Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 mai 2021, 19-19.529, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mai 2021




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 465 F-D

Pourvoi n° V 19-19.529







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 MAI 2021

1°/ la société H8 Invest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ M. [G] [A], domicilié [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° V 19-19.529 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant à la société Editions Mondadori Axel Springer (EMAS), société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société H8 Invest et de M. [A], de la SCP Spinosi, avocat de la société Editions Mondadori Axel Springer, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2019), la société Editions Mondadori Axel Springer (la société Emas) et les actionnaires de la société AR Technology (la société ART) ont, le 23 septembre 2011, conclu un contrat d'acquisition d'actions, aux termes duquel la société Emas s'engageait à acquérir 83 % du capital de la société ART, sous diverses conditions suspensives. Le même jour, M. [A] et la société H8 Invest se sont engagés à céder à la société Emas, qui s'est engagée à l'acquérir, le solde des actions qu'ils conservaient dans le capital de la société ART. Ces deux conventions stipulaient que la société Emas avait la possibilité de céder tous ses droits et obligations à une société ad hoc créée par ses actionnaires ou une de ses filiales.

2. Le 2 novembre 2011, les sociétés Emas et Emas Digital ont notifié à M. [A] et à la société H8 Invest le transfert, par la première à la seconde, de l'ensemble des droits et obligations résultant du contrat d'acquisition d'actions et des autres accords.

3. Les conditions suspensives s'étant réalisées, le transfert de la propriété des titres faisant l'objet du contrat d'acquisition d'actions est intervenu le 16 novembre 2011 au profit de la société Emas Digital, qui en a payé le prix.

4. Le 12 novembre 2012, M. [A] et la société H8 Invest ont levé l'option qui leur avait été conférée par la promesse d'achat du solde des actions de la société ART auprès de la société Emas Digital. Celle-ci a contesté la validité de l'exercice de cette option, qu'elle estimait prématuré.

5. M. [A] et la société H8 Invest ayant assigné la société Emas Digital en exécution forcée de la vente de leurs actions, un arrêt du 5 novembre 2015, devenu irrévocable de ce chef, a condamné cette société à leur payer certaines sommes en paiement du prix de ces actions.

6. La société Emas Digital ayant été mise en liquidation judiciaire, M. [A] et la société H8 Invest, soutenant que la société Emas demeurait tenue des obligations qu'elle avait souscrites à leur égard aux termes de la promesse du 23 septembre 2011, l'ont assignée en paiement des condamnations prononcées contre la société Emas Digital.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième et huitième branches, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième, sixième, septième, neuvième, dixième et onzième branches

Enoncé du moyen

8. M. [A] et la société H8 Invest font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes en paiement dirigées contre la société Emas, alors :

« 1°/ que la seule acceptation par le créancier de la substitution d'un nouveau débiteur au premier, même si elle n'est assortie d'aucune réserve, n'implique pas, en l'absence de déclaration expresse, qu'il ait entendu décharger le débiteur originaire de sa dette ; qu'en déboutant M. [A] et la société H8 Invest de leurs demandes, au motif qu'aucune clause du contrat ne prévoyait de solidarité entre le cédant Emas et le cessionnaire Emas Digital pour le paiement des actions, de sorte que la cession au profit de la société Emas Digital avait entraîné la libération de la société Emas, quand seule une déclaration expresse de M. [A] et de la société H8 Invest en ce sens pouvait entraîner cette libération, la cour d'appel a violé les articles 1275 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, la cession du contrat, même préalablement acceptée, n'entraîne la libération du cédant que si le cédé a expressément consenti à cette libération ; qu'en jugeant qu'en application du droit antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce, la société Emas, cédante, était libérée de toute obligation à l'égard de M. [A] et de la société H8 Invest, cédés, dès lors qu'aucune clause du contrat ne prévoyait de solidarité entre le cédant Emas et le cessionnaire Emas Digital pour le paiement des actions, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la force obligatoire du contrat ;

3°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions ; qu'en l'espèce, la société Emas avait fait valoir que les circonstances selon lesquelles M. [A] et la société H8 Invest n'avaient jamais sollicité de la société Emas l'exécution des obligations résultant de la promesse d'achat et de vente, et avaient agi uniquement à l'encontre de la société Emas Digital, établissaient qu'ils avaient conscience qu'ils ne disposaient d'aucun droit à l'égard de la société Emas ; qu'en retenant que M. [A] et la société H8 Invest avaient manifesté sans équivoque leur volonté de libérer la société Emas de ses obligations en optant pour une vente de leurs actions au profit de la seule société Emas Digital et en agissant en vente forcée à l'encontre de cette dernière, tandis que ces actes invoqués par la société Emas dans ses conclusions traduisaient uniquement, selon elle, la conscience de M. [A] et de la société H8 Invest qu'ils ne pouvaient exiger de la société Emas l'exécution du contrat, et non leur volonté de décharger cette dernière de ses obligations, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ que la seule acceptation par le créancier de la substitution d'un nouveau débiteur au premier, même si elle n'est assortie d'aucune réserve, n'implique pas, en l'absence de déclaration expresse, qu'il ait entendu décharger le débiteur originaire de sa dette ; qu'en déboutant M. [A] et la société H8 Invest de leurs demandes au motif qu'en optant pour une vente de leurs actions au profit de la seule société Emas Digital et en agissant en vente forcée à l'encontre de cette dernière, ils avaient manifesté sans équivoque leur volonté de décharger la société Emas de ses obligations, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, comme impropre à caractériser une déclaration expresse par laquelle M. [A] et la société H8 Invest entendaient décharger la société Emas de ses obligations, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1275 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6°/ qu'en application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, la cession de contrat n'entraîne la libération du cédant de ses obligations que si le cédé a expressément consenti à cette libération ; qu'en déboutant M. [A] et la société H8 Invest de leur demande au motif qu'ils avaient, en optant pour une vente de leurs actions au profit de la seule société Emas Digital et en agissant en vente forcée à l'encontre de cette dernière, manifesté sans équivoque leur volonté de décharger la société Emas de ses obligations, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser un consentement exprès de M. [A] et de la société H8 Invest à la libération du cédant et a ainsi privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

7°/ que la renonciation suppose une volonté claire et non équivoque de renoncer ; qu'en se bornant à relever que M. [A] et la société H8 Invest avaient opté pour une vente de leurs actions au profit de la seule société Emas Digital, cessionnaire, et avaient agi en vente forcée uniquement à l'encontre de cette dernière, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une volonté claire et non équivoque de M. [A] et de la société H8 Invest de renoncer à poursuivre l'exécution du contrat à l'encontre de la société Emas, cédante, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

9°/ que la promesse unilatérale d'achat est un contrat par lequel le promettant s'engage à acheter un bien appartenant au bénéficiaire si ce dernier consent à le lui vendre, en levant l'option qui lui est offerte dans un certain délai ; que la levée de l'option consiste, pour le bénéficiaire de la promesse unilatérale, à donner son consentement à la vente à laquelle le promettant a déjà définitivement consenti dans la promesse ; qu'il s'en déduit que l'obligation de payer le prix, résultant de l'engagement du promettant d'acheter, naît de la promesse et non de la levée d'option ; qu'en retenant, à supposer adoptés les motifs du jugement, que la créance dont se prévalaient M. [A] et H8 Invest ne résultait "pas de la promesse de vente mais de l'exercice de l'option qui emporte conclusion de la vente", pour en déduire que, "lorsqu'un protocole ou une promesse de cession d'actions contient une clause de substitution, le débiteur initial n'est pas tenu au paiement du prix de vente si la vente est conclue avec le tiers substitué", la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

10°/ qu'à supposer adoptés les motifs par lesquels les premiers juges, après avoir relevé que "les différentes instances tant chez Mondadori France que chez Axel Springer France, qui ont autorisé l'acquisition des 83 % du capital social de la société ART par Emas "ès qualités" ne l'ont fait que dans la mesure où cette acquisition serait effectuée par une "société à créer"", avaient retenu que la société Emas n'avait "pas le pouvoir de s'engager au-delà des autorisations qui lui avait été données par ses actionnaires", la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans répondre aux conclusions de M. [A] et de la société H8 Invest qui, avaient fait valoir que "les délibérations d'actionnaires d'Emas, légitimement ignorées de H8 Invest et de M. [A], ne sauraient être opposées à ces derniers", et que "à l'occasion de la signature de ses engagements, Emas avait l'apparence de pouvoir s'engager dans les termes exposés et un quelconque éventuel dépassement de pouvoir ? par ailleurs non allégué par Emas elle-même, ne saurait être opposé aux exposants" ; qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11°/ que dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social ; que les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers ; qu'en jugeant, à supposer adoptés les motifs du jugement, que la société Emas n'avait pas le pouvoir de s'engager au-delà des autorisations qui lui avait été données par ses actionnaires, la cour d'appel a violé l'article L. 221-5 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Après avoir rappelé que la promesse synallagmatique de vente des actions de la société ART avait été conclue le 13 septembre 2011 avec une faculté de cession de cette promesse et de tous les contrats annexes, dont le contrat d'option de vente et d'achat du solde des actions détenues par M. [A] et la société H8 Invest, et que la substitution de la société Emas par la société Emas Digital était intervenue le 2 novembre 2011, l'arrêt relève que M. [A] et la société H8 Invest ont levé l'option relative au solde des actions auprès de la seule société Emas Digital et que c'est contre cette seule société qu'ils ont agi en vente forcée des actions et en paiement de leur prix. De ces constatations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les neuvième, dixième et onzième branches, la cour d'appel a pu, sans modifier l'objet du litige, déduire qu'en procédant de la sorte, M. [A] et la société H8 Invest avaient manifesté sans équivoque leur volonté de décharger la société Emas de ses obligations et que les demandes en paiement dirigées contre la société Emas devaient ainsi être rejetées.

10. Le moyen, pour partie inopérant, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [A] et la société H8 Invest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [A] et la société H8 Invest et les condamne à payer à la société Editions Mondadori Axel Springer la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société H8 Invest et M. [A].

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. [A] et la société H8 Invest de leurs demandes de paiement à l'encontre de la société EMAS ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de l'article 15.3 du contrat du 23 septembre 2011, intitulé "bénéfices, charge, cessibilité" (selon la traduction qui en est produite par la société H8 Invest et M. [A]) que : « les parties conviennent expressément que l'acquéreur pourra, sans le consentement des vendeurs, céder tous ses droit et obligations en vertu du présent contrat et des contrats juridiquement contraignants à une société par actions simplifiée de droit français (?) notamment eu égard à l'obligation d'acquérir les actions et de payer le prix d'acquisition, sous réserve que l'acquéreur notifie cette cession au plus tard 5 jours ouvrés avant la date de réalisation » ; qu'il est constant que l'opération de vente du solde des actions de la société ART s'est conclue en plusieurs temps, à savoir, - le 13 septembre 2011 : promesse synallagmatique de vente d'une partie des actions détenues par la société H8 Invest et M. [A], avec possibilité de cession de cette promesse et de tous les contrats annexes, dont le contrat d'option de vente et d'achat du solde des actions, - le 2 novembre 2011 : substitution de la société EMAS par la société EMAS Digital, - en novembre 2011, à une date non précisée : réalisation de la vente de la première partie des actions (qui ne fait pas l'objet du présent litige), - le 12 novembre 2012 : levée d'option relative au solde des actions par la société H8 Invest et M. [A] à l'encontre de la société EMAS Digital, entraînant vente selon arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 novembre 2015 (objet du présent litige) ; qu'ainsi que le fait observer la société EMAS, la substitution ne s'est pas opérée pour la seule levée d'option relative à la promesse unilatérale de vente du solde des actions, mais dès l'origine pour la vente des premières actions ; que si la substitution d'un tiers dans les droits et obligations des parties est susceptible de recevoir plusieurs qualifications juridiques, il ressort des dispositions contractuelles que les parties ont, en l'espèce, entendu qualifier cette opération de cession de contrat, dès lors que les parties ont à plusieurs reprises utilisé le terme de « cession » dans l'article 15.3 précité ; que c'est également le sens de la notification adressée le 2 novembre 2011 par les sociétés EMAS et EMAS Digital aux vendeurs, rappelant les termes de cet article 15.3 du contrat et indiquant que la société EMAS transfère tous ses droits et obligations au titre du « contrat d'achat d'actions » et des autres contrats juridiquement contraignants (dont la promesse unilatérale portant sur le solde des actions) ; que cette qualification de cession de contrat n'est d'ailleurs pas contestée par M. [A] et la société H8 Invest qui examinent les différentes qualifications possibles pour la substitution, et admettent que celle-ci soit qualifiée de « cession de contrat », affirmant toutefois que le cédant reste tenu de ses obligations à l'égard du créancier, et considérant que sa libération ne pourrait résulter que d'une clause expresse en ce sens, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 1216-1 du code civil ; qu'il apparaît toutefois que les dispositions de cet article 1216-1 selon lesquelles « si le cédé y a expressément consenti, la cession de contrat libère le cédant pour l'avenir. A défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l'exécution du contrat » ne sont applicables qu'à compter du 1er octobre 2016 ; qu'en l'espèce, le « contrat d'achat d'actions » a été conclu en septembre 2011, sous l'empire du droit antérieur au terme duquel, en l'absence de clause de solidarité, le cédant est libéré de toute obligation à l'égard du cédé ; qu'en l'espèce, aucune clause du contrat ne prévoit de solidarité entre le cédant EMAS et le cessionnaire EMAS Digital pour le paiement des actions, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande en paiement du prix formée à l'encontre de la société EMAS, la cession du « contrat d'achat d'action » au profit de la société EMAS Digital entraînant la libération de la société EMAS ; qu'il sera ajouté qu'en optant pour une vente de leurs actions au profit de la seule société EMAS Digital et en agissant en vente forcée à l'encontre de cette dernière, la société H8 Invest et M. [A] ont manifesté sans équivoque leur volonté de décharger la société EMAS de ses obligations ; que le jugement dont appel sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE le 21 juillet 2011, le conseil d'administration de la société Mondadori France a autorisé la création d'une filiale commune détenue à parts égales par les sociétés Axel Springer France et Mondadori France en vue de l'acquisition de 83 % du capital social de la société ART ; que le 27 juillet, les actionnaires d'EMAS ont approuvé le projet d'acquisition et la signature des contrats par EMAS, étant précisé que cette dernière se substituerait EMAL Digital avant la réalisation de l'acquisition ; que le 12 août 2011, l'associé unique de la société Axel Springer France a approuvé la signature des différents contrats par EMAS après avoir expressément pris acte que l'implication d'EMAS se limiterait à la signature des actes ; que les contrats relatifs à l'acquisition des 83 % du capital social de la société ART ont été signés par EMAS le 13 septembre 2011 et que EMAS Digital a été immatriculée au RCS le 21 septembre 2011 ; que M. [A] et H8 ont accepté la clause de substitution (article 15.3 du contrat d'acquisition et 13.3 de la promesse d'achat et de vente) car ils étaient informés de la création de la filiale et que cette clause de substitution était prévue dans l'ensemble des projets de contrats échangés ; qu'enfin le communiqué de presse commun publié le jour de la signature fait état de l'acquisition par EMAS Digital et que M. [A] a fait une déclaration indiquant : « Nous sommes très fiers de l'arrivée au capital d'EMAS Digital de et ses deux actionnaires Mondadori et Axel Springer » ; que l'argument des demandeurs selon lequel la substitution ne correspondrait qu'à une formalité juridique non susceptible d'avoir un impact sur le fond des engagements pris par EMAS à leur égard, ne saurait prospérer ; qu'ainsi dans la commune intention des parties, c'est bien la filiale créée, EMAS Digital, qui est partie aux différents contrats et que c'est ainsi que c'est elle et elle seule qui a constitué un séquestre au bénéfice de M. [A] et d'H8 ; que par ailleurs, il est constant qu'une promesse de vente cesse d'exister par l'effet de la levée d'option qui importe conclusion de la vente ; que lorsqu'un protocole ou une promesse de cession d'actions contient une clause de substitution, le débiteur initial n'est pas tenu au paiement du prix de vente si la vente est conclue avec le tiers substitué ; que dans l'espèce l'exercice de l'option et de la vente n'ont concerné qu'EMAS Digital ; qu'ainsi la créance dont se prévalent M. [A] et H8 ne résulte pas de la promesse de vente mais de l'exercice de l'option qui emporte conclusion de la vente ; qu'enfin l'article 1165 ancien du code civil dispose : « les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers, et ne lui profite que dans les cas prévus à l'article 1121 » ; qu'un jugement ne peut créer de droits ni d'obligations en faveur ou à l'encontre de ceux qui n'ont été ni parties ni représentés dans la cause ; que l'article 1216-1 nouveau du code civil n'est pas applicable au présent litige, puisqu'il ne peut trouver application qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 ; que les différentes instances tant chez Mondadori France que chez Axel Springer France, qui ont autorisé l'acquisition des 83 % du capital social de la société ART par EMAS « ès qualités » ne l'ont fait que dans la mesure où cette acquisition serait effectuée par une « société à créer » et autorise donc la création de ladite société (CA de Mondadori France 21 juillet 2001), « étant précisé qu'il est prévu que, avant la réalisation de l'acquisition, la société se substitue une société nouvelle à constituer par les associés de la société EMAS pour les besoins de l'acquisition (« Newco ») et l'acquisition soit donc réalisée par Newco » (AG Mondadori 27 juillet 2001) et qu'enfin « prend acte de ce que les documents relatifs à l'acquisition interviendront, pour les seuls besoins de leur signature, avec la société EMAS (?) et que pour les besoins de la réalisation de l'acquisition, EMAS se substituera la société EMAS Digital, nouvelle filiale commune (?) » (PV du 12 août 2011 Axel Springer France) ; que l'article 1202 ancien du code civil précise : « la solidarité ne se présume point ; il faut qu'elle soit expressément stipulée. Cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi » ; qu'il est constant que les clauses de substitution figurant dans le contrat d'acquisition et la promesse d'achat et de vente ne prévoient pas que EMAS reste solidairement tenue à l'exécution des obligations contractuelles ; qu'enfin EMAS n'avait pas le pouvoir de s'engager au-delà des autorisations qui lui avait été données par ses actionnaires ;

1°) ALORS QUE la seule acceptation par le créancier de la substitution d'un nouveau débiteur au premier, même si elle n'est assortie d'aucune réserve, n'implique pas, en l'absence de déclaration expresse, qu'il ait entendu décharger le débiteur originaire de sa dette ; qu'en déboutant M. [A] et la société H8 Invest de leurs demandes, au motif qu'aucune clause du contrat ne prévoyait de solidarité entre le cédant EMAS et le cessionnaire EMAS Digital pour le paiement des actions, de sorte que la cession au profit de la société EMAS Digital avait entraîné la libération de la société EMAS, quand seule une déclaration expresse de M. [A] et de la société H8 Invest en ce sens pouvait entraîner cette libération, la cour d'appel a violé les articles 1275 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, la cession du contrat, même préalablement acceptée, n'entraîne la libération du cédant que si le cédé a expressément consenti à cette libération ; qu'en jugeant qu'en application du droit antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce, la société EMAS, cédante, était libérée de toute obligation à l'égard de M. [A] et de la société H8 Invest, cédés, dès lors qu'aucune clause du contrat ne prévoyait de solidarité entre le cédant EMAS et le cessionnaire EMAS Digital pour le paiement des actions, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la force obligatoire du contrat ;

3°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions ; qu'en l'espèce, la société EMAS avait fait valoir que les circonstances selon lesquelles M. [A] et la société H8 Invest n'avaient jamais sollicité de la société EMAS l'exécution des obligations résultant de la promesse d'achat et de vente, et avaient agi uniquement à l'encontre de la société EMAS Digital, établissaient qu'ils avaient conscience qu'ils ne disposaient d'aucun droit à l'égard de la société EMAS (concl., p. 30, in fine, et p. 31, § 1) ; qu'en retenant que M. [A] et la société H8 Invest avaient manifesté sans équivoque leur volonté de libérer la société EMAS de ses obligations en optant pour une vente de leurs actions au profit de la seule société EMAS Digital et en agissant en vente forcée à l'encontre de cette dernière, tandis que ces actes invoqués par la société EMAS dans ses conclusions traduisaient uniquement, selon elle, la conscience de M. [A] et de la société H8 Invest qu'ils ne pouvaient exiger de la société EMAS l'exécution du contrat, et non leur volonté de décharger cette dernière de ses obligations, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en jugeant, pour débouter la société H8 Invest et M. [A] de leurs demandes, qu'ils avaient manifesté sans équivoque leur volonté de décharger la société EMAS de ses obligations en optant pour une vente de leurs actions au profit de la seule société EMAS Digital et en agissant en vente forcée à l'encontre de cette dernière, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un moyen qu'elle a relevé d'office, sans avoir invité les parties à s'en expliquer, a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE la seule acceptation par le créancier de la substitution d'un nouveau débiteur au premier, même si elle n'est assortie d'aucune réserve, n'implique pas, en l'absence de déclaration expresse, qu'il ait entendu décharger le débiteur originaire de sa dette ; qu'en déboutant M. [A] et la société H8 Invest de leurs demandes au motif qu'en optant pour une vente de leurs actions au profit de la seule société EMAS Digital et en agissant en vente forcée à l'encontre de cette dernière, ils avaient manifesté sans équivoque leur volonté de décharger la société EMAS de ses obligations, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, comme impropre à caractériser une déclaration expresse par laquelle M. [A] et la société H8 Invest entendaient décharger la société EMAS de ses obligations, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1275 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6°) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'en application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, la cession de contrat n'entraîne la libération du cédant de ses obligations que si le cédé a expressément consenti à cette libération ; qu'en déboutant M. [A] et la société H8 Invest de leur demande au motif qu'ils avaient, en optant pour une vente de leurs actions au profit de la seule société EMAS Digital et en agissant en vente forcée à l'encontre de cette dernière, manifesté sans équivoque leur volonté de décharger la société EMAS de ses obligations, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser un consentement exprès de M. [A] et de la société H8 Invest à la libération du cédant et a ainsi privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

7°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la renonciation suppose une volonté claire et non équivoque de renoncer ; qu'en se bornant à relever que M. [A] et la société H8 Invest avaient opté pour une vente de leurs actions au profit de la seule société EMAS Digital, cessionnaire, et avaient agi en vente forcée uniquement à l'encontre de cette dernière, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une volonté claire et non équivoque de M. [A] et de la société H8 Invest de renoncer à poursuivre l'exécution du contrat à l'encontre de la société EMAS, cédante, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

8°) ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs par lesquels le tribunal avait retenu, pour écarter toute obligation de la société EMAS au paiement des actions, que la créance dont se prévalaient M. [A] et H8 ne résultait « pas de la promesse de vente mais de l'exercice de l'option qui emporte conclusion de la vente », pour en déduire que « lorsqu'un protocole ou une promesse de cession d'actions contient une clause de substitution, le débiteur initial n'est pas tenu au paiement du prix de vente si la vente est conclue avec le tiers substitué », la cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait sans répondre aux conclusions de M. [A] et de la société H8 Invest qui avaient fait valoir que c'était la signature du contrat d'option par EMAS, et non la levée de l'option, qui avait donné naissance à l'obligation de paiement, dans la mesure où il était de l'essence même des promesses unilatérales de comporter l'engagement définitif de vendre (ou d'acheter) du promettant, et qui avaient également fait valoir que le fait que la substitution soit intervenue avant la levée de l'option ne pouvait avoir d'incidence sur l'existence de l'engagement pris par le promettant dans la mesure où, « s'il n'est pas contestable que la vente n'est pas conclue tant que la levée de l'option n'est pas intervenue, puisque par hypothèse le bénéficiaire n'y consent qu'à la levée de l'option, il est certain que le promettant, qui, lui, a déjà donné son consentement à la vente, y est définitivement obligé dès la conclusion de la promesse » ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché d'une violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE la promesse unilatérale d'achat est un contrat par lequel le promettant s'engage à acheter un bien appartenant au bénéficiaire si ce dernier consent à le lui vendre, en levant l'option qui lui est offerte dans un certain délai ; que la levée de l'option consiste, pour le bénéficiaire de la promesse unilatérale, à donner son consentement à la vente à laquelle le promettant a déjà définitivement consenti dans la promesse ; qu'il s'en déduit que l'obligation de payer le prix, résultant de l'engagement du promettant d'acheter, naît de la promesse et non de la levée d'option ; qu'en retenant, à supposer adoptés les motifs du jugement, que la créance dont se prévalaient M. [A] et H8 Invest ne résultait « pas de la promesse de vente mais de l'exercice de l'option qui emporte conclusion de la vente », pour en déduire que, « lorsqu'un protocole ou une promesse de cession d'actions contient une clause de substitution, le débiteur initial n'est pas tenu au paiement du prix de vente si la vente est conclue avec le tiers substitué », la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

10°) ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs par lesquels les premiers juges, après avoir relevé que « les différentes instances tant chez Mondadori France que chez Axel Springer France, qui ont autorisé l'acquisition des 83 % du capital social de la société ART par EMAS "ès qualités" ne l'ont fait que dans la mesure où cette acquisition serait effectuée par une "société à créer" », avaient retenu que la société EMAS n'avait « pas le pouvoir de s'engager au-delà des autorisations qui lui avait été données par ses actionnaires », la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans répondre aux conclusions de M. [A] et de la société H8 Invest qui, avaient fait valoir que « les délibérations d'actionnaires d'EMAS, légitimement ignorées de H8 Invest et de M. [A], ne sauraient être opposées à ces derniers », et que « à l'occasion de la signature de ses engagements, EMAS avait l'apparence de pouvoir s'engager dans les termes exposés et un quelconque éventuel dépassement de pouvoir ? par ailleurs non allégué par EMAS elle-même, ne saurait être opposé aux exposants » (concl., p. 23, § 3 et 4) ; qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11°) ALORS QUE dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social ; que les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers ; qu'en jugeant, à supposer adoptés les motifs du jugement, que la société EMAS n'avait pas le pouvoir de s'engager au-delà des autorisations qui lui avait été données par ses actionnaires, la cour d'appel a violé l'article L. 221-5 du code de commerce.ECLI:FR:CCASS:2021:CO00465
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