Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 avril 2021, 19-24.231, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 avril 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 380 FP-P

Pourvoi n° F 19-24.231




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 AVRIL 2021

La société Geox France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 19-24.231 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige l'opposant à la société Antibes 2, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Geox France, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Antibes 2, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. David, conseiller rapporteur, MM. Maunand, Echappé, conseillers doyens, MM. Nivôse, Parneix, Mme Farrenq-Nési, conseillers, Mme Georget, M. Béghin, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-1, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 2019), par acte du 31 mai 2007, la société Rudante, aux droits de laquelle se trouve la société Antibes 2, a donné à bail à la société Geox France un local à usage commercial moyennant un loyer annuel de 300 000 euros.

2. Par acte du 23 novembre 2016, la société Geox France a sollicité le renouvellement du bail, puis, par acte du 29 novembre 2016, après acceptation du bailleur, elle a sollicité la fixation du prix du bail renouvelé à la somme de 123 000 euros.

3. Le 21 mars 2017, la société Geox France a notifié au bailleur, qui a refusé cette proposition, un mémoire préalable en fixation du prix du bail renouvelé, puis a saisi le juge des loyers commerciaux.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Geox France fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors :

« 1°/ que la mention « aux clauses et conditions du bail venu à expiration » insérée dans une demande de renouvellement du bail, si elle peut traduire la volonté de renouveler le bail, ne peut suffire à caractériser un engagement précis, complet et ferme du locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler ; qu'en rejetant la demande de la société Geox France de voir fixer judiciairement le loyer de renouvellement du bail, au motif que les parties ayant toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans mention d'aucune réserve, l'accord explicite des parties portait également sur le prix, la cour d'appel a violé les articles 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du code civil et L. 145-34 du code de commerce ;

2°/ qu'en relevant par des motifs à supposer adoptés, pour décider que l'accord explicite des parties portait également sur le prix, que la société Geox France avait annexé à sa demande de renouvellement le précédant bail liant les parties, ce qui ne permettait pas de caractériser un engagement précis, complet et ferme du locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du code civil et L. 145-34 du code de commerce ;

3°/ qu'en rejetant la demande de la société Geox France de voir fixer judiciairement le loyer de renouvellement du bail au motif qu'il appartient aux parties d'exprimer expressément leur volonté de contracter pour un prix différent, faute de quoi, le bail est renouvelé au prix plafonné, la cour d'appel a de nouveau violé les articles 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du code civil et L. 145-34 du code de commerce ;

4°/ qu'en affirmant qu'il existait un accord explicite des parties portant sur le prix, bien que les actes échangés entre les parties les 23 et 25 novembre 2016 faisaient uniquement mention des « clauses et conditions » du précédent bail, sans aucune référence explicite au prix, la cour d'appel a dénaturé lesdits documents. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que le preneur avait formulé une demande de renouvellement du bail aux clauses et conditions du précédent bail et que le bailleur avait exprimé son accord pour un renouvellement aux mêmes clauses et conditions antérieures.

6. Elle a souverainement retenu, sans dénaturation, que, les parties ayant toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans mention d'aucune réserve, elles avaient conclu un accord exprès sur les conditions et clauses du bail précédent.

7. Elle a exactement déduit, de ce seul motif, que la demande en fixation du loyer du bail renouvelé devait être rejetée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Geox France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Geox France et la condamne à payer à la société Antibes 2 la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Geox France.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Geox France de sa demande de voir fixer judiciairement le loyer de renouvellement du bail à la somme de 123.000 € par an hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2017 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le 23 novembre 2016, le preneur a formulé une demande de renouvellement du bail « aux mêmes clauses et conditions que le précédent bail » ; le 25 novembre 2016, le bailleur a fait connaître ses intentions ; il a exprimé son accord pour un renouvellement aux mêmes clauses et conditions antérieures ; les parties ont toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans mention d'aucune réserve, qu'il ne s'agit nullement d'un accord tacite d'une des parties mais d'un accord exprès sur les conditions et clauses précédentes sans qu'il soit exigé que la demande de renouvellement ou d'acceptation les détaille toutes pour valoir engagement des parties ; cet accord sur les éléments essentiels du contrat résultant de la rencontre de la volonté des parties est parfait et ne peut plus être remis en cause ; il est acquis et non contesté, ainsi que le soutient la locataire, que le principe du renouvellement du bail peut être acquis sans que les parties aient pu trouver un accord sur le prix qui est fixé ultérieurement, que toutefois, si le renouvellement n'est pas subordonné à l'accord sur le prix, aucune disposition n'interdit aux parties de fixer dès le renouvellement, le prix du bail, que l'autonomie des clauses générales du bail n'impose nullement de procéder en deux étapes en fixant dans un premier temps le renouvellement puis dans un second le prix, que les parties peuvent convenir dans le même temps que le bail sera renouvelé aux clauses et conditions du bail antérieur y compris le prix ; en l'espèce le locataire a proposé le renouvellement sans réserve sur le prix, qui a été pleinement et entièrement accepté par la bailleresse ; l'accord explicite des parties portait sur le prix ; la jurisprudence s'oppose à ce que le silence du bailleur pendant un délai de 3 mois qui doit s'analyser comme un accord sur le principe du renouvellement en application des dispositions de l'article L145-10 du code de commerce, puisse également être interprété comme accord sur le prix, en conformité avec les termes du texte ; néanmoins, tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il ne s'agit nullement d'interpréter le silence du bailleur, que ce dernier a, par acte du 25 novembre 2016, exprimé son acceptation des modalités du bail sans exclure celles relatives au loyer et a fait connaître sa position avant toute contestation du prix par la locataire ; l'accord sur le prix n'est pas nécessairement distinct du principe du renouvellement, que le locataire a proposé un renouvellement aux mêmes clauses et conditions que précédemment, que le bailleur a accepté ces conditions, qu'il ne peut ultérieurement remettre en cause son accord explicite et total sur les modalités du renouvellement ; cette position correspond à la volonté des parties clairement exprimée, qu'il n'est pas possible d'y déroger ; de surcroît et de façon surabondante en application des dispositions de l'article L 145-34 du code de commerce, la variation du loyer du bail à renouveler... « ne peut excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires.... » sauf application des exceptions aux règles du plafonnement ; le prix du bail renouvelé est donc fixé légalement au prix du bail initial après indexation, qu'il appartient aux parties d'exprimer expressément leur volonté de contracter pour un prix différent, faute de quoi, le bail est renouvelé au prix plafonné ;

AUX MOTIFS A SUPPOSER ADOPTES QUE le bailleur estime que la demande en fixation judiciaire du loyer renouvelé est irrecevable dans la mesure où il a d'ores et déjà consenti au renouvellement du bail aux mêmes charges et conditions que précédemment ; il ressort de l'examen des pièces versées aux débats, que par acte du 23 novembre 2016 la Sarl Geox France a proposé au bailleur que « le bail commercial (soit) renouvelé aux mêmes clauses et conditions que le précédent bail, pour une durée de neuf ans, conformément aux dispositions de l'article L145-4 du code de commerce, à compter du 1er janvier 2017 jusqu'au 31 décembre 2025 » ; le preneur a joint le précédent bail à sa demande ; par acte du 25 novembre 2016 la SCI Antibes 2 a indiqué accepter « le principe du renouvellement du bail, aux mêmes clauses et conditions antérieures, conformément à l'acte de demande de renouvellement signifié » ; le preneur affirme que la souplesse de la législation relative aux baux commerciaux lui permet de revenir sur les termes de ces documents, et qu'en tout état de cause, le prix du loyer doit être explicite, ce qui n'était pas le cas dans ces échanges ; il estime ainsi ne pas être lié par les termes des actes ci-dessus repris ; il vise des décisions de justice validant la nécessité lors du renouvellement de faire apparaître de manière claire et distincte le prix du loyer dans les actes signifiés à la partie adverse ; il convient toutefois de rappeler le contexte de la présente procédure ; à l'inverse des décisions de justice visées par le locataire, le bailleur a en l'espèce explicitement accepté le renouvellement du bail ; dans le cadre de sa demande de renouvellement, la Sarl Geox France a précisé que le nouveau bail serait prévu aux mêmes clauses et conditions ; or, le prix du loyer est, sans contestation possible, une condition du bail ; en annexant à sa demande le précédant bail liant les parties, et en précisant que le nouveau serait aux mêmes clauses et conditions, il apparaît de manière évidente que le maintien du prix du loyer était proposé ; le bailleur a accepté sans aucune réserve ce renouvellement ; en conséquence, le preneur ne peut pas valablement soutenir que le prix du loyer n'était pas explicite dans sa demande de renouvellement, et dans l'acceptation du bailleur ; il est nécessaire de préciser qu'en dépit d'une législation spécifique, le bail commercial demeure un contrat entre les parties ; dans ce cadre, il convient de rappeler que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; ainsi, il n'y a pas lieu à intervention judiciaire dans la fixation du loyer sur renouvellement, l'accord des parties ayant été clairement et explicitement acté au jour du renouvellement ; il ne s'agit en revanche pas ici d'un moyen d'irrecevabilité, mais bien de développements au fond ; la Sarl Geox France sera ainsi déboutée de sa demande principale en fixation du loyer, et de sa demande subsidiaire en désignation d'un expert judiciaire ;

1°/ ALORS QUE la mention « aux clauses et conditions du bail venu à expiration » insérée dans une demande de renouvellement du bail, si elle peut traduire la volonté de renouveler le bail, ne peut suffire à caractériser un engagement précis, complet et ferme du locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler ; qu'en rejetant la demande de la société Geox France de voir fixer judiciairement le loyer de renouvellement du bail, au motif que les parties ayant toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans mention d'aucune réserve, l'accord explicite des parties portait également sur le prix, la cour d'appel a violé les articles 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du code civil et L.145-34 du code de commerce ;

2°/ ALORS QU'en relevant par des motifs à supposer adoptés, pour décider que l'accord explicite des parties portait également sur le prix, que la société Geox France avait annexé à sa demande de renouvellement le précédant bail liant les parties, ce qui ne permettait pas de caractériser un engagement précis, complet et ferme du locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du code civil et L.145-34 du code de commerce ;

3°/ ALORS QU'en rejetant la demande de la société Geox France de voir fixer judiciairement le loyer de renouvellement du bail au motif qu'il appartient aux parties d'exprimer expressément leur volonté de contracter pour un prix différent, faute de quoi, le bail est renouvelé au prix plafonné, la cour d'appel a de nouveau violé les articles 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du code civil et L.145-34 du code de commerce ;

4°/ ALORS QU'en affirmant qu'il existait un accord explicite des parties portant sur le prix, bien que les actes échangés entre les parties les 23 et 25 novembre 2016 faisaient uniquement mention des « clauses et conditions » du précédent bail, sans aucune référence explicite au prix, la cour d'appel a dénaturé lesdits documents. ECLI:FR:CCASS:2021:C300380
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