Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 mai 2021, 19-14.059, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 mai 2021, 19-14.059, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 19-14.059
- ECLI:FR:CCASS:2021:CO00419
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 12 mai 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, du 15 novembre 2018- Président
- Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 mai 2021
Déchéance et cassation partielle
Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 419 F-D
Pourvoi n° Z 19-14.059
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MAI 2021
La société Frégate, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-14.059 contre deux arrêts rendus les 15 novembre 2018 et 17 janvier 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Groupe Iti, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Frégate, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Groupe Iti, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance partielle du pourvoi
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
1. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il serait fait application du texte susvisé.
2. En vertu de ce texte, à peine de déchéance, le demandeur doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.
3. Aucun grief n'étant formulé contre l'arrêt rectificatif du 17 janvier 2019, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cet arrêt.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 novembre 2018, rectifié le 17 janvier 2019), la société Groupe Iti (la société Iti) a cédé à la société Frégate les actions de la société Etudes et fabrications industrielles tôlerie aéronautique mécanique (la société Efitam), à un certain prix, dont une partie payable au jour de l'acte et le solde en trois annuités à échéances des 30 juin 2009, 2010 et 2011, par billets à ordre.
5. L'acte de cession a été assorti d'une convention de garantie d'actif et de passif.
6. Les billets à ordre à échéance des 30 juin 2009 et 2010 n'ayant pas été honorés, la société Iti a assigné la société Frégate en paiement. Celle-ci a demandé, à titre reconventionnel, la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. La société Frégate fait grief à l'arrêt tel que rectifié de rejeter ses demandes au titre de la garantie de passif et de la condamner à payer à la société Iti certaines sommes au titre des billets à ordre échus les 30 juin 2009, 30 juin 2010 et 30 juin 2011, avec intérêts et capitalisation, alors « que le rapport d'expertise judiciaire soulignait que "les principes comptables décrits dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas justifiés par la société Iti et que les stocks et encours de l'exercice de référence (2006) présentent une insuffisance d'actif qui est d'ailleurs entérinée par les commissaires aux comptes à hauteur de 990 000 euros pour M. [V] et au moins à hauteur de 555 000 euros pour Mme [R]" ; que la cour d'appel a constaté que "M. [V], commissaire aux comptes "historique" de la société Efitam, a certifié sans réserve les comptes de l'exercice 2007 et ainsi validé les corrections apportées par la société Frégate à la valorisation des stocks existants au 31 décembre 2006 et leur retraitement en charges exceptionnelles" et que "Mme [R], commissaire aux comptes nouvellement mandatée par la société Frégate, a, dans son rapport général du 28 juin 2008, émis des réserves expresses sur les corrections faites au titre du calcul des affaires partiellement réalisées à hauteur de 345 326 euros et des frais à intégrer dans les encours de production et produits finis pour un total de 52 753 euros" ; qu'il se déduisait de ces constatations à tout le moins que les deux certificateurs des comptes reconnaissaient une inexactitude sur la valeur des stocks et encours de l'exercice 2006, pour une somme a minima de 555 000 euros ; qu'en retenant, pour débouter la société Frégate de sa demande indemnitaire en application de la garantie, que cette société ne démontrait pas l'insincérité des comptes et plus particulièrement de l'évaluation des stocks, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
8. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
9. Pour rejeter la demande de mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt retient qu'il ne peut être tiré des avis contradictoires des commissaires aux comptes de la société Efitam d'éléments probatoires pertinents quant à la sincérité ou à l'insincérité des comptes et de la valorisation des actifs de cette société.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le commissaire aux comptes « historique » de la société Efitam avait certifié sans réserve les comptes de l'exercice 2007 et ainsi validé les corrections apportées par la société Frégate à la valorisation des stocks existants au 31 décembre 2006 et leur retraitement en charges exceptionnelles, et que le commissaire aux comptes nouvellement mandaté avait émis des réserves expresses sur les corrections faites au titre du calcul des affaires partiellement réalisées, à hauteur de 345 326 euros, et des frais à intégrer dans les encours de production et produits finis pour un total de 52 753 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
11. La société Frégate fait le même grief à l'arrêt tel que rectifié, alors « que dans son rapport d'expertise, l'expert précisait que "je crois qu'il n'est pas besoin de reprendre en détail ma conclusion récurrente : les méthodes annoncées dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas soutenables et vérifiables et c'est pourquoi [U] a proposé un ajustement en 2007 pour corriger les comptes 2006 afin de retrouver des méthodes plus soutenables et dont le montant total s'est élevé à 990 K?, montant qui a été validé par le co-commissaire aux comptes M. [V] et partiellement par l'autre co-commissaire aux comptes, Mme [R]", que "le fait que les comptes 2007 aient été certifiés sans réserve (M. [V]) ou avec réserve (Mme [R]), ce qui remet en cause la certification des comptes 2006 qui ne sont donc pas sincères, remet en cause le socle sur lequel cette GAP a été établie", que "pour toutes ces raisons, y compris l'analyse de la marge brute et de son évolution ainsi que l'évolution des stocks sur les années 2004 à 2007 on est conduit à penser que les méthodes ayant servi à l'établissement et à l'évaluation des stocks 2006 ne correspondent pas aux assertions figurant dans l'annexe 5 de la GAP", que "ces deux certifications successives sans réserve signifient que M [V] s'est trompé pour la certification des comptes 2006 et qu'il aurait dû faire constater une correction dans les stocks pour le montant de 990 K? qu'il certifie comme étant une correction d'erreur constatée sur les comptes 2007. De facto, il admet que les comptes 2006 sont erronés. De facto, il admet par conséquent que les méthodes comptables retenues pour 2006 pour établir les comptes n'étaient pas bonnes et qu'il fallait donc les changer. C'est exactement ce qu'impliquent ces certifications de comptes par M. [V], et peu importent ses explications en parallèle soit auprès de sa consoeur, soit auprès de la société Iti, soit auprès de la nouvelle direction d'Efitam. En effet, c'est sa certification qui fait foi", et que "compte tenu des travaux d'expertise au cours desquels j'ai constaté ne pas avoir eu la documentation nécessaire au chiffrage précis du litige, mais en référence avec les certifications des commissaires aux comptes, je peux dire que le montant du dommage se situe entre 990 K? et au moins 555 K?, avant impôt sur les sociétés" ; que le rapport de l'expert contenait ainsi de nombreuses constatations quant à l'irrégularité et quant au manque de sincérité des comptes litigieux justifiant la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif ; qu'en retenant, pour écarter comme non probant le rapport d'expertise, que l'expert se bornait à faire des conjectures et des interrogations, la cour d'appel a méconnu le principe de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
12. Pour rejeter la demande de mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt retient encore que l'ensemble du travail d'analyse, par l'expert, des données de comptabilisation des stocks s'est heurté à l'absence d'éléments permettant de vérifier la mise en oeuvre des principes énoncés et l'a conduit à des conjectures, interrogations et déductions plutôt qu'à des conclusions étayées, et que le caractère tronqué de l'analyse, faite sur des éléments comptables parcellaires, a privé son avis de toute efficacité.
13. En statuant ainsi, alors que l'expert judiciaire avait indiqué dans son rapport : « je crois qu'il n'est pas besoin de reprendre en détail ma conclusion récurrente : les méthodes annoncées dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas soutenables et vérifiables et c'est pourquoi [U] a proposé un ajustement en 2007 pour corriger les comptes 2006 afin de retrouver des méthodes plus soutenables et dont le montant total s'est élevé à 990 K?, montant qui a été validé par le co-commissaire aux comptes M. [V] et partiellement par l'autre co-commissaire aux comptes, Mme [R] », que « le fait que les comptes 2007 aient été certifiés sans réserve (M. [V]) ou avec réserve (Mme [R]), ce qui remet en cause la certification des comptes 2006 qui ne sont donc pas sincères, remet en cause le socle sur lequel cette GAP a été établie », que « pour toutes ces raisons, y compris l'analyse de la marge brute et de son évolution ainsi que l'évolution des stocks sur les années 2004 à 2007 (voir infra § 5.2.2) on est conduit à penser que les méthodes ayant servi à l'établissement et à l'évaluation des stocks 2006 ne correspondent pas aux assertions figurant dans l'annexe 5 de la GAP », que « ces deux certifications successives sans réserve signifient que M. [V] s'est trompé pour la certification des comptes 2006 et qu'il aurait dû faire constater une correction dans les stocks pour le montant de 990 K? qu'il certifie comme étant une correction d'erreur constatée sur les comptes 2007. De facto, il admet que les comptes 2006 sont erronés. De facto, il admet par conséquent que les méthodes comptables retenues pour 2006 pour établir les comptes n'étaient pas bonnes et qu'il fallait donc les changer. C'est exactement ce qu'impliquent ces certifications de comptes par M. [V], et peu importent ses explications en parallèle soit auprès de sa consoeur, soit auprès de la société ITI, soit auprès de la nouvelle direction d'Efitam. En effet, c'est sa certification qui fait foi » et que « compte tenu des travaux d'expertise au cours desquels j'ai constaté ne pas avoir eu la documentation nécessaire au chiffrage précis du litige, mais en référence avec les certifications des commissaires aux comptes, je peux dire que le montant du dommage se situe entre 990 K? et au moins 555 K?, avant impôt sur les sociétés », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit, a violé le principe susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
14. La société Frégate fait encore le même grief à l'arrêt tel que rectifié, alors « que la garantie donnée au cessionnaire par le cédant doit s'appliquer dès lors qu'une différence est constatée entre la situation sociale décrite par le cédant et la situation réelle de la société dont les titres ont été cédés, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le cessionnaire en avait ou non connaissance ; qu'aux termes de la garantie d'actif et de passif, la société Iti s'était engagée à : "indemniser l'acquéreur de l'intégralité de tous dommages, pertes, dettes ou frais de toute nature (.) qui découleraient des éléments suivants :- toute inexactitude, erreurs ou omissions contenues dans les déclarations et garanties, - toute diminution de la valeur d'un actif ou toute augmentation de passif ayant son fait générateur avant la date des présentes, et apparaissant après cette date, non comptabilisés ou insuffisamment comptabilisés dans la situation comptable et qui n'aurait pas fait l'objet de provisions ou de provisions suffisantes dans la situation comptable pour la fraction du préjudice excédant la provision" ; qu'il en résultait que cette clause garantissait toute inexactitude, erreur ou omission contenue dans la clause "déclarations et garanties", quelle qu'elle soit, peu important la suspicion que pouvait avoir le cessionnaire sur l'exactitude et la sincérité des déclarations lors de la cession ; qu'en retenant, pour priver de tout effet la garantie d'actif et de passif, que la société cessionnaire avait fait procéder à un examen des comptes de la société cédante par le cabinet Ace et fait pratiquer un audit qui l'avait alertée sur les difficultés et imprécisions relatives à l'évaluation des stocks et des encours, en sorte que les irrégularités étaient connues du cessionnaire lors de la cession, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
15. Pour rejeter la demande de mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt retient enfin que la société Frégate a fait procéder, avant la cession, à un examen des comptes de la société Efitam au 31 décembre 2006 et à un audit qui l'a alertée sur les difficultés et les imprécisions relatives à l'évaluation des stocks de la société Efitam.
16. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'examen des comptes de la société cédée et l'audit que la société cessionnaire avait fait pratiquer avaient été suffisants pour porter à la connaissance de celle-ci, au moment de la cession, la nature exacte et l'ampleur des irrégularités constatées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rectificatif du 17 janvier 2019 ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe à 147 422,49 euros le montant des frais de fermeture du site [Localité 1] à déduire du prix de cession, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 tel que rectifié, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Groupe Iti aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupe Iti et la condamne à payer à la société Frégate la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Champalaune, conseiller qui en a délibéré, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Frégate
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, tel que rectifié par l'arrêt du 17 janvier 2019, d'AVOIR débouté la société Frégate de ses demandes au titre de la garantie de passif et d'AVOIR en conséquence condamné la société Frégate à payer à la société Groupe Iti les sommes de 189.910, 84 euros sur le billet à ordre échu le 30 juin 2009 outre intérêts au taux légal à compter de cette échéance, 337.333,33 euros au titre du billet à ordre échu le 30 juin 2010, outre intérêts au taux légal à compter de cette échéance, 169.098,19 euros au titre du billet à ordre échu le 30 juin 2011, outre intérêts au taux légal à compter de cette échéance, avec capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;
AUX MOTIFS QU'il résulte du paragraphe II de la garantie de passif et actif signée entre les parties le 14 juin 2007, que la société Iti s'est engagée à : « indemniser l'Acquéreur de l'intégralité de tous dommages, pertes, dettes ou frais de toute nature (.) qui découlerait des éléments suivants : toute inexactitude, erreurs ou omissions contenues dans les Déclarations et Garanties, toute diminution de la valeur d'un actif ou toute augmentation de passif ayant son fait générateur avant la date des présentes, et apparaissant après cette date, non comptabilisés ou insuffisamment comptabilisés dans la Situation Comptable et qui n'aurait pas fait l'objet de provisions ou de provisions suffisantes dans la Situation Comptable pour la fraction du préjudice excédant la provision » ; que cet engagement est soumis à un seuil et à un plafond énoncés au paragraphe V-3 de l'acte dans les termes suivants : « le cas échéant, lors de la mise en jeu de la présente garantie, le cédant bénéficie d'une franchise et non d'un seuil de dix mille (10 000) euros »; « le montant total dû par le cédant, pour l'ensemble des réclamations de l'acquéreur au titre de la présente garantie ne pourra excéder une somme globale égale à 1 million d'euros. Cette garantie sera réduite par tranche de 300.000 ? à l'expiration de chaque année garantie, étant précisé que toute réclamation bénéficiera de la garantie en vigueur à la date de sa notification, la date d'exigibilité des paiements dus par l'acquéreur n'ayant en l'espèce aucune incidence » ; que concernant sa situation comptable, la société Iti a déclaré que les comptes d'Efitam arrêtés au 31 décembre 2006 et certifiés par son commissaire aux comptes, avait été établis dans la forme exigée par la réglementation applicable, conformément aux principes comptables définis par le Nouveau Plan Comptable Français, et que ces principes comptables avaient été appliqués de manière constante, notamment concernant la méthode de valorisation des stocks détaillée dans l'annexe 5 ; que cette annexe intitulée « méthodes de valorisation des stocks EFITAM » expose les modes de calcul de la valeur des encours et des stocks, distingués en 4 catégories (consommables, matières, composants, articles finis) et les données chiffrées utilisées (tableau A) ; que dans son courrier recommandé du 18 février 2008, la société Frégate se prévaut d'une dépréciation du stock de 990.606 euros, listant à l'appui de sa réclamation : - un écart entre les valeurs comptables et les données présentées conduisant à une surévaluation de l'encours de production au 31 décembre 2006 de 58 414 ? ; - l'application de taux horaires de production et de coefficient de frais généraux erronés, occasionnant une surévaluation de 133.051 sur le stock d'encours et de 82 709 ? sur le stock d'articles finis ; - un écart entre les encours de production au 31 décembre 2006 et au 31 décembre 2007 de 345.326 ? malgré la limitation de leur montant au total restant à facturer ; - l'absence de comptage de certains composants ayant généré une perte de 52.500 ? et des erreurs matérielles affectant le dernier prix d'achat connu pour 68.806 ? ; - des erreurs dans la prise en compte des prix de vente des articles finis aboutissant à une surévaluation de 5.601 ? ; - l'impossibilité de vérifier les prix de revient réels du stock des articles produits sans prix de vente la conduisant à retenir une surévaluation de 86.359 ? ; - l'existence de stocks d'éléments informatiques ne relevant d'aucune définition figurant à l'annexe 5 de la garantie de passif pour un montant de 157.840? ; que l'expert [B] a confirmé que le litige sur l'existence d'un éventuelle insuffisance d'actif reposait exclusivement sur la détermination des stocks et encours de l'exercice 2006 et sur le respect ou non des principes comptables énoncés dans l'annexe 5 de la garantie d'actif et de passif ; qu'il sera rappelé que demanderesse à la mise en oeuvre de cette garantie, la société Frégate supporte la charge de la preuve ; que si M. [V], commissaire aux comptes "historique" de la société Efitam, a certifié sans réserve les comptes de l'exercice 2007 et ainsi validé les corrections apportées par la société Frégate à la valorisation des stocks existants au 31 décembre 2006 et leur retraitement en charges exceptionnelles, il doit être relevé que ce même professionnel du chiffre avait pourtant certifié la sincérité des comptes arrêtés au 31 décembre 2006 et que Mme [R], commissaire aux comptes nouvellement mandatée par la société Frégate, a, dans son rapport général du 28 juin 2008, émis des réserves expresses sur les corrections faites au titre du calcul des affaires partiellement réalisées à hauteur de 345.326 et des frais à intégrer dans les encours de production et produits finis pour un total de 52.753 ?, estimant pour les premières que les éléments fournis ne lui permettaient pas de se prononcer sur le bien-fondé du retraitement en charges exceptionnelles et pour les seconds que le calcul du taux était entaché d'une erreur ; qu'il ne peut être tiré de ces avis contradictoires des commissaires aux comptes d'éléments probatoires pertinents quant à la sincérité ou l'insincérité des comptes de la société Efitam et de la valorisation de ses actifs ; que pour sa part, l'expert [B] s'est plaint, tout au long de son rapport, de ne pas avoir obtenu communication par les parties de toutes les pièces comptables nécessaires, ni avoir obtenu les explications suffisantes de leur part, pour mener à bien sa mission ; que l'ensemble du travail d'analyse par l'expert des données de comptabilisation des stocks s'est heurté à l'absence d'éléments permettant de vérifier la mise en oeuvre des principes énoncés et l'a conduit à des conjectures, interrogations et déductions plutôt qu'à des conclusions étayées ; qu'ainsi, le caractère tronqué de cette analyse faite sur des éléments comptables parcellaires prive l'avis expertal de toute efficacité ; que M. [B] a lui-même reconnu les limites de son travail puisqu'il n'a notamment pas pu déterminer l'écart exact de valorisation des stocks et encours en résultant, se limitant à la reprise des montants certifiés par chacun des commissaires aux comptes pour en déduire l'existence d'une insuffisance d'actif comprise dans une fourchette de 370 000 à 660 000?, nette d'impôts ; que les critiques formulées par la société Frégate démontrent qu'elle conteste les données chiffrées retenues par la société Iti pour procéder à la valorisation des stocks et détaillées dans le tableau A de l'annexe 5, plus particulièrement celles relatives au calcul des coûts de production tels que le taux horaire moyen de production et le coefficient de 20% retenus au titre de la part des frais généraux, revendiquant l'application de taux et coefficient différents et modifiant ainsi les bases chiffrées des calculs ; qu'or, par courriel du 25 mai 2007, M [U], président de la société Efitam a adressé à M. [M], dirigeant de la société Frégate, les explications sur les éléments chiffrés du calcul des prix de revient horaires par centre de charges et l'influence des frais généraux sur les achats ; que les données chiffrées prises en compte pour valoriser le stock étaient donc parfaitement connues du cessionnaire ; que par ailleurs, les pièces produites permettent à la cour de constater que la société Frégate a fait procéder, avant la cession, à un examen des comptes au 31 décembre 2006 par le cabinet ACE et à un audit par M. [R] [M] ; que ce dernier dans son rapport du 4 mai 2007 précise que sa mission portait notamment sur « l'audit du stock de fin d'année » et « la maîtrise des prix de revient » ; qu'il a fait état d'un inventaire physique du stock réalisé en novembre 2006 et relevé que le changement du système informatique de la société Efitam en avait perturbé l'établissement ; que pour autant, il ressort de l'audit que la méthode de valorisation du stock était dans la continuité des années précédentes, confirmant en cela les déclarations de M. [V] dans son courrier du 3 octobre 2011, sur la permanence des méthodes comptables appliquées ; qu'il ressort également de son rapport que M [M] a eu communication des méthodes de valorisation des différentes rubriques de stock comme des données de calcul et les a analysées ; qu'il a procédé à l'examen des encours et de leur valorisation, ce qui l'a conduit à noter la grande imprécision de la méthode utilisée par l'entreprise pour les affaires partiellement engagées, à émettre des doutes sur la valorisation d'une partie de ces encours et surtout à faire état d'une vraisemblable sur-évaluation du stock d'en cours et d'articles fabriqués ; que la lecture de ce rapport a donc nécessairement alerté la société Frégate sur les difficultés et imprécisions relatives à l'évaluation des stocks de la société Efitam et lui a fourni tous les éléments utiles pour en critiquer la pertinence ; qu'en outre, même si l'examen des comptes par le cabinet Ace a été limité et n'a pas constitué un audit complet, n'emportant aucun inventaire physique du stock et des encours, ni examen de la pertinence de leur valorisation, il n'a conduit à la découverte d'aucune anomalie ou irrégularité ; qu'ainsi, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas démontré que la société Iti n'a pas respecté la méthode de valorisation des stocks énoncée par l'annexe 5 et que la société Frégate ne rapporte pas la preuve de l'insincérité des comptes et plus particulièrement de l'évaluation des stocks réalisée par la société Iti au 31 décembre 2006, ni de la découverte postérieure à la cession d'une diminution de la valeur de ce stock, constituant pour elle un passif occulte justifiant la mise en oeuvre de la garantie promise par la société Iti ; qu'en conséquence, la société Frégate sera déboutée de ses demandes au titre de la garantie de passif ;
1/ ALORS QUE le rapport d'expertise judiciaire soulignait que « les principes comptables décrits dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas justifiés par la société ITI et que les stocks et encours de l'exercice de référence (2006) présentent une insuffisance d'actif qui est d'ailleurs entérinée par les commissaires aux comptes à hauteur de 990.000 euros pour Monsieur [V] et au moins à hauteur de 555.000 euros pour Madame [R] » ; que la cour d'appel a constaté que « M. [V], commissaire aux comptes "historique" de la société Efitam, a certifié sans réserve les comptes de l'exercice 2007 et ainsi validé les corrections apportées par la société Frégate à la valorisation des stocks existants au 31 décembre 2006 et leur retraitement en charges exceptionnelles » et que « Mme [R], commissaire aux comptes nouvellement mandatée par la société Frégate, a, dans son rapport général du 28 juin 2008, émis des réserves expresses sur les corrections faites au titre du calcul des affaires partiellement réalisées à hauteur de 345.326 euros et des frais à intégrer dans les encours de production et produits finis pour un total de 52.753 ? » ; qu'il se déduisait de ces constatations à tout le moins que les deux certificateurs des comptes reconnaissaient une inexactitude sur la valeur des stocks et encours de l'exercice 2006, pour une somme a minima de 555.000 ? ; qu'en retenant, pour débouter la société Frégate de sa demande indemnitaire en application de la garantie, que cette société ne démontrait pas l'insincérité des comptes et plus particulièrement de l'évaluation des stocks, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
2/ ALORS QUE dans son rapport d'expertise, l'expert précisait que « je crois qu'il n'est pas besoin de reprendre en détail ma conclusion récurrente : les méthodes annoncées dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas soutenables et vérifiables et c'est pourquoi [U] a proposé un ajustement en 2007 pour corriger les comptes 2006 afin de retrouver des méthodes plus soutenables et dont le montant total s'est élevé à 990K?, montant qui a été validé par le co-commissaire aux comptes M [V] et partiellement par l'autre co-commissaire aux comptes, Mme [R] » (rapport d'expertise, p.32), que « le fait que les comptes 2007 aient été certifiés sans réserve (Monsieur [V]) ou avec réserve (Madame [R]) ce qui remet en cause la certification des comptes 2006 qui ne sont donc pas sincères, remet en cause le socle sur lequel cette GAP a été établie » (rapport, p. 56), que « pour toutes ces raisons, y compris l'analyse de la marge brute et de son évolution ainsi que l'évolution des stocks sur les années 2004 à 2007 (voir infra § 5.2.2) on est conduit à penser que les méthodes ayant servi à l'établissement et à l'évaluation des stocks 2006 ne correspondent pas aux assertions figurant dans l'annexe 5 de la GAP » (rapport, p. 68), que « ces deux certifications successives sans réserve signifient que M [V] s'est trompé pour la certification des comptes 2006 et qu'il aurait dû faire constater une correction dans les stocks pour le montant de 990K? qu'il certifie comme étant une correction d'erreur constatée sur les comptes 2007. De facto, il admet que les comptes 2006 sont erronés. De facto, il admet par conséquent que les méthodes comptables retenues pour 2006 pour établir les comptes n'étaient pas bonnes et qu'il fallait donc les changer. C'est exactement ce qu'impliquent ces certifications de comptes par M [V], et peu importent ses explications en parallèle soit auprès de sa consoeur, soit auprès de la société ITI, soit auprès de la nouvelle direction d'Efitam. En effet, c'est sa certification qui fait foi » (rapport, p. 70), et que « compte tenu des travaux d'expertise au cours desquels j'ai constaté ne pas avoir eu la documentation nécessaire au chiffrage précis du litige, mais en référence avec les certifications des commissaires aux comptes, je peux dire que le montant du dommage se situe entre 990K? et au moins 555K?, avant impôt sur les sociétés" (rapport, p. 72); que le rapport de l'expert contenait ainsi de nombreuses constatations quant à l'irrégularité et quant au manque de sincérité des comptes litigieux justifiant la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif ; qu'en retenant, pour écarter comme non probant le rapport d'expertise, que l'expert se bornait à faire des conjectures et des interrogations, la cour d'appel a méconnu le principe de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;
3/ ALORS QUE la garantie donnée au cessionnaire par le cédant doit s'appliquer dès lors qu'une différence est constatée entre la situation sociale décrite par le cédant et la situation réelle de la société dont les titres ont été cédés, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le cessionnaire en avait ou non connaissance ; qu'aux termes de la garantie d'actif et de passif, la société Iti s'était engagée à : « indemniser l'Acquéreur de l'intégralité de tous dommages, pertes, dettes ou frais de toute nature (.) qui découleraient des éléments suivants :- toute inexactitude, erreurs ou omissions contenues dans les Déclarations et Garanties, - toute diminution de la valeur d'un actif ou toute augmentation de passif ayant son fait générateur avant la date des présentes, et apparaissant après cette date, non comptabilisés ou insuffisamment comptabilisés dans la Situation Comptable et qui n'aurait pas fait l'objet de provisions ou de provisions suffisantes dans la Situation Comptable pour la fraction du préjudice excédant la provision » ; qu'il en résultait que cette clause garantissait toute inexactitude, erreur ou omission contenue dans la clause « Déclarations et garanties », quelle qu'elle soit, peu important la suspicion que pouvait avoir le cessionnaire sur l'exactitude et la sincérité des déclarations lors de la cession ; qu'en retenant, pour priver de tout effet la garantie d'actif et de passif, que la société cessionnaire avait fait procéder à un examen des comptes de la société cédante par le Cabinet Ace et fait pratiquer un audit qui l'avait alertée sur les difficultés et imprécisions relatives à l'évaluation des stocks et des encours, en sorte que les irrégularités étaient connues du cessionnaire lors de la cession, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
4/ ALORS subsidiairement QU'en toute hypothèse, la cour d'appel a constaté qu'aux termes de la garantie d'actif et de passif, la société Iti s'était engagée à : « indemniser l'Acquéreur de l'intégralité de tous dommages, pertes, dettes ou frais de toute nature (.) qui découleraient des éléments suivants : toute inexactitude, erreurs ou omissions contenues dans les Déclarations et Garanties, toute diminution de la valeur d'un actif ou toute augmentation de passif ayant son fait générateur avant la date des présentes, et apparaissant après cette date, non comptabilisés ou insuffisamment comptabilisés dans la Situation Comptable et qui n'aurait pas fait l'objet de provisions ou de provisions suffisantes dans la Situation Comptable pour la fraction du préjudice excédant la provision » ; qu'en retenant, pour priver de tout effet la garantie d'actif et de passif, que la société cessionnaire avait fait procéder à un examen des comptes de la société cédante par le Cabinet Ace et fait pratiquer un audit qui l'avait alertée sur les difficultés et imprécisions relatives à l'évaluation des stocks et des encours, de tels motifs étant impropres à caractériser l'existence d'une diminution de la valeur d'un actif ayant son origine avant la cession et connue du cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
5/ ALORS QUE la cour d'appel a constaté que la société cessionnaire avait fait procéder à un examen des comptes de la société cédante par le Cabinet Ace, que cet examen avait été limité et n'avait pas constitué un audit complet, n'emportant aucun inventaire physique du stock et des encours, ni examen de la pertinence de leur valorisation et que cet examen n'avait pas conclu à l'existence d'anomalies ou irrégularités ; qu'il se déduisait de ces constatations que l'examen réalisé par Ace n'avait pu porter à la connaissance de la société Frégate, antérieurement à la cession, l'existence d'une anomalie sur la valorisation des stocks ; qu'en retenant cependant, pour priver de tout effet la garantie d'actif et de passif, que la société cessionnaire n'établissait pas n'avoir eu connaissance de la véritable valeur des stocks que postérieurement à la cession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code.ECLI:FR:CCASS:2021:CO00419
COMM.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 mai 2021
Déchéance et cassation partielle
Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 419 F-D
Pourvoi n° Z 19-14.059
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MAI 2021
La société Frégate, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-14.059 contre deux arrêts rendus les 15 novembre 2018 et 17 janvier 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Groupe Iti, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Frégate, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Groupe Iti, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance partielle du pourvoi
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
1. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il serait fait application du texte susvisé.
2. En vertu de ce texte, à peine de déchéance, le demandeur doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.
3. Aucun grief n'étant formulé contre l'arrêt rectificatif du 17 janvier 2019, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cet arrêt.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 novembre 2018, rectifié le 17 janvier 2019), la société Groupe Iti (la société Iti) a cédé à la société Frégate les actions de la société Etudes et fabrications industrielles tôlerie aéronautique mécanique (la société Efitam), à un certain prix, dont une partie payable au jour de l'acte et le solde en trois annuités à échéances des 30 juin 2009, 2010 et 2011, par billets à ordre.
5. L'acte de cession a été assorti d'une convention de garantie d'actif et de passif.
6. Les billets à ordre à échéance des 30 juin 2009 et 2010 n'ayant pas été honorés, la société Iti a assigné la société Frégate en paiement. Celle-ci a demandé, à titre reconventionnel, la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. La société Frégate fait grief à l'arrêt tel que rectifié de rejeter ses demandes au titre de la garantie de passif et de la condamner à payer à la société Iti certaines sommes au titre des billets à ordre échus les 30 juin 2009, 30 juin 2010 et 30 juin 2011, avec intérêts et capitalisation, alors « que le rapport d'expertise judiciaire soulignait que "les principes comptables décrits dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas justifiés par la société Iti et que les stocks et encours de l'exercice de référence (2006) présentent une insuffisance d'actif qui est d'ailleurs entérinée par les commissaires aux comptes à hauteur de 990 000 euros pour M. [V] et au moins à hauteur de 555 000 euros pour Mme [R]" ; que la cour d'appel a constaté que "M. [V], commissaire aux comptes "historique" de la société Efitam, a certifié sans réserve les comptes de l'exercice 2007 et ainsi validé les corrections apportées par la société Frégate à la valorisation des stocks existants au 31 décembre 2006 et leur retraitement en charges exceptionnelles" et que "Mme [R], commissaire aux comptes nouvellement mandatée par la société Frégate, a, dans son rapport général du 28 juin 2008, émis des réserves expresses sur les corrections faites au titre du calcul des affaires partiellement réalisées à hauteur de 345 326 euros et des frais à intégrer dans les encours de production et produits finis pour un total de 52 753 euros" ; qu'il se déduisait de ces constatations à tout le moins que les deux certificateurs des comptes reconnaissaient une inexactitude sur la valeur des stocks et encours de l'exercice 2006, pour une somme a minima de 555 000 euros ; qu'en retenant, pour débouter la société Frégate de sa demande indemnitaire en application de la garantie, que cette société ne démontrait pas l'insincérité des comptes et plus particulièrement de l'évaluation des stocks, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
8. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
9. Pour rejeter la demande de mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt retient qu'il ne peut être tiré des avis contradictoires des commissaires aux comptes de la société Efitam d'éléments probatoires pertinents quant à la sincérité ou à l'insincérité des comptes et de la valorisation des actifs de cette société.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le commissaire aux comptes « historique » de la société Efitam avait certifié sans réserve les comptes de l'exercice 2007 et ainsi validé les corrections apportées par la société Frégate à la valorisation des stocks existants au 31 décembre 2006 et leur retraitement en charges exceptionnelles, et que le commissaire aux comptes nouvellement mandaté avait émis des réserves expresses sur les corrections faites au titre du calcul des affaires partiellement réalisées, à hauteur de 345 326 euros, et des frais à intégrer dans les encours de production et produits finis pour un total de 52 753 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
11. La société Frégate fait le même grief à l'arrêt tel que rectifié, alors « que dans son rapport d'expertise, l'expert précisait que "je crois qu'il n'est pas besoin de reprendre en détail ma conclusion récurrente : les méthodes annoncées dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas soutenables et vérifiables et c'est pourquoi [U] a proposé un ajustement en 2007 pour corriger les comptes 2006 afin de retrouver des méthodes plus soutenables et dont le montant total s'est élevé à 990 K?, montant qui a été validé par le co-commissaire aux comptes M. [V] et partiellement par l'autre co-commissaire aux comptes, Mme [R]", que "le fait que les comptes 2007 aient été certifiés sans réserve (M. [V]) ou avec réserve (Mme [R]), ce qui remet en cause la certification des comptes 2006 qui ne sont donc pas sincères, remet en cause le socle sur lequel cette GAP a été établie", que "pour toutes ces raisons, y compris l'analyse de la marge brute et de son évolution ainsi que l'évolution des stocks sur les années 2004 à 2007 on est conduit à penser que les méthodes ayant servi à l'établissement et à l'évaluation des stocks 2006 ne correspondent pas aux assertions figurant dans l'annexe 5 de la GAP", que "ces deux certifications successives sans réserve signifient que M [V] s'est trompé pour la certification des comptes 2006 et qu'il aurait dû faire constater une correction dans les stocks pour le montant de 990 K? qu'il certifie comme étant une correction d'erreur constatée sur les comptes 2007. De facto, il admet que les comptes 2006 sont erronés. De facto, il admet par conséquent que les méthodes comptables retenues pour 2006 pour établir les comptes n'étaient pas bonnes et qu'il fallait donc les changer. C'est exactement ce qu'impliquent ces certifications de comptes par M. [V], et peu importent ses explications en parallèle soit auprès de sa consoeur, soit auprès de la société Iti, soit auprès de la nouvelle direction d'Efitam. En effet, c'est sa certification qui fait foi", et que "compte tenu des travaux d'expertise au cours desquels j'ai constaté ne pas avoir eu la documentation nécessaire au chiffrage précis du litige, mais en référence avec les certifications des commissaires aux comptes, je peux dire que le montant du dommage se situe entre 990 K? et au moins 555 K?, avant impôt sur les sociétés" ; que le rapport de l'expert contenait ainsi de nombreuses constatations quant à l'irrégularité et quant au manque de sincérité des comptes litigieux justifiant la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif ; qu'en retenant, pour écarter comme non probant le rapport d'expertise, que l'expert se bornait à faire des conjectures et des interrogations, la cour d'appel a méconnu le principe de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
12. Pour rejeter la demande de mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt retient encore que l'ensemble du travail d'analyse, par l'expert, des données de comptabilisation des stocks s'est heurté à l'absence d'éléments permettant de vérifier la mise en oeuvre des principes énoncés et l'a conduit à des conjectures, interrogations et déductions plutôt qu'à des conclusions étayées, et que le caractère tronqué de l'analyse, faite sur des éléments comptables parcellaires, a privé son avis de toute efficacité.
13. En statuant ainsi, alors que l'expert judiciaire avait indiqué dans son rapport : « je crois qu'il n'est pas besoin de reprendre en détail ma conclusion récurrente : les méthodes annoncées dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas soutenables et vérifiables et c'est pourquoi [U] a proposé un ajustement en 2007 pour corriger les comptes 2006 afin de retrouver des méthodes plus soutenables et dont le montant total s'est élevé à 990 K?, montant qui a été validé par le co-commissaire aux comptes M. [V] et partiellement par l'autre co-commissaire aux comptes, Mme [R] », que « le fait que les comptes 2007 aient été certifiés sans réserve (M. [V]) ou avec réserve (Mme [R]), ce qui remet en cause la certification des comptes 2006 qui ne sont donc pas sincères, remet en cause le socle sur lequel cette GAP a été établie », que « pour toutes ces raisons, y compris l'analyse de la marge brute et de son évolution ainsi que l'évolution des stocks sur les années 2004 à 2007 (voir infra § 5.2.2) on est conduit à penser que les méthodes ayant servi à l'établissement et à l'évaluation des stocks 2006 ne correspondent pas aux assertions figurant dans l'annexe 5 de la GAP », que « ces deux certifications successives sans réserve signifient que M. [V] s'est trompé pour la certification des comptes 2006 et qu'il aurait dû faire constater une correction dans les stocks pour le montant de 990 K? qu'il certifie comme étant une correction d'erreur constatée sur les comptes 2007. De facto, il admet que les comptes 2006 sont erronés. De facto, il admet par conséquent que les méthodes comptables retenues pour 2006 pour établir les comptes n'étaient pas bonnes et qu'il fallait donc les changer. C'est exactement ce qu'impliquent ces certifications de comptes par M. [V], et peu importent ses explications en parallèle soit auprès de sa consoeur, soit auprès de la société ITI, soit auprès de la nouvelle direction d'Efitam. En effet, c'est sa certification qui fait foi » et que « compte tenu des travaux d'expertise au cours desquels j'ai constaté ne pas avoir eu la documentation nécessaire au chiffrage précis du litige, mais en référence avec les certifications des commissaires aux comptes, je peux dire que le montant du dommage se situe entre 990 K? et au moins 555 K?, avant impôt sur les sociétés », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit, a violé le principe susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
14. La société Frégate fait encore le même grief à l'arrêt tel que rectifié, alors « que la garantie donnée au cessionnaire par le cédant doit s'appliquer dès lors qu'une différence est constatée entre la situation sociale décrite par le cédant et la situation réelle de la société dont les titres ont été cédés, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le cessionnaire en avait ou non connaissance ; qu'aux termes de la garantie d'actif et de passif, la société Iti s'était engagée à : "indemniser l'acquéreur de l'intégralité de tous dommages, pertes, dettes ou frais de toute nature (.) qui découleraient des éléments suivants :- toute inexactitude, erreurs ou omissions contenues dans les déclarations et garanties, - toute diminution de la valeur d'un actif ou toute augmentation de passif ayant son fait générateur avant la date des présentes, et apparaissant après cette date, non comptabilisés ou insuffisamment comptabilisés dans la situation comptable et qui n'aurait pas fait l'objet de provisions ou de provisions suffisantes dans la situation comptable pour la fraction du préjudice excédant la provision" ; qu'il en résultait que cette clause garantissait toute inexactitude, erreur ou omission contenue dans la clause "déclarations et garanties", quelle qu'elle soit, peu important la suspicion que pouvait avoir le cessionnaire sur l'exactitude et la sincérité des déclarations lors de la cession ; qu'en retenant, pour priver de tout effet la garantie d'actif et de passif, que la société cessionnaire avait fait procéder à un examen des comptes de la société cédante par le cabinet Ace et fait pratiquer un audit qui l'avait alertée sur les difficultés et imprécisions relatives à l'évaluation des stocks et des encours, en sorte que les irrégularités étaient connues du cessionnaire lors de la cession, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
15. Pour rejeter la demande de mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt retient enfin que la société Frégate a fait procéder, avant la cession, à un examen des comptes de la société Efitam au 31 décembre 2006 et à un audit qui l'a alertée sur les difficultés et les imprécisions relatives à l'évaluation des stocks de la société Efitam.
16. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'examen des comptes de la société cédée et l'audit que la société cessionnaire avait fait pratiquer avaient été suffisants pour porter à la connaissance de celle-ci, au moment de la cession, la nature exacte et l'ampleur des irrégularités constatées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rectificatif du 17 janvier 2019 ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe à 147 422,49 euros le montant des frais de fermeture du site [Localité 1] à déduire du prix de cession, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 tel que rectifié, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Groupe Iti aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupe Iti et la condamne à payer à la société Frégate la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Champalaune, conseiller qui en a délibéré, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Frégate
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, tel que rectifié par l'arrêt du 17 janvier 2019, d'AVOIR débouté la société Frégate de ses demandes au titre de la garantie de passif et d'AVOIR en conséquence condamné la société Frégate à payer à la société Groupe Iti les sommes de 189.910, 84 euros sur le billet à ordre échu le 30 juin 2009 outre intérêts au taux légal à compter de cette échéance, 337.333,33 euros au titre du billet à ordre échu le 30 juin 2010, outre intérêts au taux légal à compter de cette échéance, 169.098,19 euros au titre du billet à ordre échu le 30 juin 2011, outre intérêts au taux légal à compter de cette échéance, avec capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;
AUX MOTIFS QU'il résulte du paragraphe II de la garantie de passif et actif signée entre les parties le 14 juin 2007, que la société Iti s'est engagée à : « indemniser l'Acquéreur de l'intégralité de tous dommages, pertes, dettes ou frais de toute nature (.) qui découlerait des éléments suivants : toute inexactitude, erreurs ou omissions contenues dans les Déclarations et Garanties, toute diminution de la valeur d'un actif ou toute augmentation de passif ayant son fait générateur avant la date des présentes, et apparaissant après cette date, non comptabilisés ou insuffisamment comptabilisés dans la Situation Comptable et qui n'aurait pas fait l'objet de provisions ou de provisions suffisantes dans la Situation Comptable pour la fraction du préjudice excédant la provision » ; que cet engagement est soumis à un seuil et à un plafond énoncés au paragraphe V-3 de l'acte dans les termes suivants : « le cas échéant, lors de la mise en jeu de la présente garantie, le cédant bénéficie d'une franchise et non d'un seuil de dix mille (10 000) euros »; « le montant total dû par le cédant, pour l'ensemble des réclamations de l'acquéreur au titre de la présente garantie ne pourra excéder une somme globale égale à 1 million d'euros. Cette garantie sera réduite par tranche de 300.000 ? à l'expiration de chaque année garantie, étant précisé que toute réclamation bénéficiera de la garantie en vigueur à la date de sa notification, la date d'exigibilité des paiements dus par l'acquéreur n'ayant en l'espèce aucune incidence » ; que concernant sa situation comptable, la société Iti a déclaré que les comptes d'Efitam arrêtés au 31 décembre 2006 et certifiés par son commissaire aux comptes, avait été établis dans la forme exigée par la réglementation applicable, conformément aux principes comptables définis par le Nouveau Plan Comptable Français, et que ces principes comptables avaient été appliqués de manière constante, notamment concernant la méthode de valorisation des stocks détaillée dans l'annexe 5 ; que cette annexe intitulée « méthodes de valorisation des stocks EFITAM » expose les modes de calcul de la valeur des encours et des stocks, distingués en 4 catégories (consommables, matières, composants, articles finis) et les données chiffrées utilisées (tableau A) ; que dans son courrier recommandé du 18 février 2008, la société Frégate se prévaut d'une dépréciation du stock de 990.606 euros, listant à l'appui de sa réclamation : - un écart entre les valeurs comptables et les données présentées conduisant à une surévaluation de l'encours de production au 31 décembre 2006 de 58 414 ? ; - l'application de taux horaires de production et de coefficient de frais généraux erronés, occasionnant une surévaluation de 133.051 sur le stock d'encours et de 82 709 ? sur le stock d'articles finis ; - un écart entre les encours de production au 31 décembre 2006 et au 31 décembre 2007 de 345.326 ? malgré la limitation de leur montant au total restant à facturer ; - l'absence de comptage de certains composants ayant généré une perte de 52.500 ? et des erreurs matérielles affectant le dernier prix d'achat connu pour 68.806 ? ; - des erreurs dans la prise en compte des prix de vente des articles finis aboutissant à une surévaluation de 5.601 ? ; - l'impossibilité de vérifier les prix de revient réels du stock des articles produits sans prix de vente la conduisant à retenir une surévaluation de 86.359 ? ; - l'existence de stocks d'éléments informatiques ne relevant d'aucune définition figurant à l'annexe 5 de la garantie de passif pour un montant de 157.840? ; que l'expert [B] a confirmé que le litige sur l'existence d'un éventuelle insuffisance d'actif reposait exclusivement sur la détermination des stocks et encours de l'exercice 2006 et sur le respect ou non des principes comptables énoncés dans l'annexe 5 de la garantie d'actif et de passif ; qu'il sera rappelé que demanderesse à la mise en oeuvre de cette garantie, la société Frégate supporte la charge de la preuve ; que si M. [V], commissaire aux comptes "historique" de la société Efitam, a certifié sans réserve les comptes de l'exercice 2007 et ainsi validé les corrections apportées par la société Frégate à la valorisation des stocks existants au 31 décembre 2006 et leur retraitement en charges exceptionnelles, il doit être relevé que ce même professionnel du chiffre avait pourtant certifié la sincérité des comptes arrêtés au 31 décembre 2006 et que Mme [R], commissaire aux comptes nouvellement mandatée par la société Frégate, a, dans son rapport général du 28 juin 2008, émis des réserves expresses sur les corrections faites au titre du calcul des affaires partiellement réalisées à hauteur de 345.326 et des frais à intégrer dans les encours de production et produits finis pour un total de 52.753 ?, estimant pour les premières que les éléments fournis ne lui permettaient pas de se prononcer sur le bien-fondé du retraitement en charges exceptionnelles et pour les seconds que le calcul du taux était entaché d'une erreur ; qu'il ne peut être tiré de ces avis contradictoires des commissaires aux comptes d'éléments probatoires pertinents quant à la sincérité ou l'insincérité des comptes de la société Efitam et de la valorisation de ses actifs ; que pour sa part, l'expert [B] s'est plaint, tout au long de son rapport, de ne pas avoir obtenu communication par les parties de toutes les pièces comptables nécessaires, ni avoir obtenu les explications suffisantes de leur part, pour mener à bien sa mission ; que l'ensemble du travail d'analyse par l'expert des données de comptabilisation des stocks s'est heurté à l'absence d'éléments permettant de vérifier la mise en oeuvre des principes énoncés et l'a conduit à des conjectures, interrogations et déductions plutôt qu'à des conclusions étayées ; qu'ainsi, le caractère tronqué de cette analyse faite sur des éléments comptables parcellaires prive l'avis expertal de toute efficacité ; que M. [B] a lui-même reconnu les limites de son travail puisqu'il n'a notamment pas pu déterminer l'écart exact de valorisation des stocks et encours en résultant, se limitant à la reprise des montants certifiés par chacun des commissaires aux comptes pour en déduire l'existence d'une insuffisance d'actif comprise dans une fourchette de 370 000 à 660 000?, nette d'impôts ; que les critiques formulées par la société Frégate démontrent qu'elle conteste les données chiffrées retenues par la société Iti pour procéder à la valorisation des stocks et détaillées dans le tableau A de l'annexe 5, plus particulièrement celles relatives au calcul des coûts de production tels que le taux horaire moyen de production et le coefficient de 20% retenus au titre de la part des frais généraux, revendiquant l'application de taux et coefficient différents et modifiant ainsi les bases chiffrées des calculs ; qu'or, par courriel du 25 mai 2007, M [U], président de la société Efitam a adressé à M. [M], dirigeant de la société Frégate, les explications sur les éléments chiffrés du calcul des prix de revient horaires par centre de charges et l'influence des frais généraux sur les achats ; que les données chiffrées prises en compte pour valoriser le stock étaient donc parfaitement connues du cessionnaire ; que par ailleurs, les pièces produites permettent à la cour de constater que la société Frégate a fait procéder, avant la cession, à un examen des comptes au 31 décembre 2006 par le cabinet ACE et à un audit par M. [R] [M] ; que ce dernier dans son rapport du 4 mai 2007 précise que sa mission portait notamment sur « l'audit du stock de fin d'année » et « la maîtrise des prix de revient » ; qu'il a fait état d'un inventaire physique du stock réalisé en novembre 2006 et relevé que le changement du système informatique de la société Efitam en avait perturbé l'établissement ; que pour autant, il ressort de l'audit que la méthode de valorisation du stock était dans la continuité des années précédentes, confirmant en cela les déclarations de M. [V] dans son courrier du 3 octobre 2011, sur la permanence des méthodes comptables appliquées ; qu'il ressort également de son rapport que M [M] a eu communication des méthodes de valorisation des différentes rubriques de stock comme des données de calcul et les a analysées ; qu'il a procédé à l'examen des encours et de leur valorisation, ce qui l'a conduit à noter la grande imprécision de la méthode utilisée par l'entreprise pour les affaires partiellement engagées, à émettre des doutes sur la valorisation d'une partie de ces encours et surtout à faire état d'une vraisemblable sur-évaluation du stock d'en cours et d'articles fabriqués ; que la lecture de ce rapport a donc nécessairement alerté la société Frégate sur les difficultés et imprécisions relatives à l'évaluation des stocks de la société Efitam et lui a fourni tous les éléments utiles pour en critiquer la pertinence ; qu'en outre, même si l'examen des comptes par le cabinet Ace a été limité et n'a pas constitué un audit complet, n'emportant aucun inventaire physique du stock et des encours, ni examen de la pertinence de leur valorisation, il n'a conduit à la découverte d'aucune anomalie ou irrégularité ; qu'ainsi, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas démontré que la société Iti n'a pas respecté la méthode de valorisation des stocks énoncée par l'annexe 5 et que la société Frégate ne rapporte pas la preuve de l'insincérité des comptes et plus particulièrement de l'évaluation des stocks réalisée par la société Iti au 31 décembre 2006, ni de la découverte postérieure à la cession d'une diminution de la valeur de ce stock, constituant pour elle un passif occulte justifiant la mise en oeuvre de la garantie promise par la société Iti ; qu'en conséquence, la société Frégate sera déboutée de ses demandes au titre de la garantie de passif ;
1/ ALORS QUE le rapport d'expertise judiciaire soulignait que « les principes comptables décrits dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas justifiés par la société ITI et que les stocks et encours de l'exercice de référence (2006) présentent une insuffisance d'actif qui est d'ailleurs entérinée par les commissaires aux comptes à hauteur de 990.000 euros pour Monsieur [V] et au moins à hauteur de 555.000 euros pour Madame [R] » ; que la cour d'appel a constaté que « M. [V], commissaire aux comptes "historique" de la société Efitam, a certifié sans réserve les comptes de l'exercice 2007 et ainsi validé les corrections apportées par la société Frégate à la valorisation des stocks existants au 31 décembre 2006 et leur retraitement en charges exceptionnelles » et que « Mme [R], commissaire aux comptes nouvellement mandatée par la société Frégate, a, dans son rapport général du 28 juin 2008, émis des réserves expresses sur les corrections faites au titre du calcul des affaires partiellement réalisées à hauteur de 345.326 euros et des frais à intégrer dans les encours de production et produits finis pour un total de 52.753 ? » ; qu'il se déduisait de ces constatations à tout le moins que les deux certificateurs des comptes reconnaissaient une inexactitude sur la valeur des stocks et encours de l'exercice 2006, pour une somme a minima de 555.000 ? ; qu'en retenant, pour débouter la société Frégate de sa demande indemnitaire en application de la garantie, que cette société ne démontrait pas l'insincérité des comptes et plus particulièrement de l'évaluation des stocks, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
2/ ALORS QUE dans son rapport d'expertise, l'expert précisait que « je crois qu'il n'est pas besoin de reprendre en détail ma conclusion récurrente : les méthodes annoncées dans l'annexe 5 de la GAP ne sont pas soutenables et vérifiables et c'est pourquoi [U] a proposé un ajustement en 2007 pour corriger les comptes 2006 afin de retrouver des méthodes plus soutenables et dont le montant total s'est élevé à 990K?, montant qui a été validé par le co-commissaire aux comptes M [V] et partiellement par l'autre co-commissaire aux comptes, Mme [R] » (rapport d'expertise, p.32), que « le fait que les comptes 2007 aient été certifiés sans réserve (Monsieur [V]) ou avec réserve (Madame [R]) ce qui remet en cause la certification des comptes 2006 qui ne sont donc pas sincères, remet en cause le socle sur lequel cette GAP a été établie » (rapport, p. 56), que « pour toutes ces raisons, y compris l'analyse de la marge brute et de son évolution ainsi que l'évolution des stocks sur les années 2004 à 2007 (voir infra § 5.2.2) on est conduit à penser que les méthodes ayant servi à l'établissement et à l'évaluation des stocks 2006 ne correspondent pas aux assertions figurant dans l'annexe 5 de la GAP » (rapport, p. 68), que « ces deux certifications successives sans réserve signifient que M [V] s'est trompé pour la certification des comptes 2006 et qu'il aurait dû faire constater une correction dans les stocks pour le montant de 990K? qu'il certifie comme étant une correction d'erreur constatée sur les comptes 2007. De facto, il admet que les comptes 2006 sont erronés. De facto, il admet par conséquent que les méthodes comptables retenues pour 2006 pour établir les comptes n'étaient pas bonnes et qu'il fallait donc les changer. C'est exactement ce qu'impliquent ces certifications de comptes par M [V], et peu importent ses explications en parallèle soit auprès de sa consoeur, soit auprès de la société ITI, soit auprès de la nouvelle direction d'Efitam. En effet, c'est sa certification qui fait foi » (rapport, p. 70), et que « compte tenu des travaux d'expertise au cours desquels j'ai constaté ne pas avoir eu la documentation nécessaire au chiffrage précis du litige, mais en référence avec les certifications des commissaires aux comptes, je peux dire que le montant du dommage se situe entre 990K? et au moins 555K?, avant impôt sur les sociétés" (rapport, p. 72); que le rapport de l'expert contenait ainsi de nombreuses constatations quant à l'irrégularité et quant au manque de sincérité des comptes litigieux justifiant la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif ; qu'en retenant, pour écarter comme non probant le rapport d'expertise, que l'expert se bornait à faire des conjectures et des interrogations, la cour d'appel a méconnu le principe de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;
3/ ALORS QUE la garantie donnée au cessionnaire par le cédant doit s'appliquer dès lors qu'une différence est constatée entre la situation sociale décrite par le cédant et la situation réelle de la société dont les titres ont été cédés, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le cessionnaire en avait ou non connaissance ; qu'aux termes de la garantie d'actif et de passif, la société Iti s'était engagée à : « indemniser l'Acquéreur de l'intégralité de tous dommages, pertes, dettes ou frais de toute nature (.) qui découleraient des éléments suivants :- toute inexactitude, erreurs ou omissions contenues dans les Déclarations et Garanties, - toute diminution de la valeur d'un actif ou toute augmentation de passif ayant son fait générateur avant la date des présentes, et apparaissant après cette date, non comptabilisés ou insuffisamment comptabilisés dans la Situation Comptable et qui n'aurait pas fait l'objet de provisions ou de provisions suffisantes dans la Situation Comptable pour la fraction du préjudice excédant la provision » ; qu'il en résultait que cette clause garantissait toute inexactitude, erreur ou omission contenue dans la clause « Déclarations et garanties », quelle qu'elle soit, peu important la suspicion que pouvait avoir le cessionnaire sur l'exactitude et la sincérité des déclarations lors de la cession ; qu'en retenant, pour priver de tout effet la garantie d'actif et de passif, que la société cessionnaire avait fait procéder à un examen des comptes de la société cédante par le Cabinet Ace et fait pratiquer un audit qui l'avait alertée sur les difficultés et imprécisions relatives à l'évaluation des stocks et des encours, en sorte que les irrégularités étaient connues du cessionnaire lors de la cession, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
4/ ALORS subsidiairement QU'en toute hypothèse, la cour d'appel a constaté qu'aux termes de la garantie d'actif et de passif, la société Iti s'était engagée à : « indemniser l'Acquéreur de l'intégralité de tous dommages, pertes, dettes ou frais de toute nature (.) qui découleraient des éléments suivants : toute inexactitude, erreurs ou omissions contenues dans les Déclarations et Garanties, toute diminution de la valeur d'un actif ou toute augmentation de passif ayant son fait générateur avant la date des présentes, et apparaissant après cette date, non comptabilisés ou insuffisamment comptabilisés dans la Situation Comptable et qui n'aurait pas fait l'objet de provisions ou de provisions suffisantes dans la Situation Comptable pour la fraction du préjudice excédant la provision » ; qu'en retenant, pour priver de tout effet la garantie d'actif et de passif, que la société cessionnaire avait fait procéder à un examen des comptes de la société cédante par le Cabinet Ace et fait pratiquer un audit qui l'avait alertée sur les difficultés et imprécisions relatives à l'évaluation des stocks et des encours, de tels motifs étant impropres à caractériser l'existence d'une diminution de la valeur d'un actif ayant son origine avant la cession et connue du cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
5/ ALORS QUE la cour d'appel a constaté que la société cessionnaire avait fait procéder à un examen des comptes de la société cédante par le Cabinet Ace, que cet examen avait été limité et n'avait pas constitué un audit complet, n'emportant aucun inventaire physique du stock et des encours, ni examen de la pertinence de leur valorisation et que cet examen n'avait pas conclu à l'existence d'anomalies ou irrégularités ; qu'il se déduisait de ces constatations que l'examen réalisé par Ace n'avait pu porter à la connaissance de la société Frégate, antérieurement à la cession, l'existence d'une anomalie sur la valorisation des stocks ; qu'en retenant cependant, pour priver de tout effet la garantie d'actif et de passif, que la société cessionnaire n'établissait pas n'avoir eu connaissance de la véritable valeur des stocks que postérieurement à la cession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code.