Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 6 mai 2021, 20-14.551, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 mai 2021




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 382 FS-P+R

Pourvoi n° E 20-14.551

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 octobre 2020.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 MAI 2021

Mme [N] [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-14.551 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Areas dommages, société d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme [F], de Me Le Prado, avocat de la société Areas dommages, et l'avis écrit de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, Mme Bouvier, M. Martin, conseillers, Mme Guého, MM. Talabardon, Ittah, Pradel, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 janvier 2020) Mme [F], qui est infirme moteur cérébral et souffre d'une hémiplégie droite, effectue ses déplacements à l'extérieur en fauteuil roulant électrique.

2. Elle a été victime le 11 février 2015, alors qu'elle se déplaçait en fauteuil roulant, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société Areas dommages.

3. Elle a assigné cet assureur, qui refusait de l'indemniser de ses blessures subies à l'occasion de cet accident, au motif qu'elle aurait commis une faute exclusive de son droit à indemnisation en réparation de ses préjudices.

4. À l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt limitant son droit à indemnisation, Mme [F] a sollicité le renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité.

5. Par arrêt du 1er octobre 2020 (2e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 20-14.551), la Cour a rejeté cette demande.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa sixième branche, et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

7. Mme [F] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur et qu'elle a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation de moitié, alors :

« 1°/ que les victimes conductrices de véhicules terrestres à moteur voient leur droit à indemnisation limité ou exclu lorsqu'elles ont commis une faute, contrairement aux victimes non conductrices de véhicules terrestres à moteur qui sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute volontaire ou de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ; que n'est pas le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur la personne handicapée qui circule sur un fauteuil roulant électrique ; qu'en l'espèce, pour conclure que Mme [F] était la conductrice d'un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985, la cour d'appel a retenu que Mme [F], qui était handicapée, conduisait un fauteuil roulant électrique qui était muni d'un système de propulsion motorisée, d'une direction, d'un siège et d'un dispositif d'accélération et de freinage, de sorte qu'il avait vocation à circuler de manière autonome ; qu'en qualifiant de conductrice d'un véhicule terrestre à moteur une personne handicapée qui se déplaçait à l'aide d'un fauteuil roulant électrique, la cour d'appel a violé les articles 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

2°/ que la notion de véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 est autonome de la notion de véhicule terrestre au sens de l'article L. 211-1 du code des assurances ; qu'en l'espèce, pour conclure que Mme [F] était la conductrice d'un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985, la cour d'appel a retenu que le fauteuil roulant de Mme [F] avait vocation à circuler de manière autonome et répondait donc à la définition que l'article L. 211-1 du code des assurances donne du véhicule terrestre à moteur ; qu'en se référant à l'article L. 211-1 du code des assurances pour apprécier si un fauteuil roulant électrique était un véhicule terrestre à moteur, la cour d'appel a violé les articles 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1er, 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tels qu'interprétés à la lumière des objectifs assignés aux États par les articles 1, 3 et 4 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007 :

8. Selon ces dispositions, la loi du 5 juillet 1985 s'applique, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.

9. Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute, à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.

10. Enfin, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.

11. Par l'instauration de ce dispositif d'indemnisation sans faute, le législateur, prenant en considération les risques associés à la circulation de véhicules motorisés, a entendu réserver une protection particulière à certaines catégories d'usagers de la route, à savoir les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées, et celles en situation de handicap.

12. Il en résulte qu'un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d'une personne en situation de handicap, n'est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985.

13. Pour dire que Mme [F] avait la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, l'arrêt retient que, muni d'un système de propulsion motorisée, d'une direction, d'un siège et d'un dispositif d'accélération et de freinage, le fauteuil roulant de Mme [F] a vocation à circuler de manière autonome et répond à la définition que l'article L. 211-1 du code des assurances donne du véhicule terrestre à moteur et qu'à ce titre, le fauteuil roulant de Mme [F] relève bien du champ d'application de la loi du 5 juillet 1985.

14. Il retient enfin que, si l'article R. 412-34 du code de la route assimile au piéton la personne en situation de handicap se déplaçant en fauteuil roulant, ce texte ne vise pas les fauteuils roulants motorisés mais les fauteuils roulants « mus par eux-mêmes », c'est-à-dire dépourvus de motorisation.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les trois premiers textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement du 19 novembre 2018 en ce qu'il a admis que Mme [F] a un droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice et quant au montant de la provision allouée à Mme [F], il dit que Mme [F] a la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, que Mme [F] a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation, et que le droit à indemnisation de Mme [F] est réduit de moitié, l'arrêt rendu le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Areas dommages aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Areas dommages et la condamne à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme [F]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que Mme [F] a la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, d'AVOIR dit que Mme [F] a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation et d'AVOIR dit que le droit à indemnisation de Mme [F] est réduit de moitié ;

AUX MOTIFS QU'aux termes des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur blessé dans un accident de la circulation a droit à une indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il est prouvé qu'il a commis une faute ayant contribué à la survenance de son préjudice ; qu'en application de ce texte, la faute commise par le conducteur a pour conséquence une réduction ou une privation du droit à indemnisation, en fonction de son degré de gravité dès lors qu'elle a contribué à la réalisation du dommage, indépendamment de la faute commise par l'autre conducteur ; que muni d'un système de propulsion motorisée, d'une direction, d'un siège et d'un dispositif d'accélération et de freinage, le fauteuil roulant de Mme [F] a vocation à circuler de manière autonome et répond à la définition que l'article L. 211-1 du code des assurances donne du véhicule terrestre à moteur : « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée » ; qu'à ce titre, le fauteuil roulant de Mme [F] relève bien du champ d'application de la loi du 5 juillet 1985 ; que certes, l'article R. 412-34 du code de la route assimile au piéton la personne handicapée se déplaçant en fauteuil roulant ; que pour autant, ce texte ne vise pas les fauteuils roulants motorisés mais les fauteuils roulants « mus par eux-mêmes », c'est-à-dire dépourvus de motorisation ; qu'enfin, Mme [F] ne démontre pas en quoi la convention de New-York du 30 mars 2007 et le règlement UE 168/2013 du 15 janvier 2013 s'opposeraient à l'application des dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 ; que Mme [F] a la qualité de conductrice d'un véhicule terrestre à moteur ;

ALORS QUE les articles 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 sont contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution en ce qu'ils n'excluent pas de la catégorie des victimes conductrices d'un véhicule terrestre à moteur les personnes handicapées circulant sur un fauteuil roulant électrique ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée par le Conseil constitutionnel après renvoi par la Cour de cassation, privera l'arrêt attaqué de fondement juridique.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que Mme [F] a la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, d'AVOIR dit que Mme [F] a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation et d'AVOIR dit que le droit à indemnisation de Mme [F] est réduit de moitié ;

AUX MOTIFS QU'aux termes des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur blessé dans un accident de la circulation a droit à une indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il est prouvé qu'il a commis une faute ayant contribué à la survenance de son préjudice ; qu'en application de ce texte, la faute commise par le conducteur a pour conséquence une réduction ou une privation du droit à indemnisation, en fonction de son degré de gravité dès lors qu'elle a contribué à la réalisation du dommage, indépendamment de la faute commise par l'autre conducteur ; que muni d'un système de propulsion motorisée, d'une direction, d'un siège et d'un dispositif d'accélération et de freinage, le fauteuil roulant de Mme [F] a vocation à circuler de manière autonome et répond à la définition que l'article L. 211-1 du code des assurances donne du véhicule terrestre à moteur : « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée » ; qu'à ce titre, le fauteuil roulant de Mme [F] relève bien du champ d'application de la loi du 5 juillet 1985 ; que certes, l'article R. 412-34 du code de la route assimile au piéton la personne handicapée se déplaçant en fauteuil roulant ; que pour autant, ce texte ne vise pas les fauteuils roulants motorisés mais les fauteuils roulants « mus par eux-mêmes », c'est-à-dire dépourvus de motorisation ; qu'enfin, Mme [F] ne démontre pas en quoi la convention de New-York du 30 mars 2007 et le règlement UE 168/2013 du 15 janvier 2013 s'opposeraient à l'application des dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 ; que Mme [F] a la qualité de conductrice d'un véhicule terrestre à moteur ;

1) ALORS QUE les victimes conductrices de véhicules terrestres à moteur voient leur droit à indemnisation limité ou exclu lorsqu'elles ont commis une faute, contrairement aux victimes non-conductrices de véhicules terrestres à moteur qui sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute volontaire ou de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ; que n'est pas le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur la personne handicapée qui circule sur un fauteuil roulant électrique ; qu'en l'espèce, pour conclure que Mme [F] était la conductrice d'un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985, la cour d'appel a retenu que Mme [F], qui était handicapée, conduisait un fauteuil roulant électrique qui était muni d'un système de propulsion motorisée, d'une direction, d'un siège et d'un dispositif d'accélération et de freinage, de sorte qu'il avait vocation à circuler de manière autonome ; qu'en qualifiant de conductrice d'un véhicule terrestre à moteur une personne handicapée qui se déplaçait à l'aide d'un fauteuil roulant électrique, la cour d'appel a violé les articles 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

2) ALORS QUE la notion de véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 est autonome de la notion de véhicule terrestre au sens de l'article L. 211-1 du code des assurances ; qu'en l'espèce, pour conclure que Mme [F] était la conductrice d'un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985, la cour d'appel a retenu que le fauteuil roulant de Mme [F] avait vocation à circuler de manière autonome et répondait donc à la définition que l'article L. 211-1 du code des assurances donne du véhicule terrestre à moteur ; qu'en se référant à l'article L. 211-1 du code des assurances pour apprécier si un fauteuil roulant électrique était un véhicule terrestre à moteur, la cour d'appel a violé les articles 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

3) ALORS QUE selon l'article R. 412-34 du code de la route, sont assimilés aux piétons les infirmes qui se déplacent dans une chaise roulante mue par eux-mêmes ou circulant à l'allure du pas ; que pour conclure que le fauteuil roulant électrique sur lequel circulait Mme [F] au moment de l'accident était un véhicule terrestre à moteur, la cour d'appel a retenu que si l'article R. 412-34 du code de la route assimilait certes au piéton la personne handicapée se déplaçant en fauteuil roulant, pour autant, ce texte ne visait que les fauteuils roulants « mus par eux-mêmes », c'est-à-dire dépourvus de motorisation, et pas les fauteuils roulants motorisés ; qu'en statuant ainsi quand l'article R. 412-34 du code de la route vise non seulement les fauteuils roulants manuels mais également les fauteuils roulants électriques lorsqu'ils circulent à l'allure du pas, la cour d'appel a violé l'article R. 412-34 du code de la route ;

4) ALORS QUE le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en l'espèce, Mme [F], qui visait expressément la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007 dans le dispositif de ses conclusions et produisait le texte de la convention aux débats, faisait valoir que qualifier un fauteuil roulant électrique de véhicule terrestre à moteur était contraire à la convention du 30 mars 2007 en ce que cela conduisait à imposer aux personnes handicapées un périmètre donné de déambulation exclusivement composé des voies de circulation routières et donc à porter atteinte à leur droit d'avoir accès librement à toutes les voies utilisées par les piétons ; qu'en refusant d'examiner le litige à la lumière de la Convention internationale des droits des personnes handicapées que Mme [F] ne démontrait pas en quoi les dispositions de cette convention internationale pouvaient prévaloir sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, quand elle se devait d'examiner le litige sous tous ses aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables, et donc à la lumière de la Convention internationale des droits des personnes handicapées, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

5) ALORS QUE le traité international régulièrement ratifié ou approuvé a dès sa publication une autorité supérieure à celle des lois, fussent-elles d'ordre public ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que Mme [F] ne démontrait pas en quoi les dispositions de la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007 pouvaient prévaloir sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 qui étaient d'ordre public ; qu'en statuant ainsi quand le caractère d'ordre public des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 n'était pas de nature à faire obstacle à la supériorité de la Convention internationale des droits des personnes handicapées sur la loi, la cour d'appel a violé l'article 55 de la Constitution ;

6) ALORS QUE la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dont font partie le droit à la vie et le droit à la sûreté, doit être assurée, sans distinction aucune, fondée sur le handicap ; qu'en l'espèce, en qualifiant le fauteuil roulant électrique de véhicule terrestre à moteur, quand une telle qualification conduisait à interdire de façon discriminatoire aux personnes handicapées se déplaçant sur un tel fauteuil de rouler sur les trottoirs et donc à les obliger à rouler sur la route ce qui était dangereux pour elles et de nature à mettre en cause leur intégrité physique, la cour d'appel a violé les articles 14, 2 et 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que Mme [F] a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation et d'AVOIR dit que le droit à indemnisation de Mme [F] est réduit de moitié ;

AUX MOTIFS QUE Mme [F] a la qualité de conductrice d'un véhicule terrestre à moteur ; qu'il n'est ni justifié ni soutenu que son handicap aurait pour corollaire un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité supérieur ou égal à 80 % qui, conformément à l'article 3 alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1985, garantirait son droit à indemnisation ; que Mme [P] soutient qu'il faisait nuit et que la zone de l'accident n'était pas éclairée ; que les services de police notent de façon assez contradictoire l'absence d'éclairage puis son bon fonctionnement ainsi que la bonne visibilité ; que quoi qu'il en soit, Mme [F] a engagé son véhicule dans un sens de circulation qui était perpendiculaire au sens normal de circulation des véhicules empruntant le rond-point du carrefour de l'Europe ; qu'elle a méconnu ce faisant l'obligation de prudence et de respect des autres usagers de la route (article R. 412-6 du code de la route) et a commis un défaut de maîtrise (article R. 413-17 du code de la route) ; que Mme [F] a admis dans ses dernières écritures que le fait d'avoir traversé en sortie de rond-point à proximité d'une zone commerciale était dangereux ; que cette faute de conduite ayant contribué de façon directe et certaine à la survenance du fait dommageable, le droit à indemnisation de Mme [F] sera réduit de moitié ;

1) ALORS QUE seules les victimes non-conductrices de véhicules terrestres à moteur lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 %, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis ; qu'en l'espèce, pour réduire de moitié l'indemnisation de Mme [F], la cour d'appel a retenu, après avoir dit que cette dernière était conductrice d'un véhicule terrestre à moteur, qu'il n'était ni justifié ni soutenu que son handicap aurait pour corollaire un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité supérieur ou égal à 80 % qui garantirait son droit à indemnisation ; qu'en statuant par un tel motif inopérant puisqu'elle venait de retenir que Mme [F] était conductrice d'un véhicule terrestre à moteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

2) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour réduire de moitié l'indemnisation de Mme [F], la cour d'appel a retenu que cette dernière avait admis dans ses dernières écritures que le fait d'avoir traversé en sortie de rond-point à proximité d'une zone commerciale était dangereux ; qu'en statuant ainsi quand à aucun moment dans ses écritures Mme [F] ne reconnaissait avoir eu un comportement dangereux et faisait au contraire valoir que l'accident avait eu pour cause exclusive la faute de Mme [P], la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2021:C200382
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