Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 avril 2021, 19-21.313, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 avril 2021, 19-21.313, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 19-21.313
- ECLI:FR:CCASS:2021:C100311
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 14 avril 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, du 02 avril 2019- Président
- Mme Batut
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 avril 2021
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 311 FS-P
Pourvoi n° J 19-21.313
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2021
Mme [M] [W], aux droits de laquelle est venue la société [Personne physico-morale 1], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], agissant en la personne de Mme [Y] [J], en qualité de liquidateur, a formé le pourvoi n° J 19-21.313 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [B] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société [Personne physico-morale 1], ès qualités, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen M. Hascher, Mme Antoine, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mme Dard, conseillers, Mmes Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société civile professionnelle [Personne physico-morale 1], prise en sa qualité de liquidateur de Mme [W] (le liquidateur), de sa reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 2 avril 2019), Mme [W] et M. [T] ont acquis en indivision une maison d'habitation et de commerce et souscrit conjointement, à cette fin, un emprunt bancaire.
3. Après ouverture du partage judiciaire de cette indivision, l'immeuble indivis a été vendu et le solde de l'emprunt, remboursé. Les parties n'ayant pu s'accorder sur la répartition du reliquat du prix, le notaire désigné a, le 18 décembre 2014, dressé un procès-verbal de difficultés.
4. Le 20 juin 2016, M. [T] a assigné Mme [W] pour obtenir, notamment, sa condamnation au paiement de la moitié des sommes versées par lui seul en remboursement de l'emprunt. Celle-ci lui a opposé la prescription de ses demandes.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de recevoir l'ensemble des demandes de M. [T], alors « que l'action de l'indivisaire contre l'indivision, née de ce qu'il a remboursé personnellement partie des échéances des emprunts ayant permis l'acquisition du bien indivis, peut être exercée sans attendre le partage ou l'aliénation du bien ; que la prescription de cette action court à compter de la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'en retenant que la prescription de l'action de M. [T] n'avait pas commencé à courir avant la date du partage, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 815-13, 815-17, alinéa 1er, et 2224 du code civil :
7. Il résulte des deux premiers textes qu'un indivisaire qui a conservé à ses frais un bien indivis peut revendiquer une créance sur l'indivision et être payé par prélèvement sur l'actif indivis, avant le partage.
8. Cette créance, immédiatement exigible, se prescrit selon les règles de droit commun édictées par le dernier.
9. Pour déclarer recevable l'ensemble des demandes de M. [T], l'arrêt relève que celui-ci revendique une créance sur l'indivision à raison du paiement de l'intégralité des échéances de l'emprunt bancaire du mois de décembre 2001 au mois de mars 2013 inclus. Il énonce qu'il résulte des termes mêmes de l'article 815-13 du code civil que l'indemnité due à l'indivisaire s'apprécie à la date du partage ou de l'aliénation du bien indivis, indépendamment de la date à laquelle les impenses ont été exposées. Il relève que le partage a été ordonné le 2 avril 2013, que le bien a été vendu le 31 juillet 2014, que la prescription a été interrompue par le procès-verbal de difficultés et par l'assignation.
10. En statuant ainsi, alors que la créance revendiquée par M. [T] était exigible dès le paiement de chaque échéance de l'emprunt immobilier, à partir duquel la prescription commençait à courir, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt qui reçoit M. [T] en l'ensemble de ses demandes entraîne la cassation des chefs de dispositif allouant à celui-ci le solde du prix de vente de l'immeuble litigieux, soit 34 617,81 euros, et condamnant Mme [W] à lui payer la somme complémentaire de 7 421,07 euros, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne Mme [W] à payer à M. [T] la somme de 22 050 euros à titre d'indemnité d'occupation, dit que les sommes dues par Mme [W] à M. [T] porteront intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2017 et statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société [Personne physico-morale 1], ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir reçu M. [T] en l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la recevabilité des demandes de M. [T], Mme [W] invoque enfin la prescription partielle des demandes de M. [T] en soutenant que si le tribunal avait exactement retenu l'existence d'une prescription quinquennale, aucun acte interruptif de celle-ci n'était intervenu avant le procès-verbal de difficultés dressé par Me [L] le 18 décembre 2014 ; que l'appelante considère dès lors comme acquise la prescription applicable aux paiements intervenus antérieurement au 19 décembre 2009 et estime en conséquence limitée à 30.218 € la créance sur l'indivision de la partie adverse ; que, cependant, aux termes de l'article 815-13 du code civil, « lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés » ; qu'au regard de ces dispositions et comme exactement énoncé par le tribunal, le règlement d'échéances d'un emprunt immobilier par un indivisaire au moyen de ses fonds propres en cours d'indivision constitue des dépenses nécessaires à la conservation du bien et donne en conséquence lieu à indemnité sur le fondement de l'article 815-13 susvisé ; que des termes mêmes de ce dernier texte, il résulte enfin que l'indemnité due à un indivisaire ayant amélioré le bien s'apprécie à la date du partage ou de l'aliénation de celui-ci, indépendamment de la date à laquelle les impenses ont été exposées ; que le partage ayant en la cause été ordonné le 2 avril 2013, que le bien ayant été venu le 31 juillet 2013, que la prescription ayant été interrompue le 18 décembre 2014 par le procès-verbal de difficultés dressé par Me [L] et que l'assignation ayant été délivrée le 20 juin 2016, les demandes de M. [T] sont en totalité recevables ;
ALORS QUE l'action de l'indivisaire contre l'indivision, née de ce qu'il a remboursé personnellement partie des échéances des emprunts ayant permis l'acquisition du bien indivis, peut être exercée sans attendre le partage ou l'alinéation du bien ; que la prescription de cette action court à compter situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'en retenant que la prescription de l'action de M. [T] n'avait pas commencé à courir avant la date du partage, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. [T] le solde du prix de vente de l'immeuble [Adresse 3], soit 34.617,81 € et d'avoir condamné Mme [W] à payer à M. [T] la somme complémentaire de 7.421,07 € au titre des impenses avec intérêt au taux légal à compter du 29 mai 2017 ;
AUX MOTIFS QUE, sur les impenses, des pièces de la procédure, notamment d'une ordonnance sur requête prononcée le 21 mars 2013 par le juge d'instance de Briey annexée au procès-verbal de difficultés du 18 décembre 2014, il résulte que le crédit afférent à l'immeuble indivis a été réglée par M. [T] seul de l'origine du prêt, soit depuis décembre 2001, jusqu'à mars 2013 inclus ; que du tableau d'amortissement produit par M. [T] il résulte que les remboursements d'emprunt se sont élevés à 755,45 € par mois de décembre 2001 à décembre 2007, soit 73 échéances, puis à 715,82 €, soit 63 échéances ; que la créance de l'intimé s'établit donc à (755,45 x 73 = 55.147,85 €) + (715,82 x 63 = 45.096,66 €) = 100.244,51 € (et non 102.144,51 comme sollicité par l'intéressé) ; que les parties s'accordant pour admettre le remboursement de l'emprunt exclusivement par Mme [W] d'avril 2013 à juillet 2014, soit 16 mensualités de 715,82 €, la créance de l'appelante s'élève de ce chef à 11.463,12 € ; que Mme [W] soutient qu'à cette somme doivent être ajoutées diverses dépenses exposées par elle pour l'entretien et l'amélioration de l'immeuble justifiées par des factures d'un montant global de 13.951,53 € ainsi que le coût de réalisation d'un local commercial, d'édification d'un muret et de pose d'une grille pour un total estimé au minimum à 20.000 € ; que seules les dépenses d'amélioration ouvrant droit à indemnité au titre de l'article 815-13 du code civil, les factures d'entretien de la chaudière produites par Mme [W] ne pourront en premier lieu être prises en compte ; que des pièces produites par les parties il résulte par ailleurs quant aux faits que M. [L] [U], compagnon de Mme [W], s'est installé avec celle-ci dans l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 1] et y a aménagé son cabinet de magnétiseur dans d'anciens locaux commerciaux au rez-de-chaussée ; que nombre des dépenses portées en compte par l'appelante sont relatives à l'aménagement dudit local ayant incontestablement amélioré l'immeuble au vu des clichés photographiques versés aux débats ; que Mme [W] ne peut cependant solliciter de ce chef une indemnité sur le fondement de l'article 815-13 du code civil qu'à la condition d'établir avoir personnellement supporté les dépenses en cause ; que force est de constater que tel n'est pour la majorité des dépenses pas le cas en l'espèce où les factures produites, notamment celles émanant de la société Lapeyre, ont été établies aux noms de Mme [U] [L] sans justification de paiements personnellement effectués par l'appelante ; qu'en définitive Mme [W] ne justifie avoir personnellement supporté que des achats de carrelage pour 1.136,90 €, des frais notariés pour la constitution d'une servitude de 1.280 € et des travaux de réfection de la toiture pour 2.286,74 € soit un total de 4.703,64 € ; que la créance de l'appelante sur l'indivision s'établit donc à 11.463,12 + 4.703,64 = 16.166,76 € ; qu'au titre des impenses il résulte en définitive de l'ensemble des éléments susvisés que la créance de M. [T] sur Mme [W] s'établit à 100.244,51 /2 = 50.122,26 et qu'inversement la créance de Mme [W] sur M. [T] est égale à 16.166,76 /2 = 8.083,38 €, le compte entre les parties s'établissant dès lors à 50.122,26 – 8.083,38 = 42.038,88 € en faveur de l'intimé ; que le solde du prix de vente de l'immeuble indivis, soit 34.617,81€, sera en conséquence intégralement attribué à M. [T] auquel Mme [W] sera par ailleurs condamnée à payer la somme complémentaire de 7.421,07 € ;
1°) ALORS QU'au moment de la liquidation mettant fin à l'indivision, il doit être tenu compte des dépenses nécessaires faites par chaque indivisaire sur ses deniers personnels pour la conservation du bien indivis, encore qu'elles ne l'ait point amélioré ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des factures d'entretien de la chaudière produites par Mme [W] dès lors que seules les dépenses d'amélioration ouvraient droit à indemnité, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QU'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé (concl. p. 7 et 8), si ces dépenses avaient permis de conserver le bien indivis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 815-13 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme [W] à payer à M. [T] 22.050 € à titre d'indemnité d'occupation, avec intérêt au taux légal à compter du 29 mai 2017 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'indemnité d'occupation, au soutien de sa demande sur ce point M. [T] fait valoir : – que lors de l'acquisition de l'immeuble indivis, Mme [W] s'était installée à l'étage, lui-même occupant le rez-de-chaussée, – que début 2008 une mésentente était apparue, Mme [W] et son compagnon s'étant installés dans la totalité de l'immeuble et l'ayant privé de toute intimité, – que courant février 2008, il avait donc été contraint de quitter les lieux pour s'installer chez sa mère puis dans un logement pris en location, – que pendant quatre années il avait alors dû faire face à son loyer et aux échéances de l'emprunt immobilier ; que Mme [W] invoque quant à elle la prescription de la demande de ce chef et, quant au fond, soutient qu'aucune indemnisation n'est due à la partie adverse ayant conservé les clés de l'immeuble, qu'il avait d'ailleurs remises à l'acheteur, et ayant librement pu accéder au bien ; que M. [T] ne sollicite paiement d'une indemnité d'occupation qu'à compter de janvier 2009 ; que la prescription quinquennale applicable en la cause, interrompue par procès-verbal de difficultés du 6 juin 2013 ayant expressément fait mention de la demande de M. [T] sur ce point, n'est en premier lieu pas acquise ; que s'agissant du fond, il résulte l'attestation de M. [R] [N], produite par Mme [W], que ce témoin, patient de M. [U], a initialement consulté ce dernier dans la salle à manger à l'étage, élément confirmant les dires de M. [T] quant aux modalités de partage de l'immeuble entre Mme [W] et lui ; que les photographies versées aux débats établissent d'autre part que le cabinet de M. [U] a ainsi que déjà exposé, été aménagé dans un ancien local commercial au rez-de-chaussée, soit dans la partie du bien dont M. [T] avait la jouissance ; que la demande de M. [T] apparaît dès lors fondée en son principe ; que l'appelante ne contestant par ailleurs ni la réalité du départ de l'intimé, ni la date de cet évènement, ni les éléments de chiffrage de l'indemnité d'occupation, la décision querellée sera confirmée quant à la condamnation de Mme [W] au paiement à ce titre de 20.050 € ; qu'ajoutant au jugement déféré, la capitalisation annuelle des intérêts sollicitée par M. [T] sera encore ordonnée ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application des dispositions des articles 815-9 et 815-10 du code civil, l'indivisaire qui use ou qui jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; que par ailleurs, la prescription quinquennale s'applique à l'indemnité d'occupation ; que le procès-verbal de difficulté qui contient une prétention relative à l'indemnité d'occupation de l'immeuble indivis est suffisante à interrompre le délai de la prescription quinquennale à l'inverse de la requête aux fins de partage judiciaire dès lors que celle-ci ne mentionne pas précisément une telle demande ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par la défenderesse que c'est en janvier 2009, à la suite d'un conflit avec elle, que M. [T] a quitté le bien indivis ; qu'alors, Mme [W] ainsi que son compagnon ont occupé l'immeuble en ne laissant à M. [T] « qu'une petite pièce » ; que toutefois, eu égard aux relations conflictuelles qu'entretenaient les parties et qui ne sont pas contestées, il apparaît établi que la jouissance quasi intégrale du bien du chef de la défenderesse était exclusive de celle de M. [T] et qu'elle empêchait celui-ci d'en user ; qu'il convient de retenir une indemnité d'occupation de 700 € mensuelle, soit une somme de 22.050 € (soit (700 x 63) : 2) à calculer à compter de janvier 2009, date à partir de laquelle le demandeur n'a pu user du bien et période ayant été interrompue par le procès-verbal de difficulté du 6 juin 2013 faisant expressément état de ce différend ;
1°) ALORS QUE le juge est tenu d'analyser, même sommairement, les éléments de preuve qui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. [T] se bornait à affirmer qu'après l'installation du compagnon de Mme [W], il avait été contraint de partir vivre chez sa mère avant de louer un petit appartement et de déposer plainte pour abus de faiblesse, sans assortir ses allégations d'aucune offre de preuve (concl. p. 14) ; que, pour sa part, Mme [W] rapportait la preuve que M. [T] avait conservé l'usage des clés de l'immeuble jusqu'au jour de sa vente à M. [Q], le 31 juillet 2014 (concl. p. 9 et pièce n° 3) et qu'il était occupait le bien indivis aux côtés de Mme [W] et de son concubin (photographie, pièce n° 27) ; qu'en condamnant Mme [W] au paiement d'une indemnité d'occupation du fait de la perte de jouissance par M. [T] de la totalité de l'immeuble indivis, à la faveur d'une simple hypothèse selon laquelle l'exercice par le concubin de Mme [W] de son activité dans le local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble et le fait qu'il ait antérieurement reçu sa patientèle dans la salle à manger située à l'étage confortaient l'idée qu'il était devenu impossible à M. [T] de jouir de ce bien, sans analyser, même sommairement, les pièces du dossier attestant qu'il avait conservé l'usage du bien indivis, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge est lié par les termes du litige qui sont fixés par les conclusions des parties ; qu'en affirmant que Mme [W] ne contestait pas la réalité du départ de M. [T] ni sa date quand elle faisait valoir que ce dernier avait toujours eu la jouissance de l'immeuble indivis auquel il accédait grâce aux clés restées en sa possession jusqu'au jour de sa vente (concl. p. 9 § 3 et s.), la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions de Mme [W], a violé l'article 4 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2021:C100311
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 avril 2021
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 311 FS-P
Pourvoi n° J 19-21.313
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2021
Mme [M] [W], aux droits de laquelle est venue la société [Personne physico-morale 1], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], agissant en la personne de Mme [Y] [J], en qualité de liquidateur, a formé le pourvoi n° J 19-21.313 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [B] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société [Personne physico-morale 1], ès qualités, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen M. Hascher, Mme Antoine, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mme Dard, conseillers, Mmes Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société civile professionnelle [Personne physico-morale 1], prise en sa qualité de liquidateur de Mme [W] (le liquidateur), de sa reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 2 avril 2019), Mme [W] et M. [T] ont acquis en indivision une maison d'habitation et de commerce et souscrit conjointement, à cette fin, un emprunt bancaire.
3. Après ouverture du partage judiciaire de cette indivision, l'immeuble indivis a été vendu et le solde de l'emprunt, remboursé. Les parties n'ayant pu s'accorder sur la répartition du reliquat du prix, le notaire désigné a, le 18 décembre 2014, dressé un procès-verbal de difficultés.
4. Le 20 juin 2016, M. [T] a assigné Mme [W] pour obtenir, notamment, sa condamnation au paiement de la moitié des sommes versées par lui seul en remboursement de l'emprunt. Celle-ci lui a opposé la prescription de ses demandes.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de recevoir l'ensemble des demandes de M. [T], alors « que l'action de l'indivisaire contre l'indivision, née de ce qu'il a remboursé personnellement partie des échéances des emprunts ayant permis l'acquisition du bien indivis, peut être exercée sans attendre le partage ou l'aliénation du bien ; que la prescription de cette action court à compter de la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'en retenant que la prescription de l'action de M. [T] n'avait pas commencé à courir avant la date du partage, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 815-13, 815-17, alinéa 1er, et 2224 du code civil :
7. Il résulte des deux premiers textes qu'un indivisaire qui a conservé à ses frais un bien indivis peut revendiquer une créance sur l'indivision et être payé par prélèvement sur l'actif indivis, avant le partage.
8. Cette créance, immédiatement exigible, se prescrit selon les règles de droit commun édictées par le dernier.
9. Pour déclarer recevable l'ensemble des demandes de M. [T], l'arrêt relève que celui-ci revendique une créance sur l'indivision à raison du paiement de l'intégralité des échéances de l'emprunt bancaire du mois de décembre 2001 au mois de mars 2013 inclus. Il énonce qu'il résulte des termes mêmes de l'article 815-13 du code civil que l'indemnité due à l'indivisaire s'apprécie à la date du partage ou de l'aliénation du bien indivis, indépendamment de la date à laquelle les impenses ont été exposées. Il relève que le partage a été ordonné le 2 avril 2013, que le bien a été vendu le 31 juillet 2014, que la prescription a été interrompue par le procès-verbal de difficultés et par l'assignation.
10. En statuant ainsi, alors que la créance revendiquée par M. [T] était exigible dès le paiement de chaque échéance de l'emprunt immobilier, à partir duquel la prescription commençait à courir, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt qui reçoit M. [T] en l'ensemble de ses demandes entraîne la cassation des chefs de dispositif allouant à celui-ci le solde du prix de vente de l'immeuble litigieux, soit 34 617,81 euros, et condamnant Mme [W] à lui payer la somme complémentaire de 7 421,07 euros, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne Mme [W] à payer à M. [T] la somme de 22 050 euros à titre d'indemnité d'occupation, dit que les sommes dues par Mme [W] à M. [T] porteront intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2017 et statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société [Personne physico-morale 1], ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir reçu M. [T] en l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la recevabilité des demandes de M. [T], Mme [W] invoque enfin la prescription partielle des demandes de M. [T] en soutenant que si le tribunal avait exactement retenu l'existence d'une prescription quinquennale, aucun acte interruptif de celle-ci n'était intervenu avant le procès-verbal de difficultés dressé par Me [L] le 18 décembre 2014 ; que l'appelante considère dès lors comme acquise la prescription applicable aux paiements intervenus antérieurement au 19 décembre 2009 et estime en conséquence limitée à 30.218 € la créance sur l'indivision de la partie adverse ; que, cependant, aux termes de l'article 815-13 du code civil, « lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés » ; qu'au regard de ces dispositions et comme exactement énoncé par le tribunal, le règlement d'échéances d'un emprunt immobilier par un indivisaire au moyen de ses fonds propres en cours d'indivision constitue des dépenses nécessaires à la conservation du bien et donne en conséquence lieu à indemnité sur le fondement de l'article 815-13 susvisé ; que des termes mêmes de ce dernier texte, il résulte enfin que l'indemnité due à un indivisaire ayant amélioré le bien s'apprécie à la date du partage ou de l'aliénation de celui-ci, indépendamment de la date à laquelle les impenses ont été exposées ; que le partage ayant en la cause été ordonné le 2 avril 2013, que le bien ayant été venu le 31 juillet 2013, que la prescription ayant été interrompue le 18 décembre 2014 par le procès-verbal de difficultés dressé par Me [L] et que l'assignation ayant été délivrée le 20 juin 2016, les demandes de M. [T] sont en totalité recevables ;
ALORS QUE l'action de l'indivisaire contre l'indivision, née de ce qu'il a remboursé personnellement partie des échéances des emprunts ayant permis l'acquisition du bien indivis, peut être exercée sans attendre le partage ou l'alinéation du bien ; que la prescription de cette action court à compter situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'en retenant que la prescription de l'action de M. [T] n'avait pas commencé à courir avant la date du partage, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. [T] le solde du prix de vente de l'immeuble [Adresse 3], soit 34.617,81 € et d'avoir condamné Mme [W] à payer à M. [T] la somme complémentaire de 7.421,07 € au titre des impenses avec intérêt au taux légal à compter du 29 mai 2017 ;
AUX MOTIFS QUE, sur les impenses, des pièces de la procédure, notamment d'une ordonnance sur requête prononcée le 21 mars 2013 par le juge d'instance de Briey annexée au procès-verbal de difficultés du 18 décembre 2014, il résulte que le crédit afférent à l'immeuble indivis a été réglée par M. [T] seul de l'origine du prêt, soit depuis décembre 2001, jusqu'à mars 2013 inclus ; que du tableau d'amortissement produit par M. [T] il résulte que les remboursements d'emprunt se sont élevés à 755,45 € par mois de décembre 2001 à décembre 2007, soit 73 échéances, puis à 715,82 €, soit 63 échéances ; que la créance de l'intimé s'établit donc à (755,45 x 73 = 55.147,85 €) + (715,82 x 63 = 45.096,66 €) = 100.244,51 € (et non 102.144,51 comme sollicité par l'intéressé) ; que les parties s'accordant pour admettre le remboursement de l'emprunt exclusivement par Mme [W] d'avril 2013 à juillet 2014, soit 16 mensualités de 715,82 €, la créance de l'appelante s'élève de ce chef à 11.463,12 € ; que Mme [W] soutient qu'à cette somme doivent être ajoutées diverses dépenses exposées par elle pour l'entretien et l'amélioration de l'immeuble justifiées par des factures d'un montant global de 13.951,53 € ainsi que le coût de réalisation d'un local commercial, d'édification d'un muret et de pose d'une grille pour un total estimé au minimum à 20.000 € ; que seules les dépenses d'amélioration ouvrant droit à indemnité au titre de l'article 815-13 du code civil, les factures d'entretien de la chaudière produites par Mme [W] ne pourront en premier lieu être prises en compte ; que des pièces produites par les parties il résulte par ailleurs quant aux faits que M. [L] [U], compagnon de Mme [W], s'est installé avec celle-ci dans l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 1] et y a aménagé son cabinet de magnétiseur dans d'anciens locaux commerciaux au rez-de-chaussée ; que nombre des dépenses portées en compte par l'appelante sont relatives à l'aménagement dudit local ayant incontestablement amélioré l'immeuble au vu des clichés photographiques versés aux débats ; que Mme [W] ne peut cependant solliciter de ce chef une indemnité sur le fondement de l'article 815-13 du code civil qu'à la condition d'établir avoir personnellement supporté les dépenses en cause ; que force est de constater que tel n'est pour la majorité des dépenses pas le cas en l'espèce où les factures produites, notamment celles émanant de la société Lapeyre, ont été établies aux noms de Mme [U] [L] sans justification de paiements personnellement effectués par l'appelante ; qu'en définitive Mme [W] ne justifie avoir personnellement supporté que des achats de carrelage pour 1.136,90 €, des frais notariés pour la constitution d'une servitude de 1.280 € et des travaux de réfection de la toiture pour 2.286,74 € soit un total de 4.703,64 € ; que la créance de l'appelante sur l'indivision s'établit donc à 11.463,12 + 4.703,64 = 16.166,76 € ; qu'au titre des impenses il résulte en définitive de l'ensemble des éléments susvisés que la créance de M. [T] sur Mme [W] s'établit à 100.244,51 /2 = 50.122,26 et qu'inversement la créance de Mme [W] sur M. [T] est égale à 16.166,76 /2 = 8.083,38 €, le compte entre les parties s'établissant dès lors à 50.122,26 – 8.083,38 = 42.038,88 € en faveur de l'intimé ; que le solde du prix de vente de l'immeuble indivis, soit 34.617,81€, sera en conséquence intégralement attribué à M. [T] auquel Mme [W] sera par ailleurs condamnée à payer la somme complémentaire de 7.421,07 € ;
1°) ALORS QU'au moment de la liquidation mettant fin à l'indivision, il doit être tenu compte des dépenses nécessaires faites par chaque indivisaire sur ses deniers personnels pour la conservation du bien indivis, encore qu'elles ne l'ait point amélioré ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des factures d'entretien de la chaudière produites par Mme [W] dès lors que seules les dépenses d'amélioration ouvraient droit à indemnité, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QU'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé (concl. p. 7 et 8), si ces dépenses avaient permis de conserver le bien indivis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 815-13 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme [W] à payer à M. [T] 22.050 € à titre d'indemnité d'occupation, avec intérêt au taux légal à compter du 29 mai 2017 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'indemnité d'occupation, au soutien de sa demande sur ce point M. [T] fait valoir : – que lors de l'acquisition de l'immeuble indivis, Mme [W] s'était installée à l'étage, lui-même occupant le rez-de-chaussée, – que début 2008 une mésentente était apparue, Mme [W] et son compagnon s'étant installés dans la totalité de l'immeuble et l'ayant privé de toute intimité, – que courant février 2008, il avait donc été contraint de quitter les lieux pour s'installer chez sa mère puis dans un logement pris en location, – que pendant quatre années il avait alors dû faire face à son loyer et aux échéances de l'emprunt immobilier ; que Mme [W] invoque quant à elle la prescription de la demande de ce chef et, quant au fond, soutient qu'aucune indemnisation n'est due à la partie adverse ayant conservé les clés de l'immeuble, qu'il avait d'ailleurs remises à l'acheteur, et ayant librement pu accéder au bien ; que M. [T] ne sollicite paiement d'une indemnité d'occupation qu'à compter de janvier 2009 ; que la prescription quinquennale applicable en la cause, interrompue par procès-verbal de difficultés du 6 juin 2013 ayant expressément fait mention de la demande de M. [T] sur ce point, n'est en premier lieu pas acquise ; que s'agissant du fond, il résulte l'attestation de M. [R] [N], produite par Mme [W], que ce témoin, patient de M. [U], a initialement consulté ce dernier dans la salle à manger à l'étage, élément confirmant les dires de M. [T] quant aux modalités de partage de l'immeuble entre Mme [W] et lui ; que les photographies versées aux débats établissent d'autre part que le cabinet de M. [U] a ainsi que déjà exposé, été aménagé dans un ancien local commercial au rez-de-chaussée, soit dans la partie du bien dont M. [T] avait la jouissance ; que la demande de M. [T] apparaît dès lors fondée en son principe ; que l'appelante ne contestant par ailleurs ni la réalité du départ de l'intimé, ni la date de cet évènement, ni les éléments de chiffrage de l'indemnité d'occupation, la décision querellée sera confirmée quant à la condamnation de Mme [W] au paiement à ce titre de 20.050 € ; qu'ajoutant au jugement déféré, la capitalisation annuelle des intérêts sollicitée par M. [T] sera encore ordonnée ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application des dispositions des articles 815-9 et 815-10 du code civil, l'indivisaire qui use ou qui jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; que par ailleurs, la prescription quinquennale s'applique à l'indemnité d'occupation ; que le procès-verbal de difficulté qui contient une prétention relative à l'indemnité d'occupation de l'immeuble indivis est suffisante à interrompre le délai de la prescription quinquennale à l'inverse de la requête aux fins de partage judiciaire dès lors que celle-ci ne mentionne pas précisément une telle demande ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par la défenderesse que c'est en janvier 2009, à la suite d'un conflit avec elle, que M. [T] a quitté le bien indivis ; qu'alors, Mme [W] ainsi que son compagnon ont occupé l'immeuble en ne laissant à M. [T] « qu'une petite pièce » ; que toutefois, eu égard aux relations conflictuelles qu'entretenaient les parties et qui ne sont pas contestées, il apparaît établi que la jouissance quasi intégrale du bien du chef de la défenderesse était exclusive de celle de M. [T] et qu'elle empêchait celui-ci d'en user ; qu'il convient de retenir une indemnité d'occupation de 700 € mensuelle, soit une somme de 22.050 € (soit (700 x 63) : 2) à calculer à compter de janvier 2009, date à partir de laquelle le demandeur n'a pu user du bien et période ayant été interrompue par le procès-verbal de difficulté du 6 juin 2013 faisant expressément état de ce différend ;
1°) ALORS QUE le juge est tenu d'analyser, même sommairement, les éléments de preuve qui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. [T] se bornait à affirmer qu'après l'installation du compagnon de Mme [W], il avait été contraint de partir vivre chez sa mère avant de louer un petit appartement et de déposer plainte pour abus de faiblesse, sans assortir ses allégations d'aucune offre de preuve (concl. p. 14) ; que, pour sa part, Mme [W] rapportait la preuve que M. [T] avait conservé l'usage des clés de l'immeuble jusqu'au jour de sa vente à M. [Q], le 31 juillet 2014 (concl. p. 9 et pièce n° 3) et qu'il était occupait le bien indivis aux côtés de Mme [W] et de son concubin (photographie, pièce n° 27) ; qu'en condamnant Mme [W] au paiement d'une indemnité d'occupation du fait de la perte de jouissance par M. [T] de la totalité de l'immeuble indivis, à la faveur d'une simple hypothèse selon laquelle l'exercice par le concubin de Mme [W] de son activité dans le local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble et le fait qu'il ait antérieurement reçu sa patientèle dans la salle à manger située à l'étage confortaient l'idée qu'il était devenu impossible à M. [T] de jouir de ce bien, sans analyser, même sommairement, les pièces du dossier attestant qu'il avait conservé l'usage du bien indivis, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge est lié par les termes du litige qui sont fixés par les conclusions des parties ; qu'en affirmant que Mme [W] ne contestait pas la réalité du départ de M. [T] ni sa date quand elle faisait valoir que ce dernier avait toujours eu la jouissance de l'immeuble indivis auquel il accédait grâce aux clés restées en sa possession jusqu'au jour de sa vente (concl. p. 9 § 3 et s.), la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions de Mme [W], a violé l'article 4 du code de procédure civile.