Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 mai 2021, 19-14.295, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 mai 2021




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 515 FS-P sur le premier moyen

Pourvoi n° F 19-14.295



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MAI 2021

Mme [J] [W], épouse [O], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 19-14.295 contre l'arrêt rendu le 1er février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l'opposant à l'association Entraide des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [W], épouse [O], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de l'association Entraide des Bouches-du-Rhône, et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Prieur, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er février 2019), Mme [W], épouse [O], a été engagée en qualité d'aide cuisinière par l'association Entraide des Bouches-du-Rhône, selon contrats à durée déterminée de remplacement non successifs du 24 avril au 11 septembre 2009, pour surcroît d'activité pour la journée du 12 septembre 2009, puis pour remplacement d'un salarié absent du 15 septembre 2009 au 8 avril 2011. Le 14 mars 2011, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée avec effet au 17 mai 2011.

2. La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle du 11 octobre 2011 au 26 avril 2012, puis pour accident du travail à compter du 26 mai 2012 et pour maladies professionnelles et non professionnelles à compter du 22 octobre 2012. Elle a été reconnue travailleur handicapé pour la période du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2017.

3. Le 28 mai 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2009, de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour non-respect de son obligation de sécurité et de condamnation de ce dernier au paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2009, alors « que le délai de prescription des actions en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée a successivement été réduit de trente à cinq ans puis de cinq à deux ans, par les lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2013-504 du 14 juin 2013 ; que selon les articles 26-II de la loi du 17 juin 2008 et 21-V de la loi du 14 juin 2013, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en résulte que l'action de Mme [O] en requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée pour méconnaissance du délai de carence à compter de la conclusion du contrat à durée déterminée du 1er septembre 2009 était soumise, avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, à la prescription quinquennale dont le point de départ était fixé au jour de la conclusion de ce contrat et expirait donc le 1er septembre 2014 ; qu'en retenant que ce délai de prescription avait expiré le 1er septembre 2013 de sorte que l'action en requalification introduite le 28 mai 2014 était prescrite la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1471-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, L. 1244-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 1244-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article 21-V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

5. Il résulte du dernier de ces textes qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

6. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

7. Aux termes du deuxième, un employeur ne peut conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs que dans quatre hypothèses : pour remplacer des salariés absents, pour des emplois saisonniers ou pour des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée, pour remplacer l'une des personnes mentionnées aux 4° et 5°de l'article L. 1242-2 du code du travail.

8. Il en résulte, d'une part, que la conclusion de contrats à durée déterminée pour un surcroît d'activité n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 1244-1 du code du travail, d'autre part, que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs prévu à l'article L. 1244-3 du code du travail, court à compter du premier jour d'exécution du second de ces contrats.

9. Pour déclarer prescrite la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2009, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs, court à compter de la date de conclusion du second contrat, soit, en l'espèce, le 1er septembre 2009. Il énonce qu'en application de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières, fixé à 5 ans au lieu de 30 ans, s'est appliqué à compter du 19 juin 2008, de sorte que la prescription de 5 ans se rapportant à l'action en requalification du contrat a couru à compter du 1er septembre 2009. Il en déduit que l'article L. 1471-1 du code du travail s'est appliqué immédiatement aux prescriptions en cours à la date de promulgation de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, soit le 14 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée antérieure expirant, au cas d'espèce, le 1er septembre 2013.

10. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il ressortait de ses propres constatations que les parties avaient conclu des contrats de remplacement non successifs pour des périodes comprises entre les 24 avril et 11 septembre 2009 puis un contrat pour surcroît d'activité pour la journée du 12 septembre 2009, de telle sorte que le délai de prescription de l'action en requalification de ce contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs, courait à compter du premier jour de son exécution, le 12 septembre 2009, et, d'autre part, qu'elle avait relevé que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 28 mai 2014, ce dont il résultait que la prescription de deux ans applicable à l'action en requalification a couru à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, sans que la durée totale excède la prescription quinquennale à laquelle était soumise cette action avant cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen :

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, de ses demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamnation de son employeur au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, alors « qu'aux termes de l'article R. 4121-1 du code du travail, l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3 ; que cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques ; que la carence de l'employeur dans cette évaluation constitue un manquement à son obligation de sécurit ; qu'en se déterminant sans répondre au moyen de Mme [O] invoquant le préjudice que lui avait causé le manquement de l'association Entraide [Localité 1] à son obligation d'établir un document unique d'évaluation des risques et d'y mentionner les risques afférents à son emploi la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

13. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, l'arrêt, après avoir rappelé que le médecin du travail avait indiqué que la salariée était apte à la reprise du travail « en évitant le soulèvement du bras en port de charge au-delà de 60/70°- mettre à disposition un chariot roulant pour éviter les contraintes de manutention manuelle », retient que l'employeur justifie du respect des préconisations du médecin du travail au moyen de factures, bons de livraison relatifs à l'achat de chariots, attestations, procès-verbal de constat dressé par un huissier mettant en évidence que le matériel était bien adapté aux préconisations médicales précitées, et que l'examen des éléments apportés par la salariée ne permet pas de considérer que l'employeur ne justifie pas du respect de son obligation de sécurité au moyen des éléments précités.

14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que son employeur ne justifiait pas avoir respecté les dispositions des articles L. 4121-3 et R. 4121-1 du code du travail relatifs à l'établissement d'un document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, en ce qu'il déboute Mme [W], épouse [O], de ses demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au non-respect par l'association Entraide des Bouches-du-Rhône de son obligation de sécurité, de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamnation de l'association Entraide des Bouches-du-Rhône au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, l'arrêt rendu le 1er février 2019 entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne l'association Entraide des Bouches-du-Rhône aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Entraide [Localité 1] et la condamne à payer à Mme [W], épouse [O], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [W], épouse [O]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré prescrite la demande de requalification de la relation de travail de Mme [O] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2009 ;

AUX MOTIFS QU' "aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs, court à compter de la date de conclusion du second contrat, soit, en l'espèce, le 1er septembre 2009.

QU'en application de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières, fixé à 5 ans au lieu de 30 ans, s'est appliqué à compter du 19 juin 2008, de sorte que la prescription de 5 ans se rapportant à l'action en requalification du contrat a couru à compter du 1er septembre 2009 ;

QUE l'article L. 1471-1 du code du travail s'est appliqué immédiatement aux prescriptions en cours à la date de promulgation de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, soit le 14 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée antérieure expirant, au cas d'espèce, le 1er septembre 2013 ;

QU'il s'ensuit que l'action en requalification, qui a été introduite le 28 mai 2014, est prescrite, et que le salarié doit être débouté de ses demandes au titre d'une requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 1er septembre 2009 pour la journée du 12 septembre 2009" ;

ALORS QUE le délai de prescription des actions en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée a successivement été réduit de trente à cinq ans puis de cinq à deux ans, par les lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2013-504 du 14 juin 2013 ; que selon les articles 26-II de la loi du 17 juin 2008 et 21-V de la loi du 14 juin 2013, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en résulte que l'action de Mme [O] en requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée pour méconnaissance du délai de carence à compter de la conclusion du contrat à durée déterminée du 1er septembre 2009 était soumise, avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, à la prescription quinquennale dont le point de départ était fixé au jour de la conclusion de ce contrat et expirait donc le 1er septembre 2014 ; qu'en retenant que ce délai de prescription avait expiré le 1er septembre 2013 de sorte que l'action en requalification introduite le 28 mai 2014 était prescrite la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1471-1 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour violation, par l'association Entraide [Localité 1], de son obligation de sécurité, de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamnation de l'association Entraide [Localité 1] au paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QU' en vertu des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, si l'employeur ne met pas en oeuvre les préconisations du médecin du travail en matière d'aménagement du poste de travail du salarié, il manque à son obligation de résultat et peut être condamné à indemniser ce dernier de son préjudice ;

QU'aux termes de son avis en date du 27 avril 2012, le médecin du travail a indiqué que la salariée était apte "en évitant le soulèvement du bras en port de charge au delà de 60,70° - Mettre à disposition un chariot roulant pour éviter les contraintes de manutention manuelle" ;

QUE l'employeur justifie du respect de ces préconisations au moyen de factures et bons de livraison relatifs à deux chariots livrés en octobre 2011, d'un chariot acquis en décembre 2011 et de deux chariots achetés en septembre 2013, de l'attestation du second de cuisine qui confirme la mise à disposition de chariots adaptés pour l'exécution de ses tâches en cuisine et que l'aide-cuisinière pouvait être sollicitée pour du nettoyage de matériel, des plans de travail et des sols, de l'attestation de la personne chargée de superviser le personnel en cuisine et ses missions qui indique que l'aide-cuisinière ne participait pas à la production des repas, pouvait avoir pour mission la remise en température et la fin de cuisson de certaines préparations, et, en l'absence des deux autres salariés du service, disposait des préparations réalisées en amont par ces derniers, d'un procès-verbal de constat dressé par un huissier le 5 février 2015 qui met en évidence que le matériel, en partie fixe, installé dans la cuisine où les tâches étaient exécutées, qui ne semble pas très récent au vu des photographies annexées, aucun élément ne permettant par ailleurs de supposer qu'il aurait été changé depuis 2012, était bien adapté aux préconisations médicales précitées qui prohibaient un soulèvement du bras en port de charge au-delà de 60 à 70°, puisque le niveau le plus bas de l'échelle du four est à moins d'un mètre du sol, que, s'agissant de la cellule de refroidissement, le premier rayon de l'échelle en partant du bas est à 80 centimètres du sol, que le bain-marie est à 90 centimètres du sol, que les quatre plans de travail sont à 90 centimètres du sol, que le piano de cuisine est à 86 centimètres du sol, que le meuble destiné au rangement des boîtes de repas comprend des étagères basses et une échelle à multiples paliers pour ranger les plats, que le chauffe-assiette à fond remontant est à 90 centimètres du sol, que la plonge est en deux parties situées à 88 et 90 centimètres du sol, que dans la salle "légumerie et boîtes de conserve", deux plans de travail et un évier sont à 90 centimètres du sol, que les six chariots, étant d'ailleurs observé que certains correspondent à la description des bons de livraison et factures précitées, sont dans la salle à manger qui jouxte la cuisine et disposent de plateaux dont le plus haut est à 84 centimètres du sol, que le chef de cuisine a déclaré que les chariots sont toujours à leur disposition, qu'il n'en manque jamais, que le second de cuisine a indiqué qu'il se sert très souvent des chariots de cuisine, "étant un poids léger", que ces chariots sont à disposition permanente dans la salle de restaurant et qu'ils sont en nombre suffisant pour le personnel, que certains chariots sont très légers et facilement maniables, et qu'il n'y a pas d'éléments hauts dans la cuisine, ce que fait effectivement ressortir l'examen des photographies annexées ;

QUE l'examen des éléments apportés par la salariée ne permet pas de considérer que l'employeur ne justifie pas du respect de son obligation de sécurité au moyen des éléments précités, s'agissant, regardés ensemble, d'un rappel de consignes remontant au 11 août 2011, de l'attestation d'une infirmière trop peu circonstanciée qui évoque la préparation de repas par la salariée lors des repos du chef de cuisine et de son second, sans le moindre élément précis laissant penser que l'aide-cuisinière aurait été amenée, durant la période de travail qui a suivi l'avis du médecin du travail du 27 avril 2012, à exécuter des tâches entraînant un port de charges excédant les limites fixées et sans mise à disposition d'un chariot roulant, de l'attestation d'une aide-soignante ayant travaillé dans l'établissement de mai 2009 à février 2013 qui n'étaye pas à suffisance ses affirmations sur l'existence d'une pénurie de chariots et qui confirme en revanche que des chariots étaient bien mis à disposition de l'ensemble du personnel, de l'attestation d'une seconde aide-soignante dont il ne peut se déduire l'exécution par Mme [O] de tâches contre-indiquées par les préconisations du médecin du travail du 27 avril 2012, alors qu'afin de remettre en cause les éléments apportés par l'employeur pour justifier du respect de son obligation de sécurité, le premier juge énonce, d'une part que les trois salariés sont présents en cuisine et alternativement se retrouvent seuls en cuisine afin d'en déduire que l'aide cuisinier a la charge de la préparation et de la manutention pour quatre-vingts repas, d'autre part que la salariée avait des charges de manutention de port de plats et de préparation de plateaux repas et le nettoyage de sols et éléments de cuisine, sans se fonder sur des constatations suffisantes permettant d'en conclure que Mme [O] aurait réellement effectué, à la suite de l'avis médical concerné, des tâches déterminées nécessitant le soulèvement du bras en port de charge au delà de 60-70° , et n'aurait pas pu disposer d'un chariot roulant ;

QU'il y aura donc lieu de débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité par l'employeur" ;

ALORS QU'aux termes de l'article R. 4121-1 du code du travail, l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3 ; que cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques ; que la carence de l'employeur dans cette évaluation constitue un manquement à son obligation de sécurité ; qu'en se déterminant sans répondre au moyen de Mme [O] invoquant le préjudice que lui avait causé le manquement de l'association Entraide [Localité 1] à son obligation d'établir un document unique d'évaluation des risques et d'y mentionner les risques afférents à son emploi la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2021:SO00515
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