Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 mai 2021, 19-18.983, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mai 2021




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 464 F-D

Pourvoi n° B 19-18.983




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 MAI 2021

La société Itfaq, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 19-18.983 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant à M. [E] [U], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Itfaq, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 mars 2019) et les productions, M. [U] a, le 30 juin 2004, cédé à M. et Mme [T] les parts sociales qu'il détenait dans le capital de la SARL Itfaq.

2. Le 5 juin 2013, M. [U] a demandé à la société Itfaq de lui rembourser le solde créditeur de son compte courant d'associé. Celle-ci n'ayant pas fait droit à sa demande, il l'a assignée en paiement le 27 décembre 2016. La société Itfaq lui a opposé la prescription de l'action.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Itfaq fait grief à l'arrêt de dire M. [U] recevable et bien fondé en sa demande, par conséquent de la condamner à lui payer la somme de 34 695,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2013, alors « que la prescription court à compter de l'exigibilité de la créance ; que la date d'exigibilité du solde d'un compte courant d'associé peut être constituée soit par la date à laquelle le paiement a été sollicité par le créancier, soit par la date de la clôture du compte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté dans son énoncé des faits que la cession des parts sociales de M. [U] survenue en juin 2004 avait été validée par un arrêt définitif de la cour d'appel d'Amiens du 29 mars 2012 ; qu'en refusant de faire courir la prescription de la clôture du compte courant de M. [U] provoquée par la perte de sa qualité d'associé en 2004, de sorte que la prescription était acquise lorsque il avait agi en 2016, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2233 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir rappelé que le compte courant d'associé dont le solde est créditeur s'analyse en un prêt consenti par l'associé à la société et qu'en l'absence de terme spécifié, l'avance ainsi consentie constitue un prêt à durée indéterminée dont le remboursement peut être sollicité à tout moment, sauf stipulations contraires, l'arrêt énonce que les qualités d'associé et de prêteur de l'associé titulaire du compte sont indépendantes, de sorte qu'à défaut de clauses contractuelles contraires, la cession de ses titres par un associé n'emporte pas cession de son compte courant, faisant ressortir qu'elle n'emporte pas non plus sa clôture, l'associé cédant conservant sa qualité de créancier de la société. L'arrêt énonce ensuite que le délai de prescription de l'action en remboursement du solde créditeur du compte, passé de dix à cinq ans depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, ne court qu'à compter du jour où l'associé cédant en demande le remboursement, ce qui le rend exigible. De ces énonciations, la cour d'appel a déduit exactement que la cession de ses titres par M. [U] n'avait pas eu d'incidence sur la possibilité, pour celui-ci, de solliciter le remboursement de son compte courant, que le délai de prescription de l'action en paiement de son solde n'avait couru qu'à compter du 5 juin 2013, date de la demande de remboursement de M. [U], et que l'action, introduite par ce dernier le 27 décembre 2016, n'était ainsi pas prescrite.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Itfaq aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Itfaq ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Itfaq.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit M. [U] recevable et bien fondé en sa demande, par conséquent d'AVOIR condamné la société Itfaq à payer à M. [U] la somme de 34 695,02 ? avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2013 et d'AVOIR condamné la société Itfaq à payer à M. [U] une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « Le compte courant d'associé s'analyse en un prêt consenti par l'associé à la société. En l'absence de terme spécifié, l'avance ainsi consentie par l'associé constitue un prêt à durée indéterminée dont le remboursement peut être sollicité à tout moment sauf stipulations statutaires contraires. Les qualités d'associé et de prêteur de l'associé disposant d'un compte courant sont indépendantes. Dès lors, la cession de ses titres par un associé n'emporte pas cession de son compte courant à défaut de clauses contractuelles contraires et l'associé cédant conserve sa qualité de créancier de la société. En conséquence les procédures relatives à la cession de ses parts par Monsieur [E] [U] n'ont pu avoir aucune incidence sur la possibilité pour celui-ci de solliciter le remboursement de son compte courant. L'action en remboursement du solde du compte courant d'associé n'est pas en effet une action liée à la qualité d'associé mais une action tendant au recouvrement d'une créance à l'encontre de la société. Néanmoins, le délai de la prescription de l'action en remboursement du solde d'un compte courant d'associé est, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 passé de dix à cinq ans et il ne court qu'à compter du jour où l'associé créancier de la société demande le remboursement de son compte courant. La créance de remboursement du compte courant ne peut être affectée par la prescription tant que son titulaire ne l'a pas rendue exigible en en demandant le remboursement. La cession des parts et la perte de qualité d'associé est indépendante de la qualité de créancier de la société et elle n'a pas pu entraîner la clôture du compte courant. Par ailleurs le seul changement de dénomination comptable du compte ne pouvait modifier la nature de la créance. Le délai de prescription de l'action en remboursement de son compte courant n'a pu courir qu'à compter de la demande faite par Monsieur [E] [U] soit le 5 juin 2013 et ce nonobstant la proposition de remboursement de la société et la consignation de la créance effectuée par la société Itfaq dès l'année 2005. Il convient de confirmer par substitution de motifs le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'action en justice ayant été introduite par acte d'huissier du 27 décembre 2016. Les parties ne formant aucune contestation quant au montant de la condamnation au remboursement, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société Itfaq à payer à Monsieur [E] [U] la somme de 34695,02 ? avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2013. Au regard de l'ordonnance de référé en date du 21 décembre 2017, il convient d'autoriser en tant que de besoin Monsieur [E] [U] à solliciter auprès du séquestre la remise des fonds » ;

ALORS QUE la prescription court à compter de l'exigibilité de la créance ; que la date d'exigibilité du solde d'un compte courant d'associé peut être constituée soit par la date à laquelle le paiement a été sollicité par le créancier, soit par la date de la clôture du compte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté dans son énoncé des faits que la cession des parts sociales de M. [U] survenue en juin 2004 avait été validée par un arrêt définitif de la cour d'appel d'Amiens du 29 mars 2012 ; qui en refusant de faire courir la prescription de la clôture du compte courant de M. [U] provoquée par la perte de sa qualité d'associé en 2004, de sorte que la prescription était acquise lorsque il avait agi en 2016, la Cour d'appel a violé les article 2224 et 2233 du code civil et L.110-4 du code de commerce.ECLI:FR:CCASS:2021:CO00464
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