Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 24 juin 2021, 19-25.821, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 24 juin 2021, 19-25.821, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 19-25.821
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300551
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 24 juin 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, du 26 septembre 2019- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 juin 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 551 F-D
Pourvoi n° J 19-25.821
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2021
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre-Ouest, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-25.821 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société La Chaume, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la commune [Localité 1], représentée par son maire, domicilié [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre-Ouest, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la commune [Localité 1], après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 26 septembre 2019), par acte notarié du 20 septembre 2005, la commune d'[Localité 1] a consenti sur le fondement des articles 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 et L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime à la société civile immobilière La Chaume (la SCI) un bail emphytéotique, d'une durée de cinquante ans, sur une dépendance du domaine public communal en vue d'y développer une activité touristique et halieutique.
2. L'acte précisait que le droit réel conféré à la SCI et les ouvrages édifiés par celle-ci ne pourraient être hypothéqués qu'après accord de la commune, qui devait intervenir au contrat d'hypothèque.
3. Pour financer les travaux prévus au bail, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre-Ouest (le Crédit agricole) a consenti le 25 juillet 2006 à la SCI deux prêts d'un montant total de 150 000 euros, garantis par une hypothèque portant sur le droit réel résultant du bail emphytéotique, que la banque a fait inscrire le 27 juillet 2006.
4. Des échéances étant demeurées impayées, le Crédit agricole, après avoir fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière, a assigné la SCI et la commune à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution.
5. La commune a demandé la nullité des inscriptions hypothécaires.
Examen des moyens.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le Crédit agricole fait grief à l'arrêt de déclarer la commune d'[Localité 1] recevable en sa contestation, alors « que le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; que seul ce droit peut être saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière, sans affecter le droit du propriétaire ; que seuls le débiteur et les créanciers inscrits sur le bien objet de la procédure ont qualité pour soulever des incidents et défendre à l'action engagée contre le débiteur ; qu'en disant la commune recevable à contester la saisie aux motifs qu'elle était propriétaire du bien si bien qu'elle avait nécessairement qualité à agir, quand elle n'était ni débiteur ni créancier inscrit, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article L. 451-1 du code rural. »
Réponse de la Cour
7. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la commune était propriétaire du bien immobilier ayant fait l'objet du commandement valant saisie immobilière et que, aux termes du bail emphytéotique, elle devait intervenir à l'acte constitutif d'hypothèque, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle avait qualité et intérêt à contester la régularité des inscriptions hypothécaires et de la procédure de saisie immobilière.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. Le Crédit agricole fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des inscriptions hypothécaires et d'ordonner la mainlevée de la saisie immobilière, alors :
« 1°/ que la possibilité d'hypothéquer le droit réel né du bail est un droit fondamental du preneur inhérent au bail emphytéotique administratif, aussi l'approbation requise de l'administration relève non d'un pouvoir discrétionnaire mais d'un pouvoir lié, qui ne peut donner lieu qu'à la vérification que les conditions prévues par la loi pour la constitution de l'hypothèque sont remplies ; qu'en l'espèce il a été constaté que l'hypothèque avait été consentie pour l'obtention d'un prêt lié à la valorisation du bien donné à bail, que la commune avait été informée de la prise d'hypothèque sur le bail emphytéotique consenti par un courrier du 26 juin 2006 émanant de la SCI et ne s'y était pas opposée, le maire répondant expressément à la SCI par un courrier du 28 juin 2006 qu'il avait bien pris note de ce que « l'organisme prêteur va inscrire une hypothèque d'un montant de 150 000 euros sur les biens énoncés à la page 6 du bail emphytéotique au point "caractéristiques des constructions projetées". » ; qu'en considérant néanmoins que l'hypothèque était nulle, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 451-1 du code rural et 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les pièces produites ; qu'en l'espèce, il est constant que par un courrier du 28 juin 2006 le maire d'[Localité 1], en réponse à la notification qui lui était faite de la constitution de l'hypothèque sur le bail emphytéotique, a répondu qu'il « a bien pris note de votre courrier du 26 juin 2006 par lequel vous m'informez que dans le cadre de l'investissement réalisé par la SCI la Chaume, le Crédit agricole du centre ouest, votre organisme prêteur va inscrire une hypothèque d'un montant de 150 000 euros sur les biens énoncés à la page 6 du bail emphytéotique au point "caractéristiques des constructions projetées". » ; qu'en retenant que ce courrier ne pouvait valoir renonciation à contester la prise d'hypothèque quand il n'en ressortait cependant clairement ni opposition, ni condition, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les pièces du dossier ;
3°/ que l'acte par lequel le conseil municipal a le 17 janvier 2011 pris délibération emportant agrément à l'inscription de garantie au profit du Crédit agricole valait renonciation de se prévaloir de la nullité de cette hypothèque du fait que la commune n'aurait pas été partie à cet acte ; que cette délibération portait expressément approbation de l'hypothèque prise en ces termes : « Le conseil municipal à l'unanimité : décide d'accorder pour les prêts que la SCI La Chaume a contracté en 2006 auprès du Crédit agricole (prêt n° 1265237-01 pour 105 000,00 euros et prêt n° 1265237-02 pour 45 000 euros - durée de remboursement de 144 mois au taux respectif de 3, 35 % et de 4, 70 %) son agrément pour l'inscription d'une hypothèque conventionnelle grevant les ouvrages et droits immobiliers objet du bail emphytéotique sus-relaté » ; que disant que cet acte ne valait pas renonciation, aux motifs que cet acte soumettait cette approbation à certaines conditions, la cour d'appel a violé l'article 1134 (ancien, désormais 1103) du code civil. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte de l'article L. 1311-3 du code général des collectivités territoriales que le contrat constituant l'hypothèque doit, à peine de nullité, être approuvé par la collectivité territoriale propriétaire du bien immobilier faisant l'objet du bail emphytéotique administratif.
11. La cour d'appel a d'abord constaté, sans dénaturation, que, par la lettre du 28 juin 2006, la commune avait été seulement informée de ce que le Crédit agricole allait procéder à l'inscription d'une hypothèque.
12. Elle a ensuite relevé que, alors que le contrat de bail emphytéotique stipulait que la commune devait intervenir à tout contrat hypothécaire, elle n'avait pas été appelée à intervenir à l'acte du 25 juillet 2006.
13. Elle a enfin constaté que, si, par sa délibération du 17 janvier 2011, le conseil municipal avait accordé a posteriori son agrément pour l'inscription hypothécaire, cet accord était subordonné à des conditions dont la réalisation devait être constatée dans un acte notarié, lequel n'avait jamais été établi.
14. Ayant déduit à bon droit de ces constatations et énonciations que la commune n'avait jamais donné son agrément à la constitution d'hypothèque, la cour d'appel a exactement retenu que ce défaut d'agrément emportait la nullité des inscriptions hypothécaires.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
16. Le Crédit agricole fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la commune la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la responsabilité de la banque ne peut être engagée qu'en cas de faute commise par cette dernière ; qu'en condamnant la banque, tiers au contrat de bail emphytéotique, sans caractériser la faute de cette dernière, aux motifs qu'elle aurait pratiqué une saisie immobilière sur le « fondement d'une hypothèque obtenue de façon irrégulière voire frauduleuse » quand la seule faute commise à cet égard pouvait exclusivement être imputée au preneur, ou au notaire n'ayant pas effectué les diligences requises, la cour d'appel a violé l'article 1382 (ancien, désormais 1240) du code civil. »
Réponse de la Cour
17. La cour d'appel a retenu à bon droit qu'était fautif le fait pour la banque d'avoir pratiqué une saisie immobilière sur le fondement d'une hypothèque irrégulière pour avoir été constituée sur le droit réel conféré au preneur du bail emphytéotique administratif sans respecter l'obligation d'obtenir l'agrément de la collectivité locale propriétaire du bien immobilier donné à bail.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre-Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre-Ouest et la condamne à payer à la commune d'[Localité 1] la somme de 3 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre-Ouest
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'exposante fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la commune d'[Localité 1] recevable dans sa contestation, déclaré le juge de l'exécution compétent pour examiner cette contestation et en conséquence prononcé la nullité des inscriptions d'hypothèque prise par l'exposante, ordonné la mainlevée de la procédure de saisie immobilière et condamné la caisse régionale de Crédit Agricole du Centre-ouest à payer à la commune d'[Localité 1] la somme de 15 000 ? à titre de dommages et intérêt ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la recevabilité des demandes de la Commune d'[Localité 1] devant le juge de l'exécution ; La Caisse régionale de Crédit Agricole du Centre Ouest prétend que le juge de l'exécution ne peut statuer à l'audience d'orientation que sur les contestations opposant le créancier et le débiteur, ce que n'est pas la Commune d'[Localité 1] qui est un tiers. Ce moyen pose la question de la qualité à agir de la Commune d'[Localité 1] à cette audience. L'article R. 322-15 du code de procédure civile (sic : code des procédures civiles d'exécution) dispose que "A l'audience d'orientation, le juge de l'exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande dit débiteur ou en ordonnant la vente forcée". La Commune d'[Localité 1] est le propriétaire des biens immobiliers ayant fait l'objet du commandement aux fins de saisie-vente immobilière. Elle n'est donc en aucun cas un tiers. Consciente de cet état de fait, la Caisse régionale de Crédit Agricole du Centre Ouest a d'ailleurs fait assigner la Commune d'[Localité 1] à l'audience d'orientation par acte d'huissier délivré le 19 septembre 2017. La Commune d'[Localité 1] a donc qualité pour agir. Elle a également manifestement intérêt à agir puisque ses immeubles risquent être saisis. C'est donc à bon droit que le juge de l'exécution a déclaré la Commune d'[Localité 1] recevable en sa contestation et le juge de l'exécution compétent pour l'examiner »;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention , sous réserve des cas dans lesquels la loi attribuent le droit d'agir aux seules personnes qu'elles qualifient pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. » Il ressort du bail emphytéotique que la commune devait être partie à l'acte de prêt hypothécaire, que dès lors elle justifie d'une qualité et d'un intérêt à agir dans le cadre de la saisie immobilière. Par ailleurs la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel du Centre-Ouest ne peut à la fois mettre en avant, dans ses conclusions, la qualité de tiers de la commune d'[Localité 1] ne lui permettant pas d'émettre de contestation et l'assigner, tout comme la SCI de la Chaume à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du 14 novembre 2017 en lui rappelant que les contestations ou demandes incidentes doivent être déposées au greffe par conclusions d'avocat, au plus tard à l'audience. Dès lors, il convient de retenir que la commune d'[Localité 1] a qualité et intérêt à agir dans cette procédure. »
ALORS QUE le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; que seul ce droit peut être saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière, sans affecter le droit du propriétaire ; que seuls le débiteur et les créanciers inscrits sur le bien objet de la procédure ont qualité pour soulever des incidents et défendre à l'action engagée contre le débiteur ; qu'en disant la Commune recevable à contester la saisie aux motifs qu'elle était propriétaire du bien si bien qu'elle avait nécessairement qualité à agir, quand elle n'était ni débiteur ni créancier inscrit, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article L. 451-1 du code rural.
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité des inscriptions d'hypothèque prise par l'exposante, ordonné la mainlevée de la procédure de saisie immobilière et condamné la caisse régionale de Crédit Agricole du Centre-ouest à payer à la commune d'[Localité 1] la somme de 15 000 ? à titre de dommages et intérêts
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la validité des inscriptions d'hypothèque Le bail emphytéotique du 20 septembre 2005 stipule en page 9 que "tout contrat par lequel Le preneur consentira une hypothèque sur les ouvrages et droits immobiliers objets des présentes devra, à peine de nullité, être approuvé par la commune. Le Preneur s'engage donc à informer la commune par lettre recommandée avec accusé de réception avec un préavis de tout projet de constitution de sûreté conventionnelle ainsi qui requérir son intervention à tout contrai d'hypothèque sur lesbiens objets des présentes aux fins de l'approuver. » L'information préalable de la Commune d'[Localité 1] a été respectée puisque par courrier du 26juin 2006, la Sci La Chaume lui a indiqué que le Crédit Agricole allait inscrire une hypothèque sur le chalet et le bâtiment pour garantir un emprunt d'un montant de 150000?. La Commune d'[Localité 1] a accusé réception de ce courrier par courrier recommandé du 28 juin 2006, sans approuver ni désapprouver. Néanmoins, il convient de considérer que le défaut d'opposition de la commune, à cette date, ne peut être considéré comme une approbation non équivoque du contrat hypothécaire. D'ailleurs, si la commune a effectivement été préalablement avisée, aucune pièce du dossier ne permet de dire qu'elle ait approuvé d'une façon quelconque la constitution d'hypothèques au moment de la conclusion de la souscription de l'emprunt. Au surplus, alors que le contrat de bail prévoyait qu'elle devait intervenir à tout contrat hypothécaire ("ainsi qu'à requérir son intervention à tout contrat d'hypothèque " page 9), elle n'a nullement été appelée à l'acte du 25 juillet 2006. Maître [A], notaire rédacteur de l'emprunt hypothécaire, en était bien conscient puisque, par courrier du 14 octobre 2010, soit 4 ans plus tard, il a demandé au maire de la Commune d'[Localité 1] "de bien vouloir lui ('me) faire part de votre approbation et que vous ne vous opposez pas à l'inscription hypothécaire qui a été prise sur le bien immobilier objet du bail emphvtéotique". Ignorant tout de cet emprunt hypothécaire, le maire de la Commune d '[Localité 1] lui a répondu, par courrier du 26 octobre 2010, de bien vouloir l'informer des caractéristiques de cet emprunt, ce qui démontrait son ignorance totale sur les tenants et aboutissants de l'opération. La Caisse régionale de crédit agricole du Centre-Ouest prétend que la Commune d'[Localité 1] aurait confirmé l'obligation sanctionnée par une action en nullité comme le prévoit l'article 1338 ancien du code civil applicable à l'espèce, c'est à dire qu'elle aurait finalement donné l'approbation requise et donc renoncé à invoquer la nullité. Mais pour cela, il aurait fallu que la Commune d'[Localité 1] ait eu connaissance et intention de réparer le vice affectant le contrat hypothécaire. Or, comme indiqué ci-dessus, encore le 26 octobre 2010, elle ignorait tout de l'emprunt hypothécaire, et donc du vice l'affectant. Si, par délibération du 17 janvier 2011, le conseil municipal de la Commune d'[Localité 1] a accordé son agrément pour l'inscription de l'hypothèque, il l'a assorti de conditions qui devaient être constatées dans un acte à recevoir par Maître [A]. Or, un tel acte n'a jamais été établi. En conséquence, la Commune d'[Localité 1] n'a jamais donné son agrément à l'inscription d'hypothèques litigieuse. D'ailleurs en 2012, le Conseil du crédit agricole était encore conscient de la fragilité de l'approbation donnée lors cette délibération, puisque par courrier du 21 février 2012, il demandait au maire de la Commune ce qu'il en était "Et, il semblerait prévu à ce bail que toutes garanties devaient à peine de nullité être approuvées par la Commune. Je n'ai cessé de demander au rédacteur de l'acte de régulariser la situation. Il est toujours taisant. II m'a simplement indiqué que votre conseil Municipal aurait le 17 janvier 2011 pris délibération emportant agrément à l'inscription de garantie au profit du Crédit agricole. Pour être certain que la situation était en règle, pourriez-vous me réserver une copie de cette délibération ?" En conséquence, le Crédit Agricole lui-même était conscient que l'approbation de la Commune n'était pas acquise après la délibération du Conseil municipal du 17 janvier 2011. Il est donc établi par les pièces du dossier que la Commune d'[Localité 1] n'a nullement entendu renoncer à invoquer la nullité prévue par le bail emphytéotique du 20 septembre 2005. Or, faute d'approbation conformément aux termes du bail, la nullité est acquise. En conséquence, il convient de confirmer le jugement du juge de l'exécution du 25 février 2019 en ce qu'il a:-prononcé la nullité des inscriptions d'hypothèque prises par la Caisse régionale de crédit agricole du Centre Ouest sur les parcelles cadastrées section E n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] de la Commune d'[Localité 1]; - ordonné la main levée de la procédure de saisie immobilière.»
ALORS QUE 1°) la possibilité d'hypothéquer le droit réel né du bail est un droit fondamental du preneur inhérent au bail emphytéotique administratif, aussi l'approbation requise de l'administration relève non d'un pouvoir discrétionnaire mais d'un pouvoir lié, qui ne peut donner lieu qu'à la vérification que les conditions prévues par la loi pour la constitution de l'hypothèque sont remplies ; qu'en l'espèce il a été constaté que l'hypothèque avait été consentie pour l'obtention d'un prêt lié à la valorisation du bien donné à bail, que la Commune avait été informée de la prise d'hypothèque sur le bail emphytéotique consenti par un courrier du 26 juin 2006 émanant de la Sci La Chaume et ne s'y était pas opposée, le Maire répondant expressément à la Sci par un courrier du 28 juin 2006 qu'il avait bien pris note de ce que « l'organisme prêteur va inscrire une hypothèque d'un montant de 150 000 ? sur les biens énoncés à la page 6 du bail emphytéotique au point "caractéristiques des constructions projetées". » ; qu'en considérant néanmoins que l'hypothèque était nulle, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 451-1 du code rural et 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 ;
ALORS QUE 2°) le juge ne peut dénaturer les pièces produites ; qu'en l'espèce, il est constant que par un courrier du 28 juin 2006 le Maire d'[Localité 1], en réponse à la notification qui lui était faite de la constitution de l'hypothèque sur le bail emphytéotique, a répondu qu'il « a bien pris note de votre courrier du 26 juin 2006 par lequel vous m'informez que dans le cadre de l'investissement réalisé par la SCI la Chaume, le Crédit Agricole du centre ouest, votre organisme prêteur va inscrire une hypothèque d'un montant de 150 000? sur les biens énoncés à la page 6 du bail emphytéotique au point "caractéristiques des constructions projetées". » ; qu'en retenant que ce courrier ne pouvait valoir renonciation à contester la prise d'hypothèque quand il n'en ressortait cependant clairement ni opposition, ni condition, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les pièces du dossier ;
ALORS QUE 3°) à tout le moins, l'acte par lequel le conseil Municipal a le 17 janvier 2011 pris délibération emportant agrément à l'inscription de garantie au profit du Crédit agricole valait renonciation de se prévaloir de la nullité de cette hypothèque du fait que la Commune n'aurait pas été partie à cet acte ; que cette délibération portait expressément approbation de l'hypothèque prise en ces termes : « Le conseil municipal à l'unanimité : décide d'accorder pour les prêts que la Sci la Chaume à contracté en 2006 auprès du Crédit Agricole (prêt n° 1265237-01 pour 105 000,00? et prêt n° 1265237-02 pour 45 000? -durée de remboursement de 144 mois au taux respectif de 3, 35% et de 4, 70 %) son agrément pour l'inscription d'une hypothèque conventionnelle grevant les ouvrages et droits immobiliers objet du bail emphytéotique sus- relaté » ; que disant que cet acte ne valait pas renonciation, aux motifs que cet acte soumettait cette approbation à certaines conditions, la cour d'appel a violé l'article 1134 (ancien, désormais 1103) du code civil.
SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la caisse régionale de Crédit Agricole du Centre-ouest à payer à la commune d'[Localité 1] la somme de 15 000 ? à titre de dommages et intérêts.
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de dommages et intérêts La Commune d'[Localité 1] prétend avoir subi un préjudice dans la mesure où elle a été victime de moyens frauduleux. La procédure de saisie immobilière a obéré le développement économique de l'immeuble concerné, faute de pouvoir investir, dans l'expectative de l'issue de la procédure. Comme l'a considéré le premier juge, la saisie immobilière pratiquée sur le fondement d'une hypothèque obtenue de façon irrégulière, voire frauduleuse, a causé un préjudice à la Commune d'[Localité 1], préjudice à la fois moral et économique, car elle n'a pas pu prendre de dispositions pour relancer la fréquentation de l'étang de la Chaume dans l'attente d'une décision définitive sur la saisie immobilière.
II convient en conséquence de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a condamné la Caisse Régionale de Crédit du Centre Ouest à payer à la Commune d'[Localité 1] la somme de 15 000 ? à titre de dommages et intérêts. »
ALORS QUE la responsabilité de la banque ne peut être engagée qu'en cas de faute commise par cette dernière ; qu'en condamnant la banque, tiers au contrat de bail emphytéotique, sans caractériser la faute de cette dernière, aux motifs qu'elle aurait pratiqué une saisie immobilière sur le « fondement d'une hypothèque obtenue de façon irrégulière voire frauduleuse » quand la seule faute commise à cet égard pouvait exclusivement être imputée au preneur, ou au notaire n'ayant pas effectué les diligences requises, la cour d'appel a violé l'article 1382 (ancien, désormais 1240) du code civil.ECLI:FR:CCASS:2021:C300551
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 juin 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 551 F-D
Pourvoi n° J 19-25.821
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2021
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre-Ouest, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-25.821 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société La Chaume, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la commune [Localité 1], représentée par son maire, domicilié [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre-Ouest, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la commune [Localité 1], après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 26 septembre 2019), par acte notarié du 20 septembre 2005, la commune d'[Localité 1] a consenti sur le fondement des articles 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 et L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime à la société civile immobilière La Chaume (la SCI) un bail emphytéotique, d'une durée de cinquante ans, sur une dépendance du domaine public communal en vue d'y développer une activité touristique et halieutique.
2. L'acte précisait que le droit réel conféré à la SCI et les ouvrages édifiés par celle-ci ne pourraient être hypothéqués qu'après accord de la commune, qui devait intervenir au contrat d'hypothèque.
3. Pour financer les travaux prévus au bail, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre-Ouest (le Crédit agricole) a consenti le 25 juillet 2006 à la SCI deux prêts d'un montant total de 150 000 euros, garantis par une hypothèque portant sur le droit réel résultant du bail emphytéotique, que la banque a fait inscrire le 27 juillet 2006.
4. Des échéances étant demeurées impayées, le Crédit agricole, après avoir fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière, a assigné la SCI et la commune à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution.
5. La commune a demandé la nullité des inscriptions hypothécaires.
Examen des moyens.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le Crédit agricole fait grief à l'arrêt de déclarer la commune d'[Localité 1] recevable en sa contestation, alors « que le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; que seul ce droit peut être saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière, sans affecter le droit du propriétaire ; que seuls le débiteur et les créanciers inscrits sur le bien objet de la procédure ont qualité pour soulever des incidents et défendre à l'action engagée contre le débiteur ; qu'en disant la commune recevable à contester la saisie aux motifs qu'elle était propriétaire du bien si bien qu'elle avait nécessairement qualité à agir, quand elle n'était ni débiteur ni créancier inscrit, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article L. 451-1 du code rural. »
Réponse de la Cour
7. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la commune était propriétaire du bien immobilier ayant fait l'objet du commandement valant saisie immobilière et que, aux termes du bail emphytéotique, elle devait intervenir à l'acte constitutif d'hypothèque, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle avait qualité et intérêt à contester la régularité des inscriptions hypothécaires et de la procédure de saisie immobilière.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. Le Crédit agricole fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des inscriptions hypothécaires et d'ordonner la mainlevée de la saisie immobilière, alors :
« 1°/ que la possibilité d'hypothéquer le droit réel né du bail est un droit fondamental du preneur inhérent au bail emphytéotique administratif, aussi l'approbation requise de l'administration relève non d'un pouvoir discrétionnaire mais d'un pouvoir lié, qui ne peut donner lieu qu'à la vérification que les conditions prévues par la loi pour la constitution de l'hypothèque sont remplies ; qu'en l'espèce il a été constaté que l'hypothèque avait été consentie pour l'obtention d'un prêt lié à la valorisation du bien donné à bail, que la commune avait été informée de la prise d'hypothèque sur le bail emphytéotique consenti par un courrier du 26 juin 2006 émanant de la SCI et ne s'y était pas opposée, le maire répondant expressément à la SCI par un courrier du 28 juin 2006 qu'il avait bien pris note de ce que « l'organisme prêteur va inscrire une hypothèque d'un montant de 150 000 euros sur les biens énoncés à la page 6 du bail emphytéotique au point "caractéristiques des constructions projetées". » ; qu'en considérant néanmoins que l'hypothèque était nulle, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 451-1 du code rural et 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les pièces produites ; qu'en l'espèce, il est constant que par un courrier du 28 juin 2006 le maire d'[Localité 1], en réponse à la notification qui lui était faite de la constitution de l'hypothèque sur le bail emphytéotique, a répondu qu'il « a bien pris note de votre courrier du 26 juin 2006 par lequel vous m'informez que dans le cadre de l'investissement réalisé par la SCI la Chaume, le Crédit agricole du centre ouest, votre organisme prêteur va inscrire une hypothèque d'un montant de 150 000 euros sur les biens énoncés à la page 6 du bail emphytéotique au point "caractéristiques des constructions projetées". » ; qu'en retenant que ce courrier ne pouvait valoir renonciation à contester la prise d'hypothèque quand il n'en ressortait cependant clairement ni opposition, ni condition, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les pièces du dossier ;
3°/ que l'acte par lequel le conseil municipal a le 17 janvier 2011 pris délibération emportant agrément à l'inscription de garantie au profit du Crédit agricole valait renonciation de se prévaloir de la nullité de cette hypothèque du fait que la commune n'aurait pas été partie à cet acte ; que cette délibération portait expressément approbation de l'hypothèque prise en ces termes : « Le conseil municipal à l'unanimité : décide d'accorder pour les prêts que la SCI La Chaume a contracté en 2006 auprès du Crédit agricole (prêt n° 1265237-01 pour 105 000,00 euros et prêt n° 1265237-02 pour 45 000 euros - durée de remboursement de 144 mois au taux respectif de 3, 35 % et de 4, 70 %) son agrément pour l'inscription d'une hypothèque conventionnelle grevant les ouvrages et droits immobiliers objet du bail emphytéotique sus-relaté » ; que disant que cet acte ne valait pas renonciation, aux motifs que cet acte soumettait cette approbation à certaines conditions, la cour d'appel a violé l'article 1134 (ancien, désormais 1103) du code civil. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte de l'article L. 1311-3 du code général des collectivités territoriales que le contrat constituant l'hypothèque doit, à peine de nullité, être approuvé par la collectivité territoriale propriétaire du bien immobilier faisant l'objet du bail emphytéotique administratif.
11. La cour d'appel a d'abord constaté, sans dénaturation, que, par la lettre du 28 juin 2006, la commune avait été seulement informée de ce que le Crédit agricole allait procéder à l'inscription d'une hypothèque.
12. Elle a ensuite relevé que, alors que le contrat de bail emphytéotique stipulait que la commune devait intervenir à tout contrat hypothécaire, elle n'avait pas été appelée à intervenir à l'acte du 25 juillet 2006.
13. Elle a enfin constaté que, si, par sa délibération du 17 janvier 2011, le conseil municipal avait accordé a posteriori son agrément pour l'inscription hypothécaire, cet accord était subordonné à des conditions dont la réalisation devait être constatée dans un acte notarié, lequel n'avait jamais été établi.
14. Ayant déduit à bon droit de ces constatations et énonciations que la commune n'avait jamais donné son agrément à la constitution d'hypothèque, la cour d'appel a exactement retenu que ce défaut d'agrément emportait la nullité des inscriptions hypothécaires.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
16. Le Crédit agricole fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la commune la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la responsabilité de la banque ne peut être engagée qu'en cas de faute commise par cette dernière ; qu'en condamnant la banque, tiers au contrat de bail emphytéotique, sans caractériser la faute de cette dernière, aux motifs qu'elle aurait pratiqué une saisie immobilière sur le « fondement d'une hypothèque obtenue de façon irrégulière voire frauduleuse » quand la seule faute commise à cet égard pouvait exclusivement être imputée au preneur, ou au notaire n'ayant pas effectué les diligences requises, la cour d'appel a violé l'article 1382 (ancien, désormais 1240) du code civil. »
Réponse de la Cour
17. La cour d'appel a retenu à bon droit qu'était fautif le fait pour la banque d'avoir pratiqué une saisie immobilière sur le fondement d'une hypothèque irrégulière pour avoir été constituée sur le droit réel conféré au preneur du bail emphytéotique administratif sans respecter l'obligation d'obtenir l'agrément de la collectivité locale propriétaire du bien immobilier donné à bail.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre-Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre-Ouest et la condamne à payer à la commune d'[Localité 1] la somme de 3 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre-Ouest
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'exposante fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la commune d'[Localité 1] recevable dans sa contestation, déclaré le juge de l'exécution compétent pour examiner cette contestation et en conséquence prononcé la nullité des inscriptions d'hypothèque prise par l'exposante, ordonné la mainlevée de la procédure de saisie immobilière et condamné la caisse régionale de Crédit Agricole du Centre-ouest à payer à la commune d'[Localité 1] la somme de 15 000 ? à titre de dommages et intérêt ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la recevabilité des demandes de la Commune d'[Localité 1] devant le juge de l'exécution ; La Caisse régionale de Crédit Agricole du Centre Ouest prétend que le juge de l'exécution ne peut statuer à l'audience d'orientation que sur les contestations opposant le créancier et le débiteur, ce que n'est pas la Commune d'[Localité 1] qui est un tiers. Ce moyen pose la question de la qualité à agir de la Commune d'[Localité 1] à cette audience. L'article R. 322-15 du code de procédure civile (sic : code des procédures civiles d'exécution) dispose que "A l'audience d'orientation, le juge de l'exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande dit débiteur ou en ordonnant la vente forcée". La Commune d'[Localité 1] est le propriétaire des biens immobiliers ayant fait l'objet du commandement aux fins de saisie-vente immobilière. Elle n'est donc en aucun cas un tiers. Consciente de cet état de fait, la Caisse régionale de Crédit Agricole du Centre Ouest a d'ailleurs fait assigner la Commune d'[Localité 1] à l'audience d'orientation par acte d'huissier délivré le 19 septembre 2017. La Commune d'[Localité 1] a donc qualité pour agir. Elle a également manifestement intérêt à agir puisque ses immeubles risquent être saisis. C'est donc à bon droit que le juge de l'exécution a déclaré la Commune d'[Localité 1] recevable en sa contestation et le juge de l'exécution compétent pour l'examiner »;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention , sous réserve des cas dans lesquels la loi attribuent le droit d'agir aux seules personnes qu'elles qualifient pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. » Il ressort du bail emphytéotique que la commune devait être partie à l'acte de prêt hypothécaire, que dès lors elle justifie d'une qualité et d'un intérêt à agir dans le cadre de la saisie immobilière. Par ailleurs la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel du Centre-Ouest ne peut à la fois mettre en avant, dans ses conclusions, la qualité de tiers de la commune d'[Localité 1] ne lui permettant pas d'émettre de contestation et l'assigner, tout comme la SCI de la Chaume à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du 14 novembre 2017 en lui rappelant que les contestations ou demandes incidentes doivent être déposées au greffe par conclusions d'avocat, au plus tard à l'audience. Dès lors, il convient de retenir que la commune d'[Localité 1] a qualité et intérêt à agir dans cette procédure. »
ALORS QUE le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; que seul ce droit peut être saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière, sans affecter le droit du propriétaire ; que seuls le débiteur et les créanciers inscrits sur le bien objet de la procédure ont qualité pour soulever des incidents et défendre à l'action engagée contre le débiteur ; qu'en disant la Commune recevable à contester la saisie aux motifs qu'elle était propriétaire du bien si bien qu'elle avait nécessairement qualité à agir, quand elle n'était ni débiteur ni créancier inscrit, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article L. 451-1 du code rural.
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité des inscriptions d'hypothèque prise par l'exposante, ordonné la mainlevée de la procédure de saisie immobilière et condamné la caisse régionale de Crédit Agricole du Centre-ouest à payer à la commune d'[Localité 1] la somme de 15 000 ? à titre de dommages et intérêts
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la validité des inscriptions d'hypothèque Le bail emphytéotique du 20 septembre 2005 stipule en page 9 que "tout contrat par lequel Le preneur consentira une hypothèque sur les ouvrages et droits immobiliers objets des présentes devra, à peine de nullité, être approuvé par la commune. Le Preneur s'engage donc à informer la commune par lettre recommandée avec accusé de réception avec un préavis de tout projet de constitution de sûreté conventionnelle ainsi qui requérir son intervention à tout contrai d'hypothèque sur lesbiens objets des présentes aux fins de l'approuver. » L'information préalable de la Commune d'[Localité 1] a été respectée puisque par courrier du 26juin 2006, la Sci La Chaume lui a indiqué que le Crédit Agricole allait inscrire une hypothèque sur le chalet et le bâtiment pour garantir un emprunt d'un montant de 150000?. La Commune d'[Localité 1] a accusé réception de ce courrier par courrier recommandé du 28 juin 2006, sans approuver ni désapprouver. Néanmoins, il convient de considérer que le défaut d'opposition de la commune, à cette date, ne peut être considéré comme une approbation non équivoque du contrat hypothécaire. D'ailleurs, si la commune a effectivement été préalablement avisée, aucune pièce du dossier ne permet de dire qu'elle ait approuvé d'une façon quelconque la constitution d'hypothèques au moment de la conclusion de la souscription de l'emprunt. Au surplus, alors que le contrat de bail prévoyait qu'elle devait intervenir à tout contrat hypothécaire ("ainsi qu'à requérir son intervention à tout contrat d'hypothèque " page 9), elle n'a nullement été appelée à l'acte du 25 juillet 2006. Maître [A], notaire rédacteur de l'emprunt hypothécaire, en était bien conscient puisque, par courrier du 14 octobre 2010, soit 4 ans plus tard, il a demandé au maire de la Commune d'[Localité 1] "de bien vouloir lui ('me) faire part de votre approbation et que vous ne vous opposez pas à l'inscription hypothécaire qui a été prise sur le bien immobilier objet du bail emphvtéotique". Ignorant tout de cet emprunt hypothécaire, le maire de la Commune d '[Localité 1] lui a répondu, par courrier du 26 octobre 2010, de bien vouloir l'informer des caractéristiques de cet emprunt, ce qui démontrait son ignorance totale sur les tenants et aboutissants de l'opération. La Caisse régionale de crédit agricole du Centre-Ouest prétend que la Commune d'[Localité 1] aurait confirmé l'obligation sanctionnée par une action en nullité comme le prévoit l'article 1338 ancien du code civil applicable à l'espèce, c'est à dire qu'elle aurait finalement donné l'approbation requise et donc renoncé à invoquer la nullité. Mais pour cela, il aurait fallu que la Commune d'[Localité 1] ait eu connaissance et intention de réparer le vice affectant le contrat hypothécaire. Or, comme indiqué ci-dessus, encore le 26 octobre 2010, elle ignorait tout de l'emprunt hypothécaire, et donc du vice l'affectant. Si, par délibération du 17 janvier 2011, le conseil municipal de la Commune d'[Localité 1] a accordé son agrément pour l'inscription de l'hypothèque, il l'a assorti de conditions qui devaient être constatées dans un acte à recevoir par Maître [A]. Or, un tel acte n'a jamais été établi. En conséquence, la Commune d'[Localité 1] n'a jamais donné son agrément à l'inscription d'hypothèques litigieuse. D'ailleurs en 2012, le Conseil du crédit agricole était encore conscient de la fragilité de l'approbation donnée lors cette délibération, puisque par courrier du 21 février 2012, il demandait au maire de la Commune ce qu'il en était "Et, il semblerait prévu à ce bail que toutes garanties devaient à peine de nullité être approuvées par la Commune. Je n'ai cessé de demander au rédacteur de l'acte de régulariser la situation. Il est toujours taisant. II m'a simplement indiqué que votre conseil Municipal aurait le 17 janvier 2011 pris délibération emportant agrément à l'inscription de garantie au profit du Crédit agricole. Pour être certain que la situation était en règle, pourriez-vous me réserver une copie de cette délibération ?" En conséquence, le Crédit Agricole lui-même était conscient que l'approbation de la Commune n'était pas acquise après la délibération du Conseil municipal du 17 janvier 2011. Il est donc établi par les pièces du dossier que la Commune d'[Localité 1] n'a nullement entendu renoncer à invoquer la nullité prévue par le bail emphytéotique du 20 septembre 2005. Or, faute d'approbation conformément aux termes du bail, la nullité est acquise. En conséquence, il convient de confirmer le jugement du juge de l'exécution du 25 février 2019 en ce qu'il a:-prononcé la nullité des inscriptions d'hypothèque prises par la Caisse régionale de crédit agricole du Centre Ouest sur les parcelles cadastrées section E n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] de la Commune d'[Localité 1]; - ordonné la main levée de la procédure de saisie immobilière.»
ALORS QUE 1°) la possibilité d'hypothéquer le droit réel né du bail est un droit fondamental du preneur inhérent au bail emphytéotique administratif, aussi l'approbation requise de l'administration relève non d'un pouvoir discrétionnaire mais d'un pouvoir lié, qui ne peut donner lieu qu'à la vérification que les conditions prévues par la loi pour la constitution de l'hypothèque sont remplies ; qu'en l'espèce il a été constaté que l'hypothèque avait été consentie pour l'obtention d'un prêt lié à la valorisation du bien donné à bail, que la Commune avait été informée de la prise d'hypothèque sur le bail emphytéotique consenti par un courrier du 26 juin 2006 émanant de la Sci La Chaume et ne s'y était pas opposée, le Maire répondant expressément à la Sci par un courrier du 28 juin 2006 qu'il avait bien pris note de ce que « l'organisme prêteur va inscrire une hypothèque d'un montant de 150 000 ? sur les biens énoncés à la page 6 du bail emphytéotique au point "caractéristiques des constructions projetées". » ; qu'en considérant néanmoins que l'hypothèque était nulle, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 451-1 du code rural et 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 ;
ALORS QUE 2°) le juge ne peut dénaturer les pièces produites ; qu'en l'espèce, il est constant que par un courrier du 28 juin 2006 le Maire d'[Localité 1], en réponse à la notification qui lui était faite de la constitution de l'hypothèque sur le bail emphytéotique, a répondu qu'il « a bien pris note de votre courrier du 26 juin 2006 par lequel vous m'informez que dans le cadre de l'investissement réalisé par la SCI la Chaume, le Crédit Agricole du centre ouest, votre organisme prêteur va inscrire une hypothèque d'un montant de 150 000? sur les biens énoncés à la page 6 du bail emphytéotique au point "caractéristiques des constructions projetées". » ; qu'en retenant que ce courrier ne pouvait valoir renonciation à contester la prise d'hypothèque quand il n'en ressortait cependant clairement ni opposition, ni condition, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les pièces du dossier ;
ALORS QUE 3°) à tout le moins, l'acte par lequel le conseil Municipal a le 17 janvier 2011 pris délibération emportant agrément à l'inscription de garantie au profit du Crédit agricole valait renonciation de se prévaloir de la nullité de cette hypothèque du fait que la Commune n'aurait pas été partie à cet acte ; que cette délibération portait expressément approbation de l'hypothèque prise en ces termes : « Le conseil municipal à l'unanimité : décide d'accorder pour les prêts que la Sci la Chaume à contracté en 2006 auprès du Crédit Agricole (prêt n° 1265237-01 pour 105 000,00? et prêt n° 1265237-02 pour 45 000? -durée de remboursement de 144 mois au taux respectif de 3, 35% et de 4, 70 %) son agrément pour l'inscription d'une hypothèque conventionnelle grevant les ouvrages et droits immobiliers objet du bail emphytéotique sus- relaté » ; que disant que cet acte ne valait pas renonciation, aux motifs que cet acte soumettait cette approbation à certaines conditions, la cour d'appel a violé l'article 1134 (ancien, désormais 1103) du code civil.
SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la caisse régionale de Crédit Agricole du Centre-ouest à payer à la commune d'[Localité 1] la somme de 15 000 ? à titre de dommages et intérêts.
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de dommages et intérêts La Commune d'[Localité 1] prétend avoir subi un préjudice dans la mesure où elle a été victime de moyens frauduleux. La procédure de saisie immobilière a obéré le développement économique de l'immeuble concerné, faute de pouvoir investir, dans l'expectative de l'issue de la procédure. Comme l'a considéré le premier juge, la saisie immobilière pratiquée sur le fondement d'une hypothèque obtenue de façon irrégulière, voire frauduleuse, a causé un préjudice à la Commune d'[Localité 1], préjudice à la fois moral et économique, car elle n'a pas pu prendre de dispositions pour relancer la fréquentation de l'étang de la Chaume dans l'attente d'une décision définitive sur la saisie immobilière.
II convient en conséquence de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a condamné la Caisse Régionale de Crédit du Centre Ouest à payer à la Commune d'[Localité 1] la somme de 15 000 ? à titre de dommages et intérêts. »
ALORS QUE la responsabilité de la banque ne peut être engagée qu'en cas de faute commise par cette dernière ; qu'en condamnant la banque, tiers au contrat de bail emphytéotique, sans caractériser la faute de cette dernière, aux motifs qu'elle aurait pratiqué une saisie immobilière sur le « fondement d'une hypothèque obtenue de façon irrégulière voire frauduleuse » quand la seule faute commise à cet égard pouvait exclusivement être imputée au preneur, ou au notaire n'ayant pas effectué les diligences requises, la cour d'appel a violé l'article 1382 (ancien, désormais 1240) du code civil.