Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 juin 2021, 20-12.836, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 juin 2021




Cassation partielle sans renvoi



Mme BATUT, président



Arrêt n° 464 F-D

Pourvoi n° R 20-12.836





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2021

M. [V] [G], domicilié [Localité 1], a formé le pourvoi n° R 20-12.836 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à Mme [H] [Y], épouse [G], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bozzi, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [G], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Bozzi, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 décembre 2019), un jugement a prononcé le divorce de M. [G] et de Mme [Y].

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

3. M. [G] fait grief à l'arrêt de dire qu'il versera la prestation compensatoire à compter de sa signification, alors « que la prestation compensatoire n'est due qu'à compter de la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée, c'est-à-dire est insusceptible de recours suspensif ; qu'en matière de divorce, le pourvoi est suspensif ; qu'en condamnant M. [G] à régler le capital de 17 000 euros mis à sa charge au titre de la prestation compensatoire à compter de la signification de l'arrêt, la cour d'appel a violé les articles 260 du code civil et 500 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 260 du code civil, 500 et 1086 du code de procédure civile :

4. Selon le premier de ces textes, le mariage est dissous par la décision qui prononce le divorce à la date à laquelle elle prend force de chose jugée.

5. Aux termes du second, a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours, si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai.

6. Aux termes du dernier, le délai du pourvoi en cassation suspend l'exécution de la décision qui prononce le divorce. Le pourvoi en cassation exercé dans ce délai est également suspensif.


7. L'arrêt décide que le règlement de la prestation compensatoire se fera à compter de sa signification.

8. En statuant ainsi, alors qu' en l'absence d'acquiescement antérieur des parties, l'arrêt ne pouvait avoir acquis force de chose jugée à la date de sa signification, qui constituait le point de départ du délai de pourvoi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond dès lors que peut être retranché du dispositif le chef censuré.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement et seulement en ce qui concerne la mention « qu'à compter de la signification du présent arrêt » pour le point de départ de la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne Mme [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [G]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. [G] à payer une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 17 000 euros ;

Aux motifs que l'appréciation de l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux devait être faite à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; qu'à la date du présent arrêt, le mariage avait duré 28 ans dont 20 ans de vie commune et les époux étaient âgés respectivement de 48 ans pour l'épouse et 51 ans pour le mari ; que la femme produisait le bulletin de salaire de juin 2018 faisant ressortir qu'elle percevait un traitement mensuel de 2 247,81 euros, supplément familial de traitement de 73,79 euros inclus en qualité de contrôleur des finances publiques ; qu'elle justifiait supporter un loyer mensuel de 730 euros, outre des charges courantes qu'elle reconnaissait partager avec un tiers ; qu'elle remboursait des dettes auprès de divers organismes de crédit dans l cadre d'un plan de surendettement accordé en mai 2017 et prévoyant des mensualités de 321,50 euros ; qu'elle avait travaillé à temps partiel de 2000 à 2012 ; que les trois enfants issus du mariage étant nés en 1994, 1999 et 2004, M. [G] était mal fondé à soutenir que son épouse aurait travaillé à temps partiel pour des convenances personnelles et en l'absence d'une telle preuve, il convenait de considérer que ce choix procédait d'un projet de vie des époux afin de permettre à l'épouse de se consacrer davantage à la tenue du foyer et à l'éducation des enfants ; qu'il en résultait une diminution de ses droits à la retraite dont la simulation au 23 juillet 2018 faisait ressortir qu'elle avait cotisé 109 trimestres pour une entrée dans la fonction publique au 3 juillet 1989 ; que M. [G] produisait le bulletin de salaire de décembre 2017 faisant ressortir une rémunération nette mensuelle de l'ordre de 3 212 euros en qualité d'ouvrier en métallurgie (cumul fiscal net de 2017 : 38 228 euros) ; qu'il occupait l'ancien domicile conjugal dont les emprunts immobiliers étaient soldés à la date du présent arrêt ; qu'il devrait une récompense à l'indivision post-communautaire pour l'occupation de cette maison ; qu'il produisait de nombreuses pièces correspondant à des charges courantes propres à chaque foyer dont il supportait la charge depuis 2014 ; que les époux étaient propriétaires d'une maison d'habitation située à [Localité 1] évaluée entre 185 000 et 195 000 euros par un office notarial de [Localité 2] le 24 avril 2017 qui dépendait de leur communauté et dont les emprunts étaient aujourd'hui soldés ; qu'il ressortait des dernières écritures de Mme [Y] que seul le dernier enfant mineur issu du mariage, âgé de 15 ans, restait à charge, étant rappelé que cet enfant vivait en résidence alternée au domicile de chacun des deux parents qui partageaient ses frais d'entretien et d'éducation et pour lequel M. [G] réglait une pension alimentaire ; qu'en considération de ces éléments, le premier juge avait fait une juste appréciation de la disparité résultant pour l'épouse de la rupture du mariage et du montant de la prestation compensatoire ; qu'il convenait donc de confirmer le jugement ayant condamné M. [G] à verser un capital de 17 000 euros ;

Alors que dans les ressources de l'épouse qui réclame le paiement d'une prestation compensatoire, le juge doit tenir compte des revenus perçus par son nouveau compagnon ; qu'à défaut d'avoir pris en considération, comme elle y était invitée, les revenus du compagnon avec lequel Mme [Y] reconnaissait elle-même partager sa vie depuis la rupture du lien conjugal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. [G] règlerait le capital de 17 000 euros mis à sa charge au titre de la prestation compensatoire à compter de la signification du présent arrêt ;

Alors que la prestation compensatoire n'est due qu'à compter de la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée, c'est-à-dire est insusceptible de recours suspensif ; qu'en matière de divorce, le pourvoi est suspensif ; qu'en condamnant M. [G] à régler le capital de 17 000 euros mis à sa charge au titre de la prestation compensatoire à compter de la signification de l'arrêt, la cour d'appel a violé les articles 260 du code civil et 500 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts contre son épouse ;

Aux motifs que M. [G] faisait valoir qu'il avait été profondément affecté lorsqu'il avait eu connaissance de la relation adultère de son épouse au point d'être hospitalisé pour une grave dépression, qu'il avait suivi des soins et commençait seulement maintenant à dépasser la douleur de la séparation ; qu'aux termes de l'article 266 du code civil, des dommages et intérêts pouvaient être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subissait du fait de la dissolution du mariage lorsque le divorce était prononcé aux torts exclusifs de son conjoint ; qu'en l'espèce, le divorce était prononcé aux torts exclusifs de l'épouse et il apparaissait, à la lecture du compte-rendu d'hospitalisation du 25 février 2011 que M. [G] avait été admis au service des urgences du CHU de [Localité 3] pour une tentative d'autolyse par absorption de médicaments constituant un « appel au secours pour sa femme en cours de rupture depuis un mois » et qu'il présentait un état clinique dégradé en raison d'idées suicidaires, de troubles du sommeil et de l'alimentation et de crises d'angoisse ; que cependant, M. [G] ne justifiait pas de la poursuite de soins depuis cette hospitalisation, de sorte qu'il ne démontrait pas avoir subi, du fait de la dissolution du mariage, un préjudice d'une particulière gravité pouvant lui ouvrir droit à l'allocation de dommages et intérêts par application de l'article 266 du code civil ;

Alors que l'époux doit payer des dommages-intérêts à son conjoint dès lors que le prononcé du divorce n'est pas pour le conjoint une simple officialisation d'une situation de fait, mais le déchirement d'une longue vie conjugale ; qu'en déboutant M. [G] de sa demande, après avoir constaté qu'il présentait un état clinique dégradé à la suite de son admission au service des urgences pour une tentative de suicide causée par l'attitude de sa femme, la cour d'appel a violé l'article 266 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2021:C100464
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