Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 septembre 2021, 20-11.925, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 septembre 2021, 20-11.925, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 20-11.925
- ECLI:FR:CCASS:2021:CO00608
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 08 septembre 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 26 novembre 2019- Président
- Mme Mouillard (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 septembre 2021
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 608 F-D
Pourvoi n° A 20-11.925
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 SEPTEMBRE 2021
La société Hôtel thermal, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-11.925 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [T] et [R], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Hôtel thermal,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Chambéry, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Hôtel thermal, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er juin 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 26 novembre 2019), la société Hôtel thermal, locataire de la SCI du Thermal, dont le nouveau loyer, révisé à compter du 1er janvier 2013, avait été fixé par un jugement du 24 juillet 2018, assorti de l'exécution provisoire, a demandé l'ouverture de sa liquidation judiciaire le 6 décembre 2018, en indiquant une date de cessation des paiements au 15 novembre 2018. Par un jugement du 11 décembre 2018, le tribunal a ouvert la liquidation judiciaire en fixant au 11 juin 2017 la date de sa cessation des paiements, prenant en compte la condamnation provisionnelle prononcée contre le locataire par une décision du 8 septembre 2015, partiellement confirmée par un arrêt du 13 juin 2017. La société [T] et [R] a été désignée liquidateur.
Examen des moyens
Sur le second moyen
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner le cassation.
Et sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société Hôtel thermal fait grief à l'arrêt de ne pas écarter des débats le rapport établi par le liquidateur le 9 mars 2019 et de retenir le 11 juin 2017 comme date de cessation des paiements, alors « que si, lorsque le tribunal ne dispose pas des éléments lui permettant de vérifier que les conditions de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée sont ou non réunies, le président du tribunal statue au vu d'un rapport sur la situation du débiteur établi par le liquidateur, ce rapport ne peut porter que sur ces questions, à savoir si l'actif du débiteur ne comprend pas de bien immobilier et si le nombre de ses salariés au cours des six mois précédant l'ouverture de la procédure ainsi que son chiffre d'affaires hors taxes sont égaux ou inférieurs à des seuils fixés par décret), à l'exclusion de toutes autres pour lesquelles le mandataire liquidateur doit constituer avocat ; qu'après avoir constaté que, dans son rapport complémentaire du 9 mars 2019, la SELARL [T] et [R] émet un avis sur le délai de clôture de la procédure et sur la date de cessation des paiements et conclut à la confirmation du jugement, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article L.641-2, alinéa 2, du code de commerce et l'article 899 du code de procédure civile, refuser de le regarder comme des conclusions lesquelles faute d'avocat constitué, auraient dû être écartées des débats ».
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 641-2, alinéa 2, du code de commerce, si le tribunal ne dispose pas des éléments lui permettant de vérifier que les conditions mentionnées au premier alinéa pour l'ouverture d'une liquidation simplifiée sont réunies, le président du tribunal statue au vu d'un rapport sur la situation du débiteur, établi par le liquidateur dans le mois de sa désignation, le contenu de ce rapport n'étant pas précisé par le texte.
5. Ayant constaté que le liquidateur avait, en application du texte précité, établi un rapport le 9 janvier 2019, qu'il avait complété le 9 mars suivant, et que ces deux rapports avaient été régulièrement communiqués à la société débitrice, la cour d'appel en a exactement déduit que ces documents étaient devenus des pièces de la procédure qui étaient recevables et n'avaient pas à être écartées des débats.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hôtel thermal aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Hôtel thermal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Hôtel Thermal fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR dit n'y avoir lieu à écarter des débats le rapport établi par le mandataire liquidateur le 9 mars 2019 et D'AVOIR, en conséquence, fixé au 11 juin 2017 la date de sa cessation des paiements ;
AUX MOTIFS QU'« le jugement déféré rappelle l'obligation pour le liquidateur d'établir un rapport, en application du dernier alinéa de l'article L. 641-2 du code de commerce, lorsque le tribunal ne dispose pas des éléments lui permettant de vérifier que les conditions de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée sont ou non réunies; que le rapport établi le 9 janvier 2019 répond à cette obligation ; qu'il a été dûment communiqué à l'appelante et ne peut donc être écarté des débats ; qu'il est une pièce de la procédure de liquidation judiciaire opposable à toutes les parties ; que la SELARL [T] et [R] a établi un rapport complémentaire le 9 mars 2019 dans lequel il émet un avis sur le délai de clôture de la procédure et sur la date de cessation des paiements ; qu'il ne s'agit pas de conclusions, mais bien d'un rapport complémentaire à celui du 9 janvier 2019 et, s'il est exact que le mandataire n'ayant pas constitué avocat, ne peut formellement demander la confirmation du jugement, il n'en demeure pas moins que ce rapport, encore régulièrement communiqué aux parties, fait partie des pièces de la procédure dont la cour est saisie » ;
ALORS QUE si, lorsque le tribunal ne dispose pas des éléments lui permettant de vérifier que les conditions de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée sont ou non réunies, le président du tribunal statue au vu d'un rapport sur la situation du débiteur établi par le liquidateur, ce rapport ne peut porter que sur ces questions (à savoir si l'actif du débiteur ne comprend pas de bien immobilier et si le nombre de ses salariés au cours des six mois précédant l'ouverture de la procédure ainsi que son chiffre d'affaires hors taxes sont égaux ou inférieurs à des seuils fixés par décret), à l'exclusion de toutes autres pour lesquelles le mandataire liquidateur doit constituer avocat ; qu'après avoir constaté que, dans son rapport complémentaire du 9 mars 2019, la SELARL [T] et [R] émet un avis sur le délai de clôture de la procédure et sur la date de cessation des paiements et conclut à la confirmation du jugement, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article L. 641-2, alinéa 2, du code de commerce et l'article 899 du code de procédure civile, refuser de le regarder comme des conclusions lesquelles, faute d'avocat constitué, auraient dû être écartées des débats.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société Hôtel Thermal fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR fixé au 11 juin 2017 la date de sa cessation des paiements ;
AUX MOTIFS QUE « la société Hôtel Thermal soutient que son état de cessation des paiements résulte exclusivement du jugement du juge des loyers commerciaux du 24 juillet 2018, qui a fixé le loyer dû à la SCI du Thermal à 78 000 € par an à compter du 1er janvier 2013, soit le triple du loyer antérieur au renouvellement du bail, et qu'ainsi la date de cessation des paiements doit être fixée au plus tôt à cette date. Le ministère public rappelle que selon les mentions du jugement déféré, M. [O], gérant de la société Hôtel Thermal, a déclaré être d'accord pour fixer la date de cessation des paiements à la date retenue par le tribunal, soit le 11 juin 2017. Il s'appuie également sur le rapport du mandataire liquidateur qui indique que les loyers n'étaient plus payés depuis le 7 novembre 2017, une dette de loyers existant donc avant le jugement du 24 juillet 2018, l'exploitation du fonds de commerce ayant connu des pertes importantes dès le mois de juillet 2017 (206 000 €), la décision de réévaluation du loyer n'ayant fait qu'aggraver une situation déjà très compromise. Il résulte de la lecture de l'arrêt rendu par cette cour le 13 juin 2017 que le loyer provisionnel fixé par le jugement du 8 septembre 2015 à 50 000 € HT a été confirmé, ce loyer provisionnel étant réputé être dû à compter de la date de prise d'effet du bail renouvelé, c'est-à-dire le 1er janvier 2013. Le jugement n'a été infirmé qu'en ce qu'il avait prononcé la condamnation de la société Hôtel Thermal à payer à la SCI Thermal le différentiel de loyer, le juge des loyers commerciaux n'ayant pas le pouvoir de prononcer une telle condamnation. Pour autant, et conformément aux dispositions de l'article L. 145-57 du code de commerce, le loyer provisionnel de 50 000 € HT était bien dû rétroactivement par la société Hôtel Thermal à compter du 1er janvier 2013 et pendant toute la durée de la procédure, jusqu'à la fixation du loyer par le jugement du 24 juillet 2018, lequel a encore un effet rétroactif et suppose un nouveau compte entre les parties. L'absence de condamnation du preneur au paiement n'a pas pour effet de faire perdre au différentiel de loyer son caractère exigible depuis la date de renouvellement du bail. Aussi, au 31 décembre 2015, l'arriéré de loyers dû par la société Hôtel Thermal était bien de 74 752, 60 € correspondant, pour l'essentiel, au différentiel entre le loyer ancien et le loyer provisionnel (courriers du bailleur annexés au rapport complémentaire du mandataire). Au cours de l'année 2016, le preneur a apuré une partie de sa dette, mais le solde débiteur s'élève encore à 54 808, 35 € à la date du 7 décembre 2016. Le 25 avril 2017, la SCI du Thermal a délivré à la société Hôtel Thermal un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, pour un arriéré dû de 4 731, 65 € TTC, portant exclusivement sur l'année 2017 (pièce n°3 de l'appelante), la somme de 54 808, 35 € restant due à cette date (non prise en compte dans le commandement, à raison de l'appel alors en cours contre le jugement du 8 septembre 2015). La société Hôtel Thermal a assigné la SCI du Thermal en opposition à ce commandement par acte du 22 mai 2017 (pièce n°4), mais ne précise pas la suite qui a été donnée à cette opposition, alors que depuis l'arrêt du 13 juin 2017 est intervenu, ainsi que le jugement fixant le loyer du bail renouvelé le 24 juillet 2018. Cette opposition n'a pas pour effet de faire perdre au différentiel de loyer son caractère exigible. La société Hôtel Thermal ne produit aujourd'hui aucune pièce de nature à contredire les éléments comptables figurant dans les rapports du mandataire liquidateur qui permettent de retenir que : - à compter du mois de novembre 2017, plus aucun loyer n'a été payé, ce que l'appelante ne conteste pas, - le solde du compte bancaire de la société Hôtel Thermal a enregistré des rejets de paiements et des frais bancaires qui se sont multipliés à partir du mois de septembre 2017, le solde restant constamment débiteur à compter du mois de décembre 2017 pour des sommes allant de 30 000 à 45 000 €, - l'hôtel a perdu en 2016 la clientèle du peloton de gendarmerie de renfort en saison touristique (35 chambres pendant 45 jours environ), - les capitaux propres de la société sont négatifs depuis l'exercice 2015, et pour plus de 200 0000 € en 2017, - l'actif disponible de la société n'a jamais dépassé les 40 000 € sur les derniers exercices, - dès le mois de septembre 2017, la société a cessé de payer la caisse de retraite complémentaire KLESIA, l'arriéré s'élevant à 10 636, 77 € au 31 décembre 2017. La demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire déposée par la société Hôtel Thermal le 6 décembre 2018 indique que, après un exercice à peine bénéficiaire en 2015 (303 €), la société a enregistré un résultat net déficitaire de 159 548 € au 31 octobre 2016 et de 25 498 € au 31 octobre 2017, pour des chiffres d'affaires réalisés de 742 401 € en 2016 et 655 221 € en 2017. Si le compte bancaire de la société est redevenu positif en juillet 2018 pour 26 570, 42 €, il convient de souligner que cela ne peut pas avoir pour effet de faire disparaître l'état de cessation des paiements antérieur puisque c'est justement en juillet 2018 qu'est intervenu le jugement fixant le loyer du bail renouvelé à 78 000 € HT, montant que la société n'était alors évidemment pas en mesure de payer comme elle l'a elle-même reconnu. Il résulte de ce qui précède que l'état de cessation des paiements était caractérisé dès le 11 juin 2017 comme retenu par le tribunal puisqu'à cette date, l'arriéré de loyers dû, sans même avoir égard au jugement du 24 juillet 2018, était de près de 60 000 € (en réalité dès le mois d'avril 2017), la dette de loyer n'ayant cessé d'augmenter depuis, les échéances n'étant plus payées à compter du mois de novembre 2017, d'autres dettes s'étant alors ajoutées en augmentant le passif ainsi que rappelé ci-dessus. A cette même date du 11 juin 2017, l'actif disponible de la société, dont il est acquis qu'il n'a jamais excédé la somme de 40 000 € (étant souligné que l'appelante ne produit aucun bilan aux débats), ne lui permettait donc pas de faire face à son passif exigible constitué à tout le moins de la dette de loyers de 60 000 € » ;
1°) ALORS QUE la dette résultant d'un différentiel entre l'ancien loyer et le loyer provisionnel fixé dans l'attente de la fixation du loyer du bail renouvelé, dès lors que son sort définitif est subordonné à une instance pendante devant le juge des loyers commerciaux, constitue une créance litigieuse qui, dépourvue de caractère certain, ne peut être prise en compte pour déterminer le passif exigible en vue de fixer la date de la cessation des paiements du débiteur ; qu'en retenant qu'au 11 juin 2017, le passif exigible de la société Hôtel Thermal était constitué à tout le moins d'une dette de loyers, après avoir constaté que cette dette correspondait à un arriéré résultant d'un différentiel entre le loyer ancien et le loyer provisionnel fixé dans l'attente de la fixation du loyer du bail renouvelé, de sorte qu'elle ne présentait pas de caractère certain et ne pouvait être prise en considération en vue de fixer la date de la cessation des paiements, la cour d'appel a violé l'article L. 631-8 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE la cessation des paiements étant caractérisée par l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible, la comparaison des éléments du bilan, fût-il déficitaire, n'est pas de nature à établir l'existence de la cessation des paiements ; qu'en relevant que la demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire déposée par la société Hôtel Thermal le 6 décembre 2018 indique que, après un exercice à peine bénéficiaire en 2015 (303 €), la société a enregistré un résultat net déficitaire de 159 548 € au 31 octobre 2016 et de 25 498 € au 31 octobre 2017, pour des chiffres d'affaires réalisés de 742 401 € en 2016 et 655 221 € en 2017, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la société Hôtel Thermal, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 631-8 du code de commerce ;
3°) ALORS, en toute hypothèse, QU'il incombe au seul tribunal, lorsqu'il fixe la date de la cessation des paiements, d'établir qu'à cette date le débiteur était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'en retenant que la société Hôtel Thermal ne produit aujourd'hui aucune pièce de nature à contredire les éléments comptables figurant dans les rapports du mandataire liquidateur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2021:CO00608
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 septembre 2021
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 608 F-D
Pourvoi n° A 20-11.925
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 SEPTEMBRE 2021
La société Hôtel thermal, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-11.925 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [T] et [R], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Hôtel thermal,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Chambéry, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Hôtel thermal, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er juin 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 26 novembre 2019), la société Hôtel thermal, locataire de la SCI du Thermal, dont le nouveau loyer, révisé à compter du 1er janvier 2013, avait été fixé par un jugement du 24 juillet 2018, assorti de l'exécution provisoire, a demandé l'ouverture de sa liquidation judiciaire le 6 décembre 2018, en indiquant une date de cessation des paiements au 15 novembre 2018. Par un jugement du 11 décembre 2018, le tribunal a ouvert la liquidation judiciaire en fixant au 11 juin 2017 la date de sa cessation des paiements, prenant en compte la condamnation provisionnelle prononcée contre le locataire par une décision du 8 septembre 2015, partiellement confirmée par un arrêt du 13 juin 2017. La société [T] et [R] a été désignée liquidateur.
Examen des moyens
Sur le second moyen
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner le cassation.
Et sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société Hôtel thermal fait grief à l'arrêt de ne pas écarter des débats le rapport établi par le liquidateur le 9 mars 2019 et de retenir le 11 juin 2017 comme date de cessation des paiements, alors « que si, lorsque le tribunal ne dispose pas des éléments lui permettant de vérifier que les conditions de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée sont ou non réunies, le président du tribunal statue au vu d'un rapport sur la situation du débiteur établi par le liquidateur, ce rapport ne peut porter que sur ces questions, à savoir si l'actif du débiteur ne comprend pas de bien immobilier et si le nombre de ses salariés au cours des six mois précédant l'ouverture de la procédure ainsi que son chiffre d'affaires hors taxes sont égaux ou inférieurs à des seuils fixés par décret), à l'exclusion de toutes autres pour lesquelles le mandataire liquidateur doit constituer avocat ; qu'après avoir constaté que, dans son rapport complémentaire du 9 mars 2019, la SELARL [T] et [R] émet un avis sur le délai de clôture de la procédure et sur la date de cessation des paiements et conclut à la confirmation du jugement, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article L.641-2, alinéa 2, du code de commerce et l'article 899 du code de procédure civile, refuser de le regarder comme des conclusions lesquelles faute d'avocat constitué, auraient dû être écartées des débats ».
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 641-2, alinéa 2, du code de commerce, si le tribunal ne dispose pas des éléments lui permettant de vérifier que les conditions mentionnées au premier alinéa pour l'ouverture d'une liquidation simplifiée sont réunies, le président du tribunal statue au vu d'un rapport sur la situation du débiteur, établi par le liquidateur dans le mois de sa désignation, le contenu de ce rapport n'étant pas précisé par le texte.
5. Ayant constaté que le liquidateur avait, en application du texte précité, établi un rapport le 9 janvier 2019, qu'il avait complété le 9 mars suivant, et que ces deux rapports avaient été régulièrement communiqués à la société débitrice, la cour d'appel en a exactement déduit que ces documents étaient devenus des pièces de la procédure qui étaient recevables et n'avaient pas à être écartées des débats.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hôtel thermal aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Hôtel thermal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Hôtel Thermal fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR dit n'y avoir lieu à écarter des débats le rapport établi par le mandataire liquidateur le 9 mars 2019 et D'AVOIR, en conséquence, fixé au 11 juin 2017 la date de sa cessation des paiements ;
AUX MOTIFS QU'« le jugement déféré rappelle l'obligation pour le liquidateur d'établir un rapport, en application du dernier alinéa de l'article L. 641-2 du code de commerce, lorsque le tribunal ne dispose pas des éléments lui permettant de vérifier que les conditions de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée sont ou non réunies; que le rapport établi le 9 janvier 2019 répond à cette obligation ; qu'il a été dûment communiqué à l'appelante et ne peut donc être écarté des débats ; qu'il est une pièce de la procédure de liquidation judiciaire opposable à toutes les parties ; que la SELARL [T] et [R] a établi un rapport complémentaire le 9 mars 2019 dans lequel il émet un avis sur le délai de clôture de la procédure et sur la date de cessation des paiements ; qu'il ne s'agit pas de conclusions, mais bien d'un rapport complémentaire à celui du 9 janvier 2019 et, s'il est exact que le mandataire n'ayant pas constitué avocat, ne peut formellement demander la confirmation du jugement, il n'en demeure pas moins que ce rapport, encore régulièrement communiqué aux parties, fait partie des pièces de la procédure dont la cour est saisie » ;
ALORS QUE si, lorsque le tribunal ne dispose pas des éléments lui permettant de vérifier que les conditions de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée sont ou non réunies, le président du tribunal statue au vu d'un rapport sur la situation du débiteur établi par le liquidateur, ce rapport ne peut porter que sur ces questions (à savoir si l'actif du débiteur ne comprend pas de bien immobilier et si le nombre de ses salariés au cours des six mois précédant l'ouverture de la procédure ainsi que son chiffre d'affaires hors taxes sont égaux ou inférieurs à des seuils fixés par décret), à l'exclusion de toutes autres pour lesquelles le mandataire liquidateur doit constituer avocat ; qu'après avoir constaté que, dans son rapport complémentaire du 9 mars 2019, la SELARL [T] et [R] émet un avis sur le délai de clôture de la procédure et sur la date de cessation des paiements et conclut à la confirmation du jugement, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article L. 641-2, alinéa 2, du code de commerce et l'article 899 du code de procédure civile, refuser de le regarder comme des conclusions lesquelles, faute d'avocat constitué, auraient dû être écartées des débats.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société Hôtel Thermal fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR fixé au 11 juin 2017 la date de sa cessation des paiements ;
AUX MOTIFS QUE « la société Hôtel Thermal soutient que son état de cessation des paiements résulte exclusivement du jugement du juge des loyers commerciaux du 24 juillet 2018, qui a fixé le loyer dû à la SCI du Thermal à 78 000 € par an à compter du 1er janvier 2013, soit le triple du loyer antérieur au renouvellement du bail, et qu'ainsi la date de cessation des paiements doit être fixée au plus tôt à cette date. Le ministère public rappelle que selon les mentions du jugement déféré, M. [O], gérant de la société Hôtel Thermal, a déclaré être d'accord pour fixer la date de cessation des paiements à la date retenue par le tribunal, soit le 11 juin 2017. Il s'appuie également sur le rapport du mandataire liquidateur qui indique que les loyers n'étaient plus payés depuis le 7 novembre 2017, une dette de loyers existant donc avant le jugement du 24 juillet 2018, l'exploitation du fonds de commerce ayant connu des pertes importantes dès le mois de juillet 2017 (206 000 €), la décision de réévaluation du loyer n'ayant fait qu'aggraver une situation déjà très compromise. Il résulte de la lecture de l'arrêt rendu par cette cour le 13 juin 2017 que le loyer provisionnel fixé par le jugement du 8 septembre 2015 à 50 000 € HT a été confirmé, ce loyer provisionnel étant réputé être dû à compter de la date de prise d'effet du bail renouvelé, c'est-à-dire le 1er janvier 2013. Le jugement n'a été infirmé qu'en ce qu'il avait prononcé la condamnation de la société Hôtel Thermal à payer à la SCI Thermal le différentiel de loyer, le juge des loyers commerciaux n'ayant pas le pouvoir de prononcer une telle condamnation. Pour autant, et conformément aux dispositions de l'article L. 145-57 du code de commerce, le loyer provisionnel de 50 000 € HT était bien dû rétroactivement par la société Hôtel Thermal à compter du 1er janvier 2013 et pendant toute la durée de la procédure, jusqu'à la fixation du loyer par le jugement du 24 juillet 2018, lequel a encore un effet rétroactif et suppose un nouveau compte entre les parties. L'absence de condamnation du preneur au paiement n'a pas pour effet de faire perdre au différentiel de loyer son caractère exigible depuis la date de renouvellement du bail. Aussi, au 31 décembre 2015, l'arriéré de loyers dû par la société Hôtel Thermal était bien de 74 752, 60 € correspondant, pour l'essentiel, au différentiel entre le loyer ancien et le loyer provisionnel (courriers du bailleur annexés au rapport complémentaire du mandataire). Au cours de l'année 2016, le preneur a apuré une partie de sa dette, mais le solde débiteur s'élève encore à 54 808, 35 € à la date du 7 décembre 2016. Le 25 avril 2017, la SCI du Thermal a délivré à la société Hôtel Thermal un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, pour un arriéré dû de 4 731, 65 € TTC, portant exclusivement sur l'année 2017 (pièce n°3 de l'appelante), la somme de 54 808, 35 € restant due à cette date (non prise en compte dans le commandement, à raison de l'appel alors en cours contre le jugement du 8 septembre 2015). La société Hôtel Thermal a assigné la SCI du Thermal en opposition à ce commandement par acte du 22 mai 2017 (pièce n°4), mais ne précise pas la suite qui a été donnée à cette opposition, alors que depuis l'arrêt du 13 juin 2017 est intervenu, ainsi que le jugement fixant le loyer du bail renouvelé le 24 juillet 2018. Cette opposition n'a pas pour effet de faire perdre au différentiel de loyer son caractère exigible. La société Hôtel Thermal ne produit aujourd'hui aucune pièce de nature à contredire les éléments comptables figurant dans les rapports du mandataire liquidateur qui permettent de retenir que : - à compter du mois de novembre 2017, plus aucun loyer n'a été payé, ce que l'appelante ne conteste pas, - le solde du compte bancaire de la société Hôtel Thermal a enregistré des rejets de paiements et des frais bancaires qui se sont multipliés à partir du mois de septembre 2017, le solde restant constamment débiteur à compter du mois de décembre 2017 pour des sommes allant de 30 000 à 45 000 €, - l'hôtel a perdu en 2016 la clientèle du peloton de gendarmerie de renfort en saison touristique (35 chambres pendant 45 jours environ), - les capitaux propres de la société sont négatifs depuis l'exercice 2015, et pour plus de 200 0000 € en 2017, - l'actif disponible de la société n'a jamais dépassé les 40 000 € sur les derniers exercices, - dès le mois de septembre 2017, la société a cessé de payer la caisse de retraite complémentaire KLESIA, l'arriéré s'élevant à 10 636, 77 € au 31 décembre 2017. La demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire déposée par la société Hôtel Thermal le 6 décembre 2018 indique que, après un exercice à peine bénéficiaire en 2015 (303 €), la société a enregistré un résultat net déficitaire de 159 548 € au 31 octobre 2016 et de 25 498 € au 31 octobre 2017, pour des chiffres d'affaires réalisés de 742 401 € en 2016 et 655 221 € en 2017. Si le compte bancaire de la société est redevenu positif en juillet 2018 pour 26 570, 42 €, il convient de souligner que cela ne peut pas avoir pour effet de faire disparaître l'état de cessation des paiements antérieur puisque c'est justement en juillet 2018 qu'est intervenu le jugement fixant le loyer du bail renouvelé à 78 000 € HT, montant que la société n'était alors évidemment pas en mesure de payer comme elle l'a elle-même reconnu. Il résulte de ce qui précède que l'état de cessation des paiements était caractérisé dès le 11 juin 2017 comme retenu par le tribunal puisqu'à cette date, l'arriéré de loyers dû, sans même avoir égard au jugement du 24 juillet 2018, était de près de 60 000 € (en réalité dès le mois d'avril 2017), la dette de loyer n'ayant cessé d'augmenter depuis, les échéances n'étant plus payées à compter du mois de novembre 2017, d'autres dettes s'étant alors ajoutées en augmentant le passif ainsi que rappelé ci-dessus. A cette même date du 11 juin 2017, l'actif disponible de la société, dont il est acquis qu'il n'a jamais excédé la somme de 40 000 € (étant souligné que l'appelante ne produit aucun bilan aux débats), ne lui permettait donc pas de faire face à son passif exigible constitué à tout le moins de la dette de loyers de 60 000 € » ;
1°) ALORS QUE la dette résultant d'un différentiel entre l'ancien loyer et le loyer provisionnel fixé dans l'attente de la fixation du loyer du bail renouvelé, dès lors que son sort définitif est subordonné à une instance pendante devant le juge des loyers commerciaux, constitue une créance litigieuse qui, dépourvue de caractère certain, ne peut être prise en compte pour déterminer le passif exigible en vue de fixer la date de la cessation des paiements du débiteur ; qu'en retenant qu'au 11 juin 2017, le passif exigible de la société Hôtel Thermal était constitué à tout le moins d'une dette de loyers, après avoir constaté que cette dette correspondait à un arriéré résultant d'un différentiel entre le loyer ancien et le loyer provisionnel fixé dans l'attente de la fixation du loyer du bail renouvelé, de sorte qu'elle ne présentait pas de caractère certain et ne pouvait être prise en considération en vue de fixer la date de la cessation des paiements, la cour d'appel a violé l'article L. 631-8 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE la cessation des paiements étant caractérisée par l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible, la comparaison des éléments du bilan, fût-il déficitaire, n'est pas de nature à établir l'existence de la cessation des paiements ; qu'en relevant que la demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire déposée par la société Hôtel Thermal le 6 décembre 2018 indique que, après un exercice à peine bénéficiaire en 2015 (303 €), la société a enregistré un résultat net déficitaire de 159 548 € au 31 octobre 2016 et de 25 498 € au 31 octobre 2017, pour des chiffres d'affaires réalisés de 742 401 € en 2016 et 655 221 € en 2017, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la société Hôtel Thermal, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 631-8 du code de commerce ;
3°) ALORS, en toute hypothèse, QU'il incombe au seul tribunal, lorsqu'il fixe la date de la cessation des paiements, d'établir qu'à cette date le débiteur était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'en retenant que la société Hôtel Thermal ne produit aujourd'hui aucune pièce de nature à contredire les éléments comptables figurant dans les rapports du mandataire liquidateur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil.