Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 mai 2021, 20-10.092, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 mai 2021, 20-10.092, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 20-10.092
- ECLI:FR:CCASS:2021:SO00490
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 05 mai 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 07 novembre 2019- Président
- Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 mai 2021
Rejet
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 490 F-D
Pourvoi n° G 20-10.092
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MAI 2021
Mme [G] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-10.092 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Monster Worldwide, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de Mme [Y], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Monster Worldwide, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 novembre 2019), Mme [Y] a été engagée par la société Monster Worldwide le 21 juin 2005 et exerçait en dernier lieu les fonctions de « senior manager » ventes, selon un avenant au contrat de travail signé le 1er juillet 2014, prévoyant une clause de non-concurrence.
2. Elle a démissionné de son poste le 11 mai 2015 et a quitté l'entreprise le 30 juin suivant.
3. Elle a signé un contrat avec la société Indeed le 25 mai 2015, prenant effet le 1er juillet 2015.
4. La société Indeed a rompu la période d'essai le 1er octobre 2015.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement par la société Monster Worldwide d'une somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, alors « que l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence est due pendant la période où le salarié a respecté son obligation de concurrence ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice à compter de la rupture de sa période d'essai chez Indeed, la cour d'appel a retenu que la clause devait être respectée dans son ensemble ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ».
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel, qui a constaté que la salariée, tenue de ne pas concurrencer son ancien employeur pendant une durée de douze mois à compter de la date de rupture effective du contrat, avait quitté l'entreprise le 30 juin 2015 pour entrer au service d'une société concurrente le 1er juillet 2015, a, à bon droit, jugé qu'aucune contrepartie à la clause de non-concurrence n'était due à la salariée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme [Y]
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme [Y] à payer à la SA Monster Worldwide la somme de 24 204,50 € en remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, outre intérêts ;
Aux motifs que « Mme [Y] conteste avoir violé sa clause de non concurrence. Elle soutient que la société Indeed n'exerçait pas une activité concurrente à celle de la SA Monster Worldwide au moment des faits puisque cette dernière exploite un site d'annonces classiques ayant pour activité la publication d'offres d'emploi d'entreprises alors que la société Indeed n'est qu'un intermédiaire entre les demandeurs d'emploi et les sites publiant directement des offres d'emploi.
La SA Monster Worldwide soutient que Mme [Y] a sciemment violé la clause de non-concurrence puisque les deux sociétés sont directement concurrentes et interviennent sur le même secteur vis-à-vis des mêmes clients. Elle reconnaît que par le passé les sociétés n'étaient pas directement concurrentes mais soutient que cette situation a cessé compte tenu des modifications du périmètre d'activité de la société Indeed qui a ajouté de nouveaux services à son activité en créant son propre site d'emploi.
Mme [Y] souligne qu'en tout état de cause, elle n'exerçait pas les mêmes fonctions au sein des deux sociétés. Elle explique que lorsqu'elle travaillait au sein de la SA Monster Worldwide, elle avait un rôle de direction et était chargée de gérer un département en établissant des plans d'actions, alors qu'au sein de la société Indeed elle avait un rôle de prospection.
La SA Monster Worldwide le conteste et fait valoir que Mme [Y] exerçait des missions tout à fait similaires, notamment au regard de la présentation de l'offre de services auprès des clients, et en termes d'analyse et de régularisation des rapports d'analyse mensuelle afin de développer les relations industrielles et commerciales.
Sur ce,
-Sur les activités concurrentes des sociétés Monster et Indeed
La société Indeed était à l'origine un agrégateur, c'est-à-dire qu'elle mettait à disposition un outil qui permettait aux internautes d'accéder sur un site unique à toutes les offres d'emploi, notamment sur le site Monster, en triant les offres d'emploi. La rémunération de la société Indeed était uniquement liée aux espaces publicitaires qu'elle pouvait ainsi commercialiser sur son site. C'est dans ce cadre que la société Monster diffusait, sur le site Indeed, une partie de ses annonces, générant ainsi un courant d'affaires entre les deux sociétés. Les activités de Monster et d'Indeed étaient alors complémentaires.
Il résulte de plusieurs pièces produites aux débats, notamment d'une interview exclusive RH de M. [A] [I] vice-président senior marketing chez Indeed (pièce 36 de la société) et d'un article en date du 14 janvier 2015 de Exclusive RH, "Indeed accélère en France" (pièce 38 de la société), qu'à partir de début 2015, la société Indeed a décidé, en créant son propre site d'emploi, de proposer elle-même des services aux employeurs, en diffusant des annonces et mettant à disposition une CV-thèque.
La consultation du site internet de la société Indeed confirme cette nouvelle activité.
Ainsi, à compter du début de l'année 2015, la société Indeed est devenue une concurrente directe de la société Monster. Elle se positionne clairement comme le leader de ce secteur d'activité et démarche de façon très active les clients de Monster en se présentant comme le leader du marché, ainsi que cela résulte d'un courriel d'un commercial d'Indeed qui indique : "Je représente la société Indeed.fr, leader des sites d'emploi, comme vous pourrez le remarquer via ce site permettant de comparer le trafic (…) Indeed 12,5 millions contre Monster.fr 2,3 millions".
La SA Monster Worldwide explique que, directement confrontée à cette activité concurrente, elle a considérablement diminué son courant d'affaires avec Indeed en qualité d'agrégateur.
De son côté, la société Indeed a constitué une force commerciale en France et a mené une campagne publicitaire active notamment sur BFM TV, pour renforcer sa pénétration en France.
C'est dans ce contexte que Mme [Y] a été recrutée par la société Indeed ;
-Sur les activités de Mme [Y] au sein de Monster et d'Indeed
La lecture du contrat de travail que Mme [Y] a conclu avec la société Indeed montre que la salariée, engagée en tant que Stratégic Client Manager, statut cadre, position 3.1, coefficient 170, bénéficiait exactement des mêmes coefficient et positionnement que ceux qu'elle avait chez Monster.
Aux termes de l'article 1 de son contrat de travail, Mme [Y] était en charge chez Indeed, sur son secteur d'activité, en qualité de Stratégic Client Manager, de distribuer des services coût-par-clic auprès d'entreprises nationales et internationales sur la France en soutenant les ventes réalisées depuis l'Irlande et à ce titre, d'animer et d'organiser des visites chez des clients, d'identifier des clients potentiels et plus généralement d'accomplir toutes autres tâches nécessaires. A ce titre, elle était directement en contact avec les grands comptes et avec les agences de recrutement et de communication et démarchait en réalité les mêmes clients que Monster.
Il apparaît que c'est justement pour l'aider à développer une activité concurrente à celle de Monster qu'Indeed a engagé Mme [Y], celle-ci ayant été rejointe chez Indeed par deux anciens collaborateurs, M. [H] et M. [D].
Il ressort de ce qui précède que les sociétés Indeed et Monster sont concurrentes et que Mme [Y] exerçait chez Indeed des fonctions identiques à celles qu'elle exerçait chez Monster.
Il se déduit de ces constatations que Mme [Y] a violé la clause de non concurrence qui la liait à la SA Monster worldwide.
Il y a dès lors lieu d'examiner la demande subsidiaire de la salariée tendant au prononcé de la nullité de la clause » (arrêt p 4, § 2 et suiv.) ;
Et aux motifs adoptés du jugement qu'« il ressort des éléments soumis à l'appréciation du conseil et des débats à la barre que les 2 sociétés Monster worldwide et Indeed étaient devenues des sociétés concurrentes ; que si en effet, lors de l'embauche de Mme [G] [Y] en 2005, telle n'était pas la situation car Indeed avait à cette époque-là uniquement un rôle d'intégrateur, à savoir la mise à disposition d'un outil permettant aux internautes d'accéder sur un site unique à toutes les offres d'emploi disponibles sur la toile internet, telle n'était plus la situation en 2015 (cf. pièces 36, interview du 24 juillet 2015 de [A] [I], vice-président d'Indeed et pièce 38, site emploi généraliste du 14 janvier 2015 de la société Monster worldwide) ;
Attendu qu'il est précisé en effet dans ces pièces en janvier 2015 que la société Indeed qui est américaine s'implante en France pour développer le marché du erecrutement et qu'elle a prévu de recruter à [Localité 1] sur des postes liés au support commercial et marketing pour soutenir leurs opérations européennes ; qu'il s'avère que la société Indeed a modifié son périmètre d'intervention en ajoutant de nouveaux services à son activité d'intégrateur d'origine ; que disposant d'une base de données très importantes en sa qualité d'intégrateur, elle a décidé d'intervenir sur les services proposés aux employeurs en proposant d'assurer elle-même la diffusion des annonces et de créer à cet effet une force commerciale en France ;
Attendu par ailleurs que Mme [G] [Y] a été embauchée par Indeed en qualité de "stratégic client manager", qu'à ce titre, elle est chargée de distribuer des services auprès d'entreprises nationales et internationales sur un secteur déterminé (soit une région française) en soutenant les ventes depuis l'Irlande, d'animer et organiser les visites, identifier les clientèles potentielles et attirer de nouveaux clients, développer les relations industrielles et commerciales, tout cela pour le compte d'Indeed Ireland (cf. pièce 40 de la société Monster worldwide, contrat de travail de Mme [G] [Y] du 25 mai 2015 avec Indeed) ; que le mail de Mme [C] [F] de chez Indeed du 9 juillet 2015 confirme que Mme [G] [Y] a intégré le team agence chez Indeed et qu'elle sera en charge de l'agence et l'interlocuteur pour toute demande (cf. pièce 31 société Monster worldwide) ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées au débat que Mme [G] [Y] a exercé dans la société Monster worldwide puis Indeed des fonctions commerciales similaires ;
Attendu que son activité dans la société Indeed est directement concurrente de celle qu'elle exerçait dans la société Monster worldwide et qu'elle a, par ce fait, violé son obligation de non-concurrence ;
Attendu en conséquence que Mme [G] [Y] sera condamnée à rembourser à la société Monster worldwide la somme de 24 204,50 € qu'elle a déjà perçue au titre de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence (cf pièce 39 de la société Monster worldwide) ; qu'elle sera par conséquent déboutée de ses demandes de constater l'absence de violation de sa clause de non-concurrence » (jugement p 10 et suiv.) ;
1°) Alors que l'existence d'une méconnaissance d'une clause de nonconcurrence implique que l'employeur justifie que le salarié a contrevenu à la clause litigieuse ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Mme [Y] a fait valoir que salariée de la société Monster Worldwide, elle a occupé le poste de senior manager, ventes statut cadre, sous la responsabilité hiérarchique du directeur commercial France et que son rôle consistait à « analyser et expertiser les besoins et attentes des interlocuteurs, présenter les avantages de recrutement sur internet et de l'offre de produits et de services Monster ainsi que des avantages concurrentiels : concevoir, mettre en place et suivre des plans d'activité et de rendez-vous par client ; mettre en place des plans d'activité individuels en optimisant la qualité et la fréquence des visites et en prenant en compte les coûts liés à ces activités ; garantir la collecte, la maintenance, la qualité, l'exhaustivité, la pertinence, l'intégralité et la complétude des informations relatives aux contacts commerciaux dans Karma ; développer des relations avec les autres départements de Monster worldwide », et qu'ayant occupé au sein de la société Indeed un poste de « stratégic client manager », elle était chargée des missions suivantes : « distribuer des services au coût-par-clic auprès d'entreprises nationales et internationales ; animer et organiser des visites en personne, démonstrations produits en direct par téléphone et des webinaires hebdomadaires ; identifier les clientèles potentielles et attirer de nouveaux clients ; analyser et présenter les rapports d'analyse mensuels aux annonceurs français d'Indeed ; développer les relations industrielles et commerciales » (pièce 9) ; que les tâches et responsabilités de Mme [Y] étaient donc différentes, ayant chez Monster un rôle de direction et de gestion d'un département, établissant des plans d'action, et chez Indeed un rôle de prospection et une mission de terrain ; que pour admettre l'existence d'une violation de la clause de non-concurrence, la cour d'appel s'est bornée à retenir que Mme [Y] exerçait chez Indeed des fonctions identiques à celles qu'elle exerçait chez Monster ; qu'en statuant ainsi, sans examiner les contrats de travail conclus par Mme [Y] auprès des différentes entreprises et répondre aux conclusions invoquant la différence de tâches, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation relatif à la nullité de la clause de non-concurrence entraînera par voie de conséquence celle du chef de dispositif ayant jugé que Mme [Y] avait violé ladite clause et l'ayant condamnée à rembourser la contrepartie financière versée dès lors qu'ils sont unis par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la clause de non-concurrence était licite et d'avoir en conséquence condamné Mme [Y] à payer à la SA Monster Worldwide la somme de 24 204,50 € en remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
Aux motifs que « Mme [Y] soutient que la limitation dans l'espace de la clause de non-concurrence, prévoyant un secteur géographique correspondant au périmètre d'intervention de sa fonction, était trop large et était imprévisible au jour de la signature de l'avenant, puisque selon son contrat de travail initial elle pouvait être amenée à se déplacer à l'étranger.
Elle allègue également que l'activité visée par la clause est trop générale, puisque celle-ci vise les entreprises dont les activités sont susceptibles de concurrencer celles de Monster.
La SA Monster Worldwide soutient que le fait que le contrat initial de Mme [Y] ait prévu qu'elle pourrait être amenée à se déplacer à l'étranger est sans aucune incidence sur le périmètre de son secteur d'intervention puisque l'avenant du 1er juillet 2014 précise qu'elle exercera son activité sous la responsabilité du directeur commercial France et donc pour les entreprises situées en France.
S'agissant de l'activité visée par la clause, elle précise que le périmètre d'intervention de Mme [Y] était parfaitement défini, que dès lors, la clause est valide.
Sur ce
La clause de non-concurrence doit, pour être valable, tout en tenant compte des spécificités de l'emploi du salarié, obéir cumulativement à trois conditions, être justifiée par les intérêts légitimes de l'entreprise, être limitée dans le temps et l'espace et comporter une contrepartie pécuniaire.
Mme [Y] oppose l'absence de limitation dans l'espace et l'absence de délimitation de l'activité visée lui interdisant toute possibilité de travailler.
-Sur la limitation dans l'espace
La clause de non-concurrence définit le secteur géographique visé comme correspondant au périmètre d'intervention de la fonction de salariée.
L'article 1 de l'avenant du 1er juillet 2014 stipule : "Vous exercez votre activité de senior manager vente, statut cadre, coefficient 170, position 3.1 basé à [Localité 2], sous la responsabilité hiérarchique de directeur commercial France (…)"
Il résulte de cet article que Mme [Y], engagée pour travailler, "sous la responsabilité hiérarchique du directeur commercial France", avait un périmètre d'intervention correspondant à la France.
Même s'il est procédé par renvoi, le périmètre géographique visé à la clause de non-concurrence est bien délimité.
L'argument selon lequel le contrat de travail de la salariée prévoyait qu'elle pourrait être amenée à faire des déplacements à l'étranger est inopérant car cette clause n'est pas de nature à modifier son périmètre d'intervention.
-Sur la limitation de l'activité concernée
L'article 3 de l'avenant au contrat de travail stipule que : "compte tenu des fonctions de la collaboratrice, ses spécificités mises en oeuvre dans l'entreprise, du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise, il est convenu (…) la collaboratrice s'interdira de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer celle de la société".
L'article 1 de l'avenant indique clairement que Mme [Y], engagée en tant que senior manager vente, avait les fonctions suivantes : "Les responsabilités de ce poste sont les suivantes : vous maintenez vos missions actuelles concernant l'équipe Corporate grands comptes avec extension au pôle ICT (SSII) nouvellement créé et composé de commerciaux sédentaires et terrains".
Mme [Y] était la responsable commerciale du service en charge de commercialiser les produits Monster auprès des grands comptes. En complément, elle supervisait un nouveau pôle consacré aux sociétés de services.
Même s'il est procédé par référence aux fonctions définies dans le contrat de travail, il apparaît que le périmètre d'intervention de Mme [Y] est clairement défini et par voie de conséquence la clause de non-concurrence délimitée.
Mme [Y] qui soutient que la clause lui interdirait de retrouver un travail, ne démontre pas cette impossibilité.
Etant donné le caractère très concurrentiel du secteur d'activité, la clause liant les parties apparaît proportionnée, prenant en compte la préservation des intérêts légitimes de l'entreprise et le respect du principe de liberté du travail.
En définitive, la clause de non-concurrence qui lie les parties, limité dans l'espace et laissant à la salariée la possibilité de travailler, doit être jugée valable » (arrêt p 5, § 12 et suiv.) ;
Et aux motifs adoptés du jugement qu'« une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, si elle est limitée dans le temps et dans l'espace, si elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et si elle comporte l'obligation pour l'employeur de verser une contrepartie financière ;
Attendu qu'il convient d'analyser le cas d'espèce au regard de ces principes ;
Attendu que la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail de Mme [G] [Y] précise que "compte tenu des fonctions de la collaboratrice (des spécificités mises en oeuvre dans l'entreprise, du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise,…), il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause et à quelque époque que ce soit, la collaboratrice s'interdira de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer celle de la société.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une durée maximum de 12 mois, à compter de la date de la rupture effective du contrat et au secteur géographique correspondant au périmètre d'intervention de sa fonction"
Attendu que cette clause prévoit également une contrepartie financière dont la validité n'est pas remise en cause par les parties ; qu'il est prévu au contrat qu'en cas de violation de l'interdiction, la collaboratrice s'exposera au remboursement de la contrepartie qui lui aura été versée ;
Attendu que Mme [G] [Y] a été embauchée par contrat de travail du 21 juin 2005 pour exercer son activité sous l'autorité du directeur grands comptes et de la directrice des ventes terrain, qu'elle représente la société Monster worldwide auprès d'un portefeuille de clients et prospects ; qu'elle a pour activité principale de maximiser le chiffre d'affaires réalisé auprès d'eux (cf. pièce 11 de Mme [Y], son contrat de travail, article 2) ;
Attendu qu'elle exerçait en dernier lieu dans la société Monster worldwide la fonction de senior manager ventes sous la responsabilité du directeur commercial France avec maintien de ses missions concernant l'équipe Corporate grands comptes avec extension au pôle ICT SSII nouvellement créé (cf sa pièce 12, avenant au contrat de travail du 1er juillet 2014) : qu'elle exerçait ses missions dans le secteur très concurrentiel de la mise des CV en ligne ;
Attendu que la clause est limitée dans le temps ;
Attendu qu'il ressort des éléments soumis à l'appréciation du conseil et des débats à la barre que, contrairement à ce que prétend Mme [G] [Y], la clause est également limitée dans l'espace ; qu'il est clairement indiqué dans son avenant au contrat de travail du 1er juillet 2014 qu'elle travaille sous l'autorité hiérarchique du directeur commercial France ; que son secteur d'interdiction de concurrence est limité à son périmètre d'intervention dans sa fonction, à savoir les entreprises situées en France ; qu'est à cet égard inopérant l'argument selon lequel son contrat de travail prévoit qu'elle pourra être amenée à effectuer des déplacements à l'étranger, clause type insérée dans la plupart des contrats de travail de cadres ; qu'elle ne prouve d'ailleurs pas avoir effectué de tels déplacements ;
Attendu par ailleurs qu'elle était la responsable commerciale du service chargé de commercialiser les produits Monster worldwide auprès des grands comptes, à savoir les plus grandes entreprises françaises et ce, sur le territoire français ;
Attendu que compte tenu de ses fonctions, elle était au courant de toute la stratégie et politique commerciale de Monster worldwide ; qu'elle a eu des accès à des informations confidentielles de la société en matière de savoir-faire, de politique commerciale, clientèle et prospects que la société doit légitimement protéger ;
Attendu que l'interdiction vise les activités susceptibles de concurrencer celles de la société ;
Attendu que cette limitation est justifiée par l'intérêt légitime de l'entreprise et n'a pas pour effet d'empêcher Mme [G] [Y] d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience » (jugement p 6, § 5 et suiv.) ;
1°) Alors qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est limitée, notamment, dans l'espace ; que tel n'est pas le cas de la clause qui stipule seulement que l'interdiction de concurrence est limitée « au secteur géographique correspondant au périmètre d'intervention de » la salariée, de sorte qu'elle dépend de l'évolution des fonctions de la salariée au sein de l'entreprise décidée par l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la clause de non-concurrence était licite dès lors que le contrat précisait que Mme [Y] exerçait son activité sous la responsabilité hiérarchique du directeur commercial France, de sorte que son périmètre d'intervention correspondait à la France, même s'il était procédé par renvoi et peu important le fait que le contrat stipule que la salariée pourrait être amenée à effectuer des déplacements à l'étranger ; qu'il ne résultait pourtant de ces constatations aucune limite précise dans l'espace géographique de la clause de non-concurrence à laquelle était soumise Mme [Y] et qui dépendait des fonctions conférées par l'employeur ; que dès lors, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ;
2°) Alors subsidiairement qu'une clause de non-concurrence étendue à l'ensemble du territoire national porte atteinte à la liberté du travail du salarié et est donc nulle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que le périmètre géographique de la clause de non7 concurrence à laquelle était soumise Mme [Y] était limité dans la mesure où il correspondait à la France ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 1131 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ;
3°) Alors que la clause de non-concurrence n'est valable que si elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié ; que tel n'est pas le cas de la clause stipulée dans l'avenant au contrat de travail de Mme [Y] qui lui interdisait de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer celle de la société Monster Worldwide, qui entravait la liberté de travail de la salariée et l'empêchait de trouver un travail correspondant à sa qualification et à son expérience acquise pendant dix ans auprès de son ancien employeur ; qu'en déclarant cette clause valable, la cour d'appel a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Le troisième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [Y] de sa demande en paiement d'une somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
Aux motifs que « la clause prévoit : "en cas de violation de cette interdiction la collaboratrice s'exposera au remboursement de la contrepartie qui lui aura été versée, sans préjudice du droit pour la société de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation de l'entier préjudice subi et ce sans aucune sommation que le simple constat d'un quelconque manquement".
Il a été jugé que Mme [Y] a violé la clause de non-concurrence.
Mme [Y] doit en conséquence être déboutée de sa demande, la contrepartie financière n'étant pas due en cas de violation de la clause, en application des termes mêmes de la clause.
Mme [Y] soutient à titre subsidiaire que le reliquat lui est dû dans la mesure où elle a respecté la clause au moins à compter de larupture de sa période d'essai chez Indeed.
Cependant, la clause doit être respectée dans son ensemble. Dès lors qu'elle n'a pas été respectée, aucune contrepartie n'est due » (arrêt p 6 in fine et p 7, § 1 et suiv.) ;
Alors que l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence est due pendant la période où le salarié a respecté son obligation de concurrence ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [Y] de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice à compter de la rupture de sa période d'essai chez Indeed, la cour d'appel a retenu que la clause devait être respectée dans son ensemble ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Le quatrième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [Y] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice de carrière ;
Aux motifs que « Mme [Y], qui a été déboutée de sa demande présentée à hauteur de 96 128,40 € en sa première instance, maintient sa demande en la réduisant en appel à la somme de 31 000 €.
Elle explique qu'elle s'est retrouvée sans emploi brutalement, sans préavis et qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi. Elle reproche à SA Monster worldwide d'avoir adopté un comportement agressif à son égard.
Mme [Y] ne justifie toutefois pas de sa situation financière. Elle reconnaît être associée à la SAS Toile chics, mais n'indique pas si elle perçoit des revenus au titre de cette activité.
Le fait que la société Indeed ait décidé de rompre sa période d'essai ne peut être reproché à la SA Monster worldwide.
La SA Monster worldwide a d'abord demandé à son ancienne salariée de cesser la violation de la clause de non-concurrence, puis l'a mise en demeure, ce faisant, elle n'a fait que solliciter l'application du contrat.
Mme [Y] a caché sa situation réelle lors de son départ de Monster et elle a siemment violé la clause de non-concurrence.
Elle n'a pas dit qu'elle a bénéficié d'une indemnisation dans le cadre d'une transaction lors de la rupture de con contrat avec Indeed. Elle a refusé de communiquer les informations malgré sommation.
Mme [Y] a déclaré dans son contrat la liant à Indeed qu'elle n'était assujettie à aucune clause de non-concurrence alors qu'elle ne pouvait ignorer son engagement à l'égard de Monster.
Deux de ses anciens collaborateurs l'ont rejointe chez Indeed.
Mme [Y] ne démontre pas que la SA Monster worlwide serait responsabilité de la rupture de son contrat avec Indeed et aurait commis des agissements fautifs » (arrêt p 7, § 10 & suiv.) ;
1°) Alors que l'employeur doit agir à l'encontre de son ancien salarié avec loyauté ; qu'en l'espèce, Mme [Y] a fait valoir que la perte de son emploi au sein de la société Indeed était due au comportement de la société Monster Worldwide qui avait engagé à l'encontre de ladite société une action en concurrence déloyale ; qu'en considérant que le fait que la société Indeed ait décidé de rompre la période d'essai ne pouvait être reproché à la société Monster Worldwide, sans répondre à ce moyen pertinent invoqué par Mme [Y], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) Alors que le juge doit s'expliquer sur toutes les pièces versées aux débats par une partie à l'appui de ses prétentions ; qu'en l'espèce, Mme [Y] a fait valoir qu'elle s'était retrouvée brutalement privée d'emploi à la suite de la rupture de sa période d'essai par la société Indeed, et a produit les attestations de Pôle emploi précisant qu'elle avait bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, consécutive à la fin de son contrat de travail le octobre 2015 ; que la cour d'appel a considéré que Mme [Y] ne justifiait pas de sa situation financière, mais sans examiner les pièces versées aux débats par Mme [Y], violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre elles ; que la cassation à intervenir sur le premier ou le deuxième moyen de cassation entraînera par voie de conséquence celle du chef de dispositif ayant débouté Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice de carrière, dès lors qu'ils sont unis par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
Le cinquième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme [Y] à payer à la société Monster Worldwide la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts ;
Aux motifs que « du fait de la violation de la clause de non-concurrence et des agissements de Mme [Y], celle-ci a causé à la SA Monster worldwide un préjudice distinct du remboursement de la contrepartie financière, dont la société peut au surplus réclamer l'indemnisation en application de l'article 3 du contrat.
La SA Monster worldwide indique avoir payé indûment les charges sociales sur la contrepartie versée, ce qui représente une somme de 10 165 €.
Le préjudice né de ce paiement indû et les actions commerciales concurrentes menées par Mme [Y] quand elle était employée par Indeed conduisent à fixer à 5 000 € le montant des dommages-intérêts accordés à ce titre.
Le jugement sera confirmé de ce chef de demande » (arrêt p 8, § 5 et suiv.) ;
Et aux motifs adoptés du jugement qu'« il ressort des éléments précédents que Mme [G] [Y] a violé son obligation de non concurrence ; qu'elle n'a pas exécuté de bonne foi la convention conclue avec la société Monster worldwide ; qu'elle a en outre demandé à écourter son préavis au détriment de la société Monster worldwide ;
Attendu qu'elle a encaissé l'indemnité de non concurrence alors qu'elle violait son obligation de non concurrence, qu'elle a refusé de rendre les sommes déjà perçues alors que la société Monster worldwide le lui a demandé par courrier du 16 novembre 2015 (cf. pièce 41 de la société Monster worlwide et pièce 17 de Mme [G] [Y]) ;
Attendu qu'il ressort des éléments soumis à l'appréciation du conseil qu'elle a participé au débauchage de deux salariés de la société Monster worlwide, MM. [H] et [D] avec lesquels elle a démarché des clients de la société Monster worldwide (cf pièce 35 de la société Monster worldwide, mail du 27 juillet 2015 de M. [S]) ;
Attendu qu'elle n'a pas averti non plus son employeur Indeed qu'elle était liée par une clause de non-concurrence avec la société Monster worldwide, comme l'y obligeait l'article 2 de son contrat de travail conclu avec Indeed (cf. pièce 40 de la société Monster worldwide) ;
Attendu en conséquence qu'elle a causé un préjudice à la société Monster worldwide ; que le conseil évalue le montant de ce préjudice à la somme de 5 000€ ; que Mme [G] [Y] sera condamnée à verser cette somme à la société Monster worldwide » (jug. p 8, § 7 et suiv.) ;
Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier et le deuxième moyen de cassation entraînera par voie de conséquence celle du chef de dispositif ayant condamné Mme [Y] à payer des dommages et intérêts, dès lors qu'ils sont unis par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00490
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 mai 2021
Rejet
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 490 F-D
Pourvoi n° G 20-10.092
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MAI 2021
Mme [G] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-10.092 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Monster Worldwide, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de Mme [Y], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Monster Worldwide, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 novembre 2019), Mme [Y] a été engagée par la société Monster Worldwide le 21 juin 2005 et exerçait en dernier lieu les fonctions de « senior manager » ventes, selon un avenant au contrat de travail signé le 1er juillet 2014, prévoyant une clause de non-concurrence.
2. Elle a démissionné de son poste le 11 mai 2015 et a quitté l'entreprise le 30 juin suivant.
3. Elle a signé un contrat avec la société Indeed le 25 mai 2015, prenant effet le 1er juillet 2015.
4. La société Indeed a rompu la période d'essai le 1er octobre 2015.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement par la société Monster Worldwide d'une somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, alors « que l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence est due pendant la période où le salarié a respecté son obligation de concurrence ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice à compter de la rupture de sa période d'essai chez Indeed, la cour d'appel a retenu que la clause devait être respectée dans son ensemble ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ».
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel, qui a constaté que la salariée, tenue de ne pas concurrencer son ancien employeur pendant une durée de douze mois à compter de la date de rupture effective du contrat, avait quitté l'entreprise le 30 juin 2015 pour entrer au service d'une société concurrente le 1er juillet 2015, a, à bon droit, jugé qu'aucune contrepartie à la clause de non-concurrence n'était due à la salariée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme [Y]
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme [Y] à payer à la SA Monster Worldwide la somme de 24 204,50 € en remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, outre intérêts ;
Aux motifs que « Mme [Y] conteste avoir violé sa clause de non concurrence. Elle soutient que la société Indeed n'exerçait pas une activité concurrente à celle de la SA Monster Worldwide au moment des faits puisque cette dernière exploite un site d'annonces classiques ayant pour activité la publication d'offres d'emploi d'entreprises alors que la société Indeed n'est qu'un intermédiaire entre les demandeurs d'emploi et les sites publiant directement des offres d'emploi.
La SA Monster Worldwide soutient que Mme [Y] a sciemment violé la clause de non-concurrence puisque les deux sociétés sont directement concurrentes et interviennent sur le même secteur vis-à-vis des mêmes clients. Elle reconnaît que par le passé les sociétés n'étaient pas directement concurrentes mais soutient que cette situation a cessé compte tenu des modifications du périmètre d'activité de la société Indeed qui a ajouté de nouveaux services à son activité en créant son propre site d'emploi.
Mme [Y] souligne qu'en tout état de cause, elle n'exerçait pas les mêmes fonctions au sein des deux sociétés. Elle explique que lorsqu'elle travaillait au sein de la SA Monster Worldwide, elle avait un rôle de direction et était chargée de gérer un département en établissant des plans d'actions, alors qu'au sein de la société Indeed elle avait un rôle de prospection.
La SA Monster Worldwide le conteste et fait valoir que Mme [Y] exerçait des missions tout à fait similaires, notamment au regard de la présentation de l'offre de services auprès des clients, et en termes d'analyse et de régularisation des rapports d'analyse mensuelle afin de développer les relations industrielles et commerciales.
Sur ce,
-Sur les activités concurrentes des sociétés Monster et Indeed
La société Indeed était à l'origine un agrégateur, c'est-à-dire qu'elle mettait à disposition un outil qui permettait aux internautes d'accéder sur un site unique à toutes les offres d'emploi, notamment sur le site Monster, en triant les offres d'emploi. La rémunération de la société Indeed était uniquement liée aux espaces publicitaires qu'elle pouvait ainsi commercialiser sur son site. C'est dans ce cadre que la société Monster diffusait, sur le site Indeed, une partie de ses annonces, générant ainsi un courant d'affaires entre les deux sociétés. Les activités de Monster et d'Indeed étaient alors complémentaires.
Il résulte de plusieurs pièces produites aux débats, notamment d'une interview exclusive RH de M. [A] [I] vice-président senior marketing chez Indeed (pièce 36 de la société) et d'un article en date du 14 janvier 2015 de Exclusive RH, "Indeed accélère en France" (pièce 38 de la société), qu'à partir de début 2015, la société Indeed a décidé, en créant son propre site d'emploi, de proposer elle-même des services aux employeurs, en diffusant des annonces et mettant à disposition une CV-thèque.
La consultation du site internet de la société Indeed confirme cette nouvelle activité.
Ainsi, à compter du début de l'année 2015, la société Indeed est devenue une concurrente directe de la société Monster. Elle se positionne clairement comme le leader de ce secteur d'activité et démarche de façon très active les clients de Monster en se présentant comme le leader du marché, ainsi que cela résulte d'un courriel d'un commercial d'Indeed qui indique : "Je représente la société Indeed.fr, leader des sites d'emploi, comme vous pourrez le remarquer via ce site permettant de comparer le trafic (…) Indeed 12,5 millions contre Monster.fr 2,3 millions".
La SA Monster Worldwide explique que, directement confrontée à cette activité concurrente, elle a considérablement diminué son courant d'affaires avec Indeed en qualité d'agrégateur.
De son côté, la société Indeed a constitué une force commerciale en France et a mené une campagne publicitaire active notamment sur BFM TV, pour renforcer sa pénétration en France.
C'est dans ce contexte que Mme [Y] a été recrutée par la société Indeed ;
-Sur les activités de Mme [Y] au sein de Monster et d'Indeed
La lecture du contrat de travail que Mme [Y] a conclu avec la société Indeed montre que la salariée, engagée en tant que Stratégic Client Manager, statut cadre, position 3.1, coefficient 170, bénéficiait exactement des mêmes coefficient et positionnement que ceux qu'elle avait chez Monster.
Aux termes de l'article 1 de son contrat de travail, Mme [Y] était en charge chez Indeed, sur son secteur d'activité, en qualité de Stratégic Client Manager, de distribuer des services coût-par-clic auprès d'entreprises nationales et internationales sur la France en soutenant les ventes réalisées depuis l'Irlande et à ce titre, d'animer et d'organiser des visites chez des clients, d'identifier des clients potentiels et plus généralement d'accomplir toutes autres tâches nécessaires. A ce titre, elle était directement en contact avec les grands comptes et avec les agences de recrutement et de communication et démarchait en réalité les mêmes clients que Monster.
Il apparaît que c'est justement pour l'aider à développer une activité concurrente à celle de Monster qu'Indeed a engagé Mme [Y], celle-ci ayant été rejointe chez Indeed par deux anciens collaborateurs, M. [H] et M. [D].
Il ressort de ce qui précède que les sociétés Indeed et Monster sont concurrentes et que Mme [Y] exerçait chez Indeed des fonctions identiques à celles qu'elle exerçait chez Monster.
Il se déduit de ces constatations que Mme [Y] a violé la clause de non concurrence qui la liait à la SA Monster worldwide.
Il y a dès lors lieu d'examiner la demande subsidiaire de la salariée tendant au prononcé de la nullité de la clause » (arrêt p 4, § 2 et suiv.) ;
Et aux motifs adoptés du jugement qu'« il ressort des éléments soumis à l'appréciation du conseil et des débats à la barre que les 2 sociétés Monster worldwide et Indeed étaient devenues des sociétés concurrentes ; que si en effet, lors de l'embauche de Mme [G] [Y] en 2005, telle n'était pas la situation car Indeed avait à cette époque-là uniquement un rôle d'intégrateur, à savoir la mise à disposition d'un outil permettant aux internautes d'accéder sur un site unique à toutes les offres d'emploi disponibles sur la toile internet, telle n'était plus la situation en 2015 (cf. pièces 36, interview du 24 juillet 2015 de [A] [I], vice-président d'Indeed et pièce 38, site emploi généraliste du 14 janvier 2015 de la société Monster worldwide) ;
Attendu qu'il est précisé en effet dans ces pièces en janvier 2015 que la société Indeed qui est américaine s'implante en France pour développer le marché du erecrutement et qu'elle a prévu de recruter à [Localité 1] sur des postes liés au support commercial et marketing pour soutenir leurs opérations européennes ; qu'il s'avère que la société Indeed a modifié son périmètre d'intervention en ajoutant de nouveaux services à son activité d'intégrateur d'origine ; que disposant d'une base de données très importantes en sa qualité d'intégrateur, elle a décidé d'intervenir sur les services proposés aux employeurs en proposant d'assurer elle-même la diffusion des annonces et de créer à cet effet une force commerciale en France ;
Attendu par ailleurs que Mme [G] [Y] a été embauchée par Indeed en qualité de "stratégic client manager", qu'à ce titre, elle est chargée de distribuer des services auprès d'entreprises nationales et internationales sur un secteur déterminé (soit une région française) en soutenant les ventes depuis l'Irlande, d'animer et organiser les visites, identifier les clientèles potentielles et attirer de nouveaux clients, développer les relations industrielles et commerciales, tout cela pour le compte d'Indeed Ireland (cf. pièce 40 de la société Monster worldwide, contrat de travail de Mme [G] [Y] du 25 mai 2015 avec Indeed) ; que le mail de Mme [C] [F] de chez Indeed du 9 juillet 2015 confirme que Mme [G] [Y] a intégré le team agence chez Indeed et qu'elle sera en charge de l'agence et l'interlocuteur pour toute demande (cf. pièce 31 société Monster worldwide) ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées au débat que Mme [G] [Y] a exercé dans la société Monster worldwide puis Indeed des fonctions commerciales similaires ;
Attendu que son activité dans la société Indeed est directement concurrente de celle qu'elle exerçait dans la société Monster worldwide et qu'elle a, par ce fait, violé son obligation de non-concurrence ;
Attendu en conséquence que Mme [G] [Y] sera condamnée à rembourser à la société Monster worldwide la somme de 24 204,50 € qu'elle a déjà perçue au titre de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence (cf pièce 39 de la société Monster worldwide) ; qu'elle sera par conséquent déboutée de ses demandes de constater l'absence de violation de sa clause de non-concurrence » (jugement p 10 et suiv.) ;
1°) Alors que l'existence d'une méconnaissance d'une clause de nonconcurrence implique que l'employeur justifie que le salarié a contrevenu à la clause litigieuse ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Mme [Y] a fait valoir que salariée de la société Monster Worldwide, elle a occupé le poste de senior manager, ventes statut cadre, sous la responsabilité hiérarchique du directeur commercial France et que son rôle consistait à « analyser et expertiser les besoins et attentes des interlocuteurs, présenter les avantages de recrutement sur internet et de l'offre de produits et de services Monster ainsi que des avantages concurrentiels : concevoir, mettre en place et suivre des plans d'activité et de rendez-vous par client ; mettre en place des plans d'activité individuels en optimisant la qualité et la fréquence des visites et en prenant en compte les coûts liés à ces activités ; garantir la collecte, la maintenance, la qualité, l'exhaustivité, la pertinence, l'intégralité et la complétude des informations relatives aux contacts commerciaux dans Karma ; développer des relations avec les autres départements de Monster worldwide », et qu'ayant occupé au sein de la société Indeed un poste de « stratégic client manager », elle était chargée des missions suivantes : « distribuer des services au coût-par-clic auprès d'entreprises nationales et internationales ; animer et organiser des visites en personne, démonstrations produits en direct par téléphone et des webinaires hebdomadaires ; identifier les clientèles potentielles et attirer de nouveaux clients ; analyser et présenter les rapports d'analyse mensuels aux annonceurs français d'Indeed ; développer les relations industrielles et commerciales » (pièce 9) ; que les tâches et responsabilités de Mme [Y] étaient donc différentes, ayant chez Monster un rôle de direction et de gestion d'un département, établissant des plans d'action, et chez Indeed un rôle de prospection et une mission de terrain ; que pour admettre l'existence d'une violation de la clause de non-concurrence, la cour d'appel s'est bornée à retenir que Mme [Y] exerçait chez Indeed des fonctions identiques à celles qu'elle exerçait chez Monster ; qu'en statuant ainsi, sans examiner les contrats de travail conclus par Mme [Y] auprès des différentes entreprises et répondre aux conclusions invoquant la différence de tâches, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation relatif à la nullité de la clause de non-concurrence entraînera par voie de conséquence celle du chef de dispositif ayant jugé que Mme [Y] avait violé ladite clause et l'ayant condamnée à rembourser la contrepartie financière versée dès lors qu'ils sont unis par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la clause de non-concurrence était licite et d'avoir en conséquence condamné Mme [Y] à payer à la SA Monster Worldwide la somme de 24 204,50 € en remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
Aux motifs que « Mme [Y] soutient que la limitation dans l'espace de la clause de non-concurrence, prévoyant un secteur géographique correspondant au périmètre d'intervention de sa fonction, était trop large et était imprévisible au jour de la signature de l'avenant, puisque selon son contrat de travail initial elle pouvait être amenée à se déplacer à l'étranger.
Elle allègue également que l'activité visée par la clause est trop générale, puisque celle-ci vise les entreprises dont les activités sont susceptibles de concurrencer celles de Monster.
La SA Monster Worldwide soutient que le fait que le contrat initial de Mme [Y] ait prévu qu'elle pourrait être amenée à se déplacer à l'étranger est sans aucune incidence sur le périmètre de son secteur d'intervention puisque l'avenant du 1er juillet 2014 précise qu'elle exercera son activité sous la responsabilité du directeur commercial France et donc pour les entreprises situées en France.
S'agissant de l'activité visée par la clause, elle précise que le périmètre d'intervention de Mme [Y] était parfaitement défini, que dès lors, la clause est valide.
Sur ce
La clause de non-concurrence doit, pour être valable, tout en tenant compte des spécificités de l'emploi du salarié, obéir cumulativement à trois conditions, être justifiée par les intérêts légitimes de l'entreprise, être limitée dans le temps et l'espace et comporter une contrepartie pécuniaire.
Mme [Y] oppose l'absence de limitation dans l'espace et l'absence de délimitation de l'activité visée lui interdisant toute possibilité de travailler.
-Sur la limitation dans l'espace
La clause de non-concurrence définit le secteur géographique visé comme correspondant au périmètre d'intervention de la fonction de salariée.
L'article 1 de l'avenant du 1er juillet 2014 stipule : "Vous exercez votre activité de senior manager vente, statut cadre, coefficient 170, position 3.1 basé à [Localité 2], sous la responsabilité hiérarchique de directeur commercial France (…)"
Il résulte de cet article que Mme [Y], engagée pour travailler, "sous la responsabilité hiérarchique du directeur commercial France", avait un périmètre d'intervention correspondant à la France.
Même s'il est procédé par renvoi, le périmètre géographique visé à la clause de non-concurrence est bien délimité.
L'argument selon lequel le contrat de travail de la salariée prévoyait qu'elle pourrait être amenée à faire des déplacements à l'étranger est inopérant car cette clause n'est pas de nature à modifier son périmètre d'intervention.
-Sur la limitation de l'activité concernée
L'article 3 de l'avenant au contrat de travail stipule que : "compte tenu des fonctions de la collaboratrice, ses spécificités mises en oeuvre dans l'entreprise, du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise, il est convenu (…) la collaboratrice s'interdira de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer celle de la société".
L'article 1 de l'avenant indique clairement que Mme [Y], engagée en tant que senior manager vente, avait les fonctions suivantes : "Les responsabilités de ce poste sont les suivantes : vous maintenez vos missions actuelles concernant l'équipe Corporate grands comptes avec extension au pôle ICT (SSII) nouvellement créé et composé de commerciaux sédentaires et terrains".
Mme [Y] était la responsable commerciale du service en charge de commercialiser les produits Monster auprès des grands comptes. En complément, elle supervisait un nouveau pôle consacré aux sociétés de services.
Même s'il est procédé par référence aux fonctions définies dans le contrat de travail, il apparaît que le périmètre d'intervention de Mme [Y] est clairement défini et par voie de conséquence la clause de non-concurrence délimitée.
Mme [Y] qui soutient que la clause lui interdirait de retrouver un travail, ne démontre pas cette impossibilité.
Etant donné le caractère très concurrentiel du secteur d'activité, la clause liant les parties apparaît proportionnée, prenant en compte la préservation des intérêts légitimes de l'entreprise et le respect du principe de liberté du travail.
En définitive, la clause de non-concurrence qui lie les parties, limité dans l'espace et laissant à la salariée la possibilité de travailler, doit être jugée valable » (arrêt p 5, § 12 et suiv.) ;
Et aux motifs adoptés du jugement qu'« une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, si elle est limitée dans le temps et dans l'espace, si elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et si elle comporte l'obligation pour l'employeur de verser une contrepartie financière ;
Attendu qu'il convient d'analyser le cas d'espèce au regard de ces principes ;
Attendu que la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail de Mme [G] [Y] précise que "compte tenu des fonctions de la collaboratrice (des spécificités mises en oeuvre dans l'entreprise, du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise,…), il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause et à quelque époque que ce soit, la collaboratrice s'interdira de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer celle de la société.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une durée maximum de 12 mois, à compter de la date de la rupture effective du contrat et au secteur géographique correspondant au périmètre d'intervention de sa fonction"
Attendu que cette clause prévoit également une contrepartie financière dont la validité n'est pas remise en cause par les parties ; qu'il est prévu au contrat qu'en cas de violation de l'interdiction, la collaboratrice s'exposera au remboursement de la contrepartie qui lui aura été versée ;
Attendu que Mme [G] [Y] a été embauchée par contrat de travail du 21 juin 2005 pour exercer son activité sous l'autorité du directeur grands comptes et de la directrice des ventes terrain, qu'elle représente la société Monster worldwide auprès d'un portefeuille de clients et prospects ; qu'elle a pour activité principale de maximiser le chiffre d'affaires réalisé auprès d'eux (cf. pièce 11 de Mme [Y], son contrat de travail, article 2) ;
Attendu qu'elle exerçait en dernier lieu dans la société Monster worldwide la fonction de senior manager ventes sous la responsabilité du directeur commercial France avec maintien de ses missions concernant l'équipe Corporate grands comptes avec extension au pôle ICT SSII nouvellement créé (cf sa pièce 12, avenant au contrat de travail du 1er juillet 2014) : qu'elle exerçait ses missions dans le secteur très concurrentiel de la mise des CV en ligne ;
Attendu que la clause est limitée dans le temps ;
Attendu qu'il ressort des éléments soumis à l'appréciation du conseil et des débats à la barre que, contrairement à ce que prétend Mme [G] [Y], la clause est également limitée dans l'espace ; qu'il est clairement indiqué dans son avenant au contrat de travail du 1er juillet 2014 qu'elle travaille sous l'autorité hiérarchique du directeur commercial France ; que son secteur d'interdiction de concurrence est limité à son périmètre d'intervention dans sa fonction, à savoir les entreprises situées en France ; qu'est à cet égard inopérant l'argument selon lequel son contrat de travail prévoit qu'elle pourra être amenée à effectuer des déplacements à l'étranger, clause type insérée dans la plupart des contrats de travail de cadres ; qu'elle ne prouve d'ailleurs pas avoir effectué de tels déplacements ;
Attendu par ailleurs qu'elle était la responsable commerciale du service chargé de commercialiser les produits Monster worldwide auprès des grands comptes, à savoir les plus grandes entreprises françaises et ce, sur le territoire français ;
Attendu que compte tenu de ses fonctions, elle était au courant de toute la stratégie et politique commerciale de Monster worldwide ; qu'elle a eu des accès à des informations confidentielles de la société en matière de savoir-faire, de politique commerciale, clientèle et prospects que la société doit légitimement protéger ;
Attendu que l'interdiction vise les activités susceptibles de concurrencer celles de la société ;
Attendu que cette limitation est justifiée par l'intérêt légitime de l'entreprise et n'a pas pour effet d'empêcher Mme [G] [Y] d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience » (jugement p 6, § 5 et suiv.) ;
1°) Alors qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est limitée, notamment, dans l'espace ; que tel n'est pas le cas de la clause qui stipule seulement que l'interdiction de concurrence est limitée « au secteur géographique correspondant au périmètre d'intervention de » la salariée, de sorte qu'elle dépend de l'évolution des fonctions de la salariée au sein de l'entreprise décidée par l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la clause de non-concurrence était licite dès lors que le contrat précisait que Mme [Y] exerçait son activité sous la responsabilité hiérarchique du directeur commercial France, de sorte que son périmètre d'intervention correspondait à la France, même s'il était procédé par renvoi et peu important le fait que le contrat stipule que la salariée pourrait être amenée à effectuer des déplacements à l'étranger ; qu'il ne résultait pourtant de ces constatations aucune limite précise dans l'espace géographique de la clause de non-concurrence à laquelle était soumise Mme [Y] et qui dépendait des fonctions conférées par l'employeur ; que dès lors, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ;
2°) Alors subsidiairement qu'une clause de non-concurrence étendue à l'ensemble du territoire national porte atteinte à la liberté du travail du salarié et est donc nulle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que le périmètre géographique de la clause de non7 concurrence à laquelle était soumise Mme [Y] était limité dans la mesure où il correspondait à la France ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 1131 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ;
3°) Alors que la clause de non-concurrence n'est valable que si elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié ; que tel n'est pas le cas de la clause stipulée dans l'avenant au contrat de travail de Mme [Y] qui lui interdisait de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer celle de la société Monster Worldwide, qui entravait la liberté de travail de la salariée et l'empêchait de trouver un travail correspondant à sa qualification et à son expérience acquise pendant dix ans auprès de son ancien employeur ; qu'en déclarant cette clause valable, la cour d'appel a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Le troisième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [Y] de sa demande en paiement d'une somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
Aux motifs que « la clause prévoit : "en cas de violation de cette interdiction la collaboratrice s'exposera au remboursement de la contrepartie qui lui aura été versée, sans préjudice du droit pour la société de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation de l'entier préjudice subi et ce sans aucune sommation que le simple constat d'un quelconque manquement".
Il a été jugé que Mme [Y] a violé la clause de non-concurrence.
Mme [Y] doit en conséquence être déboutée de sa demande, la contrepartie financière n'étant pas due en cas de violation de la clause, en application des termes mêmes de la clause.
Mme [Y] soutient à titre subsidiaire que le reliquat lui est dû dans la mesure où elle a respecté la clause au moins à compter de larupture de sa période d'essai chez Indeed.
Cependant, la clause doit être respectée dans son ensemble. Dès lors qu'elle n'a pas été respectée, aucune contrepartie n'est due » (arrêt p 6 in fine et p 7, § 1 et suiv.) ;
Alors que l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence est due pendant la période où le salarié a respecté son obligation de concurrence ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [Y] de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice à compter de la rupture de sa période d'essai chez Indeed, la cour d'appel a retenu que la clause devait être respectée dans son ensemble ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Le quatrième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [Y] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice de carrière ;
Aux motifs que « Mme [Y], qui a été déboutée de sa demande présentée à hauteur de 96 128,40 € en sa première instance, maintient sa demande en la réduisant en appel à la somme de 31 000 €.
Elle explique qu'elle s'est retrouvée sans emploi brutalement, sans préavis et qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi. Elle reproche à SA Monster worldwide d'avoir adopté un comportement agressif à son égard.
Mme [Y] ne justifie toutefois pas de sa situation financière. Elle reconnaît être associée à la SAS Toile chics, mais n'indique pas si elle perçoit des revenus au titre de cette activité.
Le fait que la société Indeed ait décidé de rompre sa période d'essai ne peut être reproché à la SA Monster worldwide.
La SA Monster worldwide a d'abord demandé à son ancienne salariée de cesser la violation de la clause de non-concurrence, puis l'a mise en demeure, ce faisant, elle n'a fait que solliciter l'application du contrat.
Mme [Y] a caché sa situation réelle lors de son départ de Monster et elle a siemment violé la clause de non-concurrence.
Elle n'a pas dit qu'elle a bénéficié d'une indemnisation dans le cadre d'une transaction lors de la rupture de con contrat avec Indeed. Elle a refusé de communiquer les informations malgré sommation.
Mme [Y] a déclaré dans son contrat la liant à Indeed qu'elle n'était assujettie à aucune clause de non-concurrence alors qu'elle ne pouvait ignorer son engagement à l'égard de Monster.
Deux de ses anciens collaborateurs l'ont rejointe chez Indeed.
Mme [Y] ne démontre pas que la SA Monster worlwide serait responsabilité de la rupture de son contrat avec Indeed et aurait commis des agissements fautifs » (arrêt p 7, § 10 & suiv.) ;
1°) Alors que l'employeur doit agir à l'encontre de son ancien salarié avec loyauté ; qu'en l'espèce, Mme [Y] a fait valoir que la perte de son emploi au sein de la société Indeed était due au comportement de la société Monster Worldwide qui avait engagé à l'encontre de ladite société une action en concurrence déloyale ; qu'en considérant que le fait que la société Indeed ait décidé de rompre la période d'essai ne pouvait être reproché à la société Monster Worldwide, sans répondre à ce moyen pertinent invoqué par Mme [Y], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) Alors que le juge doit s'expliquer sur toutes les pièces versées aux débats par une partie à l'appui de ses prétentions ; qu'en l'espèce, Mme [Y] a fait valoir qu'elle s'était retrouvée brutalement privée d'emploi à la suite de la rupture de sa période d'essai par la société Indeed, et a produit les attestations de Pôle emploi précisant qu'elle avait bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, consécutive à la fin de son contrat de travail le octobre 2015 ; que la cour d'appel a considéré que Mme [Y] ne justifiait pas de sa situation financière, mais sans examiner les pièces versées aux débats par Mme [Y], violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre elles ; que la cassation à intervenir sur le premier ou le deuxième moyen de cassation entraînera par voie de conséquence celle du chef de dispositif ayant débouté Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice de carrière, dès lors qu'ils sont unis par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
Le cinquième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme [Y] à payer à la société Monster Worldwide la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts ;
Aux motifs que « du fait de la violation de la clause de non-concurrence et des agissements de Mme [Y], celle-ci a causé à la SA Monster worldwide un préjudice distinct du remboursement de la contrepartie financière, dont la société peut au surplus réclamer l'indemnisation en application de l'article 3 du contrat.
La SA Monster worldwide indique avoir payé indûment les charges sociales sur la contrepartie versée, ce qui représente une somme de 10 165 €.
Le préjudice né de ce paiement indû et les actions commerciales concurrentes menées par Mme [Y] quand elle était employée par Indeed conduisent à fixer à 5 000 € le montant des dommages-intérêts accordés à ce titre.
Le jugement sera confirmé de ce chef de demande » (arrêt p 8, § 5 et suiv.) ;
Et aux motifs adoptés du jugement qu'« il ressort des éléments précédents que Mme [G] [Y] a violé son obligation de non concurrence ; qu'elle n'a pas exécuté de bonne foi la convention conclue avec la société Monster worldwide ; qu'elle a en outre demandé à écourter son préavis au détriment de la société Monster worldwide ;
Attendu qu'elle a encaissé l'indemnité de non concurrence alors qu'elle violait son obligation de non concurrence, qu'elle a refusé de rendre les sommes déjà perçues alors que la société Monster worldwide le lui a demandé par courrier du 16 novembre 2015 (cf. pièce 41 de la société Monster worlwide et pièce 17 de Mme [G] [Y]) ;
Attendu qu'il ressort des éléments soumis à l'appréciation du conseil qu'elle a participé au débauchage de deux salariés de la société Monster worlwide, MM. [H] et [D] avec lesquels elle a démarché des clients de la société Monster worldwide (cf pièce 35 de la société Monster worldwide, mail du 27 juillet 2015 de M. [S]) ;
Attendu qu'elle n'a pas averti non plus son employeur Indeed qu'elle était liée par une clause de non-concurrence avec la société Monster worldwide, comme l'y obligeait l'article 2 de son contrat de travail conclu avec Indeed (cf. pièce 40 de la société Monster worldwide) ;
Attendu en conséquence qu'elle a causé un préjudice à la société Monster worldwide ; que le conseil évalue le montant de ce préjudice à la somme de 5 000€ ; que Mme [G] [Y] sera condamnée à verser cette somme à la société Monster worldwide » (jug. p 8, § 7 et suiv.) ;
Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier et le deuxième moyen de cassation entraînera par voie de conséquence celle du chef de dispositif ayant condamné Mme [Y] à payer des dommages et intérêts, dès lors qu'ils sont unis par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile.