Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 juillet 2021, 19-15.948, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 juillet 2021, 19-15.948, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 19-15.948
- ECLI:FR:CCASS:2021:SO00888
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 07 juillet 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 24 janvier 2019- Président
- M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
MA
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 juillet 2021
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 888 F-D
Pourvoi n° C 19-15.948
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021
La société Aéropiste, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-15.948 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ au comité social et économique de l'unité économique et sociale (UES) Aéropiste-Inter pistes, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes,
2°/ à la société Sofrageco, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aéropiste, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du comité social et économique de l'UES Aéropiste-Inter pistes, de la société Sofrageco, après débats en l'audience publique du 27 mai 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2019), la société Aéropiste (la société) a pour activité les transports de fret sur la zone aéroportuaire de [Établissement 1]. Lors d'une réunion extraordinaire du 20 mars 2013, le comité d'entreprise de la société a voté le déclenchement d'un droit d'alerte sur les faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise, ainsi que sur la découverte de faits nouveaux et préoccupants pour l'avenir économique et social de la société. Par la même délibération, il a désigné le cabinet d'expertise comptable Sofrageco pour l'assister dans cette procédure et établir le cas échéant un rapport.
2. Une unité économique et sociale entre les sociétés Aéropiste et Inter pistes a été reconnue par jugement du tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois du 24 février 2014, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 avril 2015.
3. Le 29 avril 2015, le comité d'entreprise de la société a fait assigner l'employeur, la société d'expertise-comptable intervenant volontairement à l'instance, aux fins de constater le délit d'entrave, au titre duquel le comité réclamait des dommages-intérêts, d'ordonner à l'employeur sous astreinte de leur communiquer un certain nombre de documents et de procéder à l'information- consultation du comité notamment sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et le passage au gazole non roulant (GNR).
4. Le comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes est intervenu aux droits du comité d'entreprise de la société.
5. Le comité social et économique de l'UES Aéropiste-Inter pistes vient aux droits du comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt de dire que le délit d'entrave est caractérisé à son encontre, de lui ordonner de communiquer à la société Sofrageco divers documents et de la condamner à payer au comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation des entraves commises, alors :
« 1°/ que l'exercice du droit d'alerte par le comité d'entreprise dans le cadre duquel il peut être assisté d'un expert-comptable est subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de façon préoccupante la situation économique de l'entreprise ; qu'en l'espèce le comité d'entreprise de la société Aéropiste avait inscrit à l'ordre du jour de la réunion du 20 mars 2013 "le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise" sans autre précision ; que la société Aéropiste contestait l'existence de tels faits à défaut de précision apportée par le comité d'entreprise ; qu'en affirmant que la direction n'avait apporté aucune réponse pertinente à la question du comité d'entreprise relative au "déficit croissant depuis plusieurs années consécutives" invoqué par le comité d'entreprise pour en déduire que le droit d'alerte avait été mis en ?uvre de manière régulière et sans abus, sans à aucun moment analyser la situation économique de l'entreprise et par conséquent caractériser en quoi le prétendu déficit était de nature à affecter de façon préoccupante sa situation économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-78 dans sa version applicable au litige et des articles L. 2325-35 et suivants du code du travail dans leurs versions applicables au litige ;
2°/ que lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de façon préoccupante la situation économique de l'entreprise et qu'il entend éventuellement déclencher son droit d'alerte, il doit au préalable demander à l'employeur des explications sur ces faits et permettre à ce dernier d'y répondre ; que la société Aéropiste faisait valoir que la mise en ?uvre de son droit d'alerte par le comité d'entreprise avait eu lieu de manière irrégulière dans la mesure où lors de la réunion du 20 mars 2013 aux termes de laquelle le comité d'entreprise avait décidé d'exercer son droit d'alerte, des questions avaient été posées à la société Aéropiste qui ne figuraient pas dans l'ordre du jour défini par le comité d'entreprise le 8 mars 2013 ; qu'en jugeant que la procédure d'alerte avait été mise en ?uvre de manière régulière, sans cependant rechercher comme elle y avait été invitée, si la société Aéropiste avait été en mesure d'apporter ses réponses à toutes les questions qui lui avaient été posées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-78 dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article L. 2323-78 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, que lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander des explications à l'employeur.
9. Ayant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, d'une part constaté que, par lettre du 8 mars 2013, des membres du comité d'entreprise avaient demandé la convocation d'une réunion extraordinaire selon un ordre du jour portant sur le lancement d'une alerte interne en raison de faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt de rapports d'expertise sur la situation économique de l'entreprise, en précisant une liste des interrogations posées à la direction, en particulier sur le déficit croissant depuis plusieurs années consécutives mis en exergue par ces rapports, et d'autre part relevé l'absence de réponse pertinente de la direction de nature à expliquer le déficit et les moyens envisagés pour y remédier, la cour d'appel a estimé que le comité d'entreprise avait décidé sans abus d'exercer son droit d'alerte.
10. Le moyen, qui, sous le couvert d'un grief de manque de base légale ne tend qu'à remettre en discussion cette appréciation souveraine, n'est dès lors fondé en aucune de ses branches.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. La société fait grief à l'arrêt de dire que le délit d'entrave est caractérisé à son encontre, de lui ordonner de procéder à la consultation du comité d'entreprise avec communication des documents correspondants sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et sur le passage au GNR et de la condamner à payer au comité d'entreprise de l'UES Aéropistes - Inter pistes une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation des entraves commises, alors :
« 1°/ que le comité d'entreprise est informé et consulté sur les décisions intéressant les conditions de travail des salariés ; que la société Aéropiste faisait valoir que le changement de carburant des véhicules n'avait aucune incidence sur les conditions d'utilisation de ces véhicules et par voie de conséquence sur les conditions de travail de ses salariés, chauffeurs PL, qui les conduisent ; qu'en se fondant sur la circulaire du 17 décembre 2010 relative à l'utilisation du gazole non routier qui précise que : « En France, les caractéristiques de ce gazole non routier sont identiques à celles du gazole routier à l'exception du colorant et du traceur. Toutefois les conditions de distribution, de stockage et d'utilisation du gazole non routier sont différentes de celles du gazole routier et des précautions particulières doivent être respectées pour éviter les problèmes de compatibilité avec les moteurs des matériels concernés », pour en déduire que « l'utilisation nouvelle du gazole non routier a une incidence sur les conditions de travail des salariés en termes d'organisation et est susceptible d'avoir des conséquences sur les conditions d'emploi », sans cependant caractériser que les salariés de la société Aéropiste conduisant ces véhicules étaient eux-mêmes amenés à distribuer, stocker ou manipuler le carburant dans l'exercice de leurs fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail dans leur version applicable au litige ;
2°/ que la société Aéropiste faisait valoir que le changement de carburant des véhicules n'avait aucune incidence sur les conditions d'utilisation de ces véhicules et par voie de conséquence sur les conditions de travail de ses salariés, chauffeurs PL, qui les conduisent ; qu'elle versait aux débats la note qu'elle avait adressée à ces derniers dans laquelle elle précisait que les permis de conduire à jour étaient toujours exigés ; qu'en retenant que le changement de carburant a pour conséquence que les véhicules ne sont plus soumis à immatriculation ni à détention du permis de conduire, sans caractériser en quoi les conditions de travail des conducteurs s'en trouvaient modifiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
12. Il résulte de l'article L. 2323-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, que le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle.
13. La cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits, a relevé d'une part que le changement de carburant a pour conséquence que les véhicules considérés ne sont plus soumis à détention de permis de conduire, d'autre part que ce carburant exige le respect de précautions particulières, notamment dans ses conditions d'utilisation. Elle a pu, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en déduire que la mesure en cause intéressait la marche générale de l'entreprise et notamment était susceptible d'affecter les conditions de travail des salariés, de sorte que le comité d'entreprise aurait dû être consulté sur le passage au gazole non routier, l'entrave étant à ce titre constituée, et a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aéropiste aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aéropiste et la condamne à payer au comité social et économique de l'UES Aéropiste-Inter pistes, venant aux droits du comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Aéropiste
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande de la société Aéropiste tendant à l'annulation des délibérations votées au titre du droit d'alerte économique le 20 mars 2013 par le CE de la société Aéropiste et d'AVOIR en conséquence dit que le délit d'entrave était caractérisé à l'encontre de la société Aéropiste, ordonné à la société Aéropiste de communiquer à la société Sofrage codivers documents, condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts au titre des entraves commises, condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 3 000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la communication des documents sollicités dans le cadre du droit d'alerte :
Il doit être rappelé les dispositions des articles L. 2323-78, L. 2323-79, L. 2325-36 et L. 2325-37 alinéa 1 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause :
- article L. 2323-78 : "Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications. Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise.
Si le comité d'entreprise n'a pu obtenir de réponse suffisante de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l'article L. 2325-23.
Ce rapport, au titre du droit d'alerte économique, est transmis à l'employeur et au commissaire aux comptes."
- article L. 2323-79 : "Le comité d'entreprise ou la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice comptable, de l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35, convoquer le commissaire aux comptes et s'adjoindre avec voix consultative deux salariés de l'entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du comité d'entreprise.
Ces salariés disposent de cinq heures chacun pour assister le comité d'entreprise ou la commission économique en vue de l'établissement du rapport prévu à l'article L. 2323-78. Ce temps est rémunéré comme temps de travail."
- article L. 2325-36 : "La mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise."
- article L. 2325-37 alinéa 1 : "Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ses missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes."
Pour la première fois, la société Aéropiste soutient devant la cour que les conditions du recours à la procédure d'alerte n'étaient pas réunies et lui demande d'annuler l'ensemble des délibérations de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 par lesquelles les membres du CE ont constaté le défaut de réponse de l'employeur à leur demande d'explication, ont voté le déclenchement du droit d'alerte et ont procédé à la désignation du cabinet Sofrageco pour assister le comité d'entreprise dans cette procédure.
Mais ainsi que le font valoir à juste titre les intimés, la société Aéropiste n'a jamais développé devant le premier juge une quelconque prétention ou argumentation relative à la validité du droit d'alerte déclenché le 20 mars 2013, de sorte que la demande tendant à l'annulation des délibérations votées à ce titre et à cette date par le CE est nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et par voie de conséquence irrecevable.
C'est à tort que la société Aéropiste prétend que le premier juge aurait dû se saisir de cette question, alors qu'elle ne faisait l'objet d'aucune contestation devant lui.
La société Aéropiste rétorque aussi que rien n'empêche juridiquement la demanderesse -notamment le fait que la désignation de l'expert-comptable Sofrageco n'ait jamais été contestée par cette dernière ou bien que l'expertise ait été réalisée et payée -de contester en cause d'appel la légitimité de la procédure d'alerte et de mettre en exergue le non-respect de la procédure d'alerte, dès lors que cette argumentation tend à faire débouter le comité d'entreprise de l'ensemble de ses demandes.
Toutefois, par lettre du 8 mars2013 adressée au président de l'instance, les membres du CE de la société Aéropiste ont sollicité la convocation d'une réunion extraordinaire sur un ordre du jour portant sur :
- une nouvelle délibération sur le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofragecoet ABS sur la situation économique de l'entreprise ; - des explications de la direction sur des faits listés, en particulier sur le déficit croissant depuis plusieurs années consécutives mis en exergue par le précédent rapport d'expertise ;
- en cas de refus ou de réponse insuffisante de la direction, l'adoption d'une résolution pour désigner le cabinet Sofrageco afin d'assister le CE dans cette procédure et d'établir le cas échéant un rapport, à la suite des faits préoccupants l'ayant provoquée.
Il ressort de l'examen du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'en ce qui concerne la situation préoccupante de l'entreprise liée à un déficit croissant depuis plusieurs années consécutives, la direction n'a contrairement à son argumentaire fourni aucune réponse pertinente de nature à l'expliquer et n'a pas davantage présenté les moyens envisagés pour y remédier, laissant même entendre sans plus de précision que l'absence d'investissement dans le renouvellement du parc PL est "un choix imposé".
C'est dès lors de manière régulière et sans abus que le 20 mars 2013, le CE a voté à l'unanimité le déclenchement d'un droit d'alerte sur les faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise, et qu'il a désigné le cabinet Sofrageco pour l'assister.
En dépit des nombreuses demandes de la société Sofrageco, la société Aéropiste ne lui a jamais transmis l'intégralité des documents sollicités, la dernière liste des nombreux documents manquants figurant dans la lettre de la société d'expertise-comptable du 10 septembre 2014 adressée au président du pôle fret Aéropiste. Ces faits sont constitutifs d'une entrave au fonctionnement régulier du CE ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.
C'est en vain que la société Aéropiste oppose le fait que certains documents sollicités dépasseraient la mission de l'expert dans le temps et dans son objet.
En effet, il doit être rappelé d'une part qu'il appartient au seul expert-comptable désigné par le comité d'entreprise de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et d'autre part que l'expert-comptable, dont l'assistance a été décidée par le comité d'entreprise dans le cadre de son droit d'alerte économique, a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, lequel peut effectuer des investigations auprès des personnes ou des entités qui contrôlent l'entreprise, en l'espèce auprès notamment de la société VEAIRPORT.
En outre, s'il ressort du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'il est question d'un déficit croissant d'année en année depuis 2008 -c'est cependant Mme [M], représentant la direction générale de la société VEAIRPORT, qui la première fait remonter à l'année 2008 ce déficit (page1) -il n'en reste pas moins que l'expert-comptable est fondé à en rechercher les causes par une mise en perspective de tous les éléments d'ordre économique, financier ou social des années antérieures.
Enfin, la société Aéropiste ne justifie pas que la société Sofrageco soit déjà en possession d'une partie des documents sollicités, que d'ailleurs elle ne liste pas, au motif qu'ils lui auraient été communiqués dans le cadre d'une précédente mission d'expertise.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la communication des documents sus-rappelés à l'expert-comptable, la société Sofrageco, étant précisé que la demande d'astreinte n'est pas maintenue devant la cour » ;
ET AUX MOTIFS QUE « C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a accordé des dommages-intérêts au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes, compte tenu des entraves commises et de la résistance de la société Aéropiste.
Toutefois, la cour ayant déclaré irrecevable la demande afférente à la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées au titre de laquelle le premier juge avait également retenu l'existence d'une entrave, il convient d'infirmer le jugement sur le quantum et statuant à nouveau, de condamner la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes la somme de 15000? à titre de dommages-intérêts » ;
ALORS QUE la recevabilité de la demande reconventionnelle formée pour la première fois en cause d'appel s'apprécie au regard du lien la rattachant à la prétention originaire du demandeur à l'action; qu'en l'espèce, attraite par le comité économique et social de l'UES Aéropiste-Inter pistes devant le juge judiciaire aux fins d'être condamnée à communiquer des documents au cabinet Sofrageco désigné par le comité d'entreprise de la société Aéropiste pour l'assister dans le cadre du droit d'alerte qu'il avait déclenché le 20 mars 2013, la société sollicitait reconventionnellement en cause d'appel l'annulation de la délibération du 20 mars 2013 en soutenant que les conditions d'exercice de ce droit d'alerte n'étaient pas réunies ; qu'en retenant que la société n'avait pas développé devant le premier juge une quelconque prétention ou argumentation relative à la validité du droit d'alerte de sorte que sa demande tendant à l'annulation des délibérations votées à ce titre était nouvelle et comme telle irrecevable, lorsque la recevabilité d'une telle demande reconventionnelle devait s'apprécier au regard du lien la rattachant à la demande originaire du comité d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 64, 70, 564 et 567 du code de procédure civile.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que le délit d'entrave était caractérisé à l'encontre de la société Aéropiste, d'AVOIR ordonné à la société Aéropiste de communiquer à la société Sofrageco divers documents, d'AVOIR condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts au titre des entraves commises, d'AVOIR condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 3 000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la communication des documents sollicités dans le cadre du droit d'alerte :
Il doit être rappelé les dispositions des articles L. 2323-78, L. 2323-79, L. 2325-36 et L. 2325-37 alinéa 1 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause :
- article L. 2323-78 : « Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications. Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise.
Si le comité d'entreprise n'a pu obtenir de réponse suffisante de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l'article L. 2325-23.
Ce rapport, au titre du droit d'alerte économique, est transmis à l'employeur et au commissaire aux comptes. »
- article L. 2323-79 : « Le comité d'entreprise ou la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice comptable, de l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35, convoquer le commissaire aux comptes et s'adjoindre avec voix consultative deux salariés de l'entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du comité d'entreprise.
Ces salariés disposent de cinq heures chacun pour assister le comité d'entreprise ou la commission économique en vue de l'établissement du rapport prévu à l'article L. 2323-78. Ce temps est rémunéré comme temps de travail. »
- article L. 2325-36 : « La mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise. »
- article L. 2325-37 alinéa 1 : « Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ses missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes. » ;
ET QUE "La société Aéropiste rétorque aussi que rien n'empêche juridiquement la demanderesse -notamment le fait que la désignation de l'expert-comptable Sofrageco n'ait jamais été contestée par cette dernière ou bien que l'expertise ait été réalisée et payée -de contester en cause d'appel la légitimité de la procédure d'alerte et de mettre en exergue le non-respect de la procédure d'alerte, dès lors que cette argumentation tend à faire débouter le comité d'entreprise de l'ensemble de ses demandes.
Toutefois, par lettre du 8 mars 2013 adressée au président de l'instance, les membres du CE de la société Aéropiste ont sollicité la convocation d'une réunion extraordinaire sur un ordre du jour portant sur :
- une nouvelle délibération sur le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise ; - des explications de la direction sur des faits listés, en particulier sur le déficit croissant depuis plusieurs années consécutives mis en exergue par le précédent rapport d'expertise ;
- en cas de refus ou de réponse insuffisante de la direction, l'adoption d'une résolution pour désigner le cabinet Sofrageco afin d'assister le CE dans cette procédure et d'établir le cas échéant un rapport, à la suite des faits préoccupants l'ayant provoquée.
Il ressort de l'examen du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'en ce qui concerne la situation préoccupante de l'entreprise liée à un déficit croissant depuis plusieurs années consécutives, la direction n'a contrairement à son argumentaire fourni aucune réponse pertinente de nature à l'expliquer et n'a pas davantage présenté les moyens envisagés pour y remédier, laissant même entendre sans plus de précision que l'absence d'investissement dans le renouvellement du parc PL est « un choix imposé ».
C'est dès lors de manière régulière et sans abus que le 20 mars 2013, le CE a voté à l'unanimité le déclenchement d'un droit d'alerte sur les faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise, et qu'il a désigné le cabinet Sofrageco pour l'assister.
En dépit des nombreuses demandes de la société Sofrageco, la société Aéropiste ne lui a jamais transmis l'intégralité des documents sollicités, la dernière liste des nombreux documents manquants figurant dans la lettre de la société d'expertise-comptable du 10 septembre 2014 adressée au président du pôle fret Aéropiste.
Ces faits sont constitutifs d'une entrave au fonctionnement régulier du CE ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.
C'est en vain que la société Aéropiste oppose le fait que certains documents sollicités dépasseraient la mission de l'expert dans le temps et dans son objet.
En effet, il doit être rappelé d'une part qu'il appartient au seul expert-comptable désigné par le comité d'entreprise de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et d'autre part que l'expert-comptable, dont l'assistance a été décidée par le comité d'entreprise dans le cadre de son droit d'alerte économique, a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, lequel peut effectuer des investigations auprès des personnes ou des entités qui contrôlent l'entreprise, en l'espèce auprès notamment de la société VEAIRPORT.
En outre, s'il ressort du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'il est question d'un déficit croissant d'année en année depuis 2008 -c'est cependant Mme [M], représentant la direction générale de la société VEAIRPORT, qui la première fait remonter à l'année 2008 ce déficit (page1) -il n'en reste pas moins que l'expert-comptable est fondé à en rechercher les causes par une mise en perspective de tous les éléments d'ordre économique, financier ou social des années antérieures.
Enfin, la société Aéropiste ne justifie pas que la société Sofrageco soit déjà en possession d'une partie des documents sollicités, que d'ailleurs elle ne liste pas, au motif qu'ils lui auraient été communiqués dans le cadre d'une précédente mission d'expertise. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la communication des documents sus-rappelés à l'expert-comptable, la société Sofrageco, étant précisé que la demande d'astreinte n'est pas maintenue devant la cour" ;
ET QUE « C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a accordé des dommages-intérêts au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes, compte tenu des entraves commises et de la résistance de la société Aéropiste.
Toutefois, la cour ayant déclaré irrecevable la demande afférente à la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées au titre de laquelle le premier juge avait également retenu l'existence d'une entrave, il convient d'infirmer le jugement sur le quantum et statuant à nouveau, de condamner la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "Sur la communication des documents demandés suite au droit d'alerte voté lors de la réunion du comité d'entreprise du 70 mars 2013.
Selon l'article L. 2323-78 du code du travail, "Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications.
Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise.
Si le comité d'entreprise n'a pu obtenir de réponse suffisante de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, "il établit un rapport. Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l'article L. 2325-23 [...]
L'article L. 2323-79 du même code précise que le comité d'entreprise ou la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice comptable, de l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35.
Selon la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, il appartient au seul expert comptable dont les pouvoirs d'investigation sont assimilés à ceux du commissaire aux comptes, d'apprécier les documents qu'il estime utiles pour l'exercice de sa mission.
Par ailleurs, la mission de l'expert-comptable s'étend aux faits de nature à confirmer la situation préoccupante de l'entreprise, qui sont la suite nécessaire de ceux ayant permis d'engager le droit d'alerte.
Aux termes de l'article L. 2328-1 du code du travail, « Le fait d'apporter une entrave soit à la constitution d'un comité d'entreprise, d'un comité d'établissement ou d'un comité central d'entreprise, soit à la libre désignation de leurs membres. soit à leur fonctionnement régulier, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros. »
En l'espèce, le 8 mars 2013, le comité d'entreprise d'Aéropiste a demandé au président du comité d'entreprise une réunion exceptionnelle du comité avec un ordre du jour comprenant notamment :
- une nouvelle délibération sur le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise suite à une procédure judiciaire engagée par la direction,
- des explications de la direction sur des faits listés,
- en cas de refus ou de réponse insuffisante de la direction, l'adoption d'une résolution pour désigner le cabinet Sofrageco afin d'assister le CE dans cette procédure et d'établir le cas échéant, lm rapport, à la suite des faits préoccupants l'ayant provoquée.
Lors de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 20 mars 2013, ce dernier a voté à l'unanimité le déclenchement d'un droit d'alerte sur des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise et le cabinet Sofrageco a été désigné par le CE pour l'assister dans cette procédure et établir le cas échéant un rapport.
Suite à cette désignation, le cabinet Sofrageco a transmis au président du comité d'entreprise par courrier daté du 29 avril 2013, une lettre de mission et un programme de travail ainsi qu'une liste de documents, renseignements et précisions demandés, ce courrier a fait l'objet d'une relance le 1er juillet 2013.
Le 22 mai 2014, le 13 juin 2014 et le 10 septembre 2014, des documents demandés dans le cadre du droit d'alerte manquaient encore et ont été de nouveaux réclamés par la société d'expertise comptable.
Il convient par ailleurs de souligner que la société Aéropiste ne conteste pas ne pas avoir transmis ces documents et ne justifie pas de leur remise à la société Sofrageco. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le président du CE de la société Aéropiste n'a pas fourni à la société Sofrageco les documents qui lui étaient demandés dans le cadre de sa mission du droit d'alerte de sorte qu'il a entravé le fonctionnement régulier du comité d'entreprise et que le délit d'entrave est ainsi caractérisé. S'agissant des documents devant être communiqués, contrairement à ce que soutient la société Aéropiste, la liste ne sera pas restreinte aux documents postérieurs à l'année 2008, seul l'expert comptable étant à même d'apprécier les documents utiles à l'exercice de sa mission et ne seront pas limités dans leur objet au motif que même si des documents ont été transmis à la société Sofrageco dans le cadre de l'établissement de ses différents rapports sur l'examen des comptes 2010 à 2012, les documents requis par l'expert-comptable aux fins d'assister le CE dans cadre de son droit d'alerte peuvent être de nature différente.
La liste des documents sera cependant limitée aux documents manquants au 10 septembre 2014, le comité d'entreprise ne contestant pas, au demeurant, que les documents non mentionnés dans cette liste ne lui ont pas été donnés. Il ne sera également pas fait droit à la demande du comité d'entreprise concernant les documents, renseignements et précisions demandés le 13 décembre 2012 et le 9 janvier et le 19 février 2013 en raison de ce que les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir dans quel cadre, ni pour quelles raisons ils ont été demandés.
En conséquence, le délit d'entrave est caractérisé et il sera ordonné à la société Aéropiste de communiquer à son comité d'entreprise et à la société Sofrageco, expert-comptable, les documents figurant sur la liste du 10 septembre 2014 » ;
ET QUE « Sur la demande de dommages et intérêts
Le délit d'entrave ayant été caractérisé, il y a lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts du comité d'entreprise. En l'espèce, les documents demandés suite au droit d'alerte le sont depuis le mois de septembre 2014, soit depuis environ 3 ans, après de multiples relances de la part de l'expert-comptable » ;
1/ ALORS QUE l'exercice du droit d'alerte par le comité d'entreprise dans le cadre duquel il peut être assisté d'un expert-comptable est subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de façon préoccupante la situation économique de l'entreprise; qu'en l'espèce le comité d'entreprise de la société Aéropiste avait inscrit à l'ordre du jour de la réunion du 20 mars 2013 « le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise» sans autre précision ; que la société Aéropiste contestait l'existence de tels faits à défaut de précision apportée par le comité d'entreprise (conclusions d'appel de l'exposante p.12-13) ; qu'en affirmant que la direction n'avait apporté aucune réponse pertinente à la question du comité d'entreprise relative au « déficit croissant depuis plusieurs années consécutives » invoqué par le comité d'entreprise pour en déduire que le droit d'alerte avait été mis en ?uvre de manière régulière et sans abus, sans à aucun moment analyser la situation économique de l'entreprise et par conséquent caractériser en quoi le prétendu déficit était de nature à affecter de façon préoccupante sa situation économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-78 dans sa version applicable au litige et des articles L. 2325-35 et suivants du code du travail dans leurs versions applicables au litige ;
2/ ALORS QUE lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de façon préoccupante la situation économique de l'entreprise et qu'il entend éventuellement déclencher son droit d'alerte, il doit au préalable demander à l'employeur des explications sur ces faits et permettre à ce dernier d'y répondre ; que la société Aéropiste faisait valoir que la mise en ?uvre de son droit d'alerte par le comité d'entreprise avait eu lieu de manière irrégulière dans la mesure où lors de la réunion du 20 mars 2013 aux termes de laquelle le comité d'entreprise avait décidé d'exercer son droit d'alerte, des questions avaient été posées à la société Aéropiste qui ne figuraient pas dans l'ordre du jour défini par le comité d'entreprise le 8 mars 2013 (conclusions d'appel de l'exposante p 13-14);qu'en jugeant que la procédure d'alerte avait été mise en ?uvre de manière régulière, sans cependant rechercher comme elle y avait été invitée, si la société Aéropiste avait été en mesure d'apporter ses réponses à toutes les questions qui lui avaient été posées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-78 dans sa version applicable au litige.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le délit d'entrave était caractérisé à l'encontre de la société Aéropiste, d'AVOIR ordonné à la société Aéropiste de procéder à la consultation du comité d'entreprise avec communication des documents correspondants sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et sur le passage au GNR, d'AVOIR condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropistes -Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts au titre des entraves commises, d'AVOIR condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 3 000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
AUX MOTIFS PROPRES QUE "Sur la consultation relative à la restitution des cartes grises et au passage des véhicules au gazole non routier :
L'article L. 2323-6 du code du travail dans sa version alors applicable dispose : « Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle. »
L'article L. 2323-27 alinéa 1, alors applicable, précise : "Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération."
Il est justifié et non contesté que la direction a informé le CE du passage au gazole non routier entraînant la restitution des cartes grises des véhicules, sans le consulter.
Or, le changement de carburant a pour conséquence que les véhicules considérés ne sont plus soumis à immatriculation ni à détention du permis de conduire.
De surcroît, il ressort de la circulaire du ministère de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique en date du 17 décembre 2010 relative à l'utilisation du gazole non routier que si celui-ci possède des caractéristiques identiques au gazole routier, ses conditions de distribution, de stockage et d'utilisation sont différentes et des précautions particulières doivent être respectées pour éviter les problèmes de compatibilité avec les moteurs des matériels concernés.
Il en résulte que l'utilisation nouvelle du gazole non routier a une incidence sur les conditions de travail des salariés en termes d'organisation et est susceptible d'avoir des conséquences sur les conditions d'emploi, de sorte que la société Aéropiste aurait dû procéder à une consultation du CE.
Il s'ensuit que l'entrave à ce titre est également caractérisée, la décision attaquée étant confirmée de ce chef"
ET QUE « C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a accordé des dommages-intérêts au CE de l'UES Aéropiste-Inter pistes, compte tenu des entraves commises et de la résistance de la société Aéropiste.
Toutefois, la cour ayant déclaré irrecevable la demande afférente à la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées au titre de laquelle le premier juge avait également retenu l'existence d'une entrave, il convient d'infirmer le jugement sur le quantum et statuant à nouveau, de condamner la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "Sur la question de la restitution des cartes grises et du passage des véhicules en gaz non roulant
Selon l'article L. 2323-1 du code du travail, "Le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise,
à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature
à améliorer les conditions de travail, d'emploi el de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L.911-2 du code de la sécurité sociale [...]"
Selon l'article L. 2323-6 du même code, "Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle."
Aux termes de l'article L. 2323-27 du code du travail, "Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail. des qualifications et des modes de rémunération.
À cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions. Il bénéficie du concours du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence. Les avis de ce comité lui sont transmis."
En l'espèce, il ressort des termes de la circulaire relative à l'utilisation du gazole non routier que ce dernier même s'il possède des caractéristiques identiques au gazole routier, "ses conditions de distribution, de stockage et d'utilisation sont différentes et des précautions particulières doivent être respectées pour éviter les problèmes de compatibilité avec les moteurs des matériels concernés"de sorte que l'utilisation de ce carburant a un impact sur les conditions de travail des salariés et que la société Aéropiste était tenue d'informer et de consulter le comité d'entreprise de cette nouvelle utilisation et de la restitution des cartes grises y afférente.
La société Aéropiste ne justifie pas avoir informé et consulté le comité d'entreprise de la restitution des cartes grises en préfecture et du passage des véhicules en gaz non roulant.
En effet, le PV de la réunion du comité d'entreprise du 27 novembre 2014 ne mentionne que les "documents administratifs des véhicules PL"et indique que M. [H] explique "que cette question a déjà été posée et donc déjà été répondue"et qu'"il précise que les documents demandés ne sont pas remis au CE, mais qu'ils restent consultables auprès de M [E]", étant observé par ailleurs qu'une note d'information adressée aux salariés ne peut suppléer à l'information du comité d'entreprise en application de l'article L. 2323-27 du code du travail précité.
Il sera donc ordonné à la société Aéropiste de procéder à l'information consultation du comité d'entreprise avec communication des documents correspondant sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et sur le passage au gazole non roulant"
ET QUE « Sur la demande de dommages et intérêts Le délit d'entrave ayant été caractérisé, il y a lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts du comité d'entreprise. En l'espèce, les documents demandés suite au droit d'alerte le sont depuis le mois de septembre 2014, soit depuis environ 3 ans, après de multiples relances de la part de l'expert-comptable »
1/ ALORS QUE le comité d'entreprise est informé et consulté sur les décisions intéressant les conditions de travail des salariés ; que la société Aéropiste faisait valoir que le changement de carburant des véhicules n'avait aucune incidence sur les conditions d'utilisation de ces véhicules et par voie de conséquence sur les conditions de travail de ses salariés, chauffeurs PL, qui les conduisent (conclusions d'appel de l'exposante p 21) ; qu'en se fondant sur la circulaire du 17 décembre 2010 relative à l'utilisation du gazole non routier qui précise que : « En France, les caractéristiques de ce gazole non routier sont identiques à celles du gazole routier à l'exception du colorant et du traceur. Toutefois les conditions de distribution, de stockage et d'utilisation du gazole non routier sont différentes de celles du gazole routier et des précautions particulières doivent être respectées pour éviter les problèmes de compatibilité avec les moteurs des matériels concernés », pour en déduire que « l'utilisation nouvelle du gazole non routier a une incidence sur les conditions de travail des salariés en termes d'organisation et est susceptible d'avoir des conséquences sur les conditions d'emploi », sans cependant caractériser que les salariés de la société Aéropiste conduisant ces véhicules étaient eux-mêmes amenés à distribuer, stocker ou manipuler le carburant dans l'exercice de leurs fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail dans leur version applicable au litige ;
2/ ALORS QUE la société Aéropiste faisait valoir que le changement de carburant des véhicules n'avait aucune incidence sur les conditions d'utilisation de ces véhicules et par voie de conséquence sur les conditions de travail de ses salariés, chauffeurs PL, qui les conduisent ; qu'elle versait aux débats la note qu'elle avait adressée à ces derniers dans laquelle elle précisait que les permis de conduire à jour étaient toujours exigés (pièce d'appel n° 7) ; qu'en retenant que le changement de carburant a pour conséquence que les véhicules ne sont plus soumis à immatriculation ni à détention du permis de conduire, sans caractériser en quoi les conditions de travail des conducteurs s'en trouvaient modifiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail dans leur version applicable au litige.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00888
SOC.
MA
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 juillet 2021
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 888 F-D
Pourvoi n° C 19-15.948
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021
La société Aéropiste, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-15.948 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ au comité social et économique de l'unité économique et sociale (UES) Aéropiste-Inter pistes, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes,
2°/ à la société Sofrageco, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aéropiste, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du comité social et économique de l'UES Aéropiste-Inter pistes, de la société Sofrageco, après débats en l'audience publique du 27 mai 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2019), la société Aéropiste (la société) a pour activité les transports de fret sur la zone aéroportuaire de [Établissement 1]. Lors d'une réunion extraordinaire du 20 mars 2013, le comité d'entreprise de la société a voté le déclenchement d'un droit d'alerte sur les faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise, ainsi que sur la découverte de faits nouveaux et préoccupants pour l'avenir économique et social de la société. Par la même délibération, il a désigné le cabinet d'expertise comptable Sofrageco pour l'assister dans cette procédure et établir le cas échéant un rapport.
2. Une unité économique et sociale entre les sociétés Aéropiste et Inter pistes a été reconnue par jugement du tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois du 24 février 2014, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 avril 2015.
3. Le 29 avril 2015, le comité d'entreprise de la société a fait assigner l'employeur, la société d'expertise-comptable intervenant volontairement à l'instance, aux fins de constater le délit d'entrave, au titre duquel le comité réclamait des dommages-intérêts, d'ordonner à l'employeur sous astreinte de leur communiquer un certain nombre de documents et de procéder à l'information- consultation du comité notamment sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et le passage au gazole non roulant (GNR).
4. Le comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes est intervenu aux droits du comité d'entreprise de la société.
5. Le comité social et économique de l'UES Aéropiste-Inter pistes vient aux droits du comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt de dire que le délit d'entrave est caractérisé à son encontre, de lui ordonner de communiquer à la société Sofrageco divers documents et de la condamner à payer au comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation des entraves commises, alors :
« 1°/ que l'exercice du droit d'alerte par le comité d'entreprise dans le cadre duquel il peut être assisté d'un expert-comptable est subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de façon préoccupante la situation économique de l'entreprise ; qu'en l'espèce le comité d'entreprise de la société Aéropiste avait inscrit à l'ordre du jour de la réunion du 20 mars 2013 "le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise" sans autre précision ; que la société Aéropiste contestait l'existence de tels faits à défaut de précision apportée par le comité d'entreprise ; qu'en affirmant que la direction n'avait apporté aucune réponse pertinente à la question du comité d'entreprise relative au "déficit croissant depuis plusieurs années consécutives" invoqué par le comité d'entreprise pour en déduire que le droit d'alerte avait été mis en ?uvre de manière régulière et sans abus, sans à aucun moment analyser la situation économique de l'entreprise et par conséquent caractériser en quoi le prétendu déficit était de nature à affecter de façon préoccupante sa situation économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-78 dans sa version applicable au litige et des articles L. 2325-35 et suivants du code du travail dans leurs versions applicables au litige ;
2°/ que lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de façon préoccupante la situation économique de l'entreprise et qu'il entend éventuellement déclencher son droit d'alerte, il doit au préalable demander à l'employeur des explications sur ces faits et permettre à ce dernier d'y répondre ; que la société Aéropiste faisait valoir que la mise en ?uvre de son droit d'alerte par le comité d'entreprise avait eu lieu de manière irrégulière dans la mesure où lors de la réunion du 20 mars 2013 aux termes de laquelle le comité d'entreprise avait décidé d'exercer son droit d'alerte, des questions avaient été posées à la société Aéropiste qui ne figuraient pas dans l'ordre du jour défini par le comité d'entreprise le 8 mars 2013 ; qu'en jugeant que la procédure d'alerte avait été mise en ?uvre de manière régulière, sans cependant rechercher comme elle y avait été invitée, si la société Aéropiste avait été en mesure d'apporter ses réponses à toutes les questions qui lui avaient été posées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-78 dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article L. 2323-78 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, que lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander des explications à l'employeur.
9. Ayant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, d'une part constaté que, par lettre du 8 mars 2013, des membres du comité d'entreprise avaient demandé la convocation d'une réunion extraordinaire selon un ordre du jour portant sur le lancement d'une alerte interne en raison de faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt de rapports d'expertise sur la situation économique de l'entreprise, en précisant une liste des interrogations posées à la direction, en particulier sur le déficit croissant depuis plusieurs années consécutives mis en exergue par ces rapports, et d'autre part relevé l'absence de réponse pertinente de la direction de nature à expliquer le déficit et les moyens envisagés pour y remédier, la cour d'appel a estimé que le comité d'entreprise avait décidé sans abus d'exercer son droit d'alerte.
10. Le moyen, qui, sous le couvert d'un grief de manque de base légale ne tend qu'à remettre en discussion cette appréciation souveraine, n'est dès lors fondé en aucune de ses branches.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. La société fait grief à l'arrêt de dire que le délit d'entrave est caractérisé à son encontre, de lui ordonner de procéder à la consultation du comité d'entreprise avec communication des documents correspondants sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et sur le passage au GNR et de la condamner à payer au comité d'entreprise de l'UES Aéropistes - Inter pistes une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation des entraves commises, alors :
« 1°/ que le comité d'entreprise est informé et consulté sur les décisions intéressant les conditions de travail des salariés ; que la société Aéropiste faisait valoir que le changement de carburant des véhicules n'avait aucune incidence sur les conditions d'utilisation de ces véhicules et par voie de conséquence sur les conditions de travail de ses salariés, chauffeurs PL, qui les conduisent ; qu'en se fondant sur la circulaire du 17 décembre 2010 relative à l'utilisation du gazole non routier qui précise que : « En France, les caractéristiques de ce gazole non routier sont identiques à celles du gazole routier à l'exception du colorant et du traceur. Toutefois les conditions de distribution, de stockage et d'utilisation du gazole non routier sont différentes de celles du gazole routier et des précautions particulières doivent être respectées pour éviter les problèmes de compatibilité avec les moteurs des matériels concernés », pour en déduire que « l'utilisation nouvelle du gazole non routier a une incidence sur les conditions de travail des salariés en termes d'organisation et est susceptible d'avoir des conséquences sur les conditions d'emploi », sans cependant caractériser que les salariés de la société Aéropiste conduisant ces véhicules étaient eux-mêmes amenés à distribuer, stocker ou manipuler le carburant dans l'exercice de leurs fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail dans leur version applicable au litige ;
2°/ que la société Aéropiste faisait valoir que le changement de carburant des véhicules n'avait aucune incidence sur les conditions d'utilisation de ces véhicules et par voie de conséquence sur les conditions de travail de ses salariés, chauffeurs PL, qui les conduisent ; qu'elle versait aux débats la note qu'elle avait adressée à ces derniers dans laquelle elle précisait que les permis de conduire à jour étaient toujours exigés ; qu'en retenant que le changement de carburant a pour conséquence que les véhicules ne sont plus soumis à immatriculation ni à détention du permis de conduire, sans caractériser en quoi les conditions de travail des conducteurs s'en trouvaient modifiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
12. Il résulte de l'article L. 2323-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, que le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle.
13. La cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits, a relevé d'une part que le changement de carburant a pour conséquence que les véhicules considérés ne sont plus soumis à détention de permis de conduire, d'autre part que ce carburant exige le respect de précautions particulières, notamment dans ses conditions d'utilisation. Elle a pu, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en déduire que la mesure en cause intéressait la marche générale de l'entreprise et notamment était susceptible d'affecter les conditions de travail des salariés, de sorte que le comité d'entreprise aurait dû être consulté sur le passage au gazole non routier, l'entrave étant à ce titre constituée, et a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aéropiste aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aéropiste et la condamne à payer au comité social et économique de l'UES Aéropiste-Inter pistes, venant aux droits du comité d'entreprise de l'UES Aéropiste-Inter pistes, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Aéropiste
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande de la société Aéropiste tendant à l'annulation des délibérations votées au titre du droit d'alerte économique le 20 mars 2013 par le CE de la société Aéropiste et d'AVOIR en conséquence dit que le délit d'entrave était caractérisé à l'encontre de la société Aéropiste, ordonné à la société Aéropiste de communiquer à la société Sofrage codivers documents, condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts au titre des entraves commises, condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 3 000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la communication des documents sollicités dans le cadre du droit d'alerte :
Il doit être rappelé les dispositions des articles L. 2323-78, L. 2323-79, L. 2325-36 et L. 2325-37 alinéa 1 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause :
- article L. 2323-78 : "Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications. Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise.
Si le comité d'entreprise n'a pu obtenir de réponse suffisante de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l'article L. 2325-23.
Ce rapport, au titre du droit d'alerte économique, est transmis à l'employeur et au commissaire aux comptes."
- article L. 2323-79 : "Le comité d'entreprise ou la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice comptable, de l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35, convoquer le commissaire aux comptes et s'adjoindre avec voix consultative deux salariés de l'entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du comité d'entreprise.
Ces salariés disposent de cinq heures chacun pour assister le comité d'entreprise ou la commission économique en vue de l'établissement du rapport prévu à l'article L. 2323-78. Ce temps est rémunéré comme temps de travail."
- article L. 2325-36 : "La mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise."
- article L. 2325-37 alinéa 1 : "Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ses missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes."
Pour la première fois, la société Aéropiste soutient devant la cour que les conditions du recours à la procédure d'alerte n'étaient pas réunies et lui demande d'annuler l'ensemble des délibérations de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 par lesquelles les membres du CE ont constaté le défaut de réponse de l'employeur à leur demande d'explication, ont voté le déclenchement du droit d'alerte et ont procédé à la désignation du cabinet Sofrageco pour assister le comité d'entreprise dans cette procédure.
Mais ainsi que le font valoir à juste titre les intimés, la société Aéropiste n'a jamais développé devant le premier juge une quelconque prétention ou argumentation relative à la validité du droit d'alerte déclenché le 20 mars 2013, de sorte que la demande tendant à l'annulation des délibérations votées à ce titre et à cette date par le CE est nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et par voie de conséquence irrecevable.
C'est à tort que la société Aéropiste prétend que le premier juge aurait dû se saisir de cette question, alors qu'elle ne faisait l'objet d'aucune contestation devant lui.
La société Aéropiste rétorque aussi que rien n'empêche juridiquement la demanderesse -notamment le fait que la désignation de l'expert-comptable Sofrageco n'ait jamais été contestée par cette dernière ou bien que l'expertise ait été réalisée et payée -de contester en cause d'appel la légitimité de la procédure d'alerte et de mettre en exergue le non-respect de la procédure d'alerte, dès lors que cette argumentation tend à faire débouter le comité d'entreprise de l'ensemble de ses demandes.
Toutefois, par lettre du 8 mars2013 adressée au président de l'instance, les membres du CE de la société Aéropiste ont sollicité la convocation d'une réunion extraordinaire sur un ordre du jour portant sur :
- une nouvelle délibération sur le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofragecoet ABS sur la situation économique de l'entreprise ; - des explications de la direction sur des faits listés, en particulier sur le déficit croissant depuis plusieurs années consécutives mis en exergue par le précédent rapport d'expertise ;
- en cas de refus ou de réponse insuffisante de la direction, l'adoption d'une résolution pour désigner le cabinet Sofrageco afin d'assister le CE dans cette procédure et d'établir le cas échéant un rapport, à la suite des faits préoccupants l'ayant provoquée.
Il ressort de l'examen du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'en ce qui concerne la situation préoccupante de l'entreprise liée à un déficit croissant depuis plusieurs années consécutives, la direction n'a contrairement à son argumentaire fourni aucune réponse pertinente de nature à l'expliquer et n'a pas davantage présenté les moyens envisagés pour y remédier, laissant même entendre sans plus de précision que l'absence d'investissement dans le renouvellement du parc PL est "un choix imposé".
C'est dès lors de manière régulière et sans abus que le 20 mars 2013, le CE a voté à l'unanimité le déclenchement d'un droit d'alerte sur les faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise, et qu'il a désigné le cabinet Sofrageco pour l'assister.
En dépit des nombreuses demandes de la société Sofrageco, la société Aéropiste ne lui a jamais transmis l'intégralité des documents sollicités, la dernière liste des nombreux documents manquants figurant dans la lettre de la société d'expertise-comptable du 10 septembre 2014 adressée au président du pôle fret Aéropiste. Ces faits sont constitutifs d'une entrave au fonctionnement régulier du CE ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.
C'est en vain que la société Aéropiste oppose le fait que certains documents sollicités dépasseraient la mission de l'expert dans le temps et dans son objet.
En effet, il doit être rappelé d'une part qu'il appartient au seul expert-comptable désigné par le comité d'entreprise de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et d'autre part que l'expert-comptable, dont l'assistance a été décidée par le comité d'entreprise dans le cadre de son droit d'alerte économique, a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, lequel peut effectuer des investigations auprès des personnes ou des entités qui contrôlent l'entreprise, en l'espèce auprès notamment de la société VEAIRPORT.
En outre, s'il ressort du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'il est question d'un déficit croissant d'année en année depuis 2008 -c'est cependant Mme [M], représentant la direction générale de la société VEAIRPORT, qui la première fait remonter à l'année 2008 ce déficit (page1) -il n'en reste pas moins que l'expert-comptable est fondé à en rechercher les causes par une mise en perspective de tous les éléments d'ordre économique, financier ou social des années antérieures.
Enfin, la société Aéropiste ne justifie pas que la société Sofrageco soit déjà en possession d'une partie des documents sollicités, que d'ailleurs elle ne liste pas, au motif qu'ils lui auraient été communiqués dans le cadre d'une précédente mission d'expertise.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la communication des documents sus-rappelés à l'expert-comptable, la société Sofrageco, étant précisé que la demande d'astreinte n'est pas maintenue devant la cour » ;
ET AUX MOTIFS QUE « C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a accordé des dommages-intérêts au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes, compte tenu des entraves commises et de la résistance de la société Aéropiste.
Toutefois, la cour ayant déclaré irrecevable la demande afférente à la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées au titre de laquelle le premier juge avait également retenu l'existence d'une entrave, il convient d'infirmer le jugement sur le quantum et statuant à nouveau, de condamner la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes la somme de 15000? à titre de dommages-intérêts » ;
ALORS QUE la recevabilité de la demande reconventionnelle formée pour la première fois en cause d'appel s'apprécie au regard du lien la rattachant à la prétention originaire du demandeur à l'action; qu'en l'espèce, attraite par le comité économique et social de l'UES Aéropiste-Inter pistes devant le juge judiciaire aux fins d'être condamnée à communiquer des documents au cabinet Sofrageco désigné par le comité d'entreprise de la société Aéropiste pour l'assister dans le cadre du droit d'alerte qu'il avait déclenché le 20 mars 2013, la société sollicitait reconventionnellement en cause d'appel l'annulation de la délibération du 20 mars 2013 en soutenant que les conditions d'exercice de ce droit d'alerte n'étaient pas réunies ; qu'en retenant que la société n'avait pas développé devant le premier juge une quelconque prétention ou argumentation relative à la validité du droit d'alerte de sorte que sa demande tendant à l'annulation des délibérations votées à ce titre était nouvelle et comme telle irrecevable, lorsque la recevabilité d'une telle demande reconventionnelle devait s'apprécier au regard du lien la rattachant à la demande originaire du comité d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 64, 70, 564 et 567 du code de procédure civile.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que le délit d'entrave était caractérisé à l'encontre de la société Aéropiste, d'AVOIR ordonné à la société Aéropiste de communiquer à la société Sofrageco divers documents, d'AVOIR condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts au titre des entraves commises, d'AVOIR condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 3 000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la communication des documents sollicités dans le cadre du droit d'alerte :
Il doit être rappelé les dispositions des articles L. 2323-78, L. 2323-79, L. 2325-36 et L. 2325-37 alinéa 1 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause :
- article L. 2323-78 : « Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications. Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise.
Si le comité d'entreprise n'a pu obtenir de réponse suffisante de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l'article L. 2325-23.
Ce rapport, au titre du droit d'alerte économique, est transmis à l'employeur et au commissaire aux comptes. »
- article L. 2323-79 : « Le comité d'entreprise ou la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice comptable, de l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35, convoquer le commissaire aux comptes et s'adjoindre avec voix consultative deux salariés de l'entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du comité d'entreprise.
Ces salariés disposent de cinq heures chacun pour assister le comité d'entreprise ou la commission économique en vue de l'établissement du rapport prévu à l'article L. 2323-78. Ce temps est rémunéré comme temps de travail. »
- article L. 2325-36 : « La mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise. »
- article L. 2325-37 alinéa 1 : « Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ses missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes. » ;
ET QUE "La société Aéropiste rétorque aussi que rien n'empêche juridiquement la demanderesse -notamment le fait que la désignation de l'expert-comptable Sofrageco n'ait jamais été contestée par cette dernière ou bien que l'expertise ait été réalisée et payée -de contester en cause d'appel la légitimité de la procédure d'alerte et de mettre en exergue le non-respect de la procédure d'alerte, dès lors que cette argumentation tend à faire débouter le comité d'entreprise de l'ensemble de ses demandes.
Toutefois, par lettre du 8 mars 2013 adressée au président de l'instance, les membres du CE de la société Aéropiste ont sollicité la convocation d'une réunion extraordinaire sur un ordre du jour portant sur :
- une nouvelle délibération sur le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise ; - des explications de la direction sur des faits listés, en particulier sur le déficit croissant depuis plusieurs années consécutives mis en exergue par le précédent rapport d'expertise ;
- en cas de refus ou de réponse insuffisante de la direction, l'adoption d'une résolution pour désigner le cabinet Sofrageco afin d'assister le CE dans cette procédure et d'établir le cas échéant un rapport, à la suite des faits préoccupants l'ayant provoquée.
Il ressort de l'examen du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'en ce qui concerne la situation préoccupante de l'entreprise liée à un déficit croissant depuis plusieurs années consécutives, la direction n'a contrairement à son argumentaire fourni aucune réponse pertinente de nature à l'expliquer et n'a pas davantage présenté les moyens envisagés pour y remédier, laissant même entendre sans plus de précision que l'absence d'investissement dans le renouvellement du parc PL est « un choix imposé ».
C'est dès lors de manière régulière et sans abus que le 20 mars 2013, le CE a voté à l'unanimité le déclenchement d'un droit d'alerte sur les faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise, et qu'il a désigné le cabinet Sofrageco pour l'assister.
En dépit des nombreuses demandes de la société Sofrageco, la société Aéropiste ne lui a jamais transmis l'intégralité des documents sollicités, la dernière liste des nombreux documents manquants figurant dans la lettre de la société d'expertise-comptable du 10 septembre 2014 adressée au président du pôle fret Aéropiste.
Ces faits sont constitutifs d'une entrave au fonctionnement régulier du CE ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.
C'est en vain que la société Aéropiste oppose le fait que certains documents sollicités dépasseraient la mission de l'expert dans le temps et dans son objet.
En effet, il doit être rappelé d'une part qu'il appartient au seul expert-comptable désigné par le comité d'entreprise de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et d'autre part que l'expert-comptable, dont l'assistance a été décidée par le comité d'entreprise dans le cadre de son droit d'alerte économique, a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, lequel peut effectuer des investigations auprès des personnes ou des entités qui contrôlent l'entreprise, en l'espèce auprès notamment de la société VEAIRPORT.
En outre, s'il ressort du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'il est question d'un déficit croissant d'année en année depuis 2008 -c'est cependant Mme [M], représentant la direction générale de la société VEAIRPORT, qui la première fait remonter à l'année 2008 ce déficit (page1) -il n'en reste pas moins que l'expert-comptable est fondé à en rechercher les causes par une mise en perspective de tous les éléments d'ordre économique, financier ou social des années antérieures.
Enfin, la société Aéropiste ne justifie pas que la société Sofrageco soit déjà en possession d'une partie des documents sollicités, que d'ailleurs elle ne liste pas, au motif qu'ils lui auraient été communiqués dans le cadre d'une précédente mission d'expertise. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la communication des documents sus-rappelés à l'expert-comptable, la société Sofrageco, étant précisé que la demande d'astreinte n'est pas maintenue devant la cour" ;
ET QUE « C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a accordé des dommages-intérêts au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes, compte tenu des entraves commises et de la résistance de la société Aéropiste.
Toutefois, la cour ayant déclaré irrecevable la demande afférente à la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées au titre de laquelle le premier juge avait également retenu l'existence d'une entrave, il convient d'infirmer le jugement sur le quantum et statuant à nouveau, de condamner la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste-Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "Sur la communication des documents demandés suite au droit d'alerte voté lors de la réunion du comité d'entreprise du 70 mars 2013.
Selon l'article L. 2323-78 du code du travail, "Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications.
Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise.
Si le comité d'entreprise n'a pu obtenir de réponse suffisante de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, "il établit un rapport. Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l'article L. 2325-23 [...]
L'article L. 2323-79 du même code précise que le comité d'entreprise ou la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice comptable, de l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35.
Selon la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, il appartient au seul expert comptable dont les pouvoirs d'investigation sont assimilés à ceux du commissaire aux comptes, d'apprécier les documents qu'il estime utiles pour l'exercice de sa mission.
Par ailleurs, la mission de l'expert-comptable s'étend aux faits de nature à confirmer la situation préoccupante de l'entreprise, qui sont la suite nécessaire de ceux ayant permis d'engager le droit d'alerte.
Aux termes de l'article L. 2328-1 du code du travail, « Le fait d'apporter une entrave soit à la constitution d'un comité d'entreprise, d'un comité d'établissement ou d'un comité central d'entreprise, soit à la libre désignation de leurs membres. soit à leur fonctionnement régulier, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros. »
En l'espèce, le 8 mars 2013, le comité d'entreprise d'Aéropiste a demandé au président du comité d'entreprise une réunion exceptionnelle du comité avec un ordre du jour comprenant notamment :
- une nouvelle délibération sur le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise suite à une procédure judiciaire engagée par la direction,
- des explications de la direction sur des faits listés,
- en cas de refus ou de réponse insuffisante de la direction, l'adoption d'une résolution pour désigner le cabinet Sofrageco afin d'assister le CE dans cette procédure et d'établir le cas échéant, lm rapport, à la suite des faits préoccupants l'ayant provoquée.
Lors de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 20 mars 2013, ce dernier a voté à l'unanimité le déclenchement d'un droit d'alerte sur des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise et le cabinet Sofrageco a été désigné par le CE pour l'assister dans cette procédure et établir le cas échéant un rapport.
Suite à cette désignation, le cabinet Sofrageco a transmis au président du comité d'entreprise par courrier daté du 29 avril 2013, une lettre de mission et un programme de travail ainsi qu'une liste de documents, renseignements et précisions demandés, ce courrier a fait l'objet d'une relance le 1er juillet 2013.
Le 22 mai 2014, le 13 juin 2014 et le 10 septembre 2014, des documents demandés dans le cadre du droit d'alerte manquaient encore et ont été de nouveaux réclamés par la société d'expertise comptable.
Il convient par ailleurs de souligner que la société Aéropiste ne conteste pas ne pas avoir transmis ces documents et ne justifie pas de leur remise à la société Sofrageco. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le président du CE de la société Aéropiste n'a pas fourni à la société Sofrageco les documents qui lui étaient demandés dans le cadre de sa mission du droit d'alerte de sorte qu'il a entravé le fonctionnement régulier du comité d'entreprise et que le délit d'entrave est ainsi caractérisé. S'agissant des documents devant être communiqués, contrairement à ce que soutient la société Aéropiste, la liste ne sera pas restreinte aux documents postérieurs à l'année 2008, seul l'expert comptable étant à même d'apprécier les documents utiles à l'exercice de sa mission et ne seront pas limités dans leur objet au motif que même si des documents ont été transmis à la société Sofrageco dans le cadre de l'établissement de ses différents rapports sur l'examen des comptes 2010 à 2012, les documents requis par l'expert-comptable aux fins d'assister le CE dans cadre de son droit d'alerte peuvent être de nature différente.
La liste des documents sera cependant limitée aux documents manquants au 10 septembre 2014, le comité d'entreprise ne contestant pas, au demeurant, que les documents non mentionnés dans cette liste ne lui ont pas été donnés. Il ne sera également pas fait droit à la demande du comité d'entreprise concernant les documents, renseignements et précisions demandés le 13 décembre 2012 et le 9 janvier et le 19 février 2013 en raison de ce que les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir dans quel cadre, ni pour quelles raisons ils ont été demandés.
En conséquence, le délit d'entrave est caractérisé et il sera ordonné à la société Aéropiste de communiquer à son comité d'entreprise et à la société Sofrageco, expert-comptable, les documents figurant sur la liste du 10 septembre 2014 » ;
ET QUE « Sur la demande de dommages et intérêts
Le délit d'entrave ayant été caractérisé, il y a lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts du comité d'entreprise. En l'espèce, les documents demandés suite au droit d'alerte le sont depuis le mois de septembre 2014, soit depuis environ 3 ans, après de multiples relances de la part de l'expert-comptable » ;
1/ ALORS QUE l'exercice du droit d'alerte par le comité d'entreprise dans le cadre duquel il peut être assisté d'un expert-comptable est subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de façon préoccupante la situation économique de l'entreprise; qu'en l'espèce le comité d'entreprise de la société Aéropiste avait inscrit à l'ordre du jour de la réunion du 20 mars 2013 « le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports Sofrageco et ABS sur la situation économique de l'entreprise» sans autre précision ; que la société Aéropiste contestait l'existence de tels faits à défaut de précision apportée par le comité d'entreprise (conclusions d'appel de l'exposante p.12-13) ; qu'en affirmant que la direction n'avait apporté aucune réponse pertinente à la question du comité d'entreprise relative au « déficit croissant depuis plusieurs années consécutives » invoqué par le comité d'entreprise pour en déduire que le droit d'alerte avait été mis en ?uvre de manière régulière et sans abus, sans à aucun moment analyser la situation économique de l'entreprise et par conséquent caractériser en quoi le prétendu déficit était de nature à affecter de façon préoccupante sa situation économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-78 dans sa version applicable au litige et des articles L. 2325-35 et suivants du code du travail dans leurs versions applicables au litige ;
2/ ALORS QUE lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de façon préoccupante la situation économique de l'entreprise et qu'il entend éventuellement déclencher son droit d'alerte, il doit au préalable demander à l'employeur des explications sur ces faits et permettre à ce dernier d'y répondre ; que la société Aéropiste faisait valoir que la mise en ?uvre de son droit d'alerte par le comité d'entreprise avait eu lieu de manière irrégulière dans la mesure où lors de la réunion du 20 mars 2013 aux termes de laquelle le comité d'entreprise avait décidé d'exercer son droit d'alerte, des questions avaient été posées à la société Aéropiste qui ne figuraient pas dans l'ordre du jour défini par le comité d'entreprise le 8 mars 2013 (conclusions d'appel de l'exposante p 13-14);qu'en jugeant que la procédure d'alerte avait été mise en ?uvre de manière régulière, sans cependant rechercher comme elle y avait été invitée, si la société Aéropiste avait été en mesure d'apporter ses réponses à toutes les questions qui lui avaient été posées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-78 dans sa version applicable au litige.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le délit d'entrave était caractérisé à l'encontre de la société Aéropiste, d'AVOIR ordonné à la société Aéropiste de procéder à la consultation du comité d'entreprise avec communication des documents correspondants sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et sur le passage au GNR, d'AVOIR condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropistes -Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts au titre des entraves commises, d'AVOIR condamné la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 3 000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
AUX MOTIFS PROPRES QUE "Sur la consultation relative à la restitution des cartes grises et au passage des véhicules au gazole non routier :
L'article L. 2323-6 du code du travail dans sa version alors applicable dispose : « Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle. »
L'article L. 2323-27 alinéa 1, alors applicable, précise : "Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération."
Il est justifié et non contesté que la direction a informé le CE du passage au gazole non routier entraînant la restitution des cartes grises des véhicules, sans le consulter.
Or, le changement de carburant a pour conséquence que les véhicules considérés ne sont plus soumis à immatriculation ni à détention du permis de conduire.
De surcroît, il ressort de la circulaire du ministère de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique en date du 17 décembre 2010 relative à l'utilisation du gazole non routier que si celui-ci possède des caractéristiques identiques au gazole routier, ses conditions de distribution, de stockage et d'utilisation sont différentes et des précautions particulières doivent être respectées pour éviter les problèmes de compatibilité avec les moteurs des matériels concernés.
Il en résulte que l'utilisation nouvelle du gazole non routier a une incidence sur les conditions de travail des salariés en termes d'organisation et est susceptible d'avoir des conséquences sur les conditions d'emploi, de sorte que la société Aéropiste aurait dû procéder à une consultation du CE.
Il s'ensuit que l'entrave à ce titre est également caractérisée, la décision attaquée étant confirmée de ce chef"
ET QUE « C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a accordé des dommages-intérêts au CE de l'UES Aéropiste-Inter pistes, compte tenu des entraves commises et de la résistance de la société Aéropiste.
Toutefois, la cour ayant déclaré irrecevable la demande afférente à la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées au titre de laquelle le premier juge avait également retenu l'existence d'une entrave, il convient d'infirmer le jugement sur le quantum et statuant à nouveau, de condamner la société Aéropiste à payer au CE de l'UES Aéropiste?Interpistes la somme de 15 000 ? à titre de dommages-intérêts »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "Sur la question de la restitution des cartes grises et du passage des véhicules en gaz non roulant
Selon l'article L. 2323-1 du code du travail, "Le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise,
à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature
à améliorer les conditions de travail, d'emploi el de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L.911-2 du code de la sécurité sociale [...]"
Selon l'article L. 2323-6 du même code, "Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle."
Aux termes de l'article L. 2323-27 du code du travail, "Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail. des qualifications et des modes de rémunération.
À cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions. Il bénéficie du concours du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence. Les avis de ce comité lui sont transmis."
En l'espèce, il ressort des termes de la circulaire relative à l'utilisation du gazole non routier que ce dernier même s'il possède des caractéristiques identiques au gazole routier, "ses conditions de distribution, de stockage et d'utilisation sont différentes et des précautions particulières doivent être respectées pour éviter les problèmes de compatibilité avec les moteurs des matériels concernés"de sorte que l'utilisation de ce carburant a un impact sur les conditions de travail des salariés et que la société Aéropiste était tenue d'informer et de consulter le comité d'entreprise de cette nouvelle utilisation et de la restitution des cartes grises y afférente.
La société Aéropiste ne justifie pas avoir informé et consulté le comité d'entreprise de la restitution des cartes grises en préfecture et du passage des véhicules en gaz non roulant.
En effet, le PV de la réunion du comité d'entreprise du 27 novembre 2014 ne mentionne que les "documents administratifs des véhicules PL"et indique que M. [H] explique "que cette question a déjà été posée et donc déjà été répondue"et qu'"il précise que les documents demandés ne sont pas remis au CE, mais qu'ils restent consultables auprès de M [E]", étant observé par ailleurs qu'une note d'information adressée aux salariés ne peut suppléer à l'information du comité d'entreprise en application de l'article L. 2323-27 du code du travail précité.
Il sera donc ordonné à la société Aéropiste de procéder à l'information consultation du comité d'entreprise avec communication des documents correspondant sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et sur le passage au gazole non roulant"
ET QUE « Sur la demande de dommages et intérêts Le délit d'entrave ayant été caractérisé, il y a lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts du comité d'entreprise. En l'espèce, les documents demandés suite au droit d'alerte le sont depuis le mois de septembre 2014, soit depuis environ 3 ans, après de multiples relances de la part de l'expert-comptable »
1/ ALORS QUE le comité d'entreprise est informé et consulté sur les décisions intéressant les conditions de travail des salariés ; que la société Aéropiste faisait valoir que le changement de carburant des véhicules n'avait aucune incidence sur les conditions d'utilisation de ces véhicules et par voie de conséquence sur les conditions de travail de ses salariés, chauffeurs PL, qui les conduisent (conclusions d'appel de l'exposante p 21) ; qu'en se fondant sur la circulaire du 17 décembre 2010 relative à l'utilisation du gazole non routier qui précise que : « En France, les caractéristiques de ce gazole non routier sont identiques à celles du gazole routier à l'exception du colorant et du traceur. Toutefois les conditions de distribution, de stockage et d'utilisation du gazole non routier sont différentes de celles du gazole routier et des précautions particulières doivent être respectées pour éviter les problèmes de compatibilité avec les moteurs des matériels concernés », pour en déduire que « l'utilisation nouvelle du gazole non routier a une incidence sur les conditions de travail des salariés en termes d'organisation et est susceptible d'avoir des conséquences sur les conditions d'emploi », sans cependant caractériser que les salariés de la société Aéropiste conduisant ces véhicules étaient eux-mêmes amenés à distribuer, stocker ou manipuler le carburant dans l'exercice de leurs fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail dans leur version applicable au litige ;
2/ ALORS QUE la société Aéropiste faisait valoir que le changement de carburant des véhicules n'avait aucune incidence sur les conditions d'utilisation de ces véhicules et par voie de conséquence sur les conditions de travail de ses salariés, chauffeurs PL, qui les conduisent ; qu'elle versait aux débats la note qu'elle avait adressée à ces derniers dans laquelle elle précisait que les permis de conduire à jour étaient toujours exigés (pièce d'appel n° 7) ; qu'en retenant que le changement de carburant a pour conséquence que les véhicules ne sont plus soumis à immatriculation ni à détention du permis de conduire, sans caractériser en quoi les conditions de travail des conducteurs s'en trouvaient modifiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail dans leur version applicable au litige.