Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 avril 2021, 20-15.332, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 avril 2021, 20-15.332, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 20-15.332
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300367
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 15 avril 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, du 19 février 2020- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 avril 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 367 F-D
Pourvoi n° D 20-15.332
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 AVRIL 2021
1°/ Mme [A] [K], épouse [C],
2°/ M. [E] [C],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
3°/ M. [M] [R],
4°/ Mme [Y] [J], épouse [R],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° D 20-15.332 contre l'arrêt rendu le 19 février 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [N] [L],
2°/ à Mme [O] [V], épouse [L],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme [C] et de M. et Mme [R], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme [L], après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 19 février 2020), par acte notarié du 29 décembre 2003, M. et Mme [C] ont consenti à M. et Mme [L] un bail en métayage sur diverses parcelles de vignes, d'une durée de neuf ans, portée à dix-huit ans par acte du 9 décembre 2005.
2. Un arrêt du 9 avril 2014 a dit n'y avoir lieu de requalifier [K] contrat en bail à ferme et a rejeté la demande des bailleurs en résiliation du bail.
3. Un arrêt du 21 octobre 2015 a ordonné la conversion du bail à métayage en bail à ferme à compter du 1er novembre 2014.
4. Par actes du 28 juillet, 1er, 2, et 4 août et 7 septembre 2016, M. et Mme [C] ont consenti une donation portant sur l'ensemble des terres louées à plusieurs personnes, dont M. et Mme [R].
5. Par acte du 17 mars 2017, M. et Mme [L] ont assigné M. et Mme [C] et M. et Mme [R] en annulation de la donation consentie le 2 août 2016 à ceux-ci et en paiement de dommages-intérêts en réparation de la fraude à leur droit de préemption.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
7. M. et Mme [C] et M. et Mme [R] font grief à l'arrêt d'annuler la donation avec charge du 2 août 2016 portant sur la parcelle [Cadastre 1] située à [Localité 1] et [Localité 2] et de les condamner in solidum à payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts à M. et Mme [L], outre celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 3°/ qu'à supposer qu'en énonçant que la donation consentie par les époux [C] à des tiers "relevait moins de l'intention libérale que de la manoeuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs", la cour d'appel ait exclu l'existence de toute intention libérale des époux [C], que le propriétaire d'un bien rural peut librement disposer de son bien à titre gratuit, sa volonté de gratifier le donataire de son choix et de se dépouiller à son profit de son bien suffisant à caractériser son intention libérale ; que le fait que la donation ait pour effet d'empêcher le preneur en place d'exercer son droit de préemption ne fait pas disparaître l'animus donandi ; qu'en retenant que l'acte de donation consentie à des tiers, que l'arrêt qualifie de "personnes inconnues", par les époux [C], lesquels n'ont pas d'héritiers, ne procédait pas d'une intention libérale mais d'une manoeuvre frauduleuse destinée à contourner leur droit de préemption, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs tenant aux mobiles supposés des donateurs, impropres à faire disparaître leur animus donandi, a violé l'article 894 du code civil et, par fausse application, l'article L. 412-12 du code rural ;
4°/ que la manoeuvre frauduleuse suppose l'emploi à dessein d'un procédé destiné à se soustraire à une norme obligatoire ; qu'en retenant que l'acte de donation consentie à des tiers par les époux [C], lesquels n'ont pas d'héritiers, relevait d'une manoeuvre frauduleuse destinée à contourner le droit de préemption de leurs preneurs, sans caractériser la norme obligatoire à laquelle les bailleurs se seraient soustraits, aucune norme ne les obligeant à aliéner leur bien à titre onéreux afin de permettre à leurs preneurs d'exercer leur droit de préemption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout. » Réponse de la Cour
8. La cour d'appel a constaté que les bailleurs avaient tenté en vain de faire résilier le contrat de bail et que les pièces du dossier mettaient en évidence leur animosité envers les preneurs.
9. Elle a relevé que de nombreuses attestations de vendangeurs relataient la présence hostile de Mme [C] dans les vignes lors de la vendange 2011, allant jusqu'à qualifier M. [L] de « pourri ».
10. Elle a également relevé que, dans une lettre adressée à ses clients, M. [C] écrivait qu'il les confiait à M. [N], vigneron du village, au motif qu'il ne voulait pas les mettre « dans les mains de n'importe qui ».
11. Elle a retenu qu'il existait un contexte belliqueux entre les parties, objectivé par des procédures judiciaires et des rapports inamicaux et en a souverainement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que, dans [K] contexte, la donation avec charge à des personnes inconnues relevait, non de l'intention libérale, mais d'une manoeuvre frauduleuse dans le but de contourner le droit de préemption des preneurs.
12. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [C] et M. et Mme [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [C] et M. et Mme [R] et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [L] la somme globale de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [C] et M. et Mme [R].
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la donation avec charge faite par M. et Mme [C] à M. et Mme [R] portant sur la parcelle en nature de vigne située sur la commune de [Localité 1] et [Localité 2] lieu-dit "les fleuriots" section [Cadastre 1] pour 6 a 16 ca, par acte notarié du 2 août 2016 publié le 31 août 2016, et d'avoir condamné in solidum M. et Mme [C] ainsi que M. et Mme [R] à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE
« sur la demande d'annulation de l'acte de donation avec charge
Les appelants soutiennent que le transfert de propriété a été fait pour contourner frauduleusement leur droit de préemption dans la mesure où c'est une aliénation onéreuse déguisée, exclusive de toute intention libérale.
Les intimés soutiennent au contraire qu'il s'agit d'un acte à titre gratuit, échappant à l'exercice du droit de préemption du preneur puisque la donation avec charge reste une libéralité tant que la charge n'atteint pas la valeur du bien donné, et que l'intention libérale n'a pas à être recherchée lorsque l'acte le mentionne expressément.
Selon l'article L 412-1 du code rural et de la pêche maritime "le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux, sauf le cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte, conformément aux dispositions de la présente section, d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place."
Or, l'acte litigieux ne peut être qualifié d'acte à titre onéreux dans la mesure où il confère aux donataires indivisément des droits valorisés à plus de 60 000,00 euros alors que la charge, déduction faite des fermages qui seront encaissés, n'atteint pas 3 000,00 euros jusqu'à la fin du bail en 2023 ni 10 000,00 euros dans l'hypothèse la plus favorable d'une prolongation d'une fin de bail jusqu'à la date supposée du décès du plus jeune des deux époux donateurs.
En revanche, il ressort des pièces du dossier, que par un montage au profit de personnes qui leur étaient inconnues, les bailleurs ont voulu contourner les droits de leurs preneurs.
En effet, les bailleurs ont essayé en vain de faire résilier le contrat de bail et les pièces du dossier mettent en exergue leur animosité envers leurs preneurs à bail. Ainsi, les preneurs versent aux débats de nombreuses attestations de vendangeurs qui relatent la présence hostile de Mme [C] dans les vignes lors des vendanges de l'année 2011 allant jusqu'à dire à M. [L] qu'il était "pourri". A cet égard, le courrier de l'huissier de justice qui affirme n'avoir pas entendu de propos hostiles ni observé d'incidents lors de ces vendanges alors qu'il était présent aux côtés de Mme [K], n'est pas de nature à combattre efficacement les nombreuses attestations produites, dans la mesure où [K] courrier n'est pas signé et que l'huissier n'était pas présent en permanence à côté de sa cliente comme le montrent les photographies produites par les époux [L]. En outre, il est produit un courrier dans lequel JL [C]-[K] indique à ses clients qu'il les confie à M. [B] [N], vigneron du village, au motif qu'il n'était pas question de les mettre "dans les mains de n'importe qui" alors qu'ils avaient, selon d'autres clients, présenté les époux [L] comme leurs successeurs.
Au regard de [K] contexte belliqueux, objectivé par des procédures judiciaires et des rapports inamicaux, la donation à des personnes inconnues avec charge, en l'absence d'héritiers, relève moins de l'intention libérale que de la manoeuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs, de sorte que l'acte de donation doit être annulé en application des dispositions de l'article L. 412-12 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime et du principe selon lequel la fraude corrompt tout.
Le jugement sera donc infirmé sur [K] point.
Sur la demande de dommages-intérêts
La manoeuvre frauduleuse, dans le contexte précité, cause un préjudice moral aux preneurs qui ont vu leurs droits éludés et leur exploitation menacée, lequel préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000,00 euros, à la charge solidaire des donateurs et donataires qui ont agi fautivement de concert.
Sur les demandes reconventionnelles
La demande liée à la date d'expiration du bail et au montant du fermage est formée par voie d'appel incident par M. et Mme [R], qui, par l'effet de la décision qui précède, n'ont plus la qualité de bailleurs. Le jugement sera donc confirmé en [K] qu'il a rejeté la demande tendant à faire fixer au 1er novembre 2021 la fin du bail et infirmé en [K] qu'il a ordonné, avant dire droit, une expertise sur la fixation du fermage ; » (arrêt p. 5 à 6)
1) ALORS QUE droit de préemption n'est ouvert au bénéfice de l'exploitant preneur en place sur les terres prises à bail que si le propriétaire bailleur décide ou est contraint de les aliéner à titre onéreux ; que [K] droit n'est pas ouvert en cas d'aliénation à titre gratuit ; qu'ayant retenu que l'acte de donation consentie par M. et Mme [C] à M. et Mme [R] portant sur une parcelle prise à bail par les époux [L], ne pouvait, contrairement à [K] que soutenaient ces derniers, être qualifié d'acte à titre onéreux, la cour d'appel, qui a néanmoins annulé l'acte litigieux au motif qu'il avait été conclu pour contourner le droit de préemption des preneurs, quand [K] droit ne pouvait trouver à s'appliquer à l'occasion d'une aliénation à titre gratuit, a violé l'article L. 412-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 412-12 alinéa 3 du même code ;
2) ALORS QUE la volonté du donateur d'un bien rural donné à bail de se dépouiller irrévocablement et sans contrepartie équivalente de son bien au profit d'un tiers est exclusive de toute fraude aux droits du preneur ; qu'en énonçant que la donation consentie par les époux [C] à des tiers "relevait moins de l'intention libérale que de la manoeuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs", la cour d'appel, qui n'a pas exclu l'existence d'une intention libérale, [K] dont il résultait que la donation ne pouvait s'analyser en une manoeuvre frauduleuse des donateurs destinée à contourner le droit de préemption de leurs preneurs, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, en violation des articles L 412-1 du code rural et de la pêche maritime et 894 du code civil ;
3) ALORS, à supposer qu'en énonçant que la donation consentie par les époux [C] à des tiers "relevait moins de l'intention libérale que de la manoeuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs", la cour d'appel ait exclu l'existence de toute intention libérale des époux [C], QUE le propriétaire d'un bien rural peut librement disposer de son bien à titre gratuit, sa volonté de gratifier le donataire de son choix et de se dépouiller à son profit de son bien suffisant à caractériser son intention libérale ; que le fait que la donation ait pour effet d'empêcher le preneur en place d'exercer son droit de préemption ne fait pas disparaître l'animus donandi ; qu'en retenant que l'acte de donation consentie à des tiers, que l'arrêt qualifie de "personnes inconnues", par les époux [C], lesquels n'ont pas d'héritiers, ne procédait pas d'une intention libérale mais d'une manoeuvre frauduleuse destinée à contourner leur droit de préemption, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs tenant aux mobiles supposés des donateurs, impropres à faire disparaître leur animus donandi, a violé l'article 894 du code civil et, par fausse application, l'article L 412-12 du code rural et de la pêche maritime et le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
4) ALORS QUE la manoeuvre frauduleuse suppose l'emploi à dessein d'un procédé destiné à se soustraire à une norme obligatoire ; qu'en retenant que l'acte de donation consentie à des tiers par les époux [C], lesquels n'ont pas d'héritiers, relevait d'une manoeuvre frauduleuse destinée à contourner le droit de préemption de leurs preneurs, sans caractériser la norme obligatoire à laquelle les bailleurs se seraient soustraits, aucune norme ne les obligeant à aliéner leur bien à titre onéreux afin de permettre à leurs preneurs d'exercer leur droit de préemption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout.ECLI:FR:CCASS:2021:C300367
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 avril 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 367 F-D
Pourvoi n° D 20-15.332
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 AVRIL 2021
1°/ Mme [A] [K], épouse [C],
2°/ M. [E] [C],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
3°/ M. [M] [R],
4°/ Mme [Y] [J], épouse [R],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° D 20-15.332 contre l'arrêt rendu le 19 février 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [N] [L],
2°/ à Mme [O] [V], épouse [L],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme [C] et de M. et Mme [R], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme [L], après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 19 février 2020), par acte notarié du 29 décembre 2003, M. et Mme [C] ont consenti à M. et Mme [L] un bail en métayage sur diverses parcelles de vignes, d'une durée de neuf ans, portée à dix-huit ans par acte du 9 décembre 2005.
2. Un arrêt du 9 avril 2014 a dit n'y avoir lieu de requalifier [K] contrat en bail à ferme et a rejeté la demande des bailleurs en résiliation du bail.
3. Un arrêt du 21 octobre 2015 a ordonné la conversion du bail à métayage en bail à ferme à compter du 1er novembre 2014.
4. Par actes du 28 juillet, 1er, 2, et 4 août et 7 septembre 2016, M. et Mme [C] ont consenti une donation portant sur l'ensemble des terres louées à plusieurs personnes, dont M. et Mme [R].
5. Par acte du 17 mars 2017, M. et Mme [L] ont assigné M. et Mme [C] et M. et Mme [R] en annulation de la donation consentie le 2 août 2016 à ceux-ci et en paiement de dommages-intérêts en réparation de la fraude à leur droit de préemption.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
7. M. et Mme [C] et M. et Mme [R] font grief à l'arrêt d'annuler la donation avec charge du 2 août 2016 portant sur la parcelle [Cadastre 1] située à [Localité 1] et [Localité 2] et de les condamner in solidum à payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts à M. et Mme [L], outre celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 3°/ qu'à supposer qu'en énonçant que la donation consentie par les époux [C] à des tiers "relevait moins de l'intention libérale que de la manoeuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs", la cour d'appel ait exclu l'existence de toute intention libérale des époux [C], que le propriétaire d'un bien rural peut librement disposer de son bien à titre gratuit, sa volonté de gratifier le donataire de son choix et de se dépouiller à son profit de son bien suffisant à caractériser son intention libérale ; que le fait que la donation ait pour effet d'empêcher le preneur en place d'exercer son droit de préemption ne fait pas disparaître l'animus donandi ; qu'en retenant que l'acte de donation consentie à des tiers, que l'arrêt qualifie de "personnes inconnues", par les époux [C], lesquels n'ont pas d'héritiers, ne procédait pas d'une intention libérale mais d'une manoeuvre frauduleuse destinée à contourner leur droit de préemption, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs tenant aux mobiles supposés des donateurs, impropres à faire disparaître leur animus donandi, a violé l'article 894 du code civil et, par fausse application, l'article L. 412-12 du code rural ;
4°/ que la manoeuvre frauduleuse suppose l'emploi à dessein d'un procédé destiné à se soustraire à une norme obligatoire ; qu'en retenant que l'acte de donation consentie à des tiers par les époux [C], lesquels n'ont pas d'héritiers, relevait d'une manoeuvre frauduleuse destinée à contourner le droit de préemption de leurs preneurs, sans caractériser la norme obligatoire à laquelle les bailleurs se seraient soustraits, aucune norme ne les obligeant à aliéner leur bien à titre onéreux afin de permettre à leurs preneurs d'exercer leur droit de préemption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout. » Réponse de la Cour
8. La cour d'appel a constaté que les bailleurs avaient tenté en vain de faire résilier le contrat de bail et que les pièces du dossier mettaient en évidence leur animosité envers les preneurs.
9. Elle a relevé que de nombreuses attestations de vendangeurs relataient la présence hostile de Mme [C] dans les vignes lors de la vendange 2011, allant jusqu'à qualifier M. [L] de « pourri ».
10. Elle a également relevé que, dans une lettre adressée à ses clients, M. [C] écrivait qu'il les confiait à M. [N], vigneron du village, au motif qu'il ne voulait pas les mettre « dans les mains de n'importe qui ».
11. Elle a retenu qu'il existait un contexte belliqueux entre les parties, objectivé par des procédures judiciaires et des rapports inamicaux et en a souverainement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que, dans [K] contexte, la donation avec charge à des personnes inconnues relevait, non de l'intention libérale, mais d'une manoeuvre frauduleuse dans le but de contourner le droit de préemption des preneurs.
12. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [C] et M. et Mme [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [C] et M. et Mme [R] et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [L] la somme globale de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [C] et M. et Mme [R].
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la donation avec charge faite par M. et Mme [C] à M. et Mme [R] portant sur la parcelle en nature de vigne située sur la commune de [Localité 1] et [Localité 2] lieu-dit "les fleuriots" section [Cadastre 1] pour 6 a 16 ca, par acte notarié du 2 août 2016 publié le 31 août 2016, et d'avoir condamné in solidum M. et Mme [C] ainsi que M. et Mme [R] à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE
« sur la demande d'annulation de l'acte de donation avec charge
Les appelants soutiennent que le transfert de propriété a été fait pour contourner frauduleusement leur droit de préemption dans la mesure où c'est une aliénation onéreuse déguisée, exclusive de toute intention libérale.
Les intimés soutiennent au contraire qu'il s'agit d'un acte à titre gratuit, échappant à l'exercice du droit de préemption du preneur puisque la donation avec charge reste une libéralité tant que la charge n'atteint pas la valeur du bien donné, et que l'intention libérale n'a pas à être recherchée lorsque l'acte le mentionne expressément.
Selon l'article L 412-1 du code rural et de la pêche maritime "le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux, sauf le cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte, conformément aux dispositions de la présente section, d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place."
Or, l'acte litigieux ne peut être qualifié d'acte à titre onéreux dans la mesure où il confère aux donataires indivisément des droits valorisés à plus de 60 000,00 euros alors que la charge, déduction faite des fermages qui seront encaissés, n'atteint pas 3 000,00 euros jusqu'à la fin du bail en 2023 ni 10 000,00 euros dans l'hypothèse la plus favorable d'une prolongation d'une fin de bail jusqu'à la date supposée du décès du plus jeune des deux époux donateurs.
En revanche, il ressort des pièces du dossier, que par un montage au profit de personnes qui leur étaient inconnues, les bailleurs ont voulu contourner les droits de leurs preneurs.
En effet, les bailleurs ont essayé en vain de faire résilier le contrat de bail et les pièces du dossier mettent en exergue leur animosité envers leurs preneurs à bail. Ainsi, les preneurs versent aux débats de nombreuses attestations de vendangeurs qui relatent la présence hostile de Mme [C] dans les vignes lors des vendanges de l'année 2011 allant jusqu'à dire à M. [L] qu'il était "pourri". A cet égard, le courrier de l'huissier de justice qui affirme n'avoir pas entendu de propos hostiles ni observé d'incidents lors de ces vendanges alors qu'il était présent aux côtés de Mme [K], n'est pas de nature à combattre efficacement les nombreuses attestations produites, dans la mesure où [K] courrier n'est pas signé et que l'huissier n'était pas présent en permanence à côté de sa cliente comme le montrent les photographies produites par les époux [L]. En outre, il est produit un courrier dans lequel JL [C]-[K] indique à ses clients qu'il les confie à M. [B] [N], vigneron du village, au motif qu'il n'était pas question de les mettre "dans les mains de n'importe qui" alors qu'ils avaient, selon d'autres clients, présenté les époux [L] comme leurs successeurs.
Au regard de [K] contexte belliqueux, objectivé par des procédures judiciaires et des rapports inamicaux, la donation à des personnes inconnues avec charge, en l'absence d'héritiers, relève moins de l'intention libérale que de la manoeuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs, de sorte que l'acte de donation doit être annulé en application des dispositions de l'article L. 412-12 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime et du principe selon lequel la fraude corrompt tout.
Le jugement sera donc infirmé sur [K] point.
Sur la demande de dommages-intérêts
La manoeuvre frauduleuse, dans le contexte précité, cause un préjudice moral aux preneurs qui ont vu leurs droits éludés et leur exploitation menacée, lequel préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000,00 euros, à la charge solidaire des donateurs et donataires qui ont agi fautivement de concert.
Sur les demandes reconventionnelles
La demande liée à la date d'expiration du bail et au montant du fermage est formée par voie d'appel incident par M. et Mme [R], qui, par l'effet de la décision qui précède, n'ont plus la qualité de bailleurs. Le jugement sera donc confirmé en [K] qu'il a rejeté la demande tendant à faire fixer au 1er novembre 2021 la fin du bail et infirmé en [K] qu'il a ordonné, avant dire droit, une expertise sur la fixation du fermage ; » (arrêt p. 5 à 6)
1) ALORS QUE droit de préemption n'est ouvert au bénéfice de l'exploitant preneur en place sur les terres prises à bail que si le propriétaire bailleur décide ou est contraint de les aliéner à titre onéreux ; que [K] droit n'est pas ouvert en cas d'aliénation à titre gratuit ; qu'ayant retenu que l'acte de donation consentie par M. et Mme [C] à M. et Mme [R] portant sur une parcelle prise à bail par les époux [L], ne pouvait, contrairement à [K] que soutenaient ces derniers, être qualifié d'acte à titre onéreux, la cour d'appel, qui a néanmoins annulé l'acte litigieux au motif qu'il avait été conclu pour contourner le droit de préemption des preneurs, quand [K] droit ne pouvait trouver à s'appliquer à l'occasion d'une aliénation à titre gratuit, a violé l'article L. 412-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 412-12 alinéa 3 du même code ;
2) ALORS QUE la volonté du donateur d'un bien rural donné à bail de se dépouiller irrévocablement et sans contrepartie équivalente de son bien au profit d'un tiers est exclusive de toute fraude aux droits du preneur ; qu'en énonçant que la donation consentie par les époux [C] à des tiers "relevait moins de l'intention libérale que de la manoeuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs", la cour d'appel, qui n'a pas exclu l'existence d'une intention libérale, [K] dont il résultait que la donation ne pouvait s'analyser en une manoeuvre frauduleuse des donateurs destinée à contourner le droit de préemption de leurs preneurs, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, en violation des articles L 412-1 du code rural et de la pêche maritime et 894 du code civil ;
3) ALORS, à supposer qu'en énonçant que la donation consentie par les époux [C] à des tiers "relevait moins de l'intention libérale que de la manoeuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs", la cour d'appel ait exclu l'existence de toute intention libérale des époux [C], QUE le propriétaire d'un bien rural peut librement disposer de son bien à titre gratuit, sa volonté de gratifier le donataire de son choix et de se dépouiller à son profit de son bien suffisant à caractériser son intention libérale ; que le fait que la donation ait pour effet d'empêcher le preneur en place d'exercer son droit de préemption ne fait pas disparaître l'animus donandi ; qu'en retenant que l'acte de donation consentie à des tiers, que l'arrêt qualifie de "personnes inconnues", par les époux [C], lesquels n'ont pas d'héritiers, ne procédait pas d'une intention libérale mais d'une manoeuvre frauduleuse destinée à contourner leur droit de préemption, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs tenant aux mobiles supposés des donateurs, impropres à faire disparaître leur animus donandi, a violé l'article 894 du code civil et, par fausse application, l'article L 412-12 du code rural et de la pêche maritime et le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
4) ALORS QUE la manoeuvre frauduleuse suppose l'emploi à dessein d'un procédé destiné à se soustraire à une norme obligatoire ; qu'en retenant que l'acte de donation consentie à des tiers par les époux [C], lesquels n'ont pas d'héritiers, relevait d'une manoeuvre frauduleuse destinée à contourner le droit de préemption de leurs preneurs, sans caractériser la norme obligatoire à laquelle les bailleurs se seraient soustraits, aucune norme ne les obligeant à aliéner leur bien à titre onéreux afin de permettre à leurs preneurs d'exercer leur droit de préemption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout.