Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 juillet 2021, 19-23.470 19-25.431, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 juillet 2021, 19-23.470 19-25.431, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 19-23.470, 19-25.431
- ECLI:FR:CCASS:2021:C200721
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 08 juillet 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, du 11 septembre 2019- Président
- M. Pireyre (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juillet 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 721 F-D
Pourvois n°
D 19-23.470
K 19-25.431 Jonction
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021
I. Mme [N] [N], domiciliée chez Mme [K] [G], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-23.470 contre un arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [F] [M],
3°/ à M. [L] [M],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
4°/ à la société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
II. La société GMF assurances a formé le pourvoi n° K 19-25.431 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Allianz IARD,
2°/ à Mme [N] [N],
3°/ à M. [F] [M],
4°/ à M. [L] [M],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° D 19-23.470 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° K 19-25.431 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [N], de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz IARD, après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 19-23.470 et K 19-25.431, qui attaquent le même arrêt, sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 11 septembre 2019) et les productions, le 16 mars 2007, Mme [N] a été heurtée par un cyclomoteur piloté par M. [L] [M], alors mineur, et appartenant à M. [V], assuré auprès de la société GMF assurances (la société GMF).
3. Mme [N] a assigné la société GMF et M. [L] [M] en indemnisation, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse. La société GMF a assigné le père de M. [L] [M], M. [F] [M], afin d'être relevée et garantie par ce dernier de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle et M. [F] [M] a assigné son assureur responsabilité civile, la société AGF, aux droits de laquelle est venue la société Allianz IARD (la société Allianz), afin d'être relevé et garanti par cette dernière de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre lui.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi n° D 19-23.470, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, formé par Mme [N], ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° D 19-23.470, pris en sa première branche, formé par Mme [N]
Enoncé du moyen
5. Mme [N] fait grief à l'arrêt de fixer à 922 955,17 euros le montant total du préjudice qu'elle a subi suite à l'accident du 16 mars 2007 et de condamner la société GMF à lui payer la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions versées et des prestations sociales perçues ou à percevoir, alors « que tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en l'espèce, en ne faisant pas droit à la demande d'indemnisation présentée en raison du renouvellement de l'appareil dentaire de Mme [N] sans répondre à son moyen, péremptoire, tiré de ce que le Dr [F], qui avait procédé à la mise en place d'une prothèse dentaire, attestait que sa durée de port était de sept à huit ans, de sorte que Mme [N] pouvait utilement réclamer une indemnité correspondant aux fruits viagers de renouvellement de cette prothèse, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
6. Tout jugement doit être motivé à peine de nullité. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.
7. Pour fixer à 922 955,17 euros le montant total du préjudice subi par Mme [N], l'arrêt, par motifs adoptés, retient au titre des dépenses de santé futures : « créance de la CPAM : 35 223,29 euros ».
8. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [N] qui réclamait en outre, au titre de ce poste, le remboursement des frais viagers de renouvellement de sa prothèse dentaire, à hauteur de 11 024,30 euros, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le premier moyen du pourvoi n° D 19-23.470, pris en sa sixième branche, formé par Mme [N]
Enoncé du moyen
9. Mme [N] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne saurait méconnaître les termes du litige dont il est saisi, tel que circonscrit par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, en procédant par voie d'adoption des motifs des premiers juges, qui énonçaient que le préjudice sexuel de Mme [N] devait être évalué à 5 000,00 euros selon accord des parties, pour valider cette même somme, tandis qu'en cause d'appel, Mme [N] ne sollicitait plus 5 000,00 euros à ce titre, mais 10 000,00 euros, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
10. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
11. Pour fixer à 922 955,17 euros le montant total du préjudice subi par Mme [N], l'arrêt, par motifs adoptés, retient, au titre du préjudice sexuel, 5 000 euros selon accord des parties.
12. En statuant ainsi, alors que Mme [N] sollicitait, au titre de ce poste, l'allocation d'une somme de 10 000 euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi n° K 19-25.431, formé par la société GMF
Enoncé du moyen
13. La société GMF fait grief à l'arrêt de dire que la somme de 459 508,54 euros produira intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du jugement, alors « que lorsque l'assureur de responsabilité a formulé une offre d'indemnisation en application des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances, la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur, et non celle allouée par le juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 30 novembre 2015, la société GMF assurances avait présenté à la victime une offre d'indemnisation et elle a mis comme terme à la pénalité du doublement des intérêts la date de cette offre ; qu'en jugeant que la sanction constituée par le versement d'intérêts au double du taux légal aurait pour assiette la totalité de l'indemnité allouée à la victime, soit la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions déjà versées, quand la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal avait pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur et non pas l'indemnité allouée par le juge, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
14. Mme [N] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau, en ce que la société GMF ne l'a pas soulevé devant la cour d'appel, et qu'il est mélangé de fait et de droit dès lors qu'il implique qu'il soit procédé à une appréciation de la qualité de l'offre émise le 30 novembre 2015. Elle fait valoir, en outre, que le moyen est contraire à l'argumentation développée en appel par la société GMF, qui concluait à une confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
15. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit. En outre, il ne ressort pas expressément des conclusions d'appel de la société GMF que celle-ci sollicitait la confirmation du jugement sur la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal.
16. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
17. Il résulte de ces textes, d'une part, qu'une pénalité dont l'assiette est fixée à la totalité des sommes allouées par le juge ne peut avoir pour terme que la date de la décision devenue définitive, d'autre part, que lorsque l'offre d'indemnité de l'assureur est tenue pour suffisante et que sa date est retenue pour terme de la sanction, son montant constitue l'assiette de la sanction.
18. L'arrêt assortit l'indemnité qu'il alloue à la victime du doublement de l'intérêt au taux légal jusqu'à la date de l'offre formée par la société GMF.
19. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait pas, à la fois, arrêter le cours des intérêts majorés au jour de l'offre de l'assureur et fixer l'assiette de ces intérêts au montant de la somme allouée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
20. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt fixant à 922 955,17 euros le montant total du préjudice subi par Mme [N] suite à l'accident du 16 mars 2007 et condamnant la société GMF à lui payer la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions versées et des prestations sociales perçues ou à percevoir, entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande de la société GMF d'être relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par la société Allianz, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 922 955,17 euros le montant total du préjudice subi par Mme [N] suite à l'accident du 16 mars 2007, condamne la société GMF assurances à payer à Mme [N] la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions versées et des prestations sociales perçues ou à percevoir, dit que cette somme produira intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015 puis au taux légal à compter du jugement, ordonne l'exécution provisoire à concurrence de la moitié de cette somme et rejette la demande de la société GMF assurances d'être relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par la société Allianz IARD, l'arrêt rendu le 11 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société GMF assurances aux dépens du pourvoi n° D 19-23.470 et la société Allianz IARD aux dépens du pourvoi n° K 19-25.431 ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société GMF assurances et la société Allianz IARD et condamne la société GMF assurances à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi n° D 19-23.470 par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [N]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 922.955,17 ? le montant total du préjudice subi par Mme [N] [N] suite à l'accident du 16 mars 2007 et d'avoir condamné la compagnie GMF Assurances à lui payer à Mme [N] la somme de 459.508,54 ?, compte tenu des provisions versées et des prestations sociales perçues ou à percevoir ;
Aux motifs propres que : « Quant à la liquidation du préjudice :
Les parties reprennent devant la cour, pour l'essentiel, leurs prétentions et leurs moyens de première instance. Au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée de ce chef » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que : « Sur les réparations
Il résulte du rapport du Dr [Q] que Madame [N] a présenté un traumatisme crânien sévère avec perte de connaissance immédiate et contusions multiples. Il conclut à :
- un déficit fonctionnel temporaire total du 16 mars au 8 juin 2007 ;
- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 9 juin 2007 au 16 mars 2010 ;
- des souffrances endurées de 5/7 ;
- un préjudice esthétique temporaire de 2,5/7 ;
- un préjudice esthétique actuel de 2/7 ;
- un préjudice professionnel ;
- un préjudice sexuel allégué par la victime ;
- une incapacité de travail totale jusqu'au 6 novembre 2010 ;
- un préjudice d'agrément ;
- un préjudice sexuel allégué par la victime ;
- une incapacité de travail totale jusqu'au 6 novembre 2010 ;
- un préjudice d'agrément ;
- un taux de DFT de 46 % ;
- la nécessité d'une tierce personne une heure par jour ;
- une date de consolidation au 16 mars 2010.
L'avis de l'expert n'est pas contesté par les parties. Il convient, compte tenu des justificatifs produits et de l'âge de la victime (37 ans au moment de la consolidation) de statuer comme suit sur ses demandes :
A) Préjudices patrimoniaux de la victime directe
1) Préjudices temporaires (avant consolidation)
a. Dépenses de santé actuelles :
* créance CPAM : 74 202,73 ?
* frais restés à charge : Madame [N] sollicite le paiement des sommes de 2 800 ?, 380 ? et 28 ? correspondant à des frais dentaires, de lunettes et de consultation d'une diététicienne ce que la compagnie GMF conteste au motif que le tribunal ne peut se contenter de simples devis.
S'agissant des frais dentaires et de lunettes aucune explication n'est donnée relativement à l'intervention d'une mutuelle, ce qui ne permet pas de faire droit aux demandes présentées. Les frais de consultation d'une diététicienne seront admis puisqu'en principe non remboursés.
b. Frais divers :
Madame [N] sollicite le versement des sommes de 400 ? au titre des frais de déplacement pour se rendre à [Localité 1] auprès du Dr [E], sapiteur, et de 248 ? au titre des frais de location d'un téléviseur. La compagnie GMF accepte de supporter les frais de transport de Madame [N] et d'un accompagnateur ainsi que les frais de télévision d'un montant de 37,80 ?.
Au vu des pièces produites, il convient de faire droit aux frais de transport dans la limite de 148,03 ? x 2 = 296,06 ? et aux frais de télévision à hauteur du montant de la facture produite (37,80 ?), soit un total de 333,86 ?.
c. Perte de gains professionnels actuels :
Madame [N] expose que son cumul net imposable de décembre 2006 a été de 1 609,17 ?, qu'elle percevait un treizième mois à 1 483,04 ?, qu'elle a été en arrêt de travail pendant trois ans, qu'elle aurait dû percevoir 62 319,12 ? (1 609,17 ? x 36 mois + 1 483,04 ? x 3), dont à déduire 55 534,43 ? d'indemnités journalières, soit un solde de 6 844,69 ?.
La compagnie GMF répond que Madame [N] a été en arrêt de travail du 16 mars 2007 au 6 novembre 2010, que son cumul imposable en 2006 s'est élevé à 15 674,84 ? soit 1 306,24 ? par mois et 58 008,60 ? sur 1 332 jours, dont à déduire la créance de la Caisse, ce qui détermine un solde de 2 474,17 ?.
Le salaire de décembre 2006 ne peut être pris comme seule référence alors surtout que Madame [N] travaille dans une grande surface et que décembre est toujours un mois beaucoup travaillé. Il convient, comme la compagnie GMF le soutient, de prendre comme référence le salaire imposable de l'année 2006. Dès lors, ses calculs doivent être validés, ce qui détermine une somme due à Madame [N] de 2 474,17 ?.
2) Préjudices permanents (après consolidation)
a. Dépenses de santé future (créance de la CPAM) :
35 223,29 ?.
b. Assistance par tierce personne :
Madame [N] sollicite le versement d'une somme de 20 ? par jour (soit une heure) sur une période de 10 ans, soit 73 000 ?, et, à compter du jugement à intervenir, une indemnisation sous forme de capital, soit 7 300 ? x 32,112 = 234 417,60 ? et un total de 307 417,60 ?.
La compagnie GMF accepte une indemnisation sur le fondement de 13 ? de l'heure, soit 47 450 ? pour la période du 8 juin 2007 au 8 juin 2017. Elle sollicite, pour la période postérieure, l'application du Barème de capitalisation de référence pour l'indemnisation des victimes 2017, soit 14 ? x 365 jours x 31,75 = 162 242,50 ? et un total de 209 692,50 ?.
Le tribunal considère qu'à défaut de justificatif de l'intervention d'un tiers c'est une somme de 16 ? de l'heure qui doit être retenue, soit :
- du 8 juin 2007 (date du retour à domicile) au 20 mars 2018 : 16 ? x 3 936 jours = 62 976 ? ;
- pour l'avenir : il convient, conformément à la demande de Madame [N], de faire application du barème publié par la Gazette du Palais pour l'année 2016, soit 16 ? x 365 x 32,112 = 187 534,08 ? et un total de 250 510,08 ?.
[c.] Perte de gains professionnels futurs :
Madame [N] rappelle que son revenu fiscal 2006 s'est élevé à 19 310,12 ?, que la perte subie du jour de la consolidation à la date de ses écritures s'élève donc à 135 170,84 ?, qu'une rente lui a été attribuée et que les arrérages échus s'élèvent à 57 656,76 ?, que s'agissant de la période s'étendant du jugement à sa retraite elle sollicite 19 310,12 ? x 32,112 = 620 086,57 ?, soit un total de 755 257,41 ?.
La compagnie GMF répond que le revenu 2006 de la demanderesse s'est élevé à 1 306,24 ? mensuels, qu'elle n'est pas inapte à exercer tout emploi et qu'elle peut travailler dans un milieu protégé pour personnes handicapées tel qu'un ESAT, ce qui lui rapporterait un demi SMIC soit 569,91 par mois, que la créance de Madame [N] s'élève à 1 306,24 ? - 569,91 ? = 736,33 ? x 87 mois = 64 060,71 ? à la date du jugement et que s'agissant de l'avenir il convient de retenir 736,33 ? x 12 x 16,85 = 148 885,93 ?, soit un total de 212 946,64 ?, dont à déduire la rente de 213 486,18 ?.
Le tribunal constate qu'il résulte du rapport d'expertise que Madame [N] ne peut désormais assumer, sans l'intervention, la stimulation et la supervision d'un tiers des activités élaborées, ce dont il se déduit qu'elle n'est pas inapte à tout travail et qu'il doit être tenu compte de sa capacité à travailler en milieu protégé pour un demi SMIC, ce qui détermine un préjudice mensuel de 1 306,24 ? - 569,91 ? = 736,33 ?, soit, à la date du jugement, 736,33 ? x 96 mois = 70 687,68 ?.
S'agissant de sa créance à l'âge de 62 ans il convient de la déterminer comme suit : 736,33 ? x 12 x 16,85 = 148 885,93 ?, soit un total de 70 687,68 ? + 148 885,93 ? = 219 573,61 ?, dont à déduire la créance de la CPA (arrérages et capital constitutif de la rente accident du travail) 213 486,18 ? = 6 087,43 ?.
[d.] Incidence professionnelle :
Madame [N] expose qu'elle travaillait depuis 15 ans au sein de la même entreprise, qu'elle avait la possibilité d'évoluer, qu'elle a perdu toutes ses capacités professionnelles avec toutes les incidences sur sa future retraite, que l'accident a causé la perte d'une partie de son identité sociale, qu'elle a perdu un intéressement de 1 000 ? par an et qu'elle sollicite à titre forfaitaire le versement d'une somme de 150 000 ?.
La compagnie GMF accepte d'allouer 50 000 ?.
La dévalorisation de Madame [N] sur le marché du travail jointe aux préjudices liés à la perte de l'intéressement et à une retraite réduire conduiront le tribunal à allouer une somme de 65 000 ? en réparation de ce préjudice.
B) Préjudices extrapatrimoniaux de la victime directe
1) Préjudices temporaires (avant consolidation)
a. Déficit fonctionnel temporaire :
Il est sollicité 27 400 ? alors qu'il est offert 13 593 ? sur le fondement de 23 ? par jour.
Le tribunal considère qu'une indemnité de 25 ? par jour doit être retenue, soit un total de 14 775 ?.
b. Souffrances 5/7 :
Il est sollicité 30 000 ?. La compagnie GMF offre 22 000 ?. Madame [N] a notamment dû subir deux opérations, suivre des séances de rééducation, changer son dentier, être suivie par un psychologue et un psychiatre. Il convient de faire droit à la demande dans la limite de 27 500 ?.
c. Préjudice esthétique temporaire 2,5/7 pendant un an :
Il est sollicité 8 000 ? alors qu'il est offert 2 000 ?. L'expert a relevé l'édentation de la victime, son rasage ainsi que la présence de cicatrices pariéto-occipitales. Au vu de ces éléments il convient de faire droit à sa demande dans la limite de 4 000 ?.
2) Préjudices permanents (après consolidation)
a. Déficit fonctionnel permanent 46 % :
Il est sollicité 151 800 ? et offert 119 600 ?. L'expert signale l'existence d'un syndrome psycho-comportemental de type frontal sévère associé à une altération de la mémoire à court terme et un affaiblissement des capacités additionnelles entraînant un déficit fonctionnel permanent. Le tribunal considère que la demande doit être accueillie.
b. Préjudice d'agrément :
Madame [N] a chiffré son préjudice à 30 000 ?.
La compagnie GMF répond que la victime doit démontrer la pratique antérieure d'une activité spécifique sportive ou de loisirs, ce qu'elle ne fait pas, que subsidiairement elle offre 5 000 ?.
Madame [N] justifie par des attestations qu'elle pratique le footing, la marche et la natation. L'expert a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément. Il sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 5 000 ? de dommages et intérêts.
c. Préjudice esthétique permanent 2/7 :
Il est sollicité 2 000 ? et offert 1 500 ?. L'expert fait état d'une cicatrice de la région cervicale, d'un élargissement de la fonte palpébrale et d'un trouble de la marche. Il sera fait droit à la demande présentée.
d. Préjudice sexuel :
5 000 ? selon accord des parties.
e. Préjudice d'établissement :
Il est sollicité 10 000 ? alors qu'il n'est rien offert au motif que l'expert n'a pas retenu ce préjudice. Le tribunal constate que l'expert n'a pas été interrogé sur ce point et considère que Madame [N], qui présente désormais un taux de DFP de 46 %, qui ne pourra travailler que dans un cadre protégé et qui doit bénéficier d'une mesure de protection pour gérer ses capitaux, subit incontestablement un tel préjudice, ce qui justifie de faire droit à sa demande.
Soit un préjudice total de 378 446,63 ? (créance CPAM) + 28 ? + 333,86 ? + 2 474,17 ? + 250 510,08 ? + 6 087,43 ? + 65 000 ? + 14 775 ? + 27 500 ? + 4 000 ? + 151 800 ? + 5 000 ? + 2 000 ? + 5 000 ? + 10 000 ? = 922 955,17 ?, dont à déduire le montant des provisions (85 000 ?) et des prestations payées ou à payer par la CPAM (378 446,63 ?), soit un solde de 459 508,54 ? à percevoir par Madame [N] » ;
1. Alors que, d'une part, tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en l'espèce, en ne faisant pas droit à la demande d'indemnisation présentée en raison du renouvellement de l'appareil dentaire de Mme [N] sans répondre à son moyen, péremptoire, tiré de ce que le Dr [F], qui avait procédé à la mise en place d'une prothèse dentaire, attestait que sa durée de port était de sept à huit ans, de sorte que Mme [N] pouvait utilement réclamer une indemnité correspondant aux fruits viagers de renouvellement de cette prothèse (conclusions, p. 10), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2. Alors que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en l'espèce, en évaluant la perte de gains professionnels futurs subie par Mme [N] au vu du seul critère financier exposé par elle, sans répondre à son moyen, péremptoire, tiré des paramètres médico-légal et socio-économique caractérisant aussi ce poste de préjudice (conclusions, p. 10 à 12), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3. Alors que, de plus, le juge est tenu d'indemniser totalement le préjudice de la victime, sans perte ni profit ; qu'en l'espèce, en refusant d'inclure dans le poste d'indemnisation relatif à l'incidence professionnelle la perte d'une partie de l'existence sociale de la victime, la cour d'appel a violé la règle de la réparation intégrale du dommage, sans perte ni profit ;
4. Alors qu'en outre, le juge ne saurait méconnaître les termes du litige dont il est saisi, tel que circonscrit par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, en procédant par voie d'adoption des motifs des premiers juges, qui énonçaient que Mme [N] sollicitait au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent 151.800,00 ? et qu'il convenait de faire droit à cette demande spécifique, pour valider cette même somme, tandis qu'en cause d'appel, Mme [N] ne sollicitait plus 151.800,00 ? à ce titre, mais 184.000,00 ?, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
5. Alors qu'en sus, le juge ne saurait méconnaître les termes du litige dont il est saisi, tel que circonscrit par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, en procédant par voie d'adoption des motifs des premiers juges, qui énonçaient que Mme [N] sollicitait au titre de l'indemnisation du préjudice esthétique permanent 2.000,00 ? et qu'il convenait de faire droit à cette demande spécifique, pour valider cette même somme, tandis qu'en cause d'appel, Mme [N] ne sollicitait plus 2.000,00 ? à ce titre, mais 4.000,00 ?, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
6. Alors qu'enfin, le juge ne saurait méconnaître les termes du litige dont il est saisi, tel que circonscrit par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, en procédant par voie d'adoption des motifs des premiers juges, qui énonçaient que le préjudice sexuel de Mme [N] devait être évalué à 5.000,00 ? selon accord des parties, pour valider cette même somme, tandis qu'en cause d'appel, Mme [N] ne sollicitait plus 5.000,00 ? à ce titre, mais 10.000,00 ?, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la somme de 459.508,54 ? produirait intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du jugement de première instance ;
Aux motifs propres que : « Quant à la liquidation du préjudice :
Les parties reprennent devant la cour, pour l'essentiel, leurs prétentions et leurs moyens de première instance. Au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée de ce chef » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que : « Madame [N] [?] sollicite la fixation des intérêts au double du taux légal à compter de mai 2015. Elle fait valoir que le rapport d'expertise a été déposé le 16 mai 2015 mais que l'assureur n'a pas fait d'offre dans le délai requis.
Il résulte de l'article L 211-9 du code des assurances que l'offre définitive doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.
En l'espèce le rapport d'expertise a été déposé le 16 mai 2015 mais la compagnie GMF n'a formalisé son offre que le 30 novembre 2015.
L'indemnité allouée produira donc intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du présent jugement » ;
Alors que, lorsque l'offre de l'assureur n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9 du Code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou de la date de la décision irrévocable statuant sur le préjudice ; qu'en l'espèce, en confirmant le chef de décision qui avait dit que la somme produirait intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du jugement de première instance, au lieu de ne lui faire produire ces mêmes intérêts au taux légal qu'à compter de l'arrêt d'appel, la cour d'appel a violé l'article L. 211-13 du Code des assurances. Moyens produits au pourvoi n° K 19-25.431 par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société GMF assurances
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bastia du 20 mars 2018, sauf en ce qu'il avait condamné la société Allianz Iard à garantir la compagnie GMF des condamnations mises à sa charge en principal et article 700 du code de procédure civile, et statuant de ces seuls chefs, d'avoir rejeté la demande de la compagnie GMF d'être relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par la société Allianz Iard ;
Aux motifs que, quant aux garanties des assureurs, la GMF, précisant que les conditions générales du contrat Motolis, assurant le cyclomoteur prêté par [D] [V] à son camarade [L] [M], excluant toute garantie si l'emprunteur n'est pas titulaire du brevet de sécurité routière - ce qui n'est pas contesté en l'espèce - d'une part, ne conteste pas que cette exception de garantie est inopposable à la victime, à laquelle elle doit indemnisation et, d'autre part, qu'elle est dès lors habile à se voir relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par l'assureur responsabilité civile d'[F] [M], père de [L] [M] (mineur), la SA Allianz Iard ; qu'or, c'est légitimement que cette dernière fait valoir qu'en l'absence de preuve de l'exclusion contractuelle de garantie, le recours ne peut prospérer ; qu'en effet, à cet égard, la GMF se borne à produire un livret intitulé « deux roues, conditions générales », dont il n'est établi ni qu'il soit nécessairement relatif à la police d'assurance souscrite au profit de [D] [V], ni que ces conditions générales aient été connues du souscripteur ; qu'il échet en conséquence de réformer la décision entreprise, en ce qu'elle a condamné Allianz Iard à garantir la compagnie GMF des condamnations pouvant intervenir à son encontre et sans qu'il soit dès lors ici utile d'examiner le surplus des moyens des parties ;
Alors 1°) que, les juges du fond doivent respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant qu'il n'était pas établi que le livret intitulé « deux roues, conditions générales » était relatif à la police d'assurance souscrite au profit de [D] [V], quand la société Allianz Iard ne le contestait pas mais soutenait que pour que ce contrat soit « efficace », il appartenait à la société GMF d'en produire les conditions particulières (cf. ses conclusions récapitulatives, p. 11), la cour d'appel, qui a relevé ce moyen sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que, les juges du fond doivent respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant qu'il n'était pas établi que les conditions générales du contrat Motolis aient été connues du souscripteur quand la société Allianz Iard ne soulevait pas ce moyen, la cour d'appel, qui devait inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors 3°) que, les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de la compagnie GMF tendant à être relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par la société Allianz Iard, qu'il n'est pas établi que le livret intitulé « deux roues, conditions générales » était nécessairement relatif à la police d'assurance souscrite au profit de M. [V], ou que ses conditions générales aient été connues du souscripteur, quand ni la société Allianz Iard, ni son assuré, M. [L] [M], qui, bien que défaillant en appel, avait conclu en première instance, n'avait jamais soulevé de contestations sur ces points, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors 4°) que, en tout état de cause, faute d'avoir recherché, comme elle y était invitée (conclusions récapitulatives d'appel de la GMF, p. 5), si, à défaut de condamnation de la société Allianz Iard, M. [F] [M], en sa qualité de civilement responsable de son fils mineur, ne devait pas être condamné à supporter la charge de l'intégralité des indemnités versées par la GMF à la victime, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la somme de 459 508,54 euros produira intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du jugement ;
Aux motifs adoptés que, Mme [N] sollicite la fixation des intérêts au double du taux légal à compter de mai 2015 ; qu'elle fait valoir que le rapport d'expertise a été déposé le 16 mai 2015 mais que l'assureur n'a pas fait d'offre dans le délai requis ; qu'il résulte de l'article L. 211-9 du code des assurances que l'offre définitive doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation ; qu'en l'espèce, le rapport d'expertise a été déposé le 16 mai 2015 mais la compagnie GMF n'a formalisé son offre que le 30 novembre 2015 ; que l'indemnité allouée produira donc intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du présent jugement ; qu'il convient d'ordonner l'exécution provisoire à concurrence de la moitié de la condamnation prononcée ;
Alors que, lorsque l'assureur de responsabilité a formulé une offre d'indemnisation en application des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances, la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur, et non celle allouée par le juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 30 novembre 2015, la société GMF assurances avait présenté à la victime une offre d'indemnisation et elle a mis comme terme à la pénalité du doublement des intérêts la date de cette offre ; qu'en jugeant que la sanction constituée par le versement d'intérêts au double du taux légal aurait pour assiette la totalité de l'indemnité allouée à la victime, soit la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions déjà versées, quand la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal avait pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur et non pas l'indemnité allouée par le juge, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.ECLI:FR:CCASS:2021:C200721
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juillet 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 721 F-D
Pourvois n°
D 19-23.470
K 19-25.431 Jonction
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021
I. Mme [N] [N], domiciliée chez Mme [K] [G], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-23.470 contre un arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [F] [M],
3°/ à M. [L] [M],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
4°/ à la société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
II. La société GMF assurances a formé le pourvoi n° K 19-25.431 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Allianz IARD,
2°/ à Mme [N] [N],
3°/ à M. [F] [M],
4°/ à M. [L] [M],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° D 19-23.470 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° K 19-25.431 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [N], de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz IARD, après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 19-23.470 et K 19-25.431, qui attaquent le même arrêt, sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 11 septembre 2019) et les productions, le 16 mars 2007, Mme [N] a été heurtée par un cyclomoteur piloté par M. [L] [M], alors mineur, et appartenant à M. [V], assuré auprès de la société GMF assurances (la société GMF).
3. Mme [N] a assigné la société GMF et M. [L] [M] en indemnisation, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse. La société GMF a assigné le père de M. [L] [M], M. [F] [M], afin d'être relevée et garantie par ce dernier de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle et M. [F] [M] a assigné son assureur responsabilité civile, la société AGF, aux droits de laquelle est venue la société Allianz IARD (la société Allianz), afin d'être relevé et garanti par cette dernière de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre lui.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi n° D 19-23.470, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, formé par Mme [N], ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° D 19-23.470, pris en sa première branche, formé par Mme [N]
Enoncé du moyen
5. Mme [N] fait grief à l'arrêt de fixer à 922 955,17 euros le montant total du préjudice qu'elle a subi suite à l'accident du 16 mars 2007 et de condamner la société GMF à lui payer la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions versées et des prestations sociales perçues ou à percevoir, alors « que tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en l'espèce, en ne faisant pas droit à la demande d'indemnisation présentée en raison du renouvellement de l'appareil dentaire de Mme [N] sans répondre à son moyen, péremptoire, tiré de ce que le Dr [F], qui avait procédé à la mise en place d'une prothèse dentaire, attestait que sa durée de port était de sept à huit ans, de sorte que Mme [N] pouvait utilement réclamer une indemnité correspondant aux fruits viagers de renouvellement de cette prothèse, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
6. Tout jugement doit être motivé à peine de nullité. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.
7. Pour fixer à 922 955,17 euros le montant total du préjudice subi par Mme [N], l'arrêt, par motifs adoptés, retient au titre des dépenses de santé futures : « créance de la CPAM : 35 223,29 euros ».
8. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [N] qui réclamait en outre, au titre de ce poste, le remboursement des frais viagers de renouvellement de sa prothèse dentaire, à hauteur de 11 024,30 euros, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le premier moyen du pourvoi n° D 19-23.470, pris en sa sixième branche, formé par Mme [N]
Enoncé du moyen
9. Mme [N] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne saurait méconnaître les termes du litige dont il est saisi, tel que circonscrit par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, en procédant par voie d'adoption des motifs des premiers juges, qui énonçaient que le préjudice sexuel de Mme [N] devait être évalué à 5 000,00 euros selon accord des parties, pour valider cette même somme, tandis qu'en cause d'appel, Mme [N] ne sollicitait plus 5 000,00 euros à ce titre, mais 10 000,00 euros, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
10. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
11. Pour fixer à 922 955,17 euros le montant total du préjudice subi par Mme [N], l'arrêt, par motifs adoptés, retient, au titre du préjudice sexuel, 5 000 euros selon accord des parties.
12. En statuant ainsi, alors que Mme [N] sollicitait, au titre de ce poste, l'allocation d'une somme de 10 000 euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi n° K 19-25.431, formé par la société GMF
Enoncé du moyen
13. La société GMF fait grief à l'arrêt de dire que la somme de 459 508,54 euros produira intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du jugement, alors « que lorsque l'assureur de responsabilité a formulé une offre d'indemnisation en application des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances, la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur, et non celle allouée par le juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 30 novembre 2015, la société GMF assurances avait présenté à la victime une offre d'indemnisation et elle a mis comme terme à la pénalité du doublement des intérêts la date de cette offre ; qu'en jugeant que la sanction constituée par le versement d'intérêts au double du taux légal aurait pour assiette la totalité de l'indemnité allouée à la victime, soit la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions déjà versées, quand la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal avait pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur et non pas l'indemnité allouée par le juge, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
14. Mme [N] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau, en ce que la société GMF ne l'a pas soulevé devant la cour d'appel, et qu'il est mélangé de fait et de droit dès lors qu'il implique qu'il soit procédé à une appréciation de la qualité de l'offre émise le 30 novembre 2015. Elle fait valoir, en outre, que le moyen est contraire à l'argumentation développée en appel par la société GMF, qui concluait à une confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
15. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit. En outre, il ne ressort pas expressément des conclusions d'appel de la société GMF que celle-ci sollicitait la confirmation du jugement sur la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal.
16. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
17. Il résulte de ces textes, d'une part, qu'une pénalité dont l'assiette est fixée à la totalité des sommes allouées par le juge ne peut avoir pour terme que la date de la décision devenue définitive, d'autre part, que lorsque l'offre d'indemnité de l'assureur est tenue pour suffisante et que sa date est retenue pour terme de la sanction, son montant constitue l'assiette de la sanction.
18. L'arrêt assortit l'indemnité qu'il alloue à la victime du doublement de l'intérêt au taux légal jusqu'à la date de l'offre formée par la société GMF.
19. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait pas, à la fois, arrêter le cours des intérêts majorés au jour de l'offre de l'assureur et fixer l'assiette de ces intérêts au montant de la somme allouée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
20. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt fixant à 922 955,17 euros le montant total du préjudice subi par Mme [N] suite à l'accident du 16 mars 2007 et condamnant la société GMF à lui payer la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions versées et des prestations sociales perçues ou à percevoir, entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande de la société GMF d'être relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par la société Allianz, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 922 955,17 euros le montant total du préjudice subi par Mme [N] suite à l'accident du 16 mars 2007, condamne la société GMF assurances à payer à Mme [N] la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions versées et des prestations sociales perçues ou à percevoir, dit que cette somme produira intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015 puis au taux légal à compter du jugement, ordonne l'exécution provisoire à concurrence de la moitié de cette somme et rejette la demande de la société GMF assurances d'être relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par la société Allianz IARD, l'arrêt rendu le 11 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société GMF assurances aux dépens du pourvoi n° D 19-23.470 et la société Allianz IARD aux dépens du pourvoi n° K 19-25.431 ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société GMF assurances et la société Allianz IARD et condamne la société GMF assurances à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi n° D 19-23.470 par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [N]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 922.955,17 ? le montant total du préjudice subi par Mme [N] [N] suite à l'accident du 16 mars 2007 et d'avoir condamné la compagnie GMF Assurances à lui payer à Mme [N] la somme de 459.508,54 ?, compte tenu des provisions versées et des prestations sociales perçues ou à percevoir ;
Aux motifs propres que : « Quant à la liquidation du préjudice :
Les parties reprennent devant la cour, pour l'essentiel, leurs prétentions et leurs moyens de première instance. Au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée de ce chef » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que : « Sur les réparations
Il résulte du rapport du Dr [Q] que Madame [N] a présenté un traumatisme crânien sévère avec perte de connaissance immédiate et contusions multiples. Il conclut à :
- un déficit fonctionnel temporaire total du 16 mars au 8 juin 2007 ;
- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 9 juin 2007 au 16 mars 2010 ;
- des souffrances endurées de 5/7 ;
- un préjudice esthétique temporaire de 2,5/7 ;
- un préjudice esthétique actuel de 2/7 ;
- un préjudice professionnel ;
- un préjudice sexuel allégué par la victime ;
- une incapacité de travail totale jusqu'au 6 novembre 2010 ;
- un préjudice d'agrément ;
- un préjudice sexuel allégué par la victime ;
- une incapacité de travail totale jusqu'au 6 novembre 2010 ;
- un préjudice d'agrément ;
- un taux de DFT de 46 % ;
- la nécessité d'une tierce personne une heure par jour ;
- une date de consolidation au 16 mars 2010.
L'avis de l'expert n'est pas contesté par les parties. Il convient, compte tenu des justificatifs produits et de l'âge de la victime (37 ans au moment de la consolidation) de statuer comme suit sur ses demandes :
A) Préjudices patrimoniaux de la victime directe
1) Préjudices temporaires (avant consolidation)
a. Dépenses de santé actuelles :
* créance CPAM : 74 202,73 ?
* frais restés à charge : Madame [N] sollicite le paiement des sommes de 2 800 ?, 380 ? et 28 ? correspondant à des frais dentaires, de lunettes et de consultation d'une diététicienne ce que la compagnie GMF conteste au motif que le tribunal ne peut se contenter de simples devis.
S'agissant des frais dentaires et de lunettes aucune explication n'est donnée relativement à l'intervention d'une mutuelle, ce qui ne permet pas de faire droit aux demandes présentées. Les frais de consultation d'une diététicienne seront admis puisqu'en principe non remboursés.
b. Frais divers :
Madame [N] sollicite le versement des sommes de 400 ? au titre des frais de déplacement pour se rendre à [Localité 1] auprès du Dr [E], sapiteur, et de 248 ? au titre des frais de location d'un téléviseur. La compagnie GMF accepte de supporter les frais de transport de Madame [N] et d'un accompagnateur ainsi que les frais de télévision d'un montant de 37,80 ?.
Au vu des pièces produites, il convient de faire droit aux frais de transport dans la limite de 148,03 ? x 2 = 296,06 ? et aux frais de télévision à hauteur du montant de la facture produite (37,80 ?), soit un total de 333,86 ?.
c. Perte de gains professionnels actuels :
Madame [N] expose que son cumul net imposable de décembre 2006 a été de 1 609,17 ?, qu'elle percevait un treizième mois à 1 483,04 ?, qu'elle a été en arrêt de travail pendant trois ans, qu'elle aurait dû percevoir 62 319,12 ? (1 609,17 ? x 36 mois + 1 483,04 ? x 3), dont à déduire 55 534,43 ? d'indemnités journalières, soit un solde de 6 844,69 ?.
La compagnie GMF répond que Madame [N] a été en arrêt de travail du 16 mars 2007 au 6 novembre 2010, que son cumul imposable en 2006 s'est élevé à 15 674,84 ? soit 1 306,24 ? par mois et 58 008,60 ? sur 1 332 jours, dont à déduire la créance de la Caisse, ce qui détermine un solde de 2 474,17 ?.
Le salaire de décembre 2006 ne peut être pris comme seule référence alors surtout que Madame [N] travaille dans une grande surface et que décembre est toujours un mois beaucoup travaillé. Il convient, comme la compagnie GMF le soutient, de prendre comme référence le salaire imposable de l'année 2006. Dès lors, ses calculs doivent être validés, ce qui détermine une somme due à Madame [N] de 2 474,17 ?.
2) Préjudices permanents (après consolidation)
a. Dépenses de santé future (créance de la CPAM) :
35 223,29 ?.
b. Assistance par tierce personne :
Madame [N] sollicite le versement d'une somme de 20 ? par jour (soit une heure) sur une période de 10 ans, soit 73 000 ?, et, à compter du jugement à intervenir, une indemnisation sous forme de capital, soit 7 300 ? x 32,112 = 234 417,60 ? et un total de 307 417,60 ?.
La compagnie GMF accepte une indemnisation sur le fondement de 13 ? de l'heure, soit 47 450 ? pour la période du 8 juin 2007 au 8 juin 2017. Elle sollicite, pour la période postérieure, l'application du Barème de capitalisation de référence pour l'indemnisation des victimes 2017, soit 14 ? x 365 jours x 31,75 = 162 242,50 ? et un total de 209 692,50 ?.
Le tribunal considère qu'à défaut de justificatif de l'intervention d'un tiers c'est une somme de 16 ? de l'heure qui doit être retenue, soit :
- du 8 juin 2007 (date du retour à domicile) au 20 mars 2018 : 16 ? x 3 936 jours = 62 976 ? ;
- pour l'avenir : il convient, conformément à la demande de Madame [N], de faire application du barème publié par la Gazette du Palais pour l'année 2016, soit 16 ? x 365 x 32,112 = 187 534,08 ? et un total de 250 510,08 ?.
[c.] Perte de gains professionnels futurs :
Madame [N] rappelle que son revenu fiscal 2006 s'est élevé à 19 310,12 ?, que la perte subie du jour de la consolidation à la date de ses écritures s'élève donc à 135 170,84 ?, qu'une rente lui a été attribuée et que les arrérages échus s'élèvent à 57 656,76 ?, que s'agissant de la période s'étendant du jugement à sa retraite elle sollicite 19 310,12 ? x 32,112 = 620 086,57 ?, soit un total de 755 257,41 ?.
La compagnie GMF répond que le revenu 2006 de la demanderesse s'est élevé à 1 306,24 ? mensuels, qu'elle n'est pas inapte à exercer tout emploi et qu'elle peut travailler dans un milieu protégé pour personnes handicapées tel qu'un ESAT, ce qui lui rapporterait un demi SMIC soit 569,91 par mois, que la créance de Madame [N] s'élève à 1 306,24 ? - 569,91 ? = 736,33 ? x 87 mois = 64 060,71 ? à la date du jugement et que s'agissant de l'avenir il convient de retenir 736,33 ? x 12 x 16,85 = 148 885,93 ?, soit un total de 212 946,64 ?, dont à déduire la rente de 213 486,18 ?.
Le tribunal constate qu'il résulte du rapport d'expertise que Madame [N] ne peut désormais assumer, sans l'intervention, la stimulation et la supervision d'un tiers des activités élaborées, ce dont il se déduit qu'elle n'est pas inapte à tout travail et qu'il doit être tenu compte de sa capacité à travailler en milieu protégé pour un demi SMIC, ce qui détermine un préjudice mensuel de 1 306,24 ? - 569,91 ? = 736,33 ?, soit, à la date du jugement, 736,33 ? x 96 mois = 70 687,68 ?.
S'agissant de sa créance à l'âge de 62 ans il convient de la déterminer comme suit : 736,33 ? x 12 x 16,85 = 148 885,93 ?, soit un total de 70 687,68 ? + 148 885,93 ? = 219 573,61 ?, dont à déduire la créance de la CPA (arrérages et capital constitutif de la rente accident du travail) 213 486,18 ? = 6 087,43 ?.
[d.] Incidence professionnelle :
Madame [N] expose qu'elle travaillait depuis 15 ans au sein de la même entreprise, qu'elle avait la possibilité d'évoluer, qu'elle a perdu toutes ses capacités professionnelles avec toutes les incidences sur sa future retraite, que l'accident a causé la perte d'une partie de son identité sociale, qu'elle a perdu un intéressement de 1 000 ? par an et qu'elle sollicite à titre forfaitaire le versement d'une somme de 150 000 ?.
La compagnie GMF accepte d'allouer 50 000 ?.
La dévalorisation de Madame [N] sur le marché du travail jointe aux préjudices liés à la perte de l'intéressement et à une retraite réduire conduiront le tribunal à allouer une somme de 65 000 ? en réparation de ce préjudice.
B) Préjudices extrapatrimoniaux de la victime directe
1) Préjudices temporaires (avant consolidation)
a. Déficit fonctionnel temporaire :
Il est sollicité 27 400 ? alors qu'il est offert 13 593 ? sur le fondement de 23 ? par jour.
Le tribunal considère qu'une indemnité de 25 ? par jour doit être retenue, soit un total de 14 775 ?.
b. Souffrances 5/7 :
Il est sollicité 30 000 ?. La compagnie GMF offre 22 000 ?. Madame [N] a notamment dû subir deux opérations, suivre des séances de rééducation, changer son dentier, être suivie par un psychologue et un psychiatre. Il convient de faire droit à la demande dans la limite de 27 500 ?.
c. Préjudice esthétique temporaire 2,5/7 pendant un an :
Il est sollicité 8 000 ? alors qu'il est offert 2 000 ?. L'expert a relevé l'édentation de la victime, son rasage ainsi que la présence de cicatrices pariéto-occipitales. Au vu de ces éléments il convient de faire droit à sa demande dans la limite de 4 000 ?.
2) Préjudices permanents (après consolidation)
a. Déficit fonctionnel permanent 46 % :
Il est sollicité 151 800 ? et offert 119 600 ?. L'expert signale l'existence d'un syndrome psycho-comportemental de type frontal sévère associé à une altération de la mémoire à court terme et un affaiblissement des capacités additionnelles entraînant un déficit fonctionnel permanent. Le tribunal considère que la demande doit être accueillie.
b. Préjudice d'agrément :
Madame [N] a chiffré son préjudice à 30 000 ?.
La compagnie GMF répond que la victime doit démontrer la pratique antérieure d'une activité spécifique sportive ou de loisirs, ce qu'elle ne fait pas, que subsidiairement elle offre 5 000 ?.
Madame [N] justifie par des attestations qu'elle pratique le footing, la marche et la natation. L'expert a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément. Il sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 5 000 ? de dommages et intérêts.
c. Préjudice esthétique permanent 2/7 :
Il est sollicité 2 000 ? et offert 1 500 ?. L'expert fait état d'une cicatrice de la région cervicale, d'un élargissement de la fonte palpébrale et d'un trouble de la marche. Il sera fait droit à la demande présentée.
d. Préjudice sexuel :
5 000 ? selon accord des parties.
e. Préjudice d'établissement :
Il est sollicité 10 000 ? alors qu'il n'est rien offert au motif que l'expert n'a pas retenu ce préjudice. Le tribunal constate que l'expert n'a pas été interrogé sur ce point et considère que Madame [N], qui présente désormais un taux de DFP de 46 %, qui ne pourra travailler que dans un cadre protégé et qui doit bénéficier d'une mesure de protection pour gérer ses capitaux, subit incontestablement un tel préjudice, ce qui justifie de faire droit à sa demande.
Soit un préjudice total de 378 446,63 ? (créance CPAM) + 28 ? + 333,86 ? + 2 474,17 ? + 250 510,08 ? + 6 087,43 ? + 65 000 ? + 14 775 ? + 27 500 ? + 4 000 ? + 151 800 ? + 5 000 ? + 2 000 ? + 5 000 ? + 10 000 ? = 922 955,17 ?, dont à déduire le montant des provisions (85 000 ?) et des prestations payées ou à payer par la CPAM (378 446,63 ?), soit un solde de 459 508,54 ? à percevoir par Madame [N] » ;
1. Alors que, d'une part, tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en l'espèce, en ne faisant pas droit à la demande d'indemnisation présentée en raison du renouvellement de l'appareil dentaire de Mme [N] sans répondre à son moyen, péremptoire, tiré de ce que le Dr [F], qui avait procédé à la mise en place d'une prothèse dentaire, attestait que sa durée de port était de sept à huit ans, de sorte que Mme [N] pouvait utilement réclamer une indemnité correspondant aux fruits viagers de renouvellement de cette prothèse (conclusions, p. 10), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2. Alors que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en l'espèce, en évaluant la perte de gains professionnels futurs subie par Mme [N] au vu du seul critère financier exposé par elle, sans répondre à son moyen, péremptoire, tiré des paramètres médico-légal et socio-économique caractérisant aussi ce poste de préjudice (conclusions, p. 10 à 12), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3. Alors que, de plus, le juge est tenu d'indemniser totalement le préjudice de la victime, sans perte ni profit ; qu'en l'espèce, en refusant d'inclure dans le poste d'indemnisation relatif à l'incidence professionnelle la perte d'une partie de l'existence sociale de la victime, la cour d'appel a violé la règle de la réparation intégrale du dommage, sans perte ni profit ;
4. Alors qu'en outre, le juge ne saurait méconnaître les termes du litige dont il est saisi, tel que circonscrit par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, en procédant par voie d'adoption des motifs des premiers juges, qui énonçaient que Mme [N] sollicitait au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent 151.800,00 ? et qu'il convenait de faire droit à cette demande spécifique, pour valider cette même somme, tandis qu'en cause d'appel, Mme [N] ne sollicitait plus 151.800,00 ? à ce titre, mais 184.000,00 ?, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
5. Alors qu'en sus, le juge ne saurait méconnaître les termes du litige dont il est saisi, tel que circonscrit par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, en procédant par voie d'adoption des motifs des premiers juges, qui énonçaient que Mme [N] sollicitait au titre de l'indemnisation du préjudice esthétique permanent 2.000,00 ? et qu'il convenait de faire droit à cette demande spécifique, pour valider cette même somme, tandis qu'en cause d'appel, Mme [N] ne sollicitait plus 2.000,00 ? à ce titre, mais 4.000,00 ?, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
6. Alors qu'enfin, le juge ne saurait méconnaître les termes du litige dont il est saisi, tel que circonscrit par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, en procédant par voie d'adoption des motifs des premiers juges, qui énonçaient que le préjudice sexuel de Mme [N] devait être évalué à 5.000,00 ? selon accord des parties, pour valider cette même somme, tandis qu'en cause d'appel, Mme [N] ne sollicitait plus 5.000,00 ? à ce titre, mais 10.000,00 ?, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la somme de 459.508,54 ? produirait intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du jugement de première instance ;
Aux motifs propres que : « Quant à la liquidation du préjudice :
Les parties reprennent devant la cour, pour l'essentiel, leurs prétentions et leurs moyens de première instance. Au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée de ce chef » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que : « Madame [N] [?] sollicite la fixation des intérêts au double du taux légal à compter de mai 2015. Elle fait valoir que le rapport d'expertise a été déposé le 16 mai 2015 mais que l'assureur n'a pas fait d'offre dans le délai requis.
Il résulte de l'article L 211-9 du code des assurances que l'offre définitive doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.
En l'espèce le rapport d'expertise a été déposé le 16 mai 2015 mais la compagnie GMF n'a formalisé son offre que le 30 novembre 2015.
L'indemnité allouée produira donc intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du présent jugement » ;
Alors que, lorsque l'offre de l'assureur n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9 du Code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou de la date de la décision irrévocable statuant sur le préjudice ; qu'en l'espèce, en confirmant le chef de décision qui avait dit que la somme produirait intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du jugement de première instance, au lieu de ne lui faire produire ces mêmes intérêts au taux légal qu'à compter de l'arrêt d'appel, la cour d'appel a violé l'article L. 211-13 du Code des assurances. Moyens produits au pourvoi n° K 19-25.431 par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société GMF assurances
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bastia du 20 mars 2018, sauf en ce qu'il avait condamné la société Allianz Iard à garantir la compagnie GMF des condamnations mises à sa charge en principal et article 700 du code de procédure civile, et statuant de ces seuls chefs, d'avoir rejeté la demande de la compagnie GMF d'être relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par la société Allianz Iard ;
Aux motifs que, quant aux garanties des assureurs, la GMF, précisant que les conditions générales du contrat Motolis, assurant le cyclomoteur prêté par [D] [V] à son camarade [L] [M], excluant toute garantie si l'emprunteur n'est pas titulaire du brevet de sécurité routière - ce qui n'est pas contesté en l'espèce - d'une part, ne conteste pas que cette exception de garantie est inopposable à la victime, à laquelle elle doit indemnisation et, d'autre part, qu'elle est dès lors habile à se voir relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par l'assureur responsabilité civile d'[F] [M], père de [L] [M] (mineur), la SA Allianz Iard ; qu'or, c'est légitimement que cette dernière fait valoir qu'en l'absence de preuve de l'exclusion contractuelle de garantie, le recours ne peut prospérer ; qu'en effet, à cet égard, la GMF se borne à produire un livret intitulé « deux roues, conditions générales », dont il n'est établi ni qu'il soit nécessairement relatif à la police d'assurance souscrite au profit de [D] [V], ni que ces conditions générales aient été connues du souscripteur ; qu'il échet en conséquence de réformer la décision entreprise, en ce qu'elle a condamné Allianz Iard à garantir la compagnie GMF des condamnations pouvant intervenir à son encontre et sans qu'il soit dès lors ici utile d'examiner le surplus des moyens des parties ;
Alors 1°) que, les juges du fond doivent respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant qu'il n'était pas établi que le livret intitulé « deux roues, conditions générales » était relatif à la police d'assurance souscrite au profit de [D] [V], quand la société Allianz Iard ne le contestait pas mais soutenait que pour que ce contrat soit « efficace », il appartenait à la société GMF d'en produire les conditions particulières (cf. ses conclusions récapitulatives, p. 11), la cour d'appel, qui a relevé ce moyen sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que, les juges du fond doivent respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant qu'il n'était pas établi que les conditions générales du contrat Motolis aient été connues du souscripteur quand la société Allianz Iard ne soulevait pas ce moyen, la cour d'appel, qui devait inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors 3°) que, les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de la compagnie GMF tendant à être relevée et garantie des condamnations intervenant à son encontre par la société Allianz Iard, qu'il n'est pas établi que le livret intitulé « deux roues, conditions générales » était nécessairement relatif à la police d'assurance souscrite au profit de M. [V], ou que ses conditions générales aient été connues du souscripteur, quand ni la société Allianz Iard, ni son assuré, M. [L] [M], qui, bien que défaillant en appel, avait conclu en première instance, n'avait jamais soulevé de contestations sur ces points, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors 4°) que, en tout état de cause, faute d'avoir recherché, comme elle y était invitée (conclusions récapitulatives d'appel de la GMF, p. 5), si, à défaut de condamnation de la société Allianz Iard, M. [F] [M], en sa qualité de civilement responsable de son fils mineur, ne devait pas être condamné à supporter la charge de l'intégralité des indemnités versées par la GMF à la victime, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la somme de 459 508,54 euros produira intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du jugement ;
Aux motifs adoptés que, Mme [N] sollicite la fixation des intérêts au double du taux légal à compter de mai 2015 ; qu'elle fait valoir que le rapport d'expertise a été déposé le 16 mai 2015 mais que l'assureur n'a pas fait d'offre dans le délai requis ; qu'il résulte de l'article L. 211-9 du code des assurances que l'offre définitive doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation ; qu'en l'espèce, le rapport d'expertise a été déposé le 16 mai 2015 mais la compagnie GMF n'a formalisé son offre que le 30 novembre 2015 ; que l'indemnité allouée produira donc intérêts au double du taux légal du 16 octobre au 29 novembre 2015, puis au taux légal à compter du présent jugement ; qu'il convient d'ordonner l'exécution provisoire à concurrence de la moitié de la condamnation prononcée ;
Alors que, lorsque l'assureur de responsabilité a formulé une offre d'indemnisation en application des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances, la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur, et non celle allouée par le juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 30 novembre 2015, la société GMF assurances avait présenté à la victime une offre d'indemnisation et elle a mis comme terme à la pénalité du doublement des intérêts la date de cette offre ; qu'en jugeant que la sanction constituée par le versement d'intérêts au double du taux légal aurait pour assiette la totalité de l'indemnité allouée à la victime, soit la somme de 459 508,54 euros compte tenu des provisions déjà versées, quand la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal avait pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur et non pas l'indemnité allouée par le juge, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.