Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juin 2021, 19-15.468 19-15.469 19-15.473, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juin 2021, 19-15.468 19-15.469 19-15.473, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 19-15.468, 19-15.469, 19-15.473
- ECLI:FR:CCASS:2021:SO00685
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 02 juin 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, du 22 février 2019- Président
- M. Cathala (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 juin 2021
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 685 FS-D
Pourvois n°
F 19-15.468
H 19-15.469
M 19-15.473 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUIN 2021
La société Sterience, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° F 19-15.468, H 19-15.469 et M 19-15.473 contre trois arrêts rendus le 22 février 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à Mme [K] [K], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Mme [S] [C], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à Mme [F] [V], domiciliée [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique commun de cassation annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Sterience, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [K] et [C], et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Monge, MM. Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Prieur, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° F19-15.468, H 19-15.469 et M 19-15.473 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués ([Localité 1], 22 février 2019), Mmes [K], [C] et [V], salariées de la société Sterience et exerçant des fonctions d'agent d'encadrement qualité, statut non cadre, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes le 20 novembre 2013.
3. Elles ont été licenciées pour motif économique respectivement le 7 juillet 2016, le 30 juin 2016 et le 20 septembre 2016.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa septième branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief aux arrêts de dire que le temps de pause doit être considéré comme du temps travaillé rémunéré et, en conséquence, de le condamner à payer aux salariées certaines sommes au titre du paiement du temps de pause et des congés payés afférents, alors « que le temps de pause n'est considéré comme un temps de travail effectif que lorsque les salariés sont tenus de rester en permanence à la disposition de leur employeur durant leur temps de pause en étant soumis à ses directives, sans pouvoir vaquer à leurs occupations personnelles ; qu'à ce titre, la seule circonstance, à la supposer avérée, que le salarié doive conserver avec lui au cours de sa pause son téléphone portable pour pouvoir, au besoin, répondre à une question urgente, ne suffit pas à caractériser une obligation de rester à disposition de l'employeur, ni à exclure que le salarié puisse vaquer à ses occupations personnelles ; qu'en l'espèce, en considérant que l'obligation, supposée, des salariées AEQ de conserver leur téléphone portable avec elles durant leur pause, contredisait l'attestation de M. [Q], directeur de centre, selon laquelle ''le fonctionnement et les règles d'organisation en place au centre de stérilisation Sterience de Chassieu permettent aux salariés de vaquer à leurs occupations en toute liberté pendant leur temps de pause'' et démontraient que la salariée devait rester constamment à disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, de sorte que les pauses, même lorsqu'elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif, tandis qu'une telle sujétion, à la supposer avérée, ne suffisait pas en soi à caractériser le travail effectif, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 3121-33 du code du travail dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-2 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Il résulte de ces textes que pour que des temps de pauses puissent être considérés comme du temps de travail effectif, il faut que le salarié soit à la disposition de l'employeur et qu'il doive se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
6. Pour dire que le temps de pause des salariées doit être considéré comme du temps travaillé rémunéré et, en conséquence, condamner l'employeur à leur payer certaines sommes au titre du temps de pause et des congés payés afférents, les arrêts retiennent que l'employeur n'est pas contredit sur le fait que les demandes concernent la période postérieure au 1er novembre 2010 à partir de laquelle une pause obligatoire et badgée de trente minutes a été instaurée au milieu des séquences de travail, en remplacement des « micro pauses » qui existaient auparavant et ce pour éviter que les salariées dépassent six heures de travail continu, que la preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur.
7. Ils relèvent que les salariées établissent qu'à de très nombreuses reprises, elles ont travaillé plus de six heures sans aucune pause ou encore que leurs pauses étaient inférieures à trente minutes et que leur employeur exigeait qu'elles conservent leur téléphone mobile professionnel dans tous leurs déplacements internes sur le site « afin d'être joignable à tout moment », y compris en cas de sortie de poste, pour pouvoir répondre à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons.
8. Ils en déduisent que les salariées devaient rester constamment à la disposition de leur employeur et se conformer à ses directives, qu'elles ne pouvaient donc vaquer librement à leurs occupations personnelles y compris pendant leurs pauses, de sorte que celles-ci, même lorsqu'elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif.
9. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans caractériser en quoi les salariées étaient, durant les temps de pause, à la disposition de leur employeur et devaient se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions des arrêts relatives à la condamnation de l'employeur à payer aux salariées un rappel de salaire au titre du temps de pause et des congés payés afférents entraîne la cassation des chefs de dispositifs condamnant l'employeur aux entiers dépens ainsi qu'à payer à chacune des salariées des indemnités au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent que le temps de pause des salariées doit être considéré comme du temps travaillé rémunéré, en ce qu'ils condamnent la société Sterience à payer à Mme [K] les sommes de 3 374,14 euros au titre du paiement du temps de pause et 337,41 euros au titre des congés payés afférents, à Mme [C] les sommes de 5 898,53 euros au titre du paiement du temps de pause et 589,85 euros au titre des congés payés afférents, à Mme [V] les sommes de 7 335,15 euros au titre du paiement du temps de pause et 733,51 euros au titre des congés payés afférents, et en ce qu'ils condamnent la société Sterience aux entiers dépens ainsi qu'à payer à chacune des salariées des indemnités au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, les arrêts rendus le 22 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mmes [K], [C] et [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Sterience ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen commun produit aux pourvois n° F19-15.468, H 19-15.469 et M 19-15.473 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Sterience.
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que le temps de pause doit être considéré comme du temps travaillé rémunéré et d'AVOIR en conséquence condamné la société Sterience à payer aux salariées certaines sommes au titre du paiement du temps de pause et des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE 1.- sur la demande relative au paiement des pauses et des congés payés y afférents : selon l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa version alors applicable : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » ; il résulte de l'article L. 3121-2 du même code dans sa version alors applicable que: « Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail » ; en application de l'article L. 3121-33 du code du travail dans sa version alors applicable : « Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes. Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur » ; selon l'article 22 8° e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique dispose « On appelle travail par poste l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle sauf accord du salarié, ne soit pas excessive » ; cet article prévoit donc des conditions cumulatives pour le paiement d'une pause de 30 minutes à savoir : - l'existence d'un travail posté ; - le caractère ininterrompu du travail pendant plus de six heures ; contrairement à ce qu'allègue la SAS Sterience, cette pause rémunérée de 30 minutes n'est pas réservée aux seuls travailleurs soumis à une sujétion particulière visée au troisième alinéa de l'article 22 8° e) de la convention collective à savoir les salariés affectés un poste dont la continuité doit être assurée et qui doivent attendre l'arrivée de leur remplaçant et assurer le service au cas où ce dernier ne se présente pas ; par ailleurs, le contrat de travail ne pouvant déroger à la convention collective que dans un sens plus favorable au salarié, il importe peu que le contrat de travail de la partie intimée ne prévoit aucune stipulation garantissant le bénéfice d'une pause de 30 minutes rémunérée, les dispositions conventionnelles sur ce point ayant vocation à s'appliquer dès lors que les conditions en sont remplies ; au soutien de son appel la SAS Sterience fait valoir que les conditions d'attribution de la pause de 30 minutes rémunérée ne sont pas remplies par la partie intimée en ce que cette dernière : - ne se trouve pas en situation de travail posté ; - ne travaille pas de façon continue plus de six heures ; A- sur le travail posté : le travail posté et défini à l'article 22 8° e) de la convention collective susvisé comme « l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite » ; cet article est conforme à la définition donnée par la directive 2003/88/CE du Parlement européen relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail qui définit le travail posté comme « tout mode d'organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d'accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines » ; il importe donc peu que le salarié soit mobile ou pas pendant son temps de travail ou que ce dernier soit muni d'un téléphone portable ; il n'est pas non plus exigé que le poste confié au salarié comporte une tâche unique répétée sur l'ensemble du temps de travail ou des tâches successives ; en l'espèce, il est établi par le contrat de travail et par les relevés de badgeage produits par la SAS Sterience que [K] [K] travaillait sur la base de cycles, du lundi au samedi, et la salariée n'est pas contredite lorsqu'elle indique que l'entreprise fonctionnait en 3x8 soit de 6 heures à 14 heures, de 14 heures à 22 heures et de 22 heures à 6 heures en raison des impératifs de production liés à la nécessité de respecter les contrats conclus avec les établissements de soins fixant l'heure précise de départ et de livraison des outils stérilisés ; il en résulte que [K] [K] exerçait bien un travail posté, même si son poste de travail n'était pas statique et qu'elle exerçait de multiples fonctions tel le contrôle de qualité des charges, la préparation des expéditions, le contrôle de l'enlèvement des charges par le transporteur, l'alerte des responsables de production en cas de retard, ou encore le contrôle des normes d'hygiène ; B- sur le travail en continu pendant plus de six heures : en l'espèce, l'employeur n'est pas contredit par la partie intimée sur le fait que les demandes concernent la période postérieure au 1er novembre 2010 à partir de laquelle une pause obligatoire et badgée de 30 minutes a été instaurée au milieu des séquences de travail, en remplacement des 'micro pauses' qui existaient auparavant et ce pour éviter que les salariés dépassent 6 heures de travail continu ; la preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur ; or, les relevés des badgeages pour la période comprise entre le 1er novembre 2010 et le 28 décembre 2013 puis du 1er juin 2015 au 26 septembre 2016 produits par la SAS Sterience en pièce 3 et en pièce E par la partie intimée établissent qu'à de très nombreuses reprises, la salariée a travaillé plus de 6 heures sans aucune pause ou encore que ses pauses étaient inférieures à 30 minutes ; il ne ressort aucunement de ces relevés que l'absence de mention des pauses obligatoires résulte du refus de [K] [K] de s'acquitter de son obligation de les badger et les trois courriers adressés à d'autres salariés pour leur rappeler leurs obligations sur ce point sont insuffisants à rapporter la preuve de ce que [K] [K] s'est « à plusieurs reprises et sur plusieurs périodes, soustraite frauduleusement à la directive de l'employeur de badger les pauses », élément qui ne ressort d'aucune pièce du dossier ; par ailleurs et ainsi que le fait justement valoir la partie intimée, le fait que la SAS Sterience soit en possession de ces relevés de badgeage, combiné au fait qu'elle ne lui a jamais notifié de sanction au sujet de l'absence régulière de badgeage des pauses, démontre que l'employeur était parfaitement informé de l'impossibilité pour la salariée d'interrompre son activité pour prendre ses pauses obligatoires au bout de 6 heures de travail en continu ou encore de l'obligation pour cette dernière d'interrompre ses pauses de manière anticipée pour les nécessités de la production ; enfin, [K] [K] justifie par la copie de deux courriels émanant du responsable de production du site Sterience [Localité 1] [Localité 2] du 9 août 2010 et du 17 septembre 2009 (pièce 7) qu'il était exigé de tous les agents d'encadrement qualité qu'ils conservent leur téléphone mobile professionnel dans tous leurs déplacements internes sur le site « afin d'être joignable à tout moment », y compris en cas de sortie du poste, pour pouvoir répondre à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons ; ces deux pièces et notamment le courriel du 9 août 2010, contredisent l'attestation de [R] [Q], directeur de Centre, selon laquelle « le fonctionnement et les règles d'organisation en place au centre de stérilisation Sterience de [Localité 2] permettent aux salariés de vaquer à leurs occupations en toute liberté pendant leur temps de pause » ; elles démontrent, au contraire, que [K] [K] devait rester constamment à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives, qu'elle ne pouvait donc vaquer librement à ses occupations personnelles y compris pendant ses pauses de sorte que celles-ci, même lorsqu'elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif ; en conséquence, c'est à juste titre que le jugement déféré a fait droit à la demande de paiement des pauses obligatoires sur la base des calculs figurant en pièce F du dossier de la partie intimée qui ne sont pas discutés en tant que tels et qui s'avèrent conformes aux droits de l'intéressée, tels qu'ils résultent des pièces versées aux débats ; le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur le décompte de la pause, vu l'article L. 3121-1 du code du travail qui énonce que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles » ; vu l'article L. 3121-2 du code du travail qui précise que le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérées comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunies sont réunis ; même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail ; en l'espèce, la convention collective applicable à la présente relation de travail prévoit en son article 22.8.E que « lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à 6 heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée » ; vu l'accord cadre du 22 décembre 1999 sur la réduction et l'aménagement du temps de travail conclu au sein de la société B Braun signé par la CFDT, la CFTC et la CGC aux termes duquel il est précisé en son article 9 relatif au temps de travail effectif que les parties signataires conviennent d'exclure du temps de travail effectif « toute période de pause délimitée, réelle et improductive, hormis les pauses légales ou conventionnelles. Ces pauses feront l'objet d'une négociation sur les sites afin de limiter la portée de cette exclusion » ; vu l'accord Sterience du 2 avril 2013 portant sur la réorganisation du temps de travail applicable au sein de la société Sterience signé par la seul organisation syndicale CFE-CGC puis régularisé par toutes les organisations syndicales en décembre 2014 au terme duquel il est prévu en son article 3.1 que n'est pas considéré comme du temps de travail effectif dans le cadre de l'entreprise, notamment « le temps de pause identifié dans l'horaire collectif où le moment de la prise est laissé au choix du salarié » ; il est constant que la période consacrée à la pause n'est considérée comme du temps de travail effectif qu'autant que le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; en l'espèce, il ressort des pièces produites et des débats à l'audience que les salariés de la société Sterience ne pouvaient choisir le moment de leur pause, dont l'aléa de l'horaire de la prise dépendait directement de l'organisation du travail mise en place, dépendant par exemple de l'horaire du départ des containers à destination des cliniques ou avant, en fonction de l'avancement du traitement des boites pour ce qui concerne les agents de stérilisation ou encore, en ce qui concerne les agents d'encadrement, du contrôle qualité qui devait être effectué en bout de chaîne avant le départ desdits containers ; ainsi, les salariés pouvaient à tout moment être dérangées au local de repos ou pendant leur pause déjeuner de trente minutes pour intervenir à tout moment et de façon immédiate sur la chaîne de travail ; or, il apparait que la société défenderesse reconnaît elle-même dans le cadre de ses conclusions que « les temps de pause ne sont pas identifiés dans les plannings car l'heure de prise de la pause est par définition mobile en fonction de l'avancement du travail » ce qui corrobore la version des salariés qui excipent de l'impossibilité pour eux de bénéficier d'un temps de pause de trente minutes ininterrompu puisque conditionné par l'organisation du travail ; en conséquence, force est de constater que cette pause de trente minutes est aléatoire : - tant dans le moment de sa prise par les salariés car conditionnée par l'avancée du travail organisé par séquences qui s'enchaînent en fonction des commandes selon des horaires contraints par les commandes de clients et l'heure d'arrivée desdites commandes ; - que dans sa durée car l'employeur pouvant à tout moment délivrer des directives aux fins d'intervention par les salariés sur la chaîne de travail selon l'état d'avancée des séquences de sorte que la pause de trente minutes se trouve interrompue avant terme et non quantifiée car non décomptée précisément par le système de « badgeage » en vigueur au sein de l'entreprise ; ainsi et après avoir écarté le moyen tiré de la définition du travail posté applicable aux salariés de la société Sterience, lesquels travaillent selon une organisation de travail postée même s'ils effectuent un travail polyvalent, au demeurant non-exhaustive de la définition conventionnelle du travail posté, il convient de constater que cette pause de trente minutes correspond à un travail effectif, Mme [K] restant à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles au sein de l'article L. 3121-1 du code du travail et doit être rémunérée ;
1) ALORS QU'il résulte de l'article 22-8-e de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique qu' « on appelle « travail par poste »
l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle, sauf accord du salarié, ne soit pas excessive » ; que seuls les travailleurs occupés successivement sur les mêmes postes de travail, tels que visés au troisième alinéa de l'article 22-8-e de la convention collective précitée, sont en droit de bénéficier de la pause rémunérée de 30 minutes visée au deuxième alinéa du même article ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Sterience à verser aux salariées diverses sommes au titre des pauses obligatoires, la cour d'appel a retenu que « contrairement à ce qu'allègue la SAS Sterience, cette pause rémunérée de 30 minutes n'est pas réservée aux seuls travailleurs soumis à une sujétion particulière visée au troisième alinéa de l'article 22 8° e) de la convention collective à savoir les salariés affectés à un poste dont la continuité doit être assurée et qui doivent attendre l'arrivée de leur remplaçant et assurer le service au cas où ce dernier ne se présente pas » et que « il n'est pas non plus exigé que le poste confié au salarié comporte une tâche unique répétée sur l'ensemble du temps de travail ou des tâches successives » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte conventionnel susvisé ;
2) ALORS QU'il résulte de l'article 22-8-e de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique qu' « on appelle « travail par poste »
l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle, sauf accord du salarié, ne soit pas excessive » ; que seuls les travailleurs occupés successivement sur les mêmes postes de travail, tels que visés au troisième alinéa de l'article 22-8-e de la convention collective précitée, sont en droit de bénéficier de la pause rémunérée de 30 minutes visée au deuxième alinéa du même article ; qu'en condamnant la société Sterience à payer aux salariées diverses sommes au titre du temps de pause obligatoire, aux motifs propres que « Il importe donc peu que le salarié soit mobile ou pas pendant son temps de travail ou que ce dernier soit muni d'un téléphone portable. Il n'est pas non plus exigé que le poste de travail confié au salarié comporte une tâche unique répétée sur l'ensemble du temps de travail ou des tâches successives » et aux motifs éventuellement adoptés que les salariés de la société Sterience « travaillaient selon une organisation de travail postée même s'ils effectuent un travail polyvalent, au demeurant non exclusive de la définition conventionnelle du travail posté », la cour d'appel a encore violé le texte susvisé ;
3) ALORS QU'il résulte de l'article 22-8-e de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique qu' « on appelle « travail par poste »
l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle, sauf accord du salarié, ne soit pas excessive » ; que seuls les travailleurs occupés successivement sur les mêmes postes de travail, tels que visés au troisième alinéa de l'article 22-8-e de la convention collective précitée, sont en droit de bénéficier de la pause rémunérée de 30 minutes visée au deuxième alinéa du même article ; qu'en décidant de condamner la société Sterience à payer aux salariées diverses sommes au titre de la pause obligatoire, au motif inopérant que les salariées travaillaient sur la base de cycles et qu'elles n'auraient pas été contredites lorsqu'elles indiquaient que l'entreprise fonctionnait en 3x8, soit de 6 heures à 14 heures, de 14 heures à 22 heures et de 22 heures à 6 heures, en raison des impératifs de production liés à la nécessité de respecter les contrats conclus avec les établissements de soins fixant l'heure précise de départ et de livraison des outils stérilisés, tandis qu'il lui appartenait de rechercher si le processus de travail de la société Sterience impliquait que les salariés soient automatiquement remplacés en cas d'absence, critère nécessaire à démontrer la continuité du travail sur un poste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
4) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le courriel du 9 août 2010 adressé à certains salariés énonçait que « Bonsoir, ce mail pour vous rappeler que vous avez dans l'exercice de votre profession un téléphone mobile afin d'être joignable à tout moment. A quoi sert-il ? Je vous demande de bien vouloir le garder avec vous dans vos déplacements internes du site (cf. pièce n°7 produite par les salariées, productions) ; qu'il ne résulte pas de ce courriel que la société Sterience ait imposé aux agents d'encadrement qualité de garder leur téléphone mobile avec elles pendant leur temps de pause afin de pouvoir répondre à tout moment à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ledit courriel et violé le principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les éléments de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
5) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, et le courriel du 17 septembre 2009 invoqué par les salariés mentionnait que : « Je rappelle à tous les AEQ et référents techniques qu'ils ont à leur disposition un téléphone portable. Veuillez le prendre avec vous en cas de sortie de poste !!!!! Je compte sur votre implication, car souvent nous cherchons l'information urgente à transmettre soit à notre transporteur pour les livraisons (AEQ), soit à nos clients pour les DM (ref. tech.) » ; qu'il ne résulte pas de ce courriel que la société Sterience ait imposé aux agents d'encadrement qualité de garder leur téléphone mobile avec elles pendant leur temps de pause afin de pouvoir répondre à tout moment à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ledit courriel et violé le principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les éléments de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
6) ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée maximale de vingt minutes dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, l'employeur qui justifie avoir mis en place un système de badgeage dans l'entreprise et avoir rappelé aux salariés leur obligation de prendre leur pause avant l'atteinte des 6 heures de travail et de badger ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur n'était pas contredit sur le fait qu'il avait mis en place à compter du 1er novembre 2010 une pause obligatoire et badgée de 30 minutes au milieu des séquences de travail, en remplacement des « micro-pauses » qui existaient antérieurement ; qu'il était également établi que l'employeur rappelait régulièrement à leur obligation de badger les salariés qui omettaient de le faire ; qu'en condamnant la société Sterience à payer aux salariées diverses sommes au titre du temps de pause obligatoire, au motif qu'il « ne ressort nullement des relevés de badgeage produits par la société Sterience que l'absence de mention des pauses obligatoires résulte du refus des salariées de s'acquitter de leur obligation de les badger » et que « les courriers adressés à d'autres salariés pour leur rappeler leurs obligations sur ce point sont insuffisants à rapporter la preuve de ce que les salariées se sont à plusieurs reprises et sur plusieurs périodes soustraites frauduleusement à la directive de l'employeur de badger les pauses, élément qui ne ressortirait d'aucune pièce du dossier », quand il appartenait aux salariées de démontrer, dès lors qu'il était acquis que l'employeur avait mis en place un système de badgeage dans l'entreprise et imposé aux salariés de badger à l'occasion de leur temps de pause obligatoire avant d'atteindre 6 heures de travail continu, qu'elles avaient été mises dans l'impossibilité de prendre ladite pause, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 3121-33 du code du travail dans sa version applicable au litige ;
7) ALORS QUE le temps de pause n'est considéré comme un temps de travail effectif que lorsque les salariés sont tenus de rester en permanence à la disposition de leur employeur durant leur temps de pause en étant soumis à ses directives, sans pouvoir vaquer à leurs occupations personnelles ; qu'à ce titre, la seule circonstance, à la supposer avérée, que le salarié doive conserver avec lui au cours de sa pause son téléphone portable pour pouvoir, au besoin, répondre à une question urgente, ne suffit pas à caractériser une obligation de rester à disposition de l'employeur, ni à exclure que le salarié puisse vaquer à ses occupations personnelles ; qu'en l'espèce, en considérant que l'obligation, supposée, des salariées AEQ de conserver leur téléphone portable avec elles durant leur pause, contredisait l'attestation de M. [Q], directeur de centre, selon laquelle « le fonctionnement et les règles d'organisation en place au centre de stérilisation Sterience de Chassieu permettent aux salariés de vaquer à leurs occupations en toute liberté pendant leur temps de pause » et démontraient que la salariée devait rester constamment à disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, de sorte que les pauses, même lorsqu'elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif, tandis qu'une telle sujétion, à la suppose avérée, ne suffisait pas en soi à caractériser le travail effectif, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 3121-33 du code du travail dans sa version applicable au litige ;
8) ALORS QUE le temps de pause n'est considéré comme un temps de travail effectif que lorsque les salariés restent en permanence à la disposition de leur employeur durant leur temps de pause ; qu'en retenant, pour condamner la société Sterience à payer diverses sommes aux salariées au titre du temps de pause obligatoire, que le fait que la société Sterience soit en possession des relevés de badgeage, combiné au fait qu'elle n'aurait jamais notifié de sanction à la salariée au sujet de l'absence régulière de badgeage des pauses, démontrerait que l'employeur était parfaitement informé de l'impossibilité pour la salariée d'interrompre son activité pour prendre ses pauses obligatoires au bout de six heures de travail en continu ou encore de l'obligation pour cette dernière d'interrompre ses pauses de manière anticipée pour les nécessités de la production, quand cette seule considération relative à l'absence de badgeage par les salariées au moment de la pause n'était pas en soi de nature à établir que les salariées ne bénéficiaient pas effectivement d'une pause leur permettant de vaquer librement vaquer à leurs occupations personnelles, l'absence de badgeage n'induisant pas l'absence de prise de la pause, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-2 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00685
SOC.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 juin 2021
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 685 FS-D
Pourvois n°
F 19-15.468
H 19-15.469
M 19-15.473 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUIN 2021
La société Sterience, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° F 19-15.468, H 19-15.469 et M 19-15.473 contre trois arrêts rendus le 22 février 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à Mme [K] [K], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Mme [S] [C], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à Mme [F] [V], domiciliée [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique commun de cassation annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Sterience, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [K] et [C], et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Monge, MM. Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Prieur, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° F19-15.468, H 19-15.469 et M 19-15.473 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués ([Localité 1], 22 février 2019), Mmes [K], [C] et [V], salariées de la société Sterience et exerçant des fonctions d'agent d'encadrement qualité, statut non cadre, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes le 20 novembre 2013.
3. Elles ont été licenciées pour motif économique respectivement le 7 juillet 2016, le 30 juin 2016 et le 20 septembre 2016.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa septième branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief aux arrêts de dire que le temps de pause doit être considéré comme du temps travaillé rémunéré et, en conséquence, de le condamner à payer aux salariées certaines sommes au titre du paiement du temps de pause et des congés payés afférents, alors « que le temps de pause n'est considéré comme un temps de travail effectif que lorsque les salariés sont tenus de rester en permanence à la disposition de leur employeur durant leur temps de pause en étant soumis à ses directives, sans pouvoir vaquer à leurs occupations personnelles ; qu'à ce titre, la seule circonstance, à la supposer avérée, que le salarié doive conserver avec lui au cours de sa pause son téléphone portable pour pouvoir, au besoin, répondre à une question urgente, ne suffit pas à caractériser une obligation de rester à disposition de l'employeur, ni à exclure que le salarié puisse vaquer à ses occupations personnelles ; qu'en l'espèce, en considérant que l'obligation, supposée, des salariées AEQ de conserver leur téléphone portable avec elles durant leur pause, contredisait l'attestation de M. [Q], directeur de centre, selon laquelle ''le fonctionnement et les règles d'organisation en place au centre de stérilisation Sterience de Chassieu permettent aux salariés de vaquer à leurs occupations en toute liberté pendant leur temps de pause'' et démontraient que la salariée devait rester constamment à disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, de sorte que les pauses, même lorsqu'elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif, tandis qu'une telle sujétion, à la supposer avérée, ne suffisait pas en soi à caractériser le travail effectif, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 3121-33 du code du travail dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-2 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Il résulte de ces textes que pour que des temps de pauses puissent être considérés comme du temps de travail effectif, il faut que le salarié soit à la disposition de l'employeur et qu'il doive se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
6. Pour dire que le temps de pause des salariées doit être considéré comme du temps travaillé rémunéré et, en conséquence, condamner l'employeur à leur payer certaines sommes au titre du temps de pause et des congés payés afférents, les arrêts retiennent que l'employeur n'est pas contredit sur le fait que les demandes concernent la période postérieure au 1er novembre 2010 à partir de laquelle une pause obligatoire et badgée de trente minutes a été instaurée au milieu des séquences de travail, en remplacement des « micro pauses » qui existaient auparavant et ce pour éviter que les salariées dépassent six heures de travail continu, que la preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur.
7. Ils relèvent que les salariées établissent qu'à de très nombreuses reprises, elles ont travaillé plus de six heures sans aucune pause ou encore que leurs pauses étaient inférieures à trente minutes et que leur employeur exigeait qu'elles conservent leur téléphone mobile professionnel dans tous leurs déplacements internes sur le site « afin d'être joignable à tout moment », y compris en cas de sortie de poste, pour pouvoir répondre à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons.
8. Ils en déduisent que les salariées devaient rester constamment à la disposition de leur employeur et se conformer à ses directives, qu'elles ne pouvaient donc vaquer librement à leurs occupations personnelles y compris pendant leurs pauses, de sorte que celles-ci, même lorsqu'elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif.
9. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans caractériser en quoi les salariées étaient, durant les temps de pause, à la disposition de leur employeur et devaient se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions des arrêts relatives à la condamnation de l'employeur à payer aux salariées un rappel de salaire au titre du temps de pause et des congés payés afférents entraîne la cassation des chefs de dispositifs condamnant l'employeur aux entiers dépens ainsi qu'à payer à chacune des salariées des indemnités au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent que le temps de pause des salariées doit être considéré comme du temps travaillé rémunéré, en ce qu'ils condamnent la société Sterience à payer à Mme [K] les sommes de 3 374,14 euros au titre du paiement du temps de pause et 337,41 euros au titre des congés payés afférents, à Mme [C] les sommes de 5 898,53 euros au titre du paiement du temps de pause et 589,85 euros au titre des congés payés afférents, à Mme [V] les sommes de 7 335,15 euros au titre du paiement du temps de pause et 733,51 euros au titre des congés payés afférents, et en ce qu'ils condamnent la société Sterience aux entiers dépens ainsi qu'à payer à chacune des salariées des indemnités au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, les arrêts rendus le 22 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mmes [K], [C] et [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Sterience ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen commun produit aux pourvois n° F19-15.468, H 19-15.469 et M 19-15.473 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Sterience.
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que le temps de pause doit être considéré comme du temps travaillé rémunéré et d'AVOIR en conséquence condamné la société Sterience à payer aux salariées certaines sommes au titre du paiement du temps de pause et des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE 1.- sur la demande relative au paiement des pauses et des congés payés y afférents : selon l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa version alors applicable : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » ; il résulte de l'article L. 3121-2 du même code dans sa version alors applicable que: « Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail » ; en application de l'article L. 3121-33 du code du travail dans sa version alors applicable : « Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes. Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur » ; selon l'article 22 8° e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique dispose « On appelle travail par poste l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle sauf accord du salarié, ne soit pas excessive » ; cet article prévoit donc des conditions cumulatives pour le paiement d'une pause de 30 minutes à savoir : - l'existence d'un travail posté ; - le caractère ininterrompu du travail pendant plus de six heures ; contrairement à ce qu'allègue la SAS Sterience, cette pause rémunérée de 30 minutes n'est pas réservée aux seuls travailleurs soumis à une sujétion particulière visée au troisième alinéa de l'article 22 8° e) de la convention collective à savoir les salariés affectés un poste dont la continuité doit être assurée et qui doivent attendre l'arrivée de leur remplaçant et assurer le service au cas où ce dernier ne se présente pas ; par ailleurs, le contrat de travail ne pouvant déroger à la convention collective que dans un sens plus favorable au salarié, il importe peu que le contrat de travail de la partie intimée ne prévoit aucune stipulation garantissant le bénéfice d'une pause de 30 minutes rémunérée, les dispositions conventionnelles sur ce point ayant vocation à s'appliquer dès lors que les conditions en sont remplies ; au soutien de son appel la SAS Sterience fait valoir que les conditions d'attribution de la pause de 30 minutes rémunérée ne sont pas remplies par la partie intimée en ce que cette dernière : - ne se trouve pas en situation de travail posté ; - ne travaille pas de façon continue plus de six heures ; A- sur le travail posté : le travail posté et défini à l'article 22 8° e) de la convention collective susvisé comme « l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite » ; cet article est conforme à la définition donnée par la directive 2003/88/CE du Parlement européen relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail qui définit le travail posté comme « tout mode d'organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d'accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines » ; il importe donc peu que le salarié soit mobile ou pas pendant son temps de travail ou que ce dernier soit muni d'un téléphone portable ; il n'est pas non plus exigé que le poste confié au salarié comporte une tâche unique répétée sur l'ensemble du temps de travail ou des tâches successives ; en l'espèce, il est établi par le contrat de travail et par les relevés de badgeage produits par la SAS Sterience que [K] [K] travaillait sur la base de cycles, du lundi au samedi, et la salariée n'est pas contredite lorsqu'elle indique que l'entreprise fonctionnait en 3x8 soit de 6 heures à 14 heures, de 14 heures à 22 heures et de 22 heures à 6 heures en raison des impératifs de production liés à la nécessité de respecter les contrats conclus avec les établissements de soins fixant l'heure précise de départ et de livraison des outils stérilisés ; il en résulte que [K] [K] exerçait bien un travail posté, même si son poste de travail n'était pas statique et qu'elle exerçait de multiples fonctions tel le contrôle de qualité des charges, la préparation des expéditions, le contrôle de l'enlèvement des charges par le transporteur, l'alerte des responsables de production en cas de retard, ou encore le contrôle des normes d'hygiène ; B- sur le travail en continu pendant plus de six heures : en l'espèce, l'employeur n'est pas contredit par la partie intimée sur le fait que les demandes concernent la période postérieure au 1er novembre 2010 à partir de laquelle une pause obligatoire et badgée de 30 minutes a été instaurée au milieu des séquences de travail, en remplacement des 'micro pauses' qui existaient auparavant et ce pour éviter que les salariés dépassent 6 heures de travail continu ; la preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur ; or, les relevés des badgeages pour la période comprise entre le 1er novembre 2010 et le 28 décembre 2013 puis du 1er juin 2015 au 26 septembre 2016 produits par la SAS Sterience en pièce 3 et en pièce E par la partie intimée établissent qu'à de très nombreuses reprises, la salariée a travaillé plus de 6 heures sans aucune pause ou encore que ses pauses étaient inférieures à 30 minutes ; il ne ressort aucunement de ces relevés que l'absence de mention des pauses obligatoires résulte du refus de [K] [K] de s'acquitter de son obligation de les badger et les trois courriers adressés à d'autres salariés pour leur rappeler leurs obligations sur ce point sont insuffisants à rapporter la preuve de ce que [K] [K] s'est « à plusieurs reprises et sur plusieurs périodes, soustraite frauduleusement à la directive de l'employeur de badger les pauses », élément qui ne ressort d'aucune pièce du dossier ; par ailleurs et ainsi que le fait justement valoir la partie intimée, le fait que la SAS Sterience soit en possession de ces relevés de badgeage, combiné au fait qu'elle ne lui a jamais notifié de sanction au sujet de l'absence régulière de badgeage des pauses, démontre que l'employeur était parfaitement informé de l'impossibilité pour la salariée d'interrompre son activité pour prendre ses pauses obligatoires au bout de 6 heures de travail en continu ou encore de l'obligation pour cette dernière d'interrompre ses pauses de manière anticipée pour les nécessités de la production ; enfin, [K] [K] justifie par la copie de deux courriels émanant du responsable de production du site Sterience [Localité 1] [Localité 2] du 9 août 2010 et du 17 septembre 2009 (pièce 7) qu'il était exigé de tous les agents d'encadrement qualité qu'ils conservent leur téléphone mobile professionnel dans tous leurs déplacements internes sur le site « afin d'être joignable à tout moment », y compris en cas de sortie du poste, pour pouvoir répondre à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons ; ces deux pièces et notamment le courriel du 9 août 2010, contredisent l'attestation de [R] [Q], directeur de Centre, selon laquelle « le fonctionnement et les règles d'organisation en place au centre de stérilisation Sterience de [Localité 2] permettent aux salariés de vaquer à leurs occupations en toute liberté pendant leur temps de pause » ; elles démontrent, au contraire, que [K] [K] devait rester constamment à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives, qu'elle ne pouvait donc vaquer librement à ses occupations personnelles y compris pendant ses pauses de sorte que celles-ci, même lorsqu'elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif ; en conséquence, c'est à juste titre que le jugement déféré a fait droit à la demande de paiement des pauses obligatoires sur la base des calculs figurant en pièce F du dossier de la partie intimée qui ne sont pas discutés en tant que tels et qui s'avèrent conformes aux droits de l'intéressée, tels qu'ils résultent des pièces versées aux débats ; le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur le décompte de la pause, vu l'article L. 3121-1 du code du travail qui énonce que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles » ; vu l'article L. 3121-2 du code du travail qui précise que le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérées comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunies sont réunis ; même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail ; en l'espèce, la convention collective applicable à la présente relation de travail prévoit en son article 22.8.E que « lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à 6 heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée » ; vu l'accord cadre du 22 décembre 1999 sur la réduction et l'aménagement du temps de travail conclu au sein de la société B Braun signé par la CFDT, la CFTC et la CGC aux termes duquel il est précisé en son article 9 relatif au temps de travail effectif que les parties signataires conviennent d'exclure du temps de travail effectif « toute période de pause délimitée, réelle et improductive, hormis les pauses légales ou conventionnelles. Ces pauses feront l'objet d'une négociation sur les sites afin de limiter la portée de cette exclusion » ; vu l'accord Sterience du 2 avril 2013 portant sur la réorganisation du temps de travail applicable au sein de la société Sterience signé par la seul organisation syndicale CFE-CGC puis régularisé par toutes les organisations syndicales en décembre 2014 au terme duquel il est prévu en son article 3.1 que n'est pas considéré comme du temps de travail effectif dans le cadre de l'entreprise, notamment « le temps de pause identifié dans l'horaire collectif où le moment de la prise est laissé au choix du salarié » ; il est constant que la période consacrée à la pause n'est considérée comme du temps de travail effectif qu'autant que le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; en l'espèce, il ressort des pièces produites et des débats à l'audience que les salariés de la société Sterience ne pouvaient choisir le moment de leur pause, dont l'aléa de l'horaire de la prise dépendait directement de l'organisation du travail mise en place, dépendant par exemple de l'horaire du départ des containers à destination des cliniques ou avant, en fonction de l'avancement du traitement des boites pour ce qui concerne les agents de stérilisation ou encore, en ce qui concerne les agents d'encadrement, du contrôle qualité qui devait être effectué en bout de chaîne avant le départ desdits containers ; ainsi, les salariés pouvaient à tout moment être dérangées au local de repos ou pendant leur pause déjeuner de trente minutes pour intervenir à tout moment et de façon immédiate sur la chaîne de travail ; or, il apparait que la société défenderesse reconnaît elle-même dans le cadre de ses conclusions que « les temps de pause ne sont pas identifiés dans les plannings car l'heure de prise de la pause est par définition mobile en fonction de l'avancement du travail » ce qui corrobore la version des salariés qui excipent de l'impossibilité pour eux de bénéficier d'un temps de pause de trente minutes ininterrompu puisque conditionné par l'organisation du travail ; en conséquence, force est de constater que cette pause de trente minutes est aléatoire : - tant dans le moment de sa prise par les salariés car conditionnée par l'avancée du travail organisé par séquences qui s'enchaînent en fonction des commandes selon des horaires contraints par les commandes de clients et l'heure d'arrivée desdites commandes ; - que dans sa durée car l'employeur pouvant à tout moment délivrer des directives aux fins d'intervention par les salariés sur la chaîne de travail selon l'état d'avancée des séquences de sorte que la pause de trente minutes se trouve interrompue avant terme et non quantifiée car non décomptée précisément par le système de « badgeage » en vigueur au sein de l'entreprise ; ainsi et après avoir écarté le moyen tiré de la définition du travail posté applicable aux salariés de la société Sterience, lesquels travaillent selon une organisation de travail postée même s'ils effectuent un travail polyvalent, au demeurant non-exhaustive de la définition conventionnelle du travail posté, il convient de constater que cette pause de trente minutes correspond à un travail effectif, Mme [K] restant à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles au sein de l'article L. 3121-1 du code du travail et doit être rémunérée ;
1) ALORS QU'il résulte de l'article 22-8-e de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique qu' « on appelle « travail par poste »
l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle, sauf accord du salarié, ne soit pas excessive » ; que seuls les travailleurs occupés successivement sur les mêmes postes de travail, tels que visés au troisième alinéa de l'article 22-8-e de la convention collective précitée, sont en droit de bénéficier de la pause rémunérée de 30 minutes visée au deuxième alinéa du même article ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Sterience à verser aux salariées diverses sommes au titre des pauses obligatoires, la cour d'appel a retenu que « contrairement à ce qu'allègue la SAS Sterience, cette pause rémunérée de 30 minutes n'est pas réservée aux seuls travailleurs soumis à une sujétion particulière visée au troisième alinéa de l'article 22 8° e) de la convention collective à savoir les salariés affectés à un poste dont la continuité doit être assurée et qui doivent attendre l'arrivée de leur remplaçant et assurer le service au cas où ce dernier ne se présente pas » et que « il n'est pas non plus exigé que le poste confié au salarié comporte une tâche unique répétée sur l'ensemble du temps de travail ou des tâches successives » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte conventionnel susvisé ;
2) ALORS QU'il résulte de l'article 22-8-e de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique qu' « on appelle « travail par poste »
l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle, sauf accord du salarié, ne soit pas excessive » ; que seuls les travailleurs occupés successivement sur les mêmes postes de travail, tels que visés au troisième alinéa de l'article 22-8-e de la convention collective précitée, sont en droit de bénéficier de la pause rémunérée de 30 minutes visée au deuxième alinéa du même article ; qu'en condamnant la société Sterience à payer aux salariées diverses sommes au titre du temps de pause obligatoire, aux motifs propres que « Il importe donc peu que le salarié soit mobile ou pas pendant son temps de travail ou que ce dernier soit muni d'un téléphone portable. Il n'est pas non plus exigé que le poste de travail confié au salarié comporte une tâche unique répétée sur l'ensemble du temps de travail ou des tâches successives » et aux motifs éventuellement adoptés que les salariés de la société Sterience « travaillaient selon une organisation de travail postée même s'ils effectuent un travail polyvalent, au demeurant non exclusive de la définition conventionnelle du travail posté », la cour d'appel a encore violé le texte susvisé ;
3) ALORS QU'il résulte de l'article 22-8-e de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique qu' « on appelle « travail par poste »
l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle, sauf accord du salarié, ne soit pas excessive » ; que seuls les travailleurs occupés successivement sur les mêmes postes de travail, tels que visés au troisième alinéa de l'article 22-8-e de la convention collective précitée, sont en droit de bénéficier de la pause rémunérée de 30 minutes visée au deuxième alinéa du même article ; qu'en décidant de condamner la société Sterience à payer aux salariées diverses sommes au titre de la pause obligatoire, au motif inopérant que les salariées travaillaient sur la base de cycles et qu'elles n'auraient pas été contredites lorsqu'elles indiquaient que l'entreprise fonctionnait en 3x8, soit de 6 heures à 14 heures, de 14 heures à 22 heures et de 22 heures à 6 heures, en raison des impératifs de production liés à la nécessité de respecter les contrats conclus avec les établissements de soins fixant l'heure précise de départ et de livraison des outils stérilisés, tandis qu'il lui appartenait de rechercher si le processus de travail de la société Sterience impliquait que les salariés soient automatiquement remplacés en cas d'absence, critère nécessaire à démontrer la continuité du travail sur un poste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
4) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le courriel du 9 août 2010 adressé à certains salariés énonçait que « Bonsoir, ce mail pour vous rappeler que vous avez dans l'exercice de votre profession un téléphone mobile afin d'être joignable à tout moment. A quoi sert-il ? Je vous demande de bien vouloir le garder avec vous dans vos déplacements internes du site (cf. pièce n°7 produite par les salariées, productions) ; qu'il ne résulte pas de ce courriel que la société Sterience ait imposé aux agents d'encadrement qualité de garder leur téléphone mobile avec elles pendant leur temps de pause afin de pouvoir répondre à tout moment à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ledit courriel et violé le principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les éléments de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
5) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, et le courriel du 17 septembre 2009 invoqué par les salariés mentionnait que : « Je rappelle à tous les AEQ et référents techniques qu'ils ont à leur disposition un téléphone portable. Veuillez le prendre avec vous en cas de sortie de poste !!!!! Je compte sur votre implication, car souvent nous cherchons l'information urgente à transmettre soit à notre transporteur pour les livraisons (AEQ), soit à nos clients pour les DM (ref. tech.) » ; qu'il ne résulte pas de ce courriel que la société Sterience ait imposé aux agents d'encadrement qualité de garder leur téléphone mobile avec elles pendant leur temps de pause afin de pouvoir répondre à tout moment à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ledit courriel et violé le principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les éléments de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
6) ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée maximale de vingt minutes dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, l'employeur qui justifie avoir mis en place un système de badgeage dans l'entreprise et avoir rappelé aux salariés leur obligation de prendre leur pause avant l'atteinte des 6 heures de travail et de badger ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur n'était pas contredit sur le fait qu'il avait mis en place à compter du 1er novembre 2010 une pause obligatoire et badgée de 30 minutes au milieu des séquences de travail, en remplacement des « micro-pauses » qui existaient antérieurement ; qu'il était également établi que l'employeur rappelait régulièrement à leur obligation de badger les salariés qui omettaient de le faire ; qu'en condamnant la société Sterience à payer aux salariées diverses sommes au titre du temps de pause obligatoire, au motif qu'il « ne ressort nullement des relevés de badgeage produits par la société Sterience que l'absence de mention des pauses obligatoires résulte du refus des salariées de s'acquitter de leur obligation de les badger » et que « les courriers adressés à d'autres salariés pour leur rappeler leurs obligations sur ce point sont insuffisants à rapporter la preuve de ce que les salariées se sont à plusieurs reprises et sur plusieurs périodes soustraites frauduleusement à la directive de l'employeur de badger les pauses, élément qui ne ressortirait d'aucune pièce du dossier », quand il appartenait aux salariées de démontrer, dès lors qu'il était acquis que l'employeur avait mis en place un système de badgeage dans l'entreprise et imposé aux salariés de badger à l'occasion de leur temps de pause obligatoire avant d'atteindre 6 heures de travail continu, qu'elles avaient été mises dans l'impossibilité de prendre ladite pause, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 3121-33 du code du travail dans sa version applicable au litige ;
7) ALORS QUE le temps de pause n'est considéré comme un temps de travail effectif que lorsque les salariés sont tenus de rester en permanence à la disposition de leur employeur durant leur temps de pause en étant soumis à ses directives, sans pouvoir vaquer à leurs occupations personnelles ; qu'à ce titre, la seule circonstance, à la supposer avérée, que le salarié doive conserver avec lui au cours de sa pause son téléphone portable pour pouvoir, au besoin, répondre à une question urgente, ne suffit pas à caractériser une obligation de rester à disposition de l'employeur, ni à exclure que le salarié puisse vaquer à ses occupations personnelles ; qu'en l'espèce, en considérant que l'obligation, supposée, des salariées AEQ de conserver leur téléphone portable avec elles durant leur pause, contredisait l'attestation de M. [Q], directeur de centre, selon laquelle « le fonctionnement et les règles d'organisation en place au centre de stérilisation Sterience de Chassieu permettent aux salariés de vaquer à leurs occupations en toute liberté pendant leur temps de pause » et démontraient que la salariée devait rester constamment à disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, de sorte que les pauses, même lorsqu'elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif, tandis qu'une telle sujétion, à la suppose avérée, ne suffisait pas en soi à caractériser le travail effectif, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 3121-33 du code du travail dans sa version applicable au litige ;
8) ALORS QUE le temps de pause n'est considéré comme un temps de travail effectif que lorsque les salariés restent en permanence à la disposition de leur employeur durant leur temps de pause ; qu'en retenant, pour condamner la société Sterience à payer diverses sommes aux salariées au titre du temps de pause obligatoire, que le fait que la société Sterience soit en possession des relevés de badgeage, combiné au fait qu'elle n'aurait jamais notifié de sanction à la salariée au sujet de l'absence régulière de badgeage des pauses, démontrerait que l'employeur était parfaitement informé de l'impossibilité pour la salariée d'interrompre son activité pour prendre ses pauses obligatoires au bout de six heures de travail en continu ou encore de l'obligation pour cette dernière d'interrompre ses pauses de manière anticipée pour les nécessités de la production, quand cette seule considération relative à l'absence de badgeage par les salariées au moment de la pause n'était pas en soi de nature à établir que les salariées ne bénéficiaient pas effectivement d'une pause leur permettant de vaquer librement vaquer à leurs occupations personnelles, l'absence de badgeage n'induisant pas l'absence de prise de la pause, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-2 du code du travail.