Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 24 juin 2021, 20-10.714, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 24 juin 2021, 20-10.714, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 20-10.714
- ECLI:FR:CCASS:2021:C200662
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 24 juin 2021
Décision attaquée : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT) , du 29 octobre 2019- Président
- M. Pireyre (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 juin 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 662 F-D
Pourvoi n° J 20-10.714
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2021
M. [L] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-10.714 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail / maladies professionnelles (régimes spéciaux)), dans le litige l'opposant à la Caisse de prévoyance et de retraite de la Société nationale des chemins de fer français, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [K], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 29 octobre 2019), M. [K] (la victime) a été victime d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse de prévoyance et de retraite de la Société nationale des chemins de fer français (la caisse). Cette dernière a fixé le taux d'incapacité permanente partielle à 8 % à la date de consolidation, le 20 février 2014.
2. La victime a saisi d'un recours un tribunal du contentieux technique de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
3. La victime fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à expertise complémentaire et de fixer à 20 % son taux d'incapacité permanente partielle à la date de consolidation, alors « que le taux de l'incapacité permanente partielle ne peut être fixé en considération d'un état antérieur que si les effets néfastes de la pathologie antérieure considérée se sont révélés antérieurement à l'accident et sous réserve de pouvoir déterminer la part de l'incapacité permanente en lien avec cette pathologie antérieure et celle imputable à l'accident ; que, pour déterminer l'incapacité permanente partielle de la victime, la cour a confirmé le taux de 8 % retenu par les médecins en considération d'un état antérieur, contesté par la victime, et des seules aggravations qu'auraient entraîné l'agression subie par celui-ci ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la prétendue pathologie antérieure de la victime s'était effectivement révélée avant l'accident et sans déterminer la part de l'incapacité permanente en lien avec cette pathologie antérieure et celle imputable à l'accident, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale :
4. Selon ce texte, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
5. En cas d'état pathologique préexistant, révélé ou aggravé par un accident du travail, l'incapacité permanente indemnisée correspond à l'aggravation de cet état résultant de l'accident.
6. Pour fixer à 20 % le taux d'incapacité permanente de la victime, l'arrêt retient que celle-ci ayant elle-même exposé son état antérieur devant le médecin-conseil, il y a lieu, avec le médecin psychiatre consultant désigné en première instance et le médecin expert consultant désigné en appel, de dire que, conformément au barème applicable, les séquelles psychiques ont été correctement évaluées au taux d'incapacité permanente partielle de 8 %.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, d'une part, si l'état pathologique préexistant avait été révélé ou aggravé par l'accident, d'autre part, dans quelle mesure les séquelles constatées étaient imputables à l'accident, la Cour nationale a privé sa décision de base légale.
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. La victime fait le même grief, alors « que la victime faisait valoir, dans ses conclusions, que depuis son accident du 26 mai 2009, il n'avait pu reprendre son emploi au sein de la SNCF, ayant été placé en arrêt de travail pendant plusieurs années, avant d'être déclaré inapte et réformé avec cessation de ses fonctions à compter du 26 janvier 2017, de sorte que l'accident dont il avait été victime avait entraîné perte de rémunération, d'emploi et d'évolution de carrière, cependant que les séquelles dont il souffrait empêchaient sa reconversion professionnelle ; qu'en se bornant à constater que la victime avait perçu des indemnités journalières au titre de l'accident du travail jusqu'au 20 février 2014 puis pour une pathologie réputée étrangère à l'accident du 21 février 2014 au 16 février 2015, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'accident n'avait pas eu des répercussions sur l'emploi et les perspectives professionnelles, devant être prises en compte dans l'appréciation de l'incapacité permanente, la Cour nationale a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale :
9. Pour constater l'absence de retentissement sur les perspectives professionnelles et l'emploi de la victime, l'arrêt retient que celle-ci avait perçu des indemnités journalières au titre de l'assurance maladie du 21 février 2014 au 16 février 2015, et que dès le lendemain de la consolidation de son état suite à son accident du travail du 26 mai 2009, elle a été prise en charge pour des pathologies étrangères aux séquelles consécutives à cet accident ou pour des lésions qui évoluaient pour leur propre compte.
10. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, dans quelle mesure les séquelles de l'accident étaient susceptibles d'entraîner une modification dans la situation professionnelle de la victime, au regard notamment de ses aptitudes et de sa qualification professionnelle, alors qu'il ressortait de ses constatations que cette dernière avait été déclarée inapte et réformée avec cessation des fonctions postérieurement à l'accident, la Cour nationale a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2019, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la Caisse de prévoyance et de retraite de la Société nationale des chemins de fer français aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Caisse de prévoyance et de retraite de la Société nationale des chemins de fer français à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. [K]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à expertise médicale complémentaire, et dit qu'à la date de consolidation du 20 février 2014, les séquelles consécutives à l'accident du travail dont M. [L] [K] a été victime le 26 mai 2009 justifiaient l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %,
AUX MOTIFS QU?en l'espèce, la Cour observe que c'est conformément aux dispositions de l'article R. 143-27 précité que le docteur [K] [A], médecin inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel d'Amiens, a été désigné pour éclairer la Cour sur les aspects médicaux du dossier, de sorte qu'aucun grief quant à la pertinence de son rapport ne saurait être juridiquement fondé ; que, par cette consultation, la Cour est en possession d'éléments médicaux suffisants et motivés pour se prononcer dans cette affaire, de sorte qu'il ne saurait y avoir lieu de recourir à une procédure d'examen médical complémentaire ; que, sur les séquelles psychiques, M. [K] ayant lui-même exposé son état antérieur devant le médecin-conseil, la Cour estime, avec le docteur [K] [M], psychiatre consultant désigné en première instance, et le docteur [K] [A], médecin expert consultant désigné en appel, que, conformément au barème applicable, les séquelles psychiques ont été correctement évaluées au taux d'incapacité permanente partielle de 8 % ; que sur le taux global, la Cour constate, avec le médecin expert consultant dont elle adopte partiellement les conclusions, que le taux de 20 % prend mieux en compte la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que ses aptitudes et sa qualification professionnelle ; qu'en conséquence, au vu de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et contradictoirement débattus, la Cour considère qu'à la date du 20 février 2014 de consolidation initiale des lésions, les séquelles consécutives à l'accident du travail dont M. [K] a été victime le 26 mai 2009 justifiaient, au titre des articles L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20 % ;
1° ALORS QUE M. [K] faisait valoir que le docteur [A], dépourvu de qualification en psychiatrie, n'avait pas pris en compte certains documents médicaux contenus dans le dossier, en avait dénaturé d'autres et s'était borné à reprendre à son compte l'évaluation, contestée, d'autres médecins (conclusions, pages 10 à 13) ; qu'en affirmant que, puisque le docteur [A] avait été régulièrement désigné pour éclairer la Cour sur les aspects médicaux du dossier, « aucun grief quant à la pertinence de son rapport ne saurait être juridiquement fondé », et en refusant d'examiner les moyens développés par M. [K] pour contester le bien fondé de la consultation du docteur [A], la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2° ALORS QUE les juges doivent répondre aux conclusions des parties et examiner les éléments de preuve qui leurs sont soumis ; que M. [K] contestait avoir jamais été atteint, avant l'accident du 26 mai 2009 dont il a été victime, d'une maladie psychiatrique quelconque (pages 5 à 9) ; qu'il produisait, pour le démontrer, l'attestation de témoignage de son frère jumeau, ainsi que trois expertises de médecins psychiatres qui concluaient que l'accident était seul à l'origine des troubles psychiques de M. [K] et évaluaient entre 15 et 30 % le taux d''incapacité permanente en résultant ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et d'examiner les éléments de preuve invoqués par l'appelant, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé l'article 455 du code de procédure civile.
3° ALORS QUE les juges ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant que M. [K] avait lui-même exposé son état antérieur devant le médecin-conseil, ce dont elle a déduit que les séquelles psychiques avaient été correctement évaluées au taux d'incapacité permanente partielle de 8 %, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, alors que M. [K] le contestait (page 5, dernier §), la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4° ALORS, en tout état de cause, QUE le taux de l'incapacité permanente partielle ne peut être fixé en considération d'un état antérieur que si les effets néfastes de la pathologie antérieure considérée se sont révélés antérieurement à l'accident et sous réserve de pouvoir déterminer la part de l'incapacité permanente en lien avec cette pathologie antérieure et celle imputable à l'accident ; que, pour déterminer l'incapacité permanente partielle de M. [K], la cour a confirmé le taux de 8 % retenu par les médecins en considération d'un état antérieur, contesté par M. [K], et des seules aggravations qu'auraient entraîné l'agression subie par celui-ci ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, pages 5 7 et pages 10 à 13), si la prétendue pathologie antérieure de M. [K] s'était effectivement révélée avant l'accident et sans déterminer la part de l'incapacité permanente en lien avec cette pathologie antérieure et celle imputable à l'accident, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'à la date de consolidation du 20 février 2014, les séquelles consécutives à l'accident du travail dont M. [L] [K] a été victime le 26 mai 2009 justifiaient l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %,
AUX MOTIFS QUE sur le taux médico-social, de l'examen des pièces constitutives du dossier d'appel, il ressort que M. [K] a bénéficié d'indemnités journalières au titre de l'assurance des accidents du travail du 27 mai 2009, lendemain de la survenue de l'accident du travail, au 20 février 2014, date de consolidation de cet accident, et au tire de l'assurance maladie du 21 février 2014 au 16 février 2015 ; que de ces constatations, la Cour déduit que, dès le lendemain de la consolidation de son état, suite à son accident du travail du 26 mai 2009, M. [K] a été pris en charge pour des pathologies étrangères aux séquelles consécutives à cet accident ou pour des lésions qui évoluent pour leur propre compte ; que, dans ces conditions, à la date de consolidation du 20 février 2014 impartie pour statuer, M. [K] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice professionnel en relation directe et certaine avec l'accident du travail dont il a été victime le 26 mai 2009, de sorte qu'aucun taux médico-social ne peut s'adjoindre au taux strictement médical ;
1° ALORS QUE le taux de l'incapacité permanente est déterminé notamment d'après les aptitudes et la qualification professionnelle de la victime ; qu'en réduisant l'indemnisation due à M. [K] au titre de la législation sur les accidents du travail, au motif qu'il avait été pris en charge au titre de l'assurance maladie pour une pathologie étrangère aux séquelles consécutives à l'accident ou pour des lésions qui évoluent pour leur propre compte le lendemain de sa consolidation, alors que l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ne subordonne pas l'attribution d'un coefficient professionnel à la non-prise en charge au titre de l'assurance maladie après consolidation, la Cour nationale, qui a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, l'a violé ;
2° ALORS subsidiairement QUE M. [K] faisait valoir, dans ses conclusions, que depuis son accident du 26 mai 2009, il n'avait pu reprendre son emploi au sein de la SNCF, ayant été placé en arrêt de travail pendant plusieurs années, avant d'être déclaré inapte et réformé avec cessation de ses fonctions à compter du 26 janvier 2017, de sorte que l'accident dont il avait été victime avait entraîné perte de rémunération, d'emploi et d'évolution de carrière, cependant que les séquelles dont il souffrait empêchaient sa reconversion professionnelle (conclusions, pages 18 à 20) ; qu'en se bornant à constater que M. [K] avait perçu des indemnités journalières au titre de l'accident du travail jusqu'au 20 février 2014 puis pour une pathologie réputée étrangère à l'accident du 21 février 2014 au 16 février 2015, sans rechercher comme elle y était invitée, si l'accident n'avait pas eu des répercussions sur l'emploi et les perspectives professionnelles, devant être prises en compte dans l'appréciation de l'incapacité permanente, la Cour nationale a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.ECLI:FR:CCASS:2021:C200662
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 juin 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 662 F-D
Pourvoi n° J 20-10.714
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2021
M. [L] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-10.714 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail / maladies professionnelles (régimes spéciaux)), dans le litige l'opposant à la Caisse de prévoyance et de retraite de la Société nationale des chemins de fer français, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [K], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 29 octobre 2019), M. [K] (la victime) a été victime d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse de prévoyance et de retraite de la Société nationale des chemins de fer français (la caisse). Cette dernière a fixé le taux d'incapacité permanente partielle à 8 % à la date de consolidation, le 20 février 2014.
2. La victime a saisi d'un recours un tribunal du contentieux technique de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
3. La victime fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à expertise complémentaire et de fixer à 20 % son taux d'incapacité permanente partielle à la date de consolidation, alors « que le taux de l'incapacité permanente partielle ne peut être fixé en considération d'un état antérieur que si les effets néfastes de la pathologie antérieure considérée se sont révélés antérieurement à l'accident et sous réserve de pouvoir déterminer la part de l'incapacité permanente en lien avec cette pathologie antérieure et celle imputable à l'accident ; que, pour déterminer l'incapacité permanente partielle de la victime, la cour a confirmé le taux de 8 % retenu par les médecins en considération d'un état antérieur, contesté par la victime, et des seules aggravations qu'auraient entraîné l'agression subie par celui-ci ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la prétendue pathologie antérieure de la victime s'était effectivement révélée avant l'accident et sans déterminer la part de l'incapacité permanente en lien avec cette pathologie antérieure et celle imputable à l'accident, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale :
4. Selon ce texte, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
5. En cas d'état pathologique préexistant, révélé ou aggravé par un accident du travail, l'incapacité permanente indemnisée correspond à l'aggravation de cet état résultant de l'accident.
6. Pour fixer à 20 % le taux d'incapacité permanente de la victime, l'arrêt retient que celle-ci ayant elle-même exposé son état antérieur devant le médecin-conseil, il y a lieu, avec le médecin psychiatre consultant désigné en première instance et le médecin expert consultant désigné en appel, de dire que, conformément au barème applicable, les séquelles psychiques ont été correctement évaluées au taux d'incapacité permanente partielle de 8 %.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, d'une part, si l'état pathologique préexistant avait été révélé ou aggravé par l'accident, d'autre part, dans quelle mesure les séquelles constatées étaient imputables à l'accident, la Cour nationale a privé sa décision de base légale.
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. La victime fait le même grief, alors « que la victime faisait valoir, dans ses conclusions, que depuis son accident du 26 mai 2009, il n'avait pu reprendre son emploi au sein de la SNCF, ayant été placé en arrêt de travail pendant plusieurs années, avant d'être déclaré inapte et réformé avec cessation de ses fonctions à compter du 26 janvier 2017, de sorte que l'accident dont il avait été victime avait entraîné perte de rémunération, d'emploi et d'évolution de carrière, cependant que les séquelles dont il souffrait empêchaient sa reconversion professionnelle ; qu'en se bornant à constater que la victime avait perçu des indemnités journalières au titre de l'accident du travail jusqu'au 20 février 2014 puis pour une pathologie réputée étrangère à l'accident du 21 février 2014 au 16 février 2015, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'accident n'avait pas eu des répercussions sur l'emploi et les perspectives professionnelles, devant être prises en compte dans l'appréciation de l'incapacité permanente, la Cour nationale a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale :
9. Pour constater l'absence de retentissement sur les perspectives professionnelles et l'emploi de la victime, l'arrêt retient que celle-ci avait perçu des indemnités journalières au titre de l'assurance maladie du 21 février 2014 au 16 février 2015, et que dès le lendemain de la consolidation de son état suite à son accident du travail du 26 mai 2009, elle a été prise en charge pour des pathologies étrangères aux séquelles consécutives à cet accident ou pour des lésions qui évoluaient pour leur propre compte.
10. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, dans quelle mesure les séquelles de l'accident étaient susceptibles d'entraîner une modification dans la situation professionnelle de la victime, au regard notamment de ses aptitudes et de sa qualification professionnelle, alors qu'il ressortait de ses constatations que cette dernière avait été déclarée inapte et réformée avec cessation des fonctions postérieurement à l'accident, la Cour nationale a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2019, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la Caisse de prévoyance et de retraite de la Société nationale des chemins de fer français aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Caisse de prévoyance et de retraite de la Société nationale des chemins de fer français à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. [K]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à expertise médicale complémentaire, et dit qu'à la date de consolidation du 20 février 2014, les séquelles consécutives à l'accident du travail dont M. [L] [K] a été victime le 26 mai 2009 justifiaient l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %,
AUX MOTIFS QU?en l'espèce, la Cour observe que c'est conformément aux dispositions de l'article R. 143-27 précité que le docteur [K] [A], médecin inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel d'Amiens, a été désigné pour éclairer la Cour sur les aspects médicaux du dossier, de sorte qu'aucun grief quant à la pertinence de son rapport ne saurait être juridiquement fondé ; que, par cette consultation, la Cour est en possession d'éléments médicaux suffisants et motivés pour se prononcer dans cette affaire, de sorte qu'il ne saurait y avoir lieu de recourir à une procédure d'examen médical complémentaire ; que, sur les séquelles psychiques, M. [K] ayant lui-même exposé son état antérieur devant le médecin-conseil, la Cour estime, avec le docteur [K] [M], psychiatre consultant désigné en première instance, et le docteur [K] [A], médecin expert consultant désigné en appel, que, conformément au barème applicable, les séquelles psychiques ont été correctement évaluées au taux d'incapacité permanente partielle de 8 % ; que sur le taux global, la Cour constate, avec le médecin expert consultant dont elle adopte partiellement les conclusions, que le taux de 20 % prend mieux en compte la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que ses aptitudes et sa qualification professionnelle ; qu'en conséquence, au vu de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et contradictoirement débattus, la Cour considère qu'à la date du 20 février 2014 de consolidation initiale des lésions, les séquelles consécutives à l'accident du travail dont M. [K] a été victime le 26 mai 2009 justifiaient, au titre des articles L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20 % ;
1° ALORS QUE M. [K] faisait valoir que le docteur [A], dépourvu de qualification en psychiatrie, n'avait pas pris en compte certains documents médicaux contenus dans le dossier, en avait dénaturé d'autres et s'était borné à reprendre à son compte l'évaluation, contestée, d'autres médecins (conclusions, pages 10 à 13) ; qu'en affirmant que, puisque le docteur [A] avait été régulièrement désigné pour éclairer la Cour sur les aspects médicaux du dossier, « aucun grief quant à la pertinence de son rapport ne saurait être juridiquement fondé », et en refusant d'examiner les moyens développés par M. [K] pour contester le bien fondé de la consultation du docteur [A], la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2° ALORS QUE les juges doivent répondre aux conclusions des parties et examiner les éléments de preuve qui leurs sont soumis ; que M. [K] contestait avoir jamais été atteint, avant l'accident du 26 mai 2009 dont il a été victime, d'une maladie psychiatrique quelconque (pages 5 à 9) ; qu'il produisait, pour le démontrer, l'attestation de témoignage de son frère jumeau, ainsi que trois expertises de médecins psychiatres qui concluaient que l'accident était seul à l'origine des troubles psychiques de M. [K] et évaluaient entre 15 et 30 % le taux d''incapacité permanente en résultant ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et d'examiner les éléments de preuve invoqués par l'appelant, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé l'article 455 du code de procédure civile.
3° ALORS QUE les juges ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant que M. [K] avait lui-même exposé son état antérieur devant le médecin-conseil, ce dont elle a déduit que les séquelles psychiques avaient été correctement évaluées au taux d'incapacité permanente partielle de 8 %, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, alors que M. [K] le contestait (page 5, dernier §), la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4° ALORS, en tout état de cause, QUE le taux de l'incapacité permanente partielle ne peut être fixé en considération d'un état antérieur que si les effets néfastes de la pathologie antérieure considérée se sont révélés antérieurement à l'accident et sous réserve de pouvoir déterminer la part de l'incapacité permanente en lien avec cette pathologie antérieure et celle imputable à l'accident ; que, pour déterminer l'incapacité permanente partielle de M. [K], la cour a confirmé le taux de 8 % retenu par les médecins en considération d'un état antérieur, contesté par M. [K], et des seules aggravations qu'auraient entraîné l'agression subie par celui-ci ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, pages 5 7 et pages 10 à 13), si la prétendue pathologie antérieure de M. [K] s'était effectivement révélée avant l'accident et sans déterminer la part de l'incapacité permanente en lien avec cette pathologie antérieure et celle imputable à l'accident, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'à la date de consolidation du 20 février 2014, les séquelles consécutives à l'accident du travail dont M. [L] [K] a été victime le 26 mai 2009 justifiaient l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %,
AUX MOTIFS QUE sur le taux médico-social, de l'examen des pièces constitutives du dossier d'appel, il ressort que M. [K] a bénéficié d'indemnités journalières au titre de l'assurance des accidents du travail du 27 mai 2009, lendemain de la survenue de l'accident du travail, au 20 février 2014, date de consolidation de cet accident, et au tire de l'assurance maladie du 21 février 2014 au 16 février 2015 ; que de ces constatations, la Cour déduit que, dès le lendemain de la consolidation de son état, suite à son accident du travail du 26 mai 2009, M. [K] a été pris en charge pour des pathologies étrangères aux séquelles consécutives à cet accident ou pour des lésions qui évoluent pour leur propre compte ; que, dans ces conditions, à la date de consolidation du 20 février 2014 impartie pour statuer, M. [K] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice professionnel en relation directe et certaine avec l'accident du travail dont il a été victime le 26 mai 2009, de sorte qu'aucun taux médico-social ne peut s'adjoindre au taux strictement médical ;
1° ALORS QUE le taux de l'incapacité permanente est déterminé notamment d'après les aptitudes et la qualification professionnelle de la victime ; qu'en réduisant l'indemnisation due à M. [K] au titre de la législation sur les accidents du travail, au motif qu'il avait été pris en charge au titre de l'assurance maladie pour une pathologie étrangère aux séquelles consécutives à l'accident ou pour des lésions qui évoluent pour leur propre compte le lendemain de sa consolidation, alors que l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ne subordonne pas l'attribution d'un coefficient professionnel à la non-prise en charge au titre de l'assurance maladie après consolidation, la Cour nationale, qui a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, l'a violé ;
2° ALORS subsidiairement QUE M. [K] faisait valoir, dans ses conclusions, que depuis son accident du 26 mai 2009, il n'avait pu reprendre son emploi au sein de la SNCF, ayant été placé en arrêt de travail pendant plusieurs années, avant d'être déclaré inapte et réformé avec cessation de ses fonctions à compter du 26 janvier 2017, de sorte que l'accident dont il avait été victime avait entraîné perte de rémunération, d'emploi et d'évolution de carrière, cependant que les séquelles dont il souffrait empêchaient sa reconversion professionnelle (conclusions, pages 18 à 20) ; qu'en se bornant à constater que M. [K] avait perçu des indemnités journalières au titre de l'accident du travail jusqu'au 20 février 2014 puis pour une pathologie réputée étrangère à l'accident du 21 février 2014 au 16 février 2015, sans rechercher comme elle y était invitée, si l'accident n'avait pas eu des répercussions sur l'emploi et les perspectives professionnelles, devant être prises en compte dans l'appréciation de l'incapacité permanente, la Cour nationale a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.