MM. [J] et [S] [H] de leurs demandes en déplafonnement de l'augmentation du loyer et en fixation d'un nouveau loyer, de les AVOIR condamnés aux frais irrépétibles et aux dépens ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le déplafonnement du loyer : L'article L.145-34 du code de commerce, dans sa rédaction ancienne applicable aux contrats conclus ou renouvelés avant le 1er septembre 2014, prévoit que le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si, comme en l'espèce, sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de certains indices trimestriels publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33, qui permet alors de déplafonner le loyer en le fixant à une valeur supérieure au maximum résultant de l'indexation, ainsi que le réclament les consorts [H]. Il résulte de ce texte que le juge ne peut fixer le loyer à une valeur supérieure à celle résultant de l'indexation sans avoir préalablement vérifié que les conditions légales du déplafonnement étaient réunies, ce qu'en l'espèce le premier juge a omis de faire en s'attachant directement à évaluer la nouvelle valeur locative du bien sans avoir caractérisé de modifications notables des facteurs de commercialité. Les critères de modification visés aux 1° à 4 ° de l'article L.145-33 sont les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, et les facteurs locaux de commercialité. Le 5 °, qui vise les prix couramment pratiqués dans le voisinage, est utile à l'appréciation de la valeur locative et à la fixation du loyer, mais pas à l'examen de la possibilité de déplafonnement, qui dépend seulement des quatre premiers critères. Il en résulte en l'espèce que les comparaisons faites avec l'établissement voisin Le Madigan's sont sans emport sur la possibilité de déplafonner le loyer et n'auront d'utilité, le cas échéant, que pour fixer le nouveau loyer. Parmi les quatre critères d'évaluation utiles, les bailleurs invoquent seulement la modification des caractéristiques du local loué, intervenue selon eux sous la double forme, d'une part, d'une extension de la terrasse extérieure, et d'autre part d'une transformation des espaces intérieurs, étant précisé qu'ils admettent que l'augmentation du chiffre d'affaires n'est pas lui-même un critère de déplafonnement, mais seulement un indice susceptible de confirmer le caractère noble d'une modification des quatre critères légaux. Il résulte de l'article R.145-3 que les caractéristiques propres au local s'apprécient notamment en considération, de sa surface et de son volume, de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux, de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée. L'extension de la terrasse de plein air qui se trouve devant l'établissement ne peut être regardée comme une modification notable des caractéristiques des locaux loués, dès lors que cette terrasse n'en fait pas partie, n'appartenant pas aux preneurs, se trouvant sur le domaine public, et étant utilisée non pas en vertu du bail mais d'une autorisation municipale dont, en outre, le caractère précaire résulte de ce qu'elle est révocable à tout moment, peu important que jusqu'à maintenant elle ait été toujours renouvelée. S'agissant de la modification intérieure des locaux, les bailleurs pour établir que la valeur locative a été modifiée par le changement d'affectation de certaines pièces, produisent l'état des lieux dressé par un huissier de justice le 31 juillet 2004. Ce document montre que les locaux comprenaient alors au rez-de-chaussée, outre la salle de bar, une salle borgne en prolongement équipée de tables et de chaises, possédant un accès avec une autre salle borgne beaucoup plus petite contenant la chambre froide, et enfin, dans le prolongement de la principale salle borgne, une salle en retour avec tables, chaises et banquettes, comportant deux fenêtres donnant sur la cour. S'il est constant que le preneur a abattu les cloisons de la petite salle borgne ayant contenu la chambre froide, pour ajouter l'espace ainsi libéré à la surface de restauration, il résulte des photographies produites par les bailleurs que cette extension, loin d'accroître la surface de vente de plusieurs dizaines de mètres carrés comme le soutiennent les bailleurs, a permis d'ajouter seulement une table et quatre chaises. Une si modeste extension, au regard du nombre total de places disponibles pour la clientèle, que ne précisent ni les parties, ni l'expert, mais qui se compte par dizaines au vu des photographies versées aux débats, n'est pas assez importante pour constituer une modification notable au sens de l'article L.145-34. Cette importance ne peut se déduire de l'augmentation du chiffre d'affaires, dont les causes sont multiples et comprennent notamment l'extension de la terrasse, ce qui ne permet pas de mesurer l'éventuel effet de l'unique nouvelle table installée à la place de l'ancienne chambre froide. S'il est encore constant que la première salle a cessé d'être borgne lorsque le preneur y a rouvert une ancienne fenêtre murée donnant sur une cour intérieure, une telle modification des sources d'éclairage d'une partie des locaux ne constitue pas une modification notable au sens du texte précité. De plus, comme a pu le constater l'expert sur place, les deux modifications litigieuses laissent les lieux dans un état conforme à leur description qui en est faite dans le bail, ainsi rédigée ‘Grande salle de café – bar-grill sur rue avec installation du chauffage central. En prolongement grande salle et sanitaires'. Enfin, l'absence d'autorisation des bailleurs aux précédentes modifications, indifférente à l'effet des modifications apportées sur la commercialité, ne caractérise pas leur caractère notable. En conséquence, faute pour les bailleurs d'établir les modifications notables des locaux qui conditionnaient le déplafonnement, la cour infirmera le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande d'augmentation du loyer et déboutera les consorts [H] de leurs demandes en déplafonnement de l'augmentation du loyer et en fixation d'un nouveau loyer, étant rappelé que les parties ont contractuellement appliqué la revalorisation indiciaire au loyer du bail renouvelé » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la terrasse : pour permettre le déplafonnement, il faut tout à la fois que : - la modification soit notable, - la modification affecte l'un des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 et R. 145-6 du Code de commerce, - la modification soit intervenue au cours du bail expiré, et, au plus tard, à la date de prise d'effet du nouveau bail. Les modifications intervenues au cours du bail précédant celui qui doit être renouvelé ne peuvent être prises en compte pour apprécier les conditions d'un éventuel déplafonnement de loyer. Il n'y a pas modification de l'assiette du bail lorsque le locataire ajoute aux locaux loués des locaux qui appartiennent à un tiers. Un bailleur ne peut se prévaloir d'une telle modification pour invoquer le déplafonnement bail. En l'espèce, les consorts [H] invoquent la modification notable des facteurs locaux de commercialité du fait de l'utilisation par la SARL LAUMAN d'une terrasse sur le domaine public. Les consorts [H] prétendent que la SARL LAUMAN utiliserait sa terrasse « depuis 2005 ». La SARL LAUMAN invoque l'absence de modification notable des facteurs de commercialité telle que prévue par le Code de commerce et impactant le bail renouvelé en cause, et soutient que Monsieur [C] a relevé que l'exploitation de cette terrasse était préexistante à l'exécution du bail renouvelé ; qu'il s'agit par définition d'une autorisation "nominative, précaire et révocable". L'expert [C] reconnaît, à la page 54 de son rapport que la terrasse génère une commercialité importante. L'expert relève que la redevance d'occupation du domaine public de 2.259 € pour 2011 n'est pas très importante "eu égard à la commercialité générée". L'expert conclut que "la nature de cette occupation du domaine public, semble pouvoir, sous réserve de l'appréciation du magistrat départiteur, être considérée de nature exceptionnelle tant par la surface que par le prix réglé. La majoration peut être fixée à 15% ». Il retient toutefois dans son calcul final une majoration de 10%. Il est constant que la terrasse située devant l'établissement, et d'une surface de 94 m², est exploitée sur le domaine public avec l'autorisation de la ville de [Localité 1]. Par attestation établie le 24 octobre 2013, Monsieur [Q], adjoint au Maire de [Localité 1] délégué au commerce, indique que "L'IGUANE CAFE" bénéficie d'une terrasse au droit de son établissement, 14, place du huit septembre, et ce depuis le 15 juin 1999. Pour information, une autorisation de terrasse avait été délivrée le 1er janvier 1989 à la même adresse à l'enseigne "LE GRAND VATEL". Il ressort de cette attestation que cette terrasse était déjà exploitée par les prédécesseurs de la SARL LAUMAN depuis 1989. D'autres attestations confirment la préexistence de la terrasse au bail renouvelé. Monsieur [R] se rappelle que cette terrasse était déjà exploitée lorsqu'il était serveur à la Brasserie de l'hôtel de ville, c'est à dire depuis au moins août 1985. Monsieur [V], voisin direct de cette terrasse en sa qualité d'exploitant du manège de chevaux de bois installé place du 8 septembre, confirme que cette terrasse existait antérieurement à l'installation de son manège, c'est-à-dire avant 2002. Les consorts [H] soutiennent que cette terrasse n'aurait été constituée de 1989 à 2005 que de cinq tables et de quelques chaises, prétendument installées sur une surface d'environ 10 m² sous le store de l'établissement, sans verser aux débats d'élément susceptible de corroborer leurs dires. Il est versé aux débats une facture de la société FEUVRIER à la BRASSERIE DU PALAIS, dénomination commerciale de l'entreprise qui exploitait l'établissement après LE GRAND VATEL et avant L'IGUANE CAFE. Cette facture, datée du 22 avril 1999, démontre que la BRASSERIE DU PALAIS a acquis à cette époque 19 tables "DANUBE" et 60 fauteuils « ELEGANCE » pour équiper cette terrasse couvrant, sur la base non contestée d'une surface de confort de 1,5 m² par personne, une surface supérieure aux 10 m² allégués par les consorts [H], ces tables et fauteuils ont été cédés par la BRASSERIE DU PALAIS à la SARL LAUMAN. Les consorts [H] soutiennent, sans en rapporter la preuve, que la surface aurait été augmentée en 2005 suite à une "pétition par les usagers [du] commerce [de la SARL LAUMAN] ". Les consorts [H] font valoir que la SARL LAUMAN aurait mis en oeuvre des aménagements pour cette terrasse, "entraînant de fait une augmentation de la valeur locative des lieux". Les consorts [H] indiquent en page 4 de leur mémoire que la SARL LAUMAN aurait « fixé au sol des panneaux inamovibles ». Toutefois, les éléments constituant la terrasse sont par définition mobiles puisqu'ils occupent, de manière autorisée, le domaine public. Il est constant que tous ces équipements sont rentrés chaque soir pour éviter les risques de vol ou de vandalisme. En définitive, il convient de relever que la modification relative à la terrasse ne porte pas sur les lieux loués eux-mêmes; que les terrasses sur le domaine public sont juridiquement précaires, même si en l'espèce l'autorisation d'occupation du domaine public n'a pas été, de fait, remise en cause depuis plus de 25 ans ; que la surface de la terrasse exploitée est supérieure à celle autorisée par la ville de [Localité 1] ; et que la terrasse est exploitée antérieurement à la date du bail renouvelé. Il convient donc d'exclure ce motif de déplafonnement » ;

1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE l'extension des lieux loués à usage de brasserie, par l'agrandissement d'une terrasse extérieure, exploitée sur une autorisation d'occupation du domaine public, accordée et renouvelée depuis des dizaines d'années, constitue une modification notable des conditions d'exploitation et un motif de déplafonnement du loyer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ayant constaté que la brasserie bénéficiait d'une terrasse agrandie dont l'expert judiciaire a considéré qu'elle constitue un avantage exceptionnel pour les preneurs, par sa surface, le faible montant de la redevance d'occupation du domaine public payée en comparaison avec le chiffre d'affaires élevé généré et la meilleure visibilité donnée au bar-brasserie exploité dans les lieux, avantage justifiant, selon lui, une majoration de 10 à 15 % de la valeur locative, la cour d'appel ne pouvait refuser de considérer qu'il y avait une modification notable des caractéristiques des lieux loués dans leurs conditions d'exploitation permettant aux bailleurs d'obtenir le déplafonnement du loyer, aux motifs inopérants que la terrasse ne fait pas partie des locaux loués, n'appartient pas aux preneurs et se trouve sur le domaine public dont le caractère précaire résulte de ce que l'autorisation municipale est révocable à tout moment, sans violer les articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-3 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la modification notable des facteurs locaux de commercialité qui a une incidence favorable sur le commerce exploité par le preneur constitue un motif de déplafonnement ; que les facteurs locaux de commercialité dépendent notamment de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance du lieu de son implantation, de l'attrait particulier que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter les bailleurs de leur demande en déplafonnement du loyer, que l'extension de la terrasse de plein air qui se trouve devant l'établissement ne pouvait être regardée comme une modification notable des caractéristiques des locaux loués (arrêt p. 7 § 5), sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 9-10), si, conformément aux constatations effectuées par l'expert judiciaire, elle pouvait être regardée comme une modification notable des facteurs locaux de commercialité qui avait nécessairement une incidence favorable sur le commerce de bar-brasserie exploité par la preneuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige ;

3°/ ALORS, AUSSI, QU' il est interdit au juge de dénaturer les conclusions des parties ; que, pour obtenir le déplafonnement du loyer, les bailleurs ont fait valoir dans leurs conclusions (p. 7-10) que l'extension de la terrasse de plein air qui se trouve devant l'établissement constituait une modification notable des caractéristiques des locaux loués ou des facteurs locaux de commercialité ; qu'en énonçant que parmi les quatre critères d'évaluation utiles visés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du code de commerce, les bailleurs invoquaient seulement la modification des caractéristiques du local loué (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a dénaturé leurs conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS, EGALEMENT, QUE tout jugement doit être motivé ; que, dans leurs conclusions (p. 7 et 9), les bailleurs faisaient valoir que l'exploitation de la terrasse par les preneurs, bien qu'ayant commencé en 1989, avait subi une modification notable au cours du bail renouvelé en 2002 justifiant le déplafonnement du loyer dès lors qu'à compter de 2005, la superficie de la terrasse exploitée, de quelques mètres carrés seulement à l'origine, était passée à 94 m² ; que pour en justifier, ils produisaient trois attestations, pour la première fois devant la cour d'appel, en plus des annexes au rapport d'expertise judiciaire déjà produites devant le premier juge ; qu'à supposer adoptés les motifs du premier juge ayant exclu cette cause de déplafonnement en énonçant que « les consorts [H] soutiennent que cette terrasse n'aurait été constituée de 1989 à 2005 que de cinq tables et de quelques chaises, prétendument installées sur une surface d'environ 10 m² sous le store de l'établissement, sans verser aux débats d'élément susceptible de corroborer leurs dires » (jugement p. 4 § 4), la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur le moyen, étayé par les attestations nouvellement produites devant elle par les bailleurs, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; que, dans leurs conclusions (p. 7 et 9), les bailleurs faisaient valoir que l'exploitation de la terrasse par les preneurs, bien qu'ayant commencé en 1989, avait subi une modification notable au cours du bail renouvelé en 2002 justifiant le déplafonnement du loyer dès lors qu'à compter de 2005, la superficie de la terrasse exploitée était passée de quelques mètres carrés à 94 m² suite à une pétition par les usagers du commerce de la société Lauman ; que pour en justifier, ils versaient aux débats trois attestations, la photographie annexée à la déclaration de travaux déposée par Mme [H] en 2004 (annexe 33/5 du rapport d'expertise judiciaire), les photographies annexées au rapport d'expertise judiciaire et au procès-verbal de constat établi le 30 juillet 2004 (annexes 33/8, 33/9, 33/15 à 33/19 du rapport d'expertise), ainsi que les annexes 24-9 et 24-14 au rapport d'expertise ; qu'à supposer adoptés les motifs du premier juge ayant exclu cette cause de déplafonnement en énonçant que « les consorts [H] soutiennent que cette terrasse n'aurait été constituée de 1989 à 2005 que de cinq tables et de quelques chaises, prétendument installées sur une surface d'environ 10 m² sous le store de l'établissement, sans verser aux débats d'élément susceptible de corroborer leurs dires » et qu'ils « soutiennent, sans en rapporter la preuve, que la surface aurait été augmentée en 2005 suite à une ‘pétition par les usagers [du] commerce [de la Sarl Lauman] » (jugement p. 4 § 4-5), la cour d'appel a dénaturé le bordereau de communication de pièces et les pièces précitées qui étaient produites devant elle par les bailleurs et ainsi violé le principe susvisé et l'article 4 du code de procédure civile ;

6°/ ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque le bailleur invoque plusieurs modifications des caractéristiques des locaux loués, le juge doit rechercher si, additionnées les unes aux autres, elles revêtent un caractère notable justifiant le déplafonnement du loyer ; que la cour d'appel s'est bornée à examiner si, pris isolément, l'abattage des cloisons de la petite salle borgne ayant contenu la chambre froide pour ajouter l'espace ainsi libéré à la surface de restauration, d'une part, et la réouverture d'une ancienne fenêtre murée dans la première salle, d'autre part, revêtaient chacun un caractère notable, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 11), si ces deux modifications, additionnées l'une à l'autre, revêtaient, ensemble, un caractère notable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-3 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige ;

7°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE constitue une modification notable des caractéristiques des locaux loués justifiant le déplafonnement du loyer, le changement d'affectation d'une pièce des locaux qui entraîne une extension de la surface affectée à la réception de la clientèle ; que selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, l'abattage des cloisons de la petite salle borgne ayant contenu la chambre froide avait entraîné une extension de la surface affectée à la réception de la clientèle (arrêt p. 7 § 6), ce dont il se déduisait qu'il s'agissait d'une modification notable des caractéristiques des locaux loués justifiant le déplafonnement du loyer ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-3 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige. ECLI:FR:CCASS:2021:C300697
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