Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 septembre 2021, 20-15.354 20-16.156, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 septembre 2021




Cassation partielle


M. MAUNAND, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 676 FS-B


Pourvois n°
20-15.354
20-16.156 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2021

La société Total Mayotte, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 20-15.354 contre un arrêt rendu le 4 février 2020 par la chambre d'appel de la cour d'appel de Saint-Denis, chambre d'appel de Mamoudzou (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Station Kaweni, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à la société Sodifram, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société Nel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], devenue société Import Export, société à responsabilité limitée, dont le siège est chez [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La société Nel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° 20-16.156 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Total Mayotte, société par actions simplifiée,

2°/ à la société Sodifram, société par actions simplifiée,

3°/ à la société Station Kawéni, société civile immobilière,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° 20-15.354 invoque, à l'appui de son recours, le moyen de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° 20-16.156 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société Nel, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Total Mayotte, de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés Station Kaweni et Sodifram, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents M. Maunand, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, MM. Nivôse, Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-15.354 et 20-16.156 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, chambre d'appel de Mamoudzou, 4 février 2020), le 29 mars 2010, la société Total Mayotte a échangé avec la société Nel une parcelle de terrain sur laquelle elle avait exploité une station-service de distribution de carburants de 2004 à 2010, l'acte contenant une « clause de pollution ».

3. Le 31 mai 2010, la société Nel a revendu la parcelle à la société Station Kaweni, qui l'a donnée à bail à la société Sodifram pour y édifier des parkings, commerces et bureaux.

4. En octobre 2013, à l'occasion de travaux d'aménagement et de terrassement, une pollution aux hydrocarbures a été découverte sur ce terrain.

5. Les sociétés Station Kaweni et Sodifram ont assigné les vendeurs successifs en indemnisation de leurs préjudices pour non-respect des articles L. 512-12-1 et R. 512-66-1 du code de l'environnement, manquement à leur obligation de délivrance conforme et garantie des vices cachés.

6. La société Total Mayotte a formé un appel en garantie contre la société Nel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-16.156 de la société Nel, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le moyen du pourvoi n° 20-15.354 de la société Total Mayotte

Enoncé du moyen

8. La société Total Mayotte fait grief à l'arrêt de la condamner à indemniser les sociétés Station Kaweni et Sodifram et de rejeter son appel en garantie contre la société Nel, alors :

« 1°/ que le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme à celle prévue au contrat ; que lorsque la convention des parties porte sur un terrain comportant un risque de pollution résiduelle connu de l'acquéreur, ce dernier ne peut se prévaloir d'un manquement du vendeur à l'obligation de délivrance si le risque se réalise ; que dans le contrat d'échange du 29 mars 2010, la société Total Mayotte informait la société Nel que le terrain était anciennement affecté à l'usage de station-service et qu'il avait fait l'objet d'une campagne de dépollution ; que le contrat précisait qu'en l'état de ces informations, « la société Nel reconnaît avoir été avertie, dans les conditions prévues par la loi, de l'activité anciennement exercée sur l'Immeuble échangé et avoir pleinement connaissance de l'ensemble des informations et documents visés ci-dessus qui sont réputés avoir un caractère contradictoire et faire foi entre les parties. En conséquence, la société Nel renonce d'une manière générale, à tout recours contre la société Total Mayotte, ayant pour cause l'état du sol et du sous-sol de l'immeuble vendu, et garantit ce dernier contre les réclamations de tout tiers se rapportant à l'état du sol et du sous-sol dudit bien » ; que la convention des parties portait ainsi sur un terrain ayant servi de cadre à une activité polluante, ayant fait l'objet d'une opération de dépollution sur la consistance de laquelle la société Nel était pleinement informée et qui comportait un risque de pollution résiduelle, connu de la société Nel et accepté par elle ; qu'en retenant que la société Total Mayotte avait manqué à son obligation de délivrance du fait de l'apparition d'une pollution résiduelle sur ce terrain, la cour d'appel a violé l'article 1603 du code civil ;

2°/ que le contrat d'échange rappelait que le terrain avait accueilli une station-service et avait fait l'objet d'une dépollution ; qu'il précisait qu'en conséquence de ces informations, la société Nel renonçait à tout recours concernant une éventuelle pollution résiduelle ; qu'en retenant que le contrat, et notamment le rapport technique joint à l'acte d'échange « accréditait l'idée d'une dépollution complète du site, ce qui est loin d'être le cas », la cour d'appel a méconnu le contrat, dont il résultait expressément que l'existence d'un risque de pollution résiduelle avait été envisagé par les parties et accepté par la société Nel et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

3°/ que l'exploitation ou la constructibilité du terrain n'avaient pas été envisagées par les parties dans l'acte d'échange du 29 mars 2010 ; qu'en appréciant l'obligation de délivrance de la société Total Mayotte au regard d'une caractéristique qui n'était pas entrée dans le champ contractuel, la cour d'appel a violé l'article 1603 du code civil ;

4°/ le juge ne peut, fut-ce au titre de l'ordre public écologique, modifier l'objet du contrat ; que le contrat stipulait en l'espèce que la société Total Mayotte transférait la propriété d'un terrain ayant servi de cadre à une activité polluante et ayant avait fait l'objet d'opérations de dépollution portées à la connaissance de la société Nel, qui s'était en conséquence engagée à faire son affaire personnelle de toute opération de dépollution supplémentaire qui s'avérerait nécessaire ; qu'en condamnant la société Total Mayotte, sur le fondement de son obligation de délivrance, à prendre en charge les conséquences d'un risque de pollution qui avait été expressément exclu du champ de cette obligation, la cour d'appel a violé la convention des parties et méconnu l'article 1134 ensemble 1604 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a énoncé à bon droit que le sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose à cet effet contre le vendeur initial d'une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée.

10. Elle a relevé qu'à la « clause de pollution » de l'acte d'échange du 29 mars 2010 ayant pour but d'exonérer la société Total Mayotte de tout recours de l'acquéreur en raison de l'état du sol et du sous-sol de l'immeuble « pouvant être imputable à l'activité précédemment exercée sur ce dernier » était joint un rapport de synthèse de dépollution du 8 avril 2008.

11. Elle a constaté que la présence de reflets moirés et une forte odeur d'hydrocarbures étaient apparues « au premier coup de godet », signe d'un travail de dépollution pour le moins superficiel ayant conduit le maître d'oeuvre à suspendre immédiatement les travaux, qu'un arrêté préfectoral du 24 décembre 2013 avait intimé à la société Total Mayotte l'ordre de remettre le site de l'ancienne station-service dans l'état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement et que la société Total Mayotte avait elle-même anticipé cette décision administrative dès le 16 décembre 2013.

12. N'ayant pas constaté l'acceptation, par l'acquéreur, d'un risque connu de pollution résiduelle, mais retenu que le rapport technique joint à l'acte d'échange accréditait l'idée d'une dépollution complète du site, ce qui était loin d'être le cas, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs, dès lors que le bien n'était pas conforme à cette caractéristique, que la société Total Mayotte avait manqué à son obligation de délivrance et qu'il y avait lieu de retenir sa responsabilité contractuelle envers la société Station Kaweni, sous-acquéreur, et délictuelle envers la société Sodifram.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 20-16.156 de la société Nel

Enoncé du moyen

14. La société Nel fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Total Mayotte, à indemniser les sociétés Station Kaweni et Sodifram, alors « que le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue un vice caché et non un défaut de conformité aux caractéristiques convenues entre les parties ; que la pollution d'un terrain retardant les opérations de construction entreprises par son acquéreur sur ce terrain constitue un vice du sol qui ne peut être sanctionné que dans le cadre de la garantie des vices cachés, et non un défaut de conformité, lequel ne peut porter sur l'inconstructibilité d'un terrain ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société Nel avait manqué à son obligation de délivrance envers la SCI Station Kaweni et avait engagé sa responsabilité à l'égard de cette dernière et de sa locataire Sodifram, dès lors que le terrain vendu s'était trouvé inconstructible pendant six mois à raison de la présence d'hydrocarbures car la société Total Mayotte n'avait pas livré à la société Nel, son ayant droit au titre d'un contrat d'échange, « un terrain exploitable et donc conforme à sa destination, notamment sa constructibilité » ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que le terrain vendu, en raison de sa dépollution incomplète par la société Total Mayotte, n'était pas conforme à sa destination, et que la pollution résiduelle avait retardé les opérations de construction sur ce terrain, qui s'était révélé inconstructible pendant six mois, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que la SCI Station Kaweni et la société Sodifram invoquaient, à l'encontre de la société Nel, un vice prétendument caché et non un défaut de conformité, a violé les articles 1603, 1604 et 1641 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1603, 1604 et 1641 du code civil :

15. Il résulte des deux premiers de ces textes que le vendeur a l'obligation de délivrer une chose conforme à celle promise.

16. Selon le troisième, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en n'aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

17. Pour juger que la société Nel n'avait pas satisfait à son obligation de délivrance conforme, l'arrêt retient que la parcelle que la société Station Kaweni destinait à la construction de parkings, commerces et bureaux s'est trouvée inconstructible pendant six mois en raison de la présence d'hydrocarbures imputable au manquement de la société Total Mayotte à son obligation de délivrance, à la société Nel, d'un terrain dépollué.

18. En statuant ainsi, alors que la clause de pollution n'avait pas été reprise dans l'acte de la vente conclue entre les sociétés Nel et Station Kaweni et que l'inconstructibilité du terrain constituait non un défaut de conformité, mais un vice caché de la chose vendue, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Nel à payer à la société civile immobilière Station Kaweni les sommes de 8 570 euros et 566 114, 50 euros et à la société Sodifram la somme de 15 960 euros, l'arrêt rendu le 4 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis, chambre d'appel de Mamoudzou ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;

Condamne la société Total Mayotte aux dépens du pourvoi n° 20-15.354 et les sociétés Station Kaweni et Sodifram aux dépens du pourvoi n° 20-16.156 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Total Mayotte à payer à la société Station Kaweni et à la société Sodifram la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° 20-15.354 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Total Mayotte

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Total Mayotte au paiement des sommes de 8.570 euros, 566.114,50 euros, et 15.960 euros aux sociétés Station Kaweni et Sodifram, et de l'avoir déboutée de sa demande de garantie dirigée contre la société Nel,

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a, vis-à-vis de l'acheteur, principalement une obligation de délivrance conforme ; que l'article 1604 définit la délivrance comme étant "le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur" ; que le sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur ; qu'il dispose donc à cet effet contre le vendeur initial d'une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée ; que l'obligation de délivrance s'entend non seulement de la prise de possession du bien vendu par l'acquéreur, mais également de la délivrance d'une chose conforme aux prévisions contractuelles ; que cette chose achetée doit correspondre aux spécifications convenues entre les parties ou aux caractéristiques prévues lors de la vente, le vendeur étant en effet tenu de délivrer à l'acquéreur un bien conforme à la stipulation de l'acte de vente et le juge devant rechercher si le bien remis est conforme aux prévisions, c'est-à-dire si la chose vendue correspond aux normes définies au contrat ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'action de la S.C.I. Station Kaweni au titre de la délivrance conforme, les premiers juges ont relevé que l'acte d'échange conclu le 29 mars 2010 entre la S.A.S. Total Mayotte et la S.A.R.L. Nel comportait deux clauses relatives l'une à l'état du bien, l'autre à la pollution, dans lesquelles la S.A.R.L. Nel, aux droits de laquelle viendrait la société Station Kaweni, renonce à toute action quant aux vices pouvant affecter le sol, clauses opposables à la S.A.R.L. Nel et, partant, à la S.C.I. Station Kaweni dès lors qu'elles ne peuvent pas être considérées comme étant contraires à l'ordre public, l'obligation de dépolluer prévue au Code de l'environnement ne comprenant pas celle de supporter les conséquences dommageables d'un co-contractant autrement que dans le cadre du droit commun de la responsabilité ; que l'obligation de dépollution de l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement aux termes duquel, "lorsque l'installation soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à L. 511-1 et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation" est absolue et d'ordre public ; que cette obligation comprend d'ailleurs "l'évacuation ou l'élimination des produits dangereux la gestion» des déchets présents sur le site", aux termes de l'article R. 512-66-1 ; que tel est d'ailleurs le sens de l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2013 ayant intimé la société Total Mayotte "de remettre le site de l'ancienne station-service dans l'état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du Code de l'environnement" relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement ; que la "clause de pollution" de l'acte d'échange du 29 mars 2010 a pour but d'exonérer la S A.S. Total Mayotte de tout recours de la S.A.R.L. Nel en raison de l'état du sol et du sous-sol de l'immeuble "pouvant être imputable à l'activité précédemment exercée sur ce dernier" ; que la S.A.S. Total Mayotte y rappelait l'usage de station-service, précisant avoir informé la préfecture de la cessation d'activité, fait établir un diagnostic et des travaux de réhabilitation, un rapport de synthèse de dépollution du 8 avril 2008 étant joint à l'acte de vente, travaux déclarés conformes par la DRERE le 12 novembre 2008 ; pour pourtant, alors qu'un acte d'engagement était signé en septembre 2013 en vue de la réalisation du contrat de maîtrise d'oeuvre passé le 22 juin 2011 avec la S.A.R.L. Arom, la S.C.I. Station Kaweni a fait constater, dès le 29 octobre 2013, "la présence de reflets moirés et une forte odeur d'hydrocarbure" apparues "au premier coup de godet", signe d'un travail de dépollution pour le moins superficiel ayant conduit le maître d'oeuvre à suspendre immédiatement les travaux "à titre conservatoire" le 31 octobre 2013 ; que la situation de pollution résiduelle a été constatée le 20 novembre 2013 par Monsieur [J] [E], Inspecteur de l'environnement, qui a proposé au préfet de faire injonction à la S.A.S. Total Mayotte de dépolluer le site "compte tenu du chantier en cours et du risque de contamination des eaux et de dispersion de la pollution", ce qui a conduit à l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2013 évoqué plus haut ; que l'importance de la pollution résiduelle a encore été mise en évidence pax l'entreprise Ginger Cebtp missionnée par la S.C.I. Station Kaweni (concentration d'hydrocarbures supérieure aux normes admises y compris dans les eaux souterraines, subsistance de métaux lourds) ; que d'ailleurs, la S.A.S. Total Mayotte a anticipé l'arrêté préfectoral lui intimant de dépolluer le site en indiquant, dès le 16 décembre 2013, "s'orienter vers une excavation des terres polluées sur une profondeur et une surface à confirmer par la DEAL", avant d'établir un "plan de gestion de la pollution du site" le 7 janvier 2014 ; que la S.A.S. Total Mayotte a indiqué à la DEAL le 18 avril 2014, soit six mois après la découverte du vice, avoir "évacué hors site un volume de 170 m3 de terres" ; que dans ces conditions, le projet de construction de la S.C.I. Station Kaweni ne pouvait que subir des atermoiements, renforcés par un courrier du préfet du 26 décembre 2013 demandant à la S.C.I. Station Kaweni de maintenir les dispositions prises à titre conservatoire "tant que les opérations de dépollution n'auront pas été menées à terme, en les complétant par la réalisation d'un merlon étanche en limite de propriété afin d'empêcher l'infiltration des eaux pluviales extérieures sur le site" ; qu'il en résulte que, non seulement la S.A.S. Total Mayotte n'a pas livré à son cessionnaire un terrain exploitable et donc conforme à sa destination, notamment sa constructibilité, mais encore le rapport technique joint à l'acte accréditait l'idée d'une dépollution complète du site, ce qui était loin d'être le cas ; qu'il importe peu que la S.A.S. Sodifram, société mère de la S.C.I. Station Kaweni, ait bénéficié d'une promesse de vente le 12 juin 2006 portant sur ce terrain et dans laquelle la clause de non garantie de l'état du sol et du sous-sol évoquée plus haut était insérée ; que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a déclaré la S.C.I. Station Kaweni irrecevable en son action en manquement à l'obligation de délivrance et défaut de conformité exercée à l'encontre de la S.A.S. Total Mayotte dont la responsabilité doit donc être retenue, le jugement devant être confirmé de ce chef sauf à en substituer les motifs ; que c'est par des motifs pertinents, que la Cour adopte sans réserve, que les premiers juges ont condamné in solidum la S.A.S. Total Mayotte et la S.A.R.L. Nel à payer à la S.C.I. Station Kaweni la somme de 8.570,00 € au titre de l'indemnisation des frais de diagnostic et de forage et la somme de 566.114,50 € au titre de l'indemnité d'immobilisation, des frais d'étude de sol et des frais de remise en état, (?) ; qu'il a été vu que, compte tenu des obligations impérieuse pesant sur la société Total Mayotte au titre du code de l'environnement, la clause de pollution contenue dans l'acte d'échange du 29 mars 2010 doit être considérée comme contraire à l'ordre public, de sorte que la société Nel n'a pas pu valablement s'engager à « faire respecter cette exemption de responsabilité de la société Mayotte » quand bien même elle n'aurait pas reproduit cette clause dans l'acte de vente consenti le 31 mai 2010 à la société Station Kaweni,

1) ALORS QUE le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme à celle prévue au contrat ; que lorsque la convention des parties porte sur un terrain comportant un risque de pollution résiduelle connu de l'acquéreur, ce dernier ne peut se prévaloir d'un manquement du vendeur à l'obligation de délivrance si le risque se réalise ; que dans le contrat d'échange du 29 mars 2010, la société Total Mayotte informait la société Nel que le terrain était anciennement affecté à l'usage de station-service et qu'il avait fait l'objet d'une campagne de dépollution ; que le contrat précisait qu'en l'état de ces informations, « la société Nel reconnaît avoir été avertie, dans les conditions prévues par la loi, de l'activité anciennement exercée sur l'Immeuble échangé et avoir pleinement connaissance de l'ensemble des informations et documents visés ci-dessus qui sont réputés avoir un caractère contradictoire et faire foi entre les parties. En conséquence, la société Nel renonce d'une manière générale, à tout recours contre la société Total Mayotte, ayant pour cause l'état du sol et du sous-sol de l'immeuble vendu, et garantit ce dernier contre les réclamations de tout tiers se rapportant à l'état du sol et du sous-sol dudit bien » ; que la convention des parties portait ainsi sur un terrain ayant servi de cadre à une activité polluante, ayant fait l'objet d'une opération de dépollution sur la consistance de laquelle la société Nel était pleinement informée et qui comportait un risque de pollution résiduelle, connu de la société Nel et accepté par elle ; qu'en retenant que la société Total Mayotte avait manqué à son obligation de délivrance du fait de l'apparition d'une pollution résiduelle sur ce terrain, la cour d'appel a violé l'article 1603 du code civil ;

2) ALORS QUE le contrat d'échange rappelait que le terrain avait accueilli une station-service et avait fait l'objet d'une dépollution ; qu'il précisait qu'en conséquence de ces informations, la société Nel renonçait à tout recours concernant une éventuelle pollution résiduelle ; qu'en retenant que le contrat, et notamment le rapport technique joint à l'acte d'échange « accréditait l'idée d'une dépollution complète du site, ce qui est loin d'être le cas », la cour d'appel a méconnu le contrat, dont il résultait expressément que l'existence d'un risque de pollution résiduelle avait été envisagé par les parties et accepté par la société Nel et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

3) ALORS QUE l'exploitation ou la constructibilité du terrain n'avaient pas été envisagées par les parties dans l'acte d'échange du 29 mars 2010 ; qu'en appréciant l'obligation de délivrance de la société Total Mayotte au regard d'une caractéristique qui n'était pas entrée dans le champ contractuel, la cour d'appel a violé l'article 1603 du code civil ;

4) ALORS QUE le juge ne peut, fut-ce au titre de l'ordre public écologique, modifier l'objet du contrat ; que le contrat stipulait en l'espèce que la société Total Mayotte transférait la propriété d'un terrain ayant servi de cadre à une activité polluante et ayant avait fait l'objet d'opérations de dépollution portées à la connaissance de la société Nel, qui s'était en conséquence engagée à faire son affaire personnelle de toute opération de dépollution supplémentaire qui s'avérerait nécessaire; qu'en condamnant la société Total Mayotte, sur le fondement de son obligation de délivrance, à prendre en charge les conséquences d'un risque de pollution qui avait été expressément exclu du champ de cette obligation, la cour d'appel a violé la convention des parties et méconnu l'article 1134 ensemble 1604 du code civil. Moyens produits au pourvoi n° 20-16.156 par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Nel

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en non-conformité exercée par la SCI Station Kaweni à l'encontre de la société Nel, et d'avoir en conséquence condamné la société Nel, in solidum avec la société Total Mayotte, à payer à la SCI Station Kaweni les sommes de 8.570 € et 566.114,50 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 2224 du Code civil prévoit que "les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer" ; que la SARL Nel plaide que la connaissance du vice par l'acquéreur était antérieure au procès-verbal de constat d'huissier retenu par les premiers juges, le délai de prescription ayant commencé à courir soit le 12 juin 2006 correspondant à la promesse de vente contenant la clause de pollution, soit le 29 mars 2010 correspondant à l'acte d'échange rappelant cette clause, alors que l'exploit introductif d'instance date du 22 octobre 2015, elle-même n'étant d'ailleurs mise en cause par la SAS Total Mayotte que par acte d'huissier du 11 mai 2016 et l'analyse du dossier du Tribunal révélant que la première demande portée par la SCI Station Kaweni à l'encontre de la SARL Nel est faite par conclusions du 18 février 2017, qu'en aucun cas la promesse de vente du 12 juin 2006 ne peut constituer la connaissance, par la SCI Station Kaweni, du vice affectant le site, point de départ de la prescription, puisqu'elle n'y était pas partie et qu'elle ne disposait encore d'aucune action à l'encontre de la SARL Nel ; que son action est née lors de la découverte de la pollution du site le 29 octobre 2013, cause d'une suspension préjudiciable du chantier de construction envisagé ; qu'elle n'était donc pas prescrite le 18 février 2017 lorsque la SCI Station Kaweni a formulé pour la première fois ses demandes à l'encontre de la SARL Nel ; que le jugement doit être confirmé de ce chef (arrêt, p. 13 in fine et p. 14 § 1 à 4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il n'est pas contesté que la présence résiduelle d'hydrocarbures sur le terrain en cause s'est faite le 28 octobre 2013 (cf. constat d'huissier de justice du 29 octobre 2013, pièce en demande n°10, à la lecture duquel il ressort que ces hydrocarbures n'étaient décelables qu'avec les excavations ou creusements pratiqués) ; qu'en application [de l'article 2224 du code civil], c'est à compter de ce jour que les demanderesses pouvaient agir et que donc commençait de courir le délai de prescription extinctive de cinq années ; qu'en agissant le 22 octobre 2015, leur action n'est pas atteinte par la prescription (jugement, p. 8 in fine) ;

ALORS QUE l'action fondée sur la non-conformité de la chose vendue se prescrit à compter de la date de sa délivrance à l'acquéreur ; qu'en l'espèce, la société Nel invoquait la prescription de l'action exercée par la SCI Station Kaweni à son encontre en raison de la non-conformité de la chose vendue par acte du 31 mai 2010 (concl., p. 11 et 12) ; que la cour d'appel a jugé que la prescription n'était pas acquise le 18 février 2017 lorsque la SCI Station Kaweni a formulé pour la première fois ses demandes à l'encontre de la société Nel, après avoir considéré que la promesse de vente du 12 juin 2006 ou l'acte d'échange du 29 mars 2010 ne pouvaient pas constituer le point de départ de cette prescription, laquelle n'avait commencé à courir qu'avec la connaissance par la SCI Station Kaweni de la pollution résiduelle du terrain vendu (arrêt, p. 13 in fine et p. 14) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le point de départ de l'action fondée sur la non-conformité de la chose vendue exercée par la SCI Station Kaweni à l'encontre de la société Nel devait être fixé à la date de délivrance de la chose vendue, soit à la date de l'acte authentique de vente du 31 mai 2010, de sorte qu'à la date du 18 février 2017 plus de cinq ans s'étaient écoulés et que cette action, distincte de l'action exercée à l'encontre de la société Total Mayotte, était prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2224, 1603 et 1604 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'avoir condamné la société Nel, in solidum avec la société Total Mayotte, à payer à la SCI Station Kaweni les sommes de 8.570 € et 566.114,50 €, d'avoir condamné la société Nel, in solidum avec la société Total Mayotte, à payer à la société Sodifram la somme de 15.960 € ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'action de la SCI Station Kaweni tirée du défaut de délivrance conforme, s'agissant tout d'abord de l'action diligentée à l'encontre de la SAS Total Mayotte, la Cour constate qu'elle n'est plus saisie d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la part de la SAS Total Mayotte aux termes de ses conclusions du 21 février 2019 ; que, concernant la responsabilité, aux termes de l'article 1603 du Code civil, le vendeur a, vis-à-vis de l'acheteur, principalement une obligation de délivrance conforme ; que l'article 1604 définit la délivrance comme étant "le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur" ; que le sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur ; qu'il dispose donc à cet effet contre le vendeur initial d'une action contractuelle directe fondée sur le non-conformité de la chose livrée ; que l'obligation de délivrance entend non seulement de la prise de possession du bien vendu par l'acquéreur, mais également de la délivrance d'une chose conforme aux prévisions contractuelles ; que cette chose achetée doit correspondre aux- spécifications convenues entre les parties ou aux caractéristiques prévues lors de la .vente, le vendeur étant en effet tenu de délivrer à l'acquéreur un bien conforme à la stipulation de l'acte de vente et le juge devant rechercher si le bien remis est conforme aux prévisions, c'est-à-dire si la chose vendue correspond aux normes définies au contrat ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'action de la SCI Station Kaweni au titre de la délivrance conforme, les premiers juges ont relevé que l'acte d'échange conclu le 29 mars 2010 entre la SAS Total Mayotte et la SARL Nel comportait deux clauses relatives l'une à l'état du bien, l'autre à la pollution, dans lesquelles la SARL Nel, aux droits de laquelle viendrait la SCI Station Kaweni, renonce à toute action quant aux vices pouvant affecter le sol, clauses opposables à la SARL Nel et, partant, à la SCI Station Kaweni dès lors qu'elles ne peuvent pas être considérées comme étant contraires à l'ordre public, l'obligation de dépolluer prévue au Code de l'environnement ne comprenant pas celle de supporter les conséquences dommageables d'un co-contractant autrement que dans le cadre du droit commun de la responsabilité ; qu'or, l'obligation de dépollution de l'article L. 512-12-1 du Code de l'environnement aux termes duquel, "lorsque l'installation soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation" est absolue et d'ordre public ; que cette obligation comprend d'ailleurs "l'évacuation ou l'élimination des produits dangereux la gestion» des déchets présents sur le site", aux termes de l'article R. 512-66-1 ; que tel est d'ailleurs le sens de l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2013 ayant intimé la SAS Total Mayotte "de remettre le site de l'ancienne station-service dans l'état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du Code de l'environnement" relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement ; que la "clause de pollution" de l'acte d'échange du 29 mars 2010 a pour but d'exonérer la SAS Total Mayotte de tout recours de la SARL Nel en raison de l'état du sol et du sous-sol de l'immeuble "pouvant être imputable à l'activité précédemment exercée sur ce dernier" ; que la SAS Total Mayotte y rappelait l'usage de station-service, précisant avoir informé la préfecture de la cessation d'activité, fait établir un diagnostic et des travaux de réhabilitation, un rapport de synthèse de dépollution du 8 avril 2008 étant joint à l'acte de vente, travaux déclarés conformes par la DRIRE le 12 novembre 2008 ; que, pourtant, alors qu'un acte d'engagement était signé en septembre 2013 en vue de la réalisation du contrat de maîtrise d'oeuvre passé le 22 juin 2011 avec la SARL Arom, la SCI Station Kaweni a fait constater, dès le 29 octobre 2013, "la présence de reflets moirés et une forte odeur d'hydrocarbure" apparues "au premier coup de godet", signe d'un travail de dépollution pour le moins superficiel ayant conduit le maître d'oeuvre à suspendre immédiatement les travaux "à titre conservatoire" le 31 octobre 2013 ; que la situation de pollution résiduelle a été constatée le 20 novembre 2013 par M. [J] [E], Inspecteur de l'environnement, qui a proposé au préfet de faire injonction à la SAS Total Mayotte de dépolluer le site "compte tenu du chantier en cours et du risque de contamination des eaux et de dispersion de la pollution", ce qui a conduit à l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2013 évoqué plus haut ; que l'importance de la pollution résiduelle a encore été mise en évidence par l'entreprise Ginger CEBTP missionnée par la SCI Station Kaweni (concentration d'hydrocarbures supérieure aux normes admises y compris dans les eaux souterraines, subsistance de métaux lourds) ; que d'ailleurs, la SAS Total Mayotte a anticipé l'arrêté préfectoral lui intimant de dépolluer le site en indiquant, dès le 16 décembre 2013, "s'orienter vers une excavation des terres polluées sur une profondeur et une surface à confirmer par la DEAL", avant d'établir un "plan de gestion de la pollution du site" le 7 janvier 2014 ; que la SAS Total Mayotte a indiqué à la DEAL le 18 avril 2014, soit six mois après la découverte du vice, avoir "évacué hors site un volume de 170 m3 de terres" ; que dans ces conditions, le projet de construction de la SCI Station Kaweni ne pouvait que subir des atermoiements, renforcés par un courrier du préfet du 26 décembre 2013 demandant à la SCI Station Kaweni de maintenir les dispositions prises à titre conservatoire "tant que les opérations de dépollution n'auront pas été menées à terme, en les complétant par la réalisation d'un merlon étanche en limite de propriété afin d'empêcher l'infiltration des eaux pluviales extérieures sur le site" ; qu'il en résulte que, non seulement la SAS Total Mayotte n'a pas livré à son cessionnaire un terrain exploitable et donc conforme à sa destination, notamment sa constructibilité, mais encore le rapport technique joint à l'acte accréditait l'idée d'une dépollution complète du site, ce qui était loin d'être le cas ; qu'il importe peu que la SAS Sodifram, société mère de la SCI Station Kaweni, ait bénéficié d'une promesse de vente le 12 juin 2006 portant sur ce terrain et dans laquelle la clause de non garantie de l'état du sol et du sous-sol évoquée plus haut était insérée ; que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a déclaré la SCI Station Kaweni irrecevable en son action en manquement à l'obligation de délivrance et défaut de conformité exercée à l'encontre de la SAS Total Mayotte dont la responsabilité doit donc être retenue, le jugement devant être confirmé de ce chef sauf à en substituer les motifs ; que, sur les préjudices, c'est par des motifs pertinents, que la Cour adopte sans réserve, que les premiers juges ont condamné in solidum la SAS Total Mayotte et la SARL Nel à payer à la SCI Station Kaweni la somme de 8.570,00 € au titre de l'indemnisation des frais de diagnostic et de forage et la somme de 566.114,50 € au titre de l'indemnité d'immobilisation, des frais d'étude de sol et des frais de remise en état (arrêt, p. 12 et 13) ; que, sur l'action diligentée à l'encontre de la société Nel [?], que l'acte de vente du 31 mai 2010 passé entre la SARL Nel et la SCI Station Kaweni prévoit (page 2) que "l'acquéreur déclare que la parcelle objet des présentes est destinée à la construction de parkings, commerces et bureaux" ; qu'indépendamment de la clause relative à l'état du bien et à l'absence de garantie sur l'état du sol et du sous-sol, ainsi que la mention de l'exploitation antérieure sur le site d'installations à usage de station-service, il convient de considérer que la SARL Nel n'a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme pour les raisons qui viennent d'être développées, le terrain vendu s'étant trouvé inconstructible pendant six mois à raison de la présence d'hydrocarbures ; que la responsabilité de la SARL Nel doit également être retenue, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges l'ont condamnée in solidum avec la SAS Total Mayotte à réparer les préjudices subis tel qu'arbitrés plus haut ; que sur l'action de la SAS Sodifram tirée de la responsabilité délictuelle, les considérations développées plus haut relatives à la prescription de l'action de la SCI Station Kaweni invoquée par la SARL Nel également à l'encontre de la SAS Sodifram peuvent être utilement reconduites pour confirmer le chef du jugement ayant écarté cette fin de non-recevoir ; que les manquements de la SAS Total Mayotte et de la SARL Nel dans leur obligation respective de délivrance constituent des fautes délictuelles que la SAS Sodifram est habile à invoquer à leur encontre lorsqu'elles sont la cause d'un préjudice réparable ; que le chef du jugement ayant retenu leur responsabilité sera donc confirmé ; que par ailleurs, c'est par des motifs pertinents, que la Cour adopte sans réserve, que les premiers juges ont condamné in solidum la SAS Total Mayotte et la SARL Nel à payer à la SAS Sodifram la somme de 15.960,00 € au titre des frais d'assistance technique et juridique (arrêt, p. 14) ;

ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE la société Nel s'est engagée à livrer un terrain constructible ; qu'en effet, nonobstant la stipulation, dans l'acte du vente du 31 mai 2010 (pièce n°1 préc.) de la clause d'« état du bien» (reproduite supra : A propos de la clause exclusive de recours), il y est mentionné (op. cit., p. 9, § Urbanisme, Enonciation des documents obtenus) que le bien vendu a fait l'objet d'un certificat d'urbanisme portant l'indication qu'il était en « zone urbaine réservée pour l'implantation d'activités industrielles, artisanales, commerciales ou de dépôt » et « constructible », tandis que « L'acquéreur déclare que la parcelle objet des présentes est destinée à la construction de parkings, commerces et bureaux» (op. cit., p. 2, § Destination) ; qu'il ressort de l'articulation de ces différentes stipulations que, même s'il devait être pris en l'état, l'immeuble vendu était constructible à destination de parkings, commerces et bureaux ; qu'il a été vu (cf supra: A propos des conditions de fond de la garantie) que le terrain en cause était inconstructible à raison de la présence d'hydrocarbures ; que cette seule circonstance constitue un manquement à l'obligation qui pèse sur le vendeur de délivrer une chose conforme à celle qui était promise, et donc une faute contractuelle ; que, quant à l'indemnisation contractuelle et à la condamnation in solidum, du seul fait de son manquement à son obligation de délivrance, la société Nel doit indemniser la société Station Kaweni des dommages causés ; que les dommages causés par l'absence de délivrance d'une chose conforme sont identiques à ceux causés par la présence d'un vice caché affectant le terrain (cf supra ; A propos de l'indemnisation des conséquences du vice caché), pour un total de 8.570 euros, dès lors que c'est le vice caché qui rend la chose livrée non conforme ; (Pour les autres chefs de demande présentés à titre subsidiaire, cf infra : Quant à l'indemnisation de la société Station Kaweni du chef de sommes payées par Sodifram) ; que rien ne s'oppose à une condamnation de la société Nel in solidum avec la société Total Mayotte de ce chef, dès lors que les mêmes dommages ont été identiquement causés par un même manquement contractuel caractérisé par la même présence d'hydrocarbures sur le terrain transféré, même si, dans un cas, cette pollution constitue un vice caché et dans un autre une non-conformité, la responsabilité engagée étant unique (jugement, p. 12 dernier § et p. 13) ;

1°) ALORS QUE le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue un vice caché et non un défaut de conformité aux caractéristiques convenues entre les parties ; que la pollution d'un terrain retardant les opérations de construction entreprises par son acquéreur sur ce terrain constitue un vice du sol qui ne peut être sanctionné que dans le cadre de la garantie des vices cachés, et non un défaut de conformité, lequel ne peut porter sur l'inconstructibilité d'un terrain ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société Nel avait manqué à son obligation de délivrance envers la SCI Station Kaweni et avait engagé sa responsabilité à l'égard de cette dernière et de sa locataire la société Sodifram, dès lors que le terrain vendu s'était trouvé inconstructible pendant six mois à raison de la présence d'hydrocarbures (arrêt, p. 14 § 7), car la société Total Mayotte n'avait pas livré à la société Nel, son ayant droit au titre d'un contrat d'échange, « un terrain exploitable et donc conforme à sa destination, notamment sa constructibilité » (arrêt, p. 13 § 4) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que le terrain vendu, en raison de sa dépollution incomplète par la société Total Mayotte, n'était pas conforme « à sa destination », et que la pollution résiduelle avait retardé les opérations de construction sur ce terrain, qui s'était avéré inconstructible pendant six mois, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que la SCI Station Kaweni et la société Sodifram invoquaient, à l'encontre de la société Nel, un vice prétendument caché et non un défaut de conformité, a violé les articles 1603, 1604 et 1641 du code civil ;

2°) ALORS QUE lorsque l'installation soumise à déclaration en raison de sa nature polluante est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société Nel, qui avait acquis le terrain incorrectement dépollué de la société Total Mayotte, avait manqué à son obligation de délivrance envers la SCI Station Kaweni et avait engagé sa responsabilité à l'égard de cette dernière et de la société Sodifram dès lors que le terrain vendu s'était trouvé inconstructible pendant six mois à raison de la présence d'hydrocarbures (arrêt, p. 14 § 7), faisant référence à la motivation relative au manquement de la société Total Mayotte à sa propre obligation de délivrance pour n'avoir pas satisfait à son obligation de dépollution du terrain en tant que dernier exploitant de l'activité à l'origine de la pollution (arrêt, p. 12 in fine et p. 13) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la société Nel, qui n'avait pas la qualité de dernier exploitation de l'activité polluante, ne pouvait par hypothèse se voir reprocher un défaut de délivrance lié à la méconnaissance d'une obligation de dépollution à laquelle elle n'était pas tenue, la cour d'appel a violé les articles 1603 et 1604 du code civil, ensemble l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement ;

3°) ALORS QUE les parties au contrat de vente peuvent convenir d'exclure la responsabilité du vendeur au titre de son obligation de délivrance conforme ; qu'en l'espèce, la société Nel faisait valoir dans ses écritures que le contrat de vente conclu avec la SCI Station Kaweni excluait tout recours à son encontre « notamment pour mauvais état du sol ou du sous-sol, vices mêmes cachés » (concl., p. 15) ; qu'elle en déduisait qu'aucun manquement à son obligation de délivrance ne pouvait lui être reproché en raison de la pollution résiduelle du sol vendu, à laquelle elle était au demeurant étrangère puisqu'elle avait cru, de bonne foi, que son auteur, la société Total Mayotte, avait procédé à une dépollution complète du terrain comme elle en avait l'obligation (concl., p. 17 et s.) ; que la cour d'appel a énoncé qu'« indépendamment de la clause relative à l'état du bien et à l'absence de garantie sur l'état du sol et du sous-sol, ainsi que la mention de l'exploitation antérieure sur le site d'installations à usage de station-service, il convient de considérer que la SARL Nel n'a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme pour les raisons qui viennent d'être développées, le terrain vendu s'étant trouvé inconstructible pendant six mois à raison de la présence d'hydrocarbures » (arrêt, p. 14 § 7) ; qu'en se prononçant ainsi, par un motif impropre à exclure l'application de la clause invoquée puisque la société Nel n'était pas tenue d'une obligation de dépollution du terrain litigieux, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contrat stipulait une clause excluant tout recours de l'acquéreur contre le vendeur pour un vice du sol ou du sous-sol, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1603 et 1604 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2021:C300676
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