Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 juin 2021, 20-15.410, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 juin 2021




Cassation
sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 574 F-D

Pourvoi n° P 20-15.410

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29 janvier 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021

M. [I] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-15.410 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sud-Provence, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme,

3°/ à la société [Adresse 3], société anonyme,

ayant toutes deux leur siège chez [Adresse 4],

4°/ au [Adresse 5], dont le siège est [Adresse 6],

5°/ à la société Sogefinancement, société par actions simplifiée, dont le siège est chez [Adresse 7],

6°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [E], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Maunand, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 avril 2019), M. [E] a saisi d'une demande de traitement de sa situation financière une commission de surendettement des particuliers qui a, par décision du 3 mars 2016, déclaré recevable son dossier. Le 21 avril 2016, cette commission l'a orienté vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

2. La société Sud Provence a formé un recours contre la décision de la commission de surendettement.

3. Par jugement du 1er mars 2017, le juge d'un tribunal d?instance a infirmé la décision de la commission de surendettement des particuliers et déchu M. [E] du bénéfice de la procédure de surendettement.

4. Le 17 mars 2017, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 117 et 122 du code de procédure civile :

6. Il résulte du premier de ces textes que constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de pouvoir d?une personne assurant la représentation d'une partie en justice. Le second de ces textes dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de qualité à agir.

7. Après avoir constaté que la cour d'appel était saisie par M. [E] de l'appel du jugement du tribunal d?instance l'opposant à la société Sud Provence, dont la qualité de créancier était contestée par l'appelant, l'arrêt retient que celle-ci était dépourvue du pouvoir de représenter le bailleur, Mme [M] et confirme le jugement.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ce jugement que la société Sud Provence, désignée comme partie, agissait en qualité de créancière sans qu'il soit mentionné qu'elle intervenait pour une autre personne, la cour d'appel, qui n'a pas constaté le défaut de qualité à agir de la société Sud Provence, faute pour elle d'être créancière de M. [E], et a prononcé l'irrecevabilité de sa demande, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. La société Sud Provence, n'ayant pas la qualité de créancière, ne peut pas contester la décision de la commission de surendettement. Le jugement doit, dès lors, être infirmé et les demandes de cette société doivent être déclarées irrecevables.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix en Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME le jugement du 1er mars 2017 ;

DIT que la société Sud Provence n'a pas qualité pour agir en contestation de la décision de la commission de surendettement ;

DÉCLARE irrecevables ses demandes ;

Condamne la société Sud Provence aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. [I] [E]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, après avoir dit que la SARL Sud Provence n'avait pas le pouvoir de représenter le bailleur, Mme [M] [F], épouse [A], confirmé le jugement rendu le 1er mars 2017 par le tribunal d'instance de Marseille en ce qu'il a infirmé la décision de la commission de surendettement des particuliers des Bouches du Rhône du 21 avril 2016 et prononcé la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement de M. [I] [E] ;

AUX MOTIFS QUE sur la qualité à agir de M. [L] gérant de la SARL Sud Provence, que M. [E] fait valoir le défaut de pouvoir de représentation en justice donné par son véritable bailleur, Mme [M], à la SARL Sud Provence qui n'est que son mandataire ; qu'en l'absence de réponse de la SARL Sud Provence et à défaut de pouvoir spécial justifié pour agir en justice, la demande de M. [E] sera accueillie et la SARL Sud Provence est irrecevable en l'état ; que toutefois, par l'effet dévolutif et l'appel dont M. [E] [I] est lui-même à l'origine, il convient d'examiner s'il doit être déchu de la procédure de surendettement au motif d'une fausse déclaration ; qu'il est exact que lors du dépôt du premier dossier de surendettement en 2013, sa mère, Mme [U] était encore vivante ; mais que comme indiqué ci-dessus, lors du second dossier de surendettement, daté de janvier et février 2016, elle était disparue depuis le 1er février 2014 et elle laissait pour lui succéder son époux et ses enfants, dont chacun avait droit à 1/5 de la succession ; que certes, la somme n'était pas importante, 13 113 ? à chacun des enfants, et il n'était pas fait de distribution encore au 13 mars 2017, selon l'attestation du notaire chargé de la succession ; mais que le passif dans le dossier de surendettement était à peine supérieur, comme l'a relevé le premier juge puisque de 16 567,29 ? et cet héritage n'a aucunement été déclaré par le débiteur, M. [E] [I] ; qu'il ne revenait pas à l'intéressé de prendre parti sur la nécessité de déclarer ou non ses droits de succession, auprès de la commission de surendettement et du magistrat chargé de la procédure, éventuellement de les taire au motif qu'il n'avait encore rien touché ou ne pensait que percevoir ses droits que très tardivement ; que le bénéfice d'un surendettement, qui se fait souvent au détriment des créanciers, suppose une grande transparence et bonne foi du débiteur, afin de ne pas fausser la perception du dossier qu'en auront la commission et le juge ; qu'une telle appréciation ne lui revient pas ; qu'en l'espèce, la succession comportait un immeuble et des comptes en banque, une avance sur ses droits pouvait peut être envisagée ; que le jugement de première instance sera confirmé ;

1) ALORS QU'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui relève que l'action dont elle est saisie est irrecevable mais statue néanmoins au fond ; qu'en l'espèce, en confirmant, sous prétexte de l'effet dévolutif de l'appel, le jugement en ce qu'il avait infirmé la décision de la commission de surendettement des particuliers des Bouches du Rhône du 21 avril 2016 et prononcé la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement de M. [I] [E], quand il résultait de ses propres constatations que l'action en contestation dont elle était saisie était, comme le soutenait le débiteur, irrecevable pour avoir été engagée par une société qui n'avait ni la qualité de créancier ni le pouvoir d'agir en justice pour le compte du véritable créancier ce dont elle aurait dû déduire qu'elle n'avait pas à statuer sur le bien-fondé de cette contestation, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des articles 122 et 562 du code de procédure civile, le dernier dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-891 du 6 mai 2017 ;

2) ALORS QUE par l'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel est saisie de l'entier litige en fait et en droit dont les fins de non-recevoir soulevées pour la première fois devant elle ; que l'effet dévolutif de l'appel n'induit pas que la cour d'appel soit tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur l'irrecevabilité de l'action ; qu'en l'espèce, pour confirmer le jugement en ce qu'il a infirmé la décision de la commission de surendettement des particuliers des Bouches du Rhône du 21 avril 2016 et prononcé la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement de M. [I] [E], la cour d'appel a jugé que, nonobstant l'irrecevabilité de la contestation formée à l'encontre de la décision de la commission de surendettement, elle était saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, du fond du litige et ainsi de la question du bien-fondé de la contestation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 561 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-891 du 6 mai 2017.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 1er mars 2017 par le tribunal d'instance de Marseille en ce qu'il a infirmé la décision de la commission de surendettement des particuliers des Bouches du Rhône du 21 avril 2016 et prononcé la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement de M. [I] [E] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE toutefois, par l'effet dévolutif et l'appel dont M. [E] [I] est lui-même à l'origine, il convient d'examiner s'il doit être déchu de la procédure de surendettement au motif d'une fausse déclaration ; qu'il est exact que lors du dépôt du premier dossier de surendettement en 2013, sa mère, Mme [U] était encore vivante ; mais que comme indiqué ci-dessus, lors du second dossier de surendettement, daté de janvier et février 2016, elle était disparue depuis le 1er février 2014 et elle laissait pour lui succéder son époux et ses enfants, dont chacun avait droit à 1/5 de la succession ; que certes, la somme n'était pas importante, 13 113 ? à chacun des enfants, et il n'était pas fait de distribution encore au 13 mars 2017, selon l'attestation du notaire chargé de la succession ; mais que le passif dans le dossier de surendettement était à peine supérieur, comme l'a relevé le premier juge puisque de 16 567,29 ? et cet héritage n'a aucunement été déclaré par le débiteur, M. [E] [I] ; qu'il ne revenait pas à l'intéressé de prendre parti sur la nécessité de déclarer ou non ses droits de succession, auprès de la commission de surendettement et du magistrat chargé de la procédure, éventuellement de les taire au motif qu'il n'avait encore rien touché ou ne pensait que percevoir ses droits que très tardivement ; que le bénéfice d'un surendettement, qui se fait souvent au détriment des créanciers, suppose une grande transparence et bonne foi du débiteur, afin de ne pas fausser la perception du dossier qu'en auront la commission et le juge ; qu'une telle appréciation ne lui revient pas ; qu'en l'espèce, la succession comportait un immeuble et des comptes en banque, une avance sur ses droits pouvait peut être envisagée ; que le jugement de première instance sera confirmé ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU'au terme de l'article L.761-1 du code de la consommation est déchu du bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement toute personne qui aurai sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts, aura détourné ou dissimulé ou tenté de détourner ou dissimuler tout ou partie de ses biens ; qu'en l'espèce, il résulte de l'examen de la déclaration de surendettement que M. [I] [E] a coché la case aucun patrimoine dans la rubrique patrimoine, alors que la contestante verse aux débats la copie d'une déclaration de succession faisant état de la perception de droits successoraux à hauteur de 13 113 euros par le débiteur ; qu'il convient de relever que le passif total de la procédure de surendettement s'élève à la somme de 16 567,29? ; qu'au vu de ces éléments, M. [I] [E] a commis sciemment une fausse déclaration sur sa situation patrimoniale et doit être déchu du bénéfice de la procédure du surendettement ; que la décision déférée sera donc infirmée ;

1) ALORS QUE la déchéance du bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement n'est encourue que lorsque la personne a sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts en vue d'obtenir le bénéfice de cette procédure ; qu'en l'espèce, pour confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait infirmé la décision de la commission de surendettement des particuliers des Bouches du Rhône du 21 avril 2016 et prononcé la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement de M. [I] [E], la cour d'appel a énoncé qu'il avait omis de déclarer ses droits de succession et qu'il ne lui appartenait pas de prendre parti sur la nécessité ou non de les déclarer aux motifs qu'il n'avait encore rien touché ou ne les percevrait que tardivement ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres énonciations que l'omission du débiteur reposait non pas sur une volonté délibérée et consciente de dissimuler son patrimoine en vue d'obtenir le bénéfice d'une procédure de surendettement mais sur la croyance fût-elle erronée selon laquelle n'ayant recueilli que la nue-propriété des biens dans la modeste succession de sa mère et n'ayant rien perçu, ses droits n'avaient à être déclarés au titre de son patrimoine, la cour d'appel a violé l'article L.761-1 1° du code de la consommation ;

2) ALORS QU'en énonçant que la succession comportait un immeuble et des comptes en banque et qu'ainsi, « une avance sur ses droits pouvait peut être être envisagée », la cour d'appel a statué par un motif hypothétique et inopérant à établir une volonté délibérée et consciente de dissimulation et ce, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2021:C200574
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