Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 6 mai 2021, 20-11.912, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 6 mai 2021, 20-11.912, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 20-11.912
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300390
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 06 mai 2021
Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 19 novembre 2019- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 mai 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 390 F-D
Pourvoi n° M 20-11.912
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 MAI 2021
1°/ M. [P] [X], domicilié [Adresse 1], représenté par son tuteur, l'association tutélaire de la Somme, prise en la personne de Mme [H] [W],
2°/ L'Association tutélaire de la Somme, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° M 20-11.912 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre des baux ruraux), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [G] [N], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [Z] [N], épouse [I], domiciliée [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [X] et de l'Association tutélaire de la Somme, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [N] et de Mme [I], après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 novembre 2019), par acte du 28 juin 2000, M. [X] a pris à bail à long terme diverses parcelles agricoles.
2. Par acte du 28 mars 2017, M. [N] et Mme [I], devenus respectivement usufruitier et nue-propriétaire d'une partie des terres louées, ont donné congé à M. [X] en raison de l'âge de la retraite du preneur.
3. Par déclaration du 9 juin 2017, M. [X], représenté par son tuteur, l'association tutélaire de la Somme, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation du congé et autorisation de cession du bail à son fils, [B].
4. M. [N] et Mme [I] ont demandé à titre reconventionnel la validation de deux actes de résiliation de bail établis par le preneur les 11 décembre 2014 et 23 décembre 2015, la résiliation judiciaire du bail pour cession prohibée, ainsi que la validation du congé.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. [X], représenté par l'association tutélaire de la Somme, et cette association font grief à l'arrêt de valider la lettre de résiliation de bail du 11 décembre 2014, de prononcer la résiliation du bail à compter du 30 septembre 2017, de condamner M. [X] à payer à M. [N] et à Mme [I] une indemnité d'occupation et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que sont regardés comme actes de disposition ne pouvant être faits par la personne protégée sans l'assistance de son curateur tout acte grave relatif aux baux ruraux et les actes relatifs à la vie professionnelle ; qu'en affirmant, pour refuser d'annuler l'acte du 11 décembre 2014, qu'en application du régime juridique de la curatelle simple, la résiliation d'un bail rural à la demande du preneur est un acte que la personne protégée peut faire seule sans l'assistance de son curateur et que le fait que M. [P] [X] ait établi, sans l'assistance de son curateur, l'acte remis à M. [G] [N] n'enfreignait pas les règles des mesures de protection, la cour d'appel a violé les articles 467 et 505 du code civil, ensemble les annexes 1 et 2, colonne 2, du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle ;
2°/ que, s'il est établi l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur et postérieur à l'acte dont l'annulation est demandée, son annulation est encourue sauf au défendeur à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de sa conclusion ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le médecin expert, désigné par le juge des tutelles, avait relevé, antérieurement au prononcé du jugement du 6 octobre 2014 ayant placé M. [P] [X] sous curatelle, les troubles de la personnalité du majeur protégé s'accompagnant de variations pathologiques de l'humeur et de l'angoisse, que le 18 octobre 2014, le majeur protégé avait été conduit aux urgences du centre hospitalier [Localité 1], que l'interne qui l'avait examiné avait indiqué que cette conduite aux urgences s'inscrivait dans un épisode de confusion, d'agitation et de désorientation dans un contexte de syndrome de Korsakoff, que le patient présentait effectivement des troubles de comportement, qu'il ne semblait pas possible que la mesure de tutelle soit levée et que le 27 janvier 2015, l'association tutélaire de la Somme avait déposé une requête en aggravation de la mesure de curatelle en tutelle, dans laquelle le tuteur expliquait que M. [X] n'était plus en phase avec la réalité, adoptant des positions incohérentes le conduisant à faire de mauvais choix, ce dont il résultait l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur à l'acte du 11 décembre 2014 et persistant postérieurement à cet acte, devant dès lors conduire à son annulation sauf aux défendeurs à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de sa conclusion ; qu'en retenant, pour valider l'acte du 11 décembre 2014, que les appelants sur lesquels reposait la charge de la preuve de l'insanité d'esprit de M. [P] [X] échouaient à démontrer celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations et a violé l'article 414-1 du code civil ;
3°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'absence de contrariété de l'acte de résiliation de bail du 11 décembre 2014 aux intérêts économiques du preneur pour valider cet acte sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer contradictoirement, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de l'intention de l'intéressé de renoncer ; que le preneur ayant droit à son renouvellement, la résiliation d'un bail rural emportant renonciation du preneur à ce droit doit résulter d'actes manifestant clairement et sans aucune équivoque la volonté de son auteur d'y procéder ; qu'en l'espèce, en retenant que l'écrit daté du 11 décembre 2014, dans lequel M. [X] déclarait rendre les terres en fin de bail, constituait une demande de résiliation du bail rural sans constater qu'il avait manifesté de façon claire et non équivoque son intention de résilier ce bail et de renoncer à son droit au renouvellement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 1134 du code civil, devenus les articles 1128 et 1103 du code civil, ensemble les articles L. 416-1 et L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime ;
5°/ en tout état de cause que, lorsque le preneur a atteint l'âge de la retraite, il ne peut être mis fin au bail rural à long terme que par avis donné par acte extrajudiciaire ; qu'en décidant, à supposer les motifs des premiers juges adoptés, que le bail rural à long terme conclu le 28 juin 2000 avait valablement été résilié, sur le fondement de l'article L. 411-33 du code rural et de la pêche maritime pour atteinte par le preneur de l'âge de la retraite, par sa lettre du 11 décembre 2014, quand celle-ci ne constituait pas un acte extrajudiciaire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article R. 416-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 411-33 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, ayant énoncé à bon droit qu'en application du régime de la curatelle simple, la résiliation d'un bail rural à la demande du preneur est un acte que la personne protégée peut accomplir seule et relevé qu'à la date d'envoi de sa lettre de résiliation, M. [X] relevait de ce régime, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui avait pas été demandée, a pu en déduire que la renonciation au bail, en ce qu'elle permettait au preneur d'exercer ses droits à la retraite, ne méconnaissait pas les règles de protection dont celui-ci bénéficiait.
7. En deuxième lieu, ayant énoncé à bon droit qu'il faut être sain d'esprit pour s'obliger par un acte valable et retenu, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments qui lui étaient soumis, d'une part, que l'absence de discernement de M. [X] à la date de signature de l'acte de résiliation du bail du 11 décembre 2014 n'était pas établie, d'autre part, que cet acte lui permettait, conformément à ses intérêts patrimoniaux, de percevoir les aides européennes jusqu'à une échéance où il serait déjà en mesure, depuis plusieurs années, de percevoir une pension de retraite, la cour d'appel a pu en déduire, sans violer le principe de la contradiction, que la décision de résiliation du preneur était valide.
8. En troisième lieu, l'avis prévu par les articles L. 416-1 et R. 416-1 du code rural et de la pêche maritime est destiné à protéger la partie destinataire de l'acte, de sorte que, lorsque la décision est prise par le preneur ayant atteint l'âge de la retraite, le bailleur est seul en mesure de se prévaloir d'une éventuelle méconnaissance de cette formalité.
9. Le moyen, inopérant en sa dernière branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [X], représenté par l'association tutélaire de la Somme et celle-ci aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [X] et l'Association tutélaire de la Somme.
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir validé la lettre de résiliation de bail datée du 11 décembre 2014, prononcé la résiliation à compter du 30 septembre 2017 du bail signé le 28 juin 2000 sur des parcelles sises à [Localité 1] d'une surface de 19 ha 17 a 90 ca, condamné M. [P] [X] à payer à M. [N] et Mme [N] épouse [I] une indemnité d'occupation égale au montant du fermage avec indexation conforme aux dispositions du bail jusqu'à la libération complète des lieux et d'avoir condamné M. [P] [X] représenté par son tuteur, l'association tutélaire de la Somme, à payer à M. [N] et Mme [N] épouse [I] ensemble la somme de 2 000 ?
au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE
« L'article 414-1 du code civil énonce que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Les parties s'opposent sur la validité du document en date du 11 décembre 2014 écrit par M. [P] [X] et par lequel il a indiqué rendre les terres en fin de bail, soit pour le mois de septembre 2017 ; les intimés affirment qu'il s'agit d'une demande de résiliation de bail par le preneur pour motif d'atteinte de l'âge de la retraite comme l'y autorise l'article L. 411-33 du code rural ; les appelants réfutent tout effet juridique à cet écrit au motif que M. [P] [X] n'avait pas toutes ses facultés mentales lorsque ce document a été établi.
Précédemment à ce document, M. [P] [X] avait été placé sous une mesure de tutelle par un jugement du 25 novembre 2013 pour une durée de 60 mois, la mesure de protection étant alors confiée à sa fille.
Sur la requête de M. [P] [X] en date du 25 novembre 2013 en mainlevée de cette mesure de tutelle, le juge des tutelles, par jugement du 6 octobre 2014 a converti la tutelle en curatelle simple, confiant alors l'exercice de la mesure à l'association tutélaire de la Somme, professionnelle de la protection des majeurs.
C'est sous l'empire de cette mesure de curatelle simple que M. [P] [X] a écrit le document querellé du 11 décembre 2014.
Il n'est pas discuté qu'en application du régime juridique de la curatelle simple, la résiliation d'un bail rural à la demande du preneur est un acte que la personne protégée peut faire seul sans l'assistance de son curateur.
Le fait que M. [P] [X] ait établi sans l'assistance de son curateur cet écrit qui a été remis à M. [G] [N] n'enfreint donc pas les règles des mesures de protection ; cette circonstance ne constitue pas pour autant un obstacle à une action en contestation de la validité de ce document, la charge de la preuve que M. [P] [X] n'était pas sain d'esprit au moment de l'établissement de cet acte et de sa remise consécutive reposant sur les appelants.
Il est indiqué au jugement qui a allégé la mesure de tutelle en curatelle, que M. [P] [X] avait accompagné sa requête de plusieurs certificats médicaux de son médecin traitant qui constatait l'absence de toute altération de ses facultés ; le jugement mentionne que son neurologue déduisait au vu des analyses biologiques l'arrêt de sa consommation alcoolique.
La requête était également accompagnée d'un certificat médical du médecin inscrit sur la liste prévue à l'article 431 du code civil qui concluait à l'absence d'altération cognitive justifiant l'organisation d'une mesure de tutelle préconisant tout au plus une sécurisation par un tiers externe et indépendant de la famille ; ce médecin insistait sur la nette amélioration de la situation depuis l'examen médical initial.
Le juge des tutelles a par ailleurs désigné un médecin expert qui a confirmé l'évolution favorable de la personne protégée et la disparition de la pathologie majeure que constituait l'encéphalopathie alcoolique ; l'expert relevait toutefois des troubles de la personnalité s'accompagnant de variations pathologiques de l'humeur et de l'angoisse pouvant s'extérioriser à la faveur du climat familial pointé comme délétère.
C'est donc au vu des avis de quatre médecins dont deux intervenant couramment dans le cadre des régimes de protection des majeurs que le juge faisant application du principe de nécessité qui gouverne les mesures de protection a placé M. [P] [X] sous curatelle simple aménageant toutefois cette mesure en faisant interdiction à M. [P] [X] de faire des opération contractuelles ou bancaires portant sur une valeur supérieure à 3 000 ?.
M. [P] [X] qui était assisté d'un avocat avait exprimé par ailleurs au juge des tutelles ses regrets sur les relations tendues existant avec son fils [B], indiquant qu'il aurait souhaité qu'ils puissent échanger sur la manière d'exploiter les terres et travailler ensemble.
Il s'avère en effet, que lors de l'assemblée générale du 27 juin 2014 de l'EARL [X], M. [P] [X] représenté par sa tutrice [Y] [X] a démissionné de ses fonctions de gérant et que [B] [X] était nommé en qualité de gérant de cette société ; cette démission s'était, en effet, accompagnée de la cession par [P] [X] de l'intégralité de ses parts sociales dans le capital de l'EARL [X] à son fils [B] qui devenait ainsi l'associé unique de cette société ; cette cession a été visiblement mal vécue par M. [P] [X] qui indiquait au juge des tutelles qu'il avait été dessaisi de ses biens.
La mésentente existant entre M. [P] [X] et ses enfants amenait le juge des tutelles à faire le choix d'un professionnel de la protection des majeurs pour exercer la curatelle en la personne de l'association tutélaire de la Somme.
Le 18 octobre 2014, soit quelques jours après que M. [P] [X] a été placé sous une mesure de curatelle, il était conduit aux urgences du Centre hospitalier [Localité 1] ; il résulte du courrier de l'interne qui l'a examiné que cette conduite aux urgences s'inscrivait dans un épisode de confusion, d'agitation et de désorientation dans un contexte de syndrome de Korsakoff ; ce praticien relevait que M. [P] [X] présentait effectivement des troubles de comportement ; ce courrier comporte une indication selon laquelle il ne semblait pas possible pour ce praticien que la mesure de tutelle soit levée ; du fait de son inexactitude par rapport à la mesure sous laquelle était alors placé M. [P] [X], il ne peut être déduit de celle-ci que pour ce praticien seule une mesure de l'intensité de la tutelle lui paraissait adaptée à l'état de M. [P] [X] ou si la levée de la mesure de curatelle alors en cours ne lui paraissait pas adaptée.
Ces éléments médicaux tendent à contrarier l'affirmation de l'insanité d'esprit de M. [P] [X] au moment de l'établissement de l'acte litigieux.
Le 27 janvier 2015, soit un peu plus d'un mois après l'écrit litigieux, l'association tutélaire de la Somme déposait une requête en aggravation de la mesure de curatelle en tutelle. Le tuteur expliquait dans sa requête que M. [P] [X] n'était plus en phase avec la réalité, adoptant des positions incohérentes le conduisant à faire de mauvais choix, ayant refusé de prendre sa retraite et souhaitant acheter du matériel agricole pour exploiter les terres dont il est resté preneur alors que cet investissement apparaissait disproportionné au rendement des parcelles d'une surface de 26 ha 72 a et que la tension existant avec son fils a empêché ce dernier de les exploiter pour le compte du majeur protégé.
Il est relevé que le risque d'investissements disproportionnés pointé par le curateur était limité par l'aménagement de la curatelle faisant interdiction à M. [P] [X] de s'engager seul au-delà de 3 000 ?.
L'acte de résiliation de bail du 11 décembre 2014 qui laissait à M. [P] [X] la jouissance des parcelles jusqu'au 30 septembre 2017, lui permettait de continuer à percevoir les aides européennes afférentes à celles-ci jusqu'à cette dernière date où il était déjà en mesure depuis plusieurs années de percevoir une pension de retraite ; il n'apparaît donc pas que cet acte était contraire à ses intérêts patrimoniaux.
Ces éléments de fait postérieurs à la date de l'écrit litigieux qui ne remettent pas en cause les éléments médicaux précédemment discutés, ne sont pas probants d'une insanité d'esprit.
Le contexte familial délétère et notamment la situation conflictuelle entre M. [P] [X] et son fils ne sont pas de nature à apporter quelque élément contraire.
L'écriture du document du 11 décembre 2014 ne présente pas d'anormalité formelle, ce document n'est pas surchargé, ni raturé ; sa présentation est classique ; aucun signe intrinsèque de ce document ne révèle une quelconque insanité d'esprit de son auteur.
Les appelants indiquent que ce document a été établi par M. [P] [X] lors du passage de M. [G] [N] à son domicile qui venait lui remettre le compte de fermage ; quand bien même M. [P] [X] aurait ainsi satisfait à la demande de ce dernier, aucun élément du dossier n'établit qu'il n'a pas librement et en connaissance de cause consenti à une telle demande.
Ainsi tant au vu des éléments intrinsèques de l'acte du 11 décembre 2014 que sous l'aspect médical de M. [P] [X] qu'au vu des intérêts économiques de ce dernier, les appelants sur lesquels repose la charge de la preuve de son insanité d'esprit échouent à démontrer celle-ci.
Alors que le preneur a droit en application de l'article L. 411-69 du code rural à des indemnités de sortie pour les améliorations apportées au sol quelque soit la cause qui a mis fin au bail, il ne peut être sérieusement soutenu que la compensation d'arrières fumures indiquées à l'acte du 11 décembre 2014 soit une condition suspensive à la résiliation du bail à la demande du preneur.
Partant le jugement qui a validé l'acte de résiliation du bail du 11 décembre 2014 est confirmé.
Le bail étant résilié à la demande du preneur par l'effet de l'écrit du 11 décembre 2014, il n'y a pas lieu de statuer sur la validité de l'écrit du 23 décembre 2015 et la demande en résiliation judiciaire du bail formée à titre subsidiaire est devenue sans objet ; il en est de même de la demande en validation du congé et de la demande corolaire en contestation du congé tout comme de la demande du preneur à être autorisé à céder son bail ; » (arrêt p.6 à 9)
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Aux termes des dispositions de l'article L 411-33 du code rural et de la pêche maritime, le preneur qui atteint 1'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles peut, par dérogation aux dispositions de l'article L. 411-5, résilier le bail à la fin d'une de ses périodes annuelles suivant la date à laquelle il aura atteint l'âge requis.
Dans ce cas, le preneur doit notifier sa décision au propriétaire au moins douze mois à l'avance.
En l'espèce, il résulte de la lecture des pièces qu'un bail a été signé le 28 juin 2000 entre les parties commençant à courir le 01/10/1999 pour se terminer le 30/09/2017 et que M. [P] [X] a, par deux documents signés le 11 décembre 2014 et 23 décembre 2015, fait savoir qu'il restituerait les parcelles qu'il louait aux consorts [N] au 30 septembre 2017.
Il apparaît qu'à la date du premier courrier le 11 décembre 2014, il ne bénéficiait que d'une mesure de curatelle simple qui lui permettait donc de procéder à la résiliation de son bail rural puisqu'il ne s'agissait que d'un acte d'administration et qu'il n'était pas dépourvu de la capacité de contracter au sens des dispositions de l'article 1123 du code civil.
En revanche, lorsqu'il réitère son intention de libérer les parcelles par courrier daté du 23 décembre 2015, il bénéficie d'une mesure de curatelle avec gestion qui nécessitait l'intervention du curateur.
Les termes du procès-verbal d'assemblée générale de l'EARL [X] daté du 11 février 2015 font référence à la démission de M. [P] [X] de ses fonctions de gérant et son remplacement par son fils lequel devient associé unique de l'EARL et au fait que M. [P] [X] est sous tutelle ce qui n'est pas l'exacte vérité tel que cela ressort du jugement du 19 juillet 2016 qui relate une curatelle simple jusqu'au 10 avril 2015.
La question est donc de savoir quelle valeur peut être accordée à une résiliation décidée dès le 11 décembre 2014 avec un effet au 30 septembre 2017.
Manifestement en 2014, M. [P] [X], déjà âgé de 62 ans, avait décidé de cesser son exploitation et les bailleurs ne s'y étant pas opposés, l'accord des parties pour cette rupture permet de tenir pour acquis le principe de celle-ci.
Aucun élément ne permet d'établir qu'en décembre 2014, date de signature de la lettre de résiliation, M. [X] ne présentait pas la capacité mentale pour prendre cette décision alors qu'il ne bénéficiait que d'une mesure de curatelle simple.
Rien ne prouve que les bailleurs ont forcé M. [P] [X] à rédiger ce document à leur profit même si cette résiliation constituait pour eux un avantage.
La communication de la liste des bénéficiaires de la PAC pour la période d'octobre 2014 à octobre 2015 dont les termes ne sont pas contestés permet de faire apparaître que le preneur n'était pas bénéficiaire de ces aides à titre personnel mais que l'EARL [X] l'était pour la somme de 32872.95 euros.
Ces informations suffisent à démontrer la volonté de M. [P] [X] de cesser son activité agricole ce qui n'apparaît pas aberrant puisqu'il avait déjà atteint l'âge de la retraite en décembre 2014. II n'est nullement justifié de la poursuite de l'activité à titre personnel. À l'exception d'un relevé mutualité sociale agricole, aucun bilan, aucune facture, aucune pièce comptable n'est versée aux débats justifiant la réalité de cette exploitation.
Le tribunal décide donc de valider la lettre de résiliation datée du 11 décembre 2014.
En tout état de cause, si la lettre de résiliation adressée en décembre 2014 n'avait pas été validée, se posait, la question de la cession prohibée au fils de Monsieur [P] [X] puisque les éléments rapportés à savoir la démission des fonctions de gérant de Monsieur [P] [X] de l'EARL, la cession de l'intégralité de ses parts sociales à son fils, sans que le défendeur nous démontre que les terres n'étaient pas exploitées par l'EARL avant la cession des parts, la perception par la seule EARL des aides PAC pour la période octobre 2014 à 2015 sans que ne soit prouvé que la somme perçue ne concernait pas les parcelles louées par les consorts [N] tendaient à établir que Monsieur [P] [X] qui ne communique aucune pièce comptable de son activité à titre individuel, avait cédé son exploitation à son fils sans en avertir le bailleur comme les termes de l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime l'exigent.
La résiliation du bail signé entre les parties le 28 juin 2000 doit donc être prononcée à compter du 30 septembre 2017 rappelant qu'elle porte sur les parcelles situées à [Localité 1] (Somme), lieudits le champ à groseilles, flox, et derrière haute visée pour une contenance totale de 19 hectares, 17 ares et 90 centimes et l'expulsion prononcée des parcelles occupées, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement ; »
1°) ALORS QUE sont regardés comme actes de disposition ne pouvant être faits par la personne protégée sans l'assistance de son curateur tout acte grave relatif aux baux ruraux et les actes relatifs à la vie professionnelle ; qu'en affirmant, pour refuser d'annuler l'acte du 11 décembre 2014, qu'en application du régime juridique de la curatelle simple, la résiliation d'un bail rural à la demande du preneur est un acte que la personne protégée peut faire seule sans l'assistance de son curateur et que le fait que M. [P] [X] ait établi, sans l'assistance de son curateur, l'acte remis à M. [G] [N] n'enfreignait pas les règles des mesures de protection, la cour d'appel a violé les articles 467 et 505 du code civil, ensemble les annexes 1 et 2, colonne 2, du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle ;
2°) ALORS QUE s'il est établi l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur et postérieur à l'acte dont l'annulation est demandée, son annulation est encourue sauf au défendeur à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de sa conclusion ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le médecin expert, désigné par le juge des tutelles, avait relevé, antérieurement au prononcé du jugement du 6 octobre 2014 ayant placé M. [P] [X] sous curatelle, les troubles de la personnalité du majeur protégé s'accompagnant de variations pathologiques de l'humeur et de l'angoisse, que le 18 octobre 2014, le majeur protégé avait été conduit aux urgences du centre hospitalier [Localité 1], que l'interne qui l'avait examiné avait indiqué que cette conduite aux urgences s'inscrivait dans un épisode de confusion, d'agitation et de désorientation dans un contexte de syndrome de Korsakoff, que le patient présentait effectivement des troubles de comportement, qu'il ne semblait pas possible que la mesure de tutelle soit levée et que le 27 janvier 2015, l'association tutélaire de la Somme avait déposé une requête en aggravation de la mesure de curatelle en tutelle, dans laquelle le tuteur expliquait que M. [X] n'était plus en phase avec la réalité, adoptant des positions incohérentes le conduisant à faire de mauvais choix, ce dont il résultait l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur à l'acte du 11 décembre 2014 et persistant postérieurement à cet acte, devant dès lors conduire à son annulation sauf aux défendeurs à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de sa conclusion ; qu'en retenant, pour valider l'acte du 11 décembre 2014, que les appelants sur lesquels reposait la charge de la preuve de l'insanité d'esprit de M. [P] [X] échouaient à démontrer celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations et a violé l'article 414-1 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'absence de contrariété de l'acte de résiliation de bail du 11 décembre 2014 aux intérêts économiques du preneur pour valider cet acte sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer contradictoirement, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de l'intention de l'intéressé de renoncer ; que le preneur ayant droit à son renouvellement, la résiliation d'un bail rural emportant renonciation du preneur à ce droit doit résulter d'actes manifestant clairement et sans aucune équivoque la volonté de son auteur d'y procéder ; qu'en l'espèce, en retenant que l'écrit daté du 11 décembre 2014, dans lequel M. [X] déclarait rendre les terres en fin de bail, constituait une demande de résiliation du bail rural sans constater qu'il avait manifesté de façon claire et non équivoque son intention de résilier ce bail et de renoncer à son droit au renouvellement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 1134 du code civil, devenus les articles 1128 et 1103 du code civil, ensemble les articles L 416-1 et L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime ;
5°) ALORS, en tout état de cause, QUE lorsque le preneur a atteint l'âge de la retraite, il ne peut être mis fin au bail rural à long terme que par avis donné par acte extrajudiciaire ; qu'en décidant, à supposer les motifs des premiers juges adoptés, que le bail rural à long terme conclu le 28 juin 2000 avait valablement été résilié, sur le fondement de l'article L. 411-33 du code rural et de la pêche maritime pour atteinte par le preneur de l'âge de la retraite, par sa lettre du 11 décembre 2014, quand celle-ci ne constituait pas un acte extrajudiciaire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article R. 416-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 411-33 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime.ECLI:FR:CCASS:2021:C300390
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 mai 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 390 F-D
Pourvoi n° M 20-11.912
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 MAI 2021
1°/ M. [P] [X], domicilié [Adresse 1], représenté par son tuteur, l'association tutélaire de la Somme, prise en la personne de Mme [H] [W],
2°/ L'Association tutélaire de la Somme, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° M 20-11.912 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre des baux ruraux), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [G] [N], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [Z] [N], épouse [I], domiciliée [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [X] et de l'Association tutélaire de la Somme, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [N] et de Mme [I], après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 novembre 2019), par acte du 28 juin 2000, M. [X] a pris à bail à long terme diverses parcelles agricoles.
2. Par acte du 28 mars 2017, M. [N] et Mme [I], devenus respectivement usufruitier et nue-propriétaire d'une partie des terres louées, ont donné congé à M. [X] en raison de l'âge de la retraite du preneur.
3. Par déclaration du 9 juin 2017, M. [X], représenté par son tuteur, l'association tutélaire de la Somme, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation du congé et autorisation de cession du bail à son fils, [B].
4. M. [N] et Mme [I] ont demandé à titre reconventionnel la validation de deux actes de résiliation de bail établis par le preneur les 11 décembre 2014 et 23 décembre 2015, la résiliation judiciaire du bail pour cession prohibée, ainsi que la validation du congé.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. [X], représenté par l'association tutélaire de la Somme, et cette association font grief à l'arrêt de valider la lettre de résiliation de bail du 11 décembre 2014, de prononcer la résiliation du bail à compter du 30 septembre 2017, de condamner M. [X] à payer à M. [N] et à Mme [I] une indemnité d'occupation et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que sont regardés comme actes de disposition ne pouvant être faits par la personne protégée sans l'assistance de son curateur tout acte grave relatif aux baux ruraux et les actes relatifs à la vie professionnelle ; qu'en affirmant, pour refuser d'annuler l'acte du 11 décembre 2014, qu'en application du régime juridique de la curatelle simple, la résiliation d'un bail rural à la demande du preneur est un acte que la personne protégée peut faire seule sans l'assistance de son curateur et que le fait que M. [P] [X] ait établi, sans l'assistance de son curateur, l'acte remis à M. [G] [N] n'enfreignait pas les règles des mesures de protection, la cour d'appel a violé les articles 467 et 505 du code civil, ensemble les annexes 1 et 2, colonne 2, du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle ;
2°/ que, s'il est établi l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur et postérieur à l'acte dont l'annulation est demandée, son annulation est encourue sauf au défendeur à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de sa conclusion ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le médecin expert, désigné par le juge des tutelles, avait relevé, antérieurement au prononcé du jugement du 6 octobre 2014 ayant placé M. [P] [X] sous curatelle, les troubles de la personnalité du majeur protégé s'accompagnant de variations pathologiques de l'humeur et de l'angoisse, que le 18 octobre 2014, le majeur protégé avait été conduit aux urgences du centre hospitalier [Localité 1], que l'interne qui l'avait examiné avait indiqué que cette conduite aux urgences s'inscrivait dans un épisode de confusion, d'agitation et de désorientation dans un contexte de syndrome de Korsakoff, que le patient présentait effectivement des troubles de comportement, qu'il ne semblait pas possible que la mesure de tutelle soit levée et que le 27 janvier 2015, l'association tutélaire de la Somme avait déposé une requête en aggravation de la mesure de curatelle en tutelle, dans laquelle le tuteur expliquait que M. [X] n'était plus en phase avec la réalité, adoptant des positions incohérentes le conduisant à faire de mauvais choix, ce dont il résultait l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur à l'acte du 11 décembre 2014 et persistant postérieurement à cet acte, devant dès lors conduire à son annulation sauf aux défendeurs à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de sa conclusion ; qu'en retenant, pour valider l'acte du 11 décembre 2014, que les appelants sur lesquels reposait la charge de la preuve de l'insanité d'esprit de M. [P] [X] échouaient à démontrer celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations et a violé l'article 414-1 du code civil ;
3°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'absence de contrariété de l'acte de résiliation de bail du 11 décembre 2014 aux intérêts économiques du preneur pour valider cet acte sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer contradictoirement, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de l'intention de l'intéressé de renoncer ; que le preneur ayant droit à son renouvellement, la résiliation d'un bail rural emportant renonciation du preneur à ce droit doit résulter d'actes manifestant clairement et sans aucune équivoque la volonté de son auteur d'y procéder ; qu'en l'espèce, en retenant que l'écrit daté du 11 décembre 2014, dans lequel M. [X] déclarait rendre les terres en fin de bail, constituait une demande de résiliation du bail rural sans constater qu'il avait manifesté de façon claire et non équivoque son intention de résilier ce bail et de renoncer à son droit au renouvellement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 1134 du code civil, devenus les articles 1128 et 1103 du code civil, ensemble les articles L. 416-1 et L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime ;
5°/ en tout état de cause que, lorsque le preneur a atteint l'âge de la retraite, il ne peut être mis fin au bail rural à long terme que par avis donné par acte extrajudiciaire ; qu'en décidant, à supposer les motifs des premiers juges adoptés, que le bail rural à long terme conclu le 28 juin 2000 avait valablement été résilié, sur le fondement de l'article L. 411-33 du code rural et de la pêche maritime pour atteinte par le preneur de l'âge de la retraite, par sa lettre du 11 décembre 2014, quand celle-ci ne constituait pas un acte extrajudiciaire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article R. 416-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 411-33 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, ayant énoncé à bon droit qu'en application du régime de la curatelle simple, la résiliation d'un bail rural à la demande du preneur est un acte que la personne protégée peut accomplir seule et relevé qu'à la date d'envoi de sa lettre de résiliation, M. [X] relevait de ce régime, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui avait pas été demandée, a pu en déduire que la renonciation au bail, en ce qu'elle permettait au preneur d'exercer ses droits à la retraite, ne méconnaissait pas les règles de protection dont celui-ci bénéficiait.
7. En deuxième lieu, ayant énoncé à bon droit qu'il faut être sain d'esprit pour s'obliger par un acte valable et retenu, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments qui lui étaient soumis, d'une part, que l'absence de discernement de M. [X] à la date de signature de l'acte de résiliation du bail du 11 décembre 2014 n'était pas établie, d'autre part, que cet acte lui permettait, conformément à ses intérêts patrimoniaux, de percevoir les aides européennes jusqu'à une échéance où il serait déjà en mesure, depuis plusieurs années, de percevoir une pension de retraite, la cour d'appel a pu en déduire, sans violer le principe de la contradiction, que la décision de résiliation du preneur était valide.
8. En troisième lieu, l'avis prévu par les articles L. 416-1 et R. 416-1 du code rural et de la pêche maritime est destiné à protéger la partie destinataire de l'acte, de sorte que, lorsque la décision est prise par le preneur ayant atteint l'âge de la retraite, le bailleur est seul en mesure de se prévaloir d'une éventuelle méconnaissance de cette formalité.
9. Le moyen, inopérant en sa dernière branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [X], représenté par l'association tutélaire de la Somme et celle-ci aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [X] et l'Association tutélaire de la Somme.
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir validé la lettre de résiliation de bail datée du 11 décembre 2014, prononcé la résiliation à compter du 30 septembre 2017 du bail signé le 28 juin 2000 sur des parcelles sises à [Localité 1] d'une surface de 19 ha 17 a 90 ca, condamné M. [P] [X] à payer à M. [N] et Mme [N] épouse [I] une indemnité d'occupation égale au montant du fermage avec indexation conforme aux dispositions du bail jusqu'à la libération complète des lieux et d'avoir condamné M. [P] [X] représenté par son tuteur, l'association tutélaire de la Somme, à payer à M. [N] et Mme [N] épouse [I] ensemble la somme de 2 000 ?
au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE
« L'article 414-1 du code civil énonce que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Les parties s'opposent sur la validité du document en date du 11 décembre 2014 écrit par M. [P] [X] et par lequel il a indiqué rendre les terres en fin de bail, soit pour le mois de septembre 2017 ; les intimés affirment qu'il s'agit d'une demande de résiliation de bail par le preneur pour motif d'atteinte de l'âge de la retraite comme l'y autorise l'article L. 411-33 du code rural ; les appelants réfutent tout effet juridique à cet écrit au motif que M. [P] [X] n'avait pas toutes ses facultés mentales lorsque ce document a été établi.
Précédemment à ce document, M. [P] [X] avait été placé sous une mesure de tutelle par un jugement du 25 novembre 2013 pour une durée de 60 mois, la mesure de protection étant alors confiée à sa fille.
Sur la requête de M. [P] [X] en date du 25 novembre 2013 en mainlevée de cette mesure de tutelle, le juge des tutelles, par jugement du 6 octobre 2014 a converti la tutelle en curatelle simple, confiant alors l'exercice de la mesure à l'association tutélaire de la Somme, professionnelle de la protection des majeurs.
C'est sous l'empire de cette mesure de curatelle simple que M. [P] [X] a écrit le document querellé du 11 décembre 2014.
Il n'est pas discuté qu'en application du régime juridique de la curatelle simple, la résiliation d'un bail rural à la demande du preneur est un acte que la personne protégée peut faire seul sans l'assistance de son curateur.
Le fait que M. [P] [X] ait établi sans l'assistance de son curateur cet écrit qui a été remis à M. [G] [N] n'enfreint donc pas les règles des mesures de protection ; cette circonstance ne constitue pas pour autant un obstacle à une action en contestation de la validité de ce document, la charge de la preuve que M. [P] [X] n'était pas sain d'esprit au moment de l'établissement de cet acte et de sa remise consécutive reposant sur les appelants.
Il est indiqué au jugement qui a allégé la mesure de tutelle en curatelle, que M. [P] [X] avait accompagné sa requête de plusieurs certificats médicaux de son médecin traitant qui constatait l'absence de toute altération de ses facultés ; le jugement mentionne que son neurologue déduisait au vu des analyses biologiques l'arrêt de sa consommation alcoolique.
La requête était également accompagnée d'un certificat médical du médecin inscrit sur la liste prévue à l'article 431 du code civil qui concluait à l'absence d'altération cognitive justifiant l'organisation d'une mesure de tutelle préconisant tout au plus une sécurisation par un tiers externe et indépendant de la famille ; ce médecin insistait sur la nette amélioration de la situation depuis l'examen médical initial.
Le juge des tutelles a par ailleurs désigné un médecin expert qui a confirmé l'évolution favorable de la personne protégée et la disparition de la pathologie majeure que constituait l'encéphalopathie alcoolique ; l'expert relevait toutefois des troubles de la personnalité s'accompagnant de variations pathologiques de l'humeur et de l'angoisse pouvant s'extérioriser à la faveur du climat familial pointé comme délétère.
C'est donc au vu des avis de quatre médecins dont deux intervenant couramment dans le cadre des régimes de protection des majeurs que le juge faisant application du principe de nécessité qui gouverne les mesures de protection a placé M. [P] [X] sous curatelle simple aménageant toutefois cette mesure en faisant interdiction à M. [P] [X] de faire des opération contractuelles ou bancaires portant sur une valeur supérieure à 3 000 ?.
M. [P] [X] qui était assisté d'un avocat avait exprimé par ailleurs au juge des tutelles ses regrets sur les relations tendues existant avec son fils [B], indiquant qu'il aurait souhaité qu'ils puissent échanger sur la manière d'exploiter les terres et travailler ensemble.
Il s'avère en effet, que lors de l'assemblée générale du 27 juin 2014 de l'EARL [X], M. [P] [X] représenté par sa tutrice [Y] [X] a démissionné de ses fonctions de gérant et que [B] [X] était nommé en qualité de gérant de cette société ; cette démission s'était, en effet, accompagnée de la cession par [P] [X] de l'intégralité de ses parts sociales dans le capital de l'EARL [X] à son fils [B] qui devenait ainsi l'associé unique de cette société ; cette cession a été visiblement mal vécue par M. [P] [X] qui indiquait au juge des tutelles qu'il avait été dessaisi de ses biens.
La mésentente existant entre M. [P] [X] et ses enfants amenait le juge des tutelles à faire le choix d'un professionnel de la protection des majeurs pour exercer la curatelle en la personne de l'association tutélaire de la Somme.
Le 18 octobre 2014, soit quelques jours après que M. [P] [X] a été placé sous une mesure de curatelle, il était conduit aux urgences du Centre hospitalier [Localité 1] ; il résulte du courrier de l'interne qui l'a examiné que cette conduite aux urgences s'inscrivait dans un épisode de confusion, d'agitation et de désorientation dans un contexte de syndrome de Korsakoff ; ce praticien relevait que M. [P] [X] présentait effectivement des troubles de comportement ; ce courrier comporte une indication selon laquelle il ne semblait pas possible pour ce praticien que la mesure de tutelle soit levée ; du fait de son inexactitude par rapport à la mesure sous laquelle était alors placé M. [P] [X], il ne peut être déduit de celle-ci que pour ce praticien seule une mesure de l'intensité de la tutelle lui paraissait adaptée à l'état de M. [P] [X] ou si la levée de la mesure de curatelle alors en cours ne lui paraissait pas adaptée.
Ces éléments médicaux tendent à contrarier l'affirmation de l'insanité d'esprit de M. [P] [X] au moment de l'établissement de l'acte litigieux.
Le 27 janvier 2015, soit un peu plus d'un mois après l'écrit litigieux, l'association tutélaire de la Somme déposait une requête en aggravation de la mesure de curatelle en tutelle. Le tuteur expliquait dans sa requête que M. [P] [X] n'était plus en phase avec la réalité, adoptant des positions incohérentes le conduisant à faire de mauvais choix, ayant refusé de prendre sa retraite et souhaitant acheter du matériel agricole pour exploiter les terres dont il est resté preneur alors que cet investissement apparaissait disproportionné au rendement des parcelles d'une surface de 26 ha 72 a et que la tension existant avec son fils a empêché ce dernier de les exploiter pour le compte du majeur protégé.
Il est relevé que le risque d'investissements disproportionnés pointé par le curateur était limité par l'aménagement de la curatelle faisant interdiction à M. [P] [X] de s'engager seul au-delà de 3 000 ?.
L'acte de résiliation de bail du 11 décembre 2014 qui laissait à M. [P] [X] la jouissance des parcelles jusqu'au 30 septembre 2017, lui permettait de continuer à percevoir les aides européennes afférentes à celles-ci jusqu'à cette dernière date où il était déjà en mesure depuis plusieurs années de percevoir une pension de retraite ; il n'apparaît donc pas que cet acte était contraire à ses intérêts patrimoniaux.
Ces éléments de fait postérieurs à la date de l'écrit litigieux qui ne remettent pas en cause les éléments médicaux précédemment discutés, ne sont pas probants d'une insanité d'esprit.
Le contexte familial délétère et notamment la situation conflictuelle entre M. [P] [X] et son fils ne sont pas de nature à apporter quelque élément contraire.
L'écriture du document du 11 décembre 2014 ne présente pas d'anormalité formelle, ce document n'est pas surchargé, ni raturé ; sa présentation est classique ; aucun signe intrinsèque de ce document ne révèle une quelconque insanité d'esprit de son auteur.
Les appelants indiquent que ce document a été établi par M. [P] [X] lors du passage de M. [G] [N] à son domicile qui venait lui remettre le compte de fermage ; quand bien même M. [P] [X] aurait ainsi satisfait à la demande de ce dernier, aucun élément du dossier n'établit qu'il n'a pas librement et en connaissance de cause consenti à une telle demande.
Ainsi tant au vu des éléments intrinsèques de l'acte du 11 décembre 2014 que sous l'aspect médical de M. [P] [X] qu'au vu des intérêts économiques de ce dernier, les appelants sur lesquels repose la charge de la preuve de son insanité d'esprit échouent à démontrer celle-ci.
Alors que le preneur a droit en application de l'article L. 411-69 du code rural à des indemnités de sortie pour les améliorations apportées au sol quelque soit la cause qui a mis fin au bail, il ne peut être sérieusement soutenu que la compensation d'arrières fumures indiquées à l'acte du 11 décembre 2014 soit une condition suspensive à la résiliation du bail à la demande du preneur.
Partant le jugement qui a validé l'acte de résiliation du bail du 11 décembre 2014 est confirmé.
Le bail étant résilié à la demande du preneur par l'effet de l'écrit du 11 décembre 2014, il n'y a pas lieu de statuer sur la validité de l'écrit du 23 décembre 2015 et la demande en résiliation judiciaire du bail formée à titre subsidiaire est devenue sans objet ; il en est de même de la demande en validation du congé et de la demande corolaire en contestation du congé tout comme de la demande du preneur à être autorisé à céder son bail ; » (arrêt p.6 à 9)
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Aux termes des dispositions de l'article L 411-33 du code rural et de la pêche maritime, le preneur qui atteint 1'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles peut, par dérogation aux dispositions de l'article L. 411-5, résilier le bail à la fin d'une de ses périodes annuelles suivant la date à laquelle il aura atteint l'âge requis.
Dans ce cas, le preneur doit notifier sa décision au propriétaire au moins douze mois à l'avance.
En l'espèce, il résulte de la lecture des pièces qu'un bail a été signé le 28 juin 2000 entre les parties commençant à courir le 01/10/1999 pour se terminer le 30/09/2017 et que M. [P] [X] a, par deux documents signés le 11 décembre 2014 et 23 décembre 2015, fait savoir qu'il restituerait les parcelles qu'il louait aux consorts [N] au 30 septembre 2017.
Il apparaît qu'à la date du premier courrier le 11 décembre 2014, il ne bénéficiait que d'une mesure de curatelle simple qui lui permettait donc de procéder à la résiliation de son bail rural puisqu'il ne s'agissait que d'un acte d'administration et qu'il n'était pas dépourvu de la capacité de contracter au sens des dispositions de l'article 1123 du code civil.
En revanche, lorsqu'il réitère son intention de libérer les parcelles par courrier daté du 23 décembre 2015, il bénéficie d'une mesure de curatelle avec gestion qui nécessitait l'intervention du curateur.
Les termes du procès-verbal d'assemblée générale de l'EARL [X] daté du 11 février 2015 font référence à la démission de M. [P] [X] de ses fonctions de gérant et son remplacement par son fils lequel devient associé unique de l'EARL et au fait que M. [P] [X] est sous tutelle ce qui n'est pas l'exacte vérité tel que cela ressort du jugement du 19 juillet 2016 qui relate une curatelle simple jusqu'au 10 avril 2015.
La question est donc de savoir quelle valeur peut être accordée à une résiliation décidée dès le 11 décembre 2014 avec un effet au 30 septembre 2017.
Manifestement en 2014, M. [P] [X], déjà âgé de 62 ans, avait décidé de cesser son exploitation et les bailleurs ne s'y étant pas opposés, l'accord des parties pour cette rupture permet de tenir pour acquis le principe de celle-ci.
Aucun élément ne permet d'établir qu'en décembre 2014, date de signature de la lettre de résiliation, M. [X] ne présentait pas la capacité mentale pour prendre cette décision alors qu'il ne bénéficiait que d'une mesure de curatelle simple.
Rien ne prouve que les bailleurs ont forcé M. [P] [X] à rédiger ce document à leur profit même si cette résiliation constituait pour eux un avantage.
La communication de la liste des bénéficiaires de la PAC pour la période d'octobre 2014 à octobre 2015 dont les termes ne sont pas contestés permet de faire apparaître que le preneur n'était pas bénéficiaire de ces aides à titre personnel mais que l'EARL [X] l'était pour la somme de 32872.95 euros.
Ces informations suffisent à démontrer la volonté de M. [P] [X] de cesser son activité agricole ce qui n'apparaît pas aberrant puisqu'il avait déjà atteint l'âge de la retraite en décembre 2014. II n'est nullement justifié de la poursuite de l'activité à titre personnel. À l'exception d'un relevé mutualité sociale agricole, aucun bilan, aucune facture, aucune pièce comptable n'est versée aux débats justifiant la réalité de cette exploitation.
Le tribunal décide donc de valider la lettre de résiliation datée du 11 décembre 2014.
En tout état de cause, si la lettre de résiliation adressée en décembre 2014 n'avait pas été validée, se posait, la question de la cession prohibée au fils de Monsieur [P] [X] puisque les éléments rapportés à savoir la démission des fonctions de gérant de Monsieur [P] [X] de l'EARL, la cession de l'intégralité de ses parts sociales à son fils, sans que le défendeur nous démontre que les terres n'étaient pas exploitées par l'EARL avant la cession des parts, la perception par la seule EARL des aides PAC pour la période octobre 2014 à 2015 sans que ne soit prouvé que la somme perçue ne concernait pas les parcelles louées par les consorts [N] tendaient à établir que Monsieur [P] [X] qui ne communique aucune pièce comptable de son activité à titre individuel, avait cédé son exploitation à son fils sans en avertir le bailleur comme les termes de l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime l'exigent.
La résiliation du bail signé entre les parties le 28 juin 2000 doit donc être prononcée à compter du 30 septembre 2017 rappelant qu'elle porte sur les parcelles situées à [Localité 1] (Somme), lieudits le champ à groseilles, flox, et derrière haute visée pour une contenance totale de 19 hectares, 17 ares et 90 centimes et l'expulsion prononcée des parcelles occupées, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement ; »
1°) ALORS QUE sont regardés comme actes de disposition ne pouvant être faits par la personne protégée sans l'assistance de son curateur tout acte grave relatif aux baux ruraux et les actes relatifs à la vie professionnelle ; qu'en affirmant, pour refuser d'annuler l'acte du 11 décembre 2014, qu'en application du régime juridique de la curatelle simple, la résiliation d'un bail rural à la demande du preneur est un acte que la personne protégée peut faire seule sans l'assistance de son curateur et que le fait que M. [P] [X] ait établi, sans l'assistance de son curateur, l'acte remis à M. [G] [N] n'enfreignait pas les règles des mesures de protection, la cour d'appel a violé les articles 467 et 505 du code civil, ensemble les annexes 1 et 2, colonne 2, du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle ;
2°) ALORS QUE s'il est établi l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur et postérieur à l'acte dont l'annulation est demandée, son annulation est encourue sauf au défendeur à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de sa conclusion ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le médecin expert, désigné par le juge des tutelles, avait relevé, antérieurement au prononcé du jugement du 6 octobre 2014 ayant placé M. [P] [X] sous curatelle, les troubles de la personnalité du majeur protégé s'accompagnant de variations pathologiques de l'humeur et de l'angoisse, que le 18 octobre 2014, le majeur protégé avait été conduit aux urgences du centre hospitalier [Localité 1], que l'interne qui l'avait examiné avait indiqué que cette conduite aux urgences s'inscrivait dans un épisode de confusion, d'agitation et de désorientation dans un contexte de syndrome de Korsakoff, que le patient présentait effectivement des troubles de comportement, qu'il ne semblait pas possible que la mesure de tutelle soit levée et que le 27 janvier 2015, l'association tutélaire de la Somme avait déposé une requête en aggravation de la mesure de curatelle en tutelle, dans laquelle le tuteur expliquait que M. [X] n'était plus en phase avec la réalité, adoptant des positions incohérentes le conduisant à faire de mauvais choix, ce dont il résultait l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur à l'acte du 11 décembre 2014 et persistant postérieurement à cet acte, devant dès lors conduire à son annulation sauf aux défendeurs à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de sa conclusion ; qu'en retenant, pour valider l'acte du 11 décembre 2014, que les appelants sur lesquels reposait la charge de la preuve de l'insanité d'esprit de M. [P] [X] échouaient à démontrer celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations et a violé l'article 414-1 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'absence de contrariété de l'acte de résiliation de bail du 11 décembre 2014 aux intérêts économiques du preneur pour valider cet acte sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer contradictoirement, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de l'intention de l'intéressé de renoncer ; que le preneur ayant droit à son renouvellement, la résiliation d'un bail rural emportant renonciation du preneur à ce droit doit résulter d'actes manifestant clairement et sans aucune équivoque la volonté de son auteur d'y procéder ; qu'en l'espèce, en retenant que l'écrit daté du 11 décembre 2014, dans lequel M. [X] déclarait rendre les terres en fin de bail, constituait une demande de résiliation du bail rural sans constater qu'il avait manifesté de façon claire et non équivoque son intention de résilier ce bail et de renoncer à son droit au renouvellement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 1134 du code civil, devenus les articles 1128 et 1103 du code civil, ensemble les articles L 416-1 et L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime ;
5°) ALORS, en tout état de cause, QUE lorsque le preneur a atteint l'âge de la retraite, il ne peut être mis fin au bail rural à long terme que par avis donné par acte extrajudiciaire ; qu'en décidant, à supposer les motifs des premiers juges adoptés, que le bail rural à long terme conclu le 28 juin 2000 avait valablement été résilié, sur le fondement de l'article L. 411-33 du code rural et de la pêche maritime pour atteinte par le preneur de l'âge de la retraite, par sa lettre du 11 décembre 2014, quand celle-ci ne constituait pas un acte extrajudiciaire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article R. 416-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 411-33 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime.