Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 septembre 2021, 19-19.563, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 septembre 2021




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 996 FS-B

Pourvoi n° H 19-19.563




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 SEPTEMBRE 2021

M. [O] [N], domicilié chez M. [M], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 19-19.563 contre l'arrêt rendu le 21 mai 2019 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant à la société Entreprise privée de sécurité, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Entreprise privée de sécurité, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 juin 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Prieur, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 21 mai 2019), M. [N] a été engagé à compter du 28 décembre 2013 par la société Entreprise privée de sécurité en qualité d'agent de sécurité, selon un contrat de travail à temps partiel d'une durée mensuelle de 140 heures, ramenée à 50 heures par avenant du 1er novembre 2014.

2. Les parties sont convenues d'une rupture conventionnelle du contrat de travail à effet au 26 novembre 2016.

3. Le 22 décembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du mois de février 2015 et au paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de requalification du contrat de travail en temps plein, de rappel de salaire et de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'il résulte de l'article L. 3123-17 du code du travail que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ; que dès lors que les heures effectuées par un salarié ont eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail de celui-ci, employé à temps partiel, au niveau de la durée légale ou de la durée fixée conventionnellement, son contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que dès lors que la durée du travail du salarié était fixée mensuellement, la réalisation d'un horaire supérieur à la durée légale hebdomadaire durant une semaine, alors que l'horaire mensuel demeurait inchangé, ne saurait entraîner la requalification du contrat de travail à temps plein ; qu'en statuant ainsi, quand elle a constaté que le salarié avait réalisé 36,75 heures sur une semaine, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 3123-17 du code du travail. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3121-10 et L. 3123-17 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Selon le premier de ces textes, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile.

6. Selon le second, le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat. Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

7. Pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que, dès lors que la durée de travail était fixée mensuellement, la réalisation, durant une semaine, d'un horaire supérieur à la durée légale hebdomadaire, alors que l'horaire mensuel demeurait inchangé, ne saurait entraîner la requalification de ce contrat à temps partiel en contrat de travail à temps plein. Il ajoute que le rejet de la demande de requalification conduit au rejet de la demande tendant au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait accompli 1,75 heure complémentaire au mois de février 2015 et qu'au cours de la première semaine de ce mois, le salarié avait effectué 36,75 heures de travail en sorte que l'accomplissement d'heures complémentaires avait eu pour effet de porter la durée du travail accomplie par le salarié à un niveau supérieur à la durée légale du travail, ce dont elle aurait dû déduire que le contrat de travail à temps partiel devait, à compter de ce dépassement, être requalifié en contrat de travail à temps complet, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [N] de ses demandes de requalification du contrat de travail en contrat à temps plein, de rappel de salaire et congés payés afférents, de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les parties conserveront la charge de leurs propres dépens, l'arrêt rendu le 21 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société Entreprise privée de sécurité aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Entreprise privée de sécurité et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [N]


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé qu'il n'y a pas lieu de requalifier le contrat de travail en temps plein et d'AVOIR en conséquence débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire et de congés payés y afférent, d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il n'y a dit et jugé qu'il n'y a pas de dissimulation d'heures de travail et d'AVOIR en conséquence débouté le salarié de sa demande d'indemnité à ce titre.

AUX MOTIFS propres QUE M. [N] indique que le planning qu'il lui a été transmis par l'employeur au titre du mois de février 2015 fait état d'un temps de travail à hauteur de 36,75 heures du 3 au 5 février 2014 [en réalité 2015], qu'il a ainsi dépassé la durée légale de travail sur la période du 2 au 8 février 2015 ; qu'en application des textes qui précèdent il considère que son contrat de travail doit être requalifié en contrat à temps plein ; que la société EPS rétorque que ce planning fait apparaître qu'il a réalisé 30 heures 75 sur cette semaine et non 36 heures 75 ; qu'or ce planning indique bien les horaires suivants : - lundi 02/02/2015 : 0 -mardi 03/02/2015 : 12h25 - mercredi 04/02/2015 : 12h25 - jeudi 05/02/2015 : 12h25 soit un total de 36h75 ; que l'employeur soutient par ailleurs que M. [N] ayant été embauché dans le cadre d'un temps partiel mensuel et non hebdomadaire, ce dépassement de la durée légale de travail au cours d'une seule semaine ne pourrait entraîner la requalification en contrat à temps plein ; qu'effectivement, le dernier avenant du 1er novembre 2014 fixait la durée mensuelle de travail de M. [N] à 50 heures ; que le bulletin de paie du mois de février a été établi sur la base de 51,75 heures ( soit 1h75 complémentaire majorée de 10 %) ; [?] ; que dès lors que la durée de travail de M. [N] était fixée mensuellement, la réalisation, durant une semaine, d'un horaire supérieur à la durée légale hebdomadaire, alors que l'horaire mensuel demeurait inchangé ne saurait entraîner la requalification de ce contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ; qu'en cause d'appel, M. [N] fait valoir que son contrat de travail initial précisait qu'il était conclu « pour une durée indéterminée à temps complet» alors qu'il était engagé pour 140h00 par mois et que ce contrat ne respectait pas les dispositions de l'article L. 3123-14 qui exigeait de préciser « la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.... Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat » ; que l'absence de contrat de travail écrit, auquel est assimilé le contrat irrégulier, fait présumer que l'emploi est à temps complet et c'est à l'employeur qui conteste cette présomption qu'il incombe de rapporter la preuve, d'une part, qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, l'employeur démontre que c'est M. [N] qui lui faisait parvenir ses disponibilités afin d'établir ses plannings ; qu'en effet, sont versés aux débats les différents courriels adressés chaque mois par le salarié à son employeur pour l'informer de ses disponibilités pour le mois suivant en sorte qu'il ne peut sérieusement soutenir s'être tenu constamment à la disposition de son employeur ; qu'en outre, il est établi ( pièce n° 36 de l'employeur ) que M. [N] avait un autre emploi, de surcroît pour un travail à temps complet, depuis le 9 octobre 2014 auprès de la société Isopro Sécurité Privée IDF, raison pour laquelle il fournissait à son employeur ses disponibilités résiduelles ; [?] que le rejet de la demande requalification conduit au rejet de la demande tendant au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS adoptés QUE il résulte des pièces produites par les parties au soutient de leurs prétentions que les heures contractuelles étaient calculées sur le mois ; que pour le mois de février 2015, Monsieur [N] a travaillé 51,75h et rémunéré 51,75h y compris 1 h 75 en complémentaire pour un horaire contractuel et mensuel de 50 h ; que Monsieur [N] communiquait ses disponibilités chaque mois par mail à son responsable pour qu'il puisse établir le planning ; que Monsieur [N] avait un second employeur avec un contrat de travail à temps complet depuis le 09 octobre 2014 ; que Monsieur [N] ne produit pas la preuve qu'il avait informé la société EPS de second employeur à temps complet ; que de ce fart Monsieur [N] n'était pas à la disposition de la société EPS comme il le prétend, mais que son planning était réalisé sur sa demande et en fonction de ses disponibilités.

1° ALORS QU'il résulte de l'article L. 3121-17 du code du travail que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ; que dès lors que les heures effectuées par un salarié ont eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail de celui-ci, employé à temps partiel, au niveau de la durée légale ou de la durée fixée conventionnellement, son contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que dès lors que la durée du travail du salarié était fixée mensuellement, la réalisation d'un horaire supérieur à la durée légale hebdomadaire durant une semaine, alors que l'horaire mensuel demeurait inchangé, ne saurait entraîner la requalification du contrat de travail à temps plein ; qu'en statuant ainsi, quand elle a constaté que le salarié avait réalisé 36,75 heures sur une semaine, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquence légale de ses propres constatations, a violé l'article L. 3121-17 du code du travail.

2° ALORS QUE le contrat de travail à temps partiel qui ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 3123-14 du code du travail est présumé à temps complet ; qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; que la cour d'appel a retenu, après avoir constaté que le contrat initial était irrégulier, que l'employeur démontrait que c'était le salarié qui lui faisait parvenir ses disponibilités afin d'établir ses plannings et que celui-ci avait un autre emploi à temps complet ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier que l'employeur établissait la durée du travail exacte hebdomadaire ou mensuelle qui avait été convenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3123-14 alors en vigueur du code du travail.

3° ALORS QUE le contrat de travail à temps partiel qui ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 3123-14 du code du travail est présumé à temps complet ; qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'employeur démontrait que c'est le salarié qui faisait parvenir ses disponibilités afin d'établir ses plannings, en sorte qu'il ne peut sérieusement soutenir s'être tenu constamment à la disposition de son employeur et qu'il était établi que celui-ci avait un autre emploi à temps complet ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'employeur a rapporté la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-14 alors en vigueur du code du travail. ECLI:FR:CCASS:2021:SO00996
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