Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 1 avril 2021, 19-17.599, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er avril 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 321 F-D

Pourvoi n° X 19-17.599




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER AVRIL 2021


1°/ M. D... I...,

2°/ Mme K... T..., épouse I... D...,

domiciliés tous deux c/o la société Christinaz & Pessey-Magnifique, [...] ,

ont formé le pourvoi n° X 19-17.599 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige les opposant :

1°/ à M. U... A...,

2°/ à Mme J... S..., épouse A...,

domiciliés tous deux [...] (Irlande),

3°/ au syndicat des copropriétaires [...], dont le siège est [...] , représenté par son syndic la société Fabien Grosset Grange, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société [...], société en nom collectif, dont le siège est [...] ,

5°/ à la société Montroc, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme I..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme A..., du syndicat des copropriétaires [...] et des sociétés [...] et Montroc, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 mars 2019), M. et Mme I... ont acquis différents lots dans un immeuble en copropriété.

2. Après des travaux de rénovation, ils ont revendu les lots à M. et Mme A..., à la société Montroc et à la société [...].

3. Les acquéreurs ont constaté des désordres et, conjointement avec le syndicat des copropriétaires, ont assigné les vendeurs aux fins d'expertise, après avoir fait procéder à des réparations.

4. Les acquéreurs et le syndicat des copropriétaires ont, ensuite, assigné les vendeurs en indemnisation de leurs préjudices.


Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme I... font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer une certaine somme au syndicat des copropriétaires, à M. et Mme A..., à la société [...] et à la société Montroc, alors « que la garantie décennale d'un constructeur ne peut être engagée qu'en cas de désordre de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ; qu'en l'espèce, pour engager la responsabilité décennale des époux I... à raison d'infiltrations dans l'appartement des époux A..., la cour d'appel a seulement retenu que les infiltrations "affectaient" la destination de l'appartement ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser que le désordre allégué rendait l'ouvrage impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a relevé que, selon les constatations d'un technicien mandaté par les acquéreurs, la terrasse avait été créée sans tenir compte des normes applicables en matière d'étanchéité, notamment en climat de montagne, que des bâches servaient de protection provisoire, qu'une panne avait été coupée franchement, sans reprise des charges, que les parois, triangles et fonds fermant la terrasse étaient en bois, que les relevés étaient pratiquement inexistants, qu'aucun seuil n'isolait la porte-fenêtre, que l'étanchéité, son support, la nature de l'isolation et son épaisseur n'étaient pas conformes aux normes en vigueur, expliquant les infiltrations d'eau constatées à l'intérieur de l'appartement.

7. Elle a pu en déduire que les désordres étaient de la gravité de ceux visés à l'article 1792 du code civil et a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. M. et Mme I... font le même grief à l'arrêt, alors « que le juge est tenu de respecter l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, en retenant la responsabilité décennale des époux I... au titre de désordres relatifs aux conduits de cheminées dont la réparation n'était pas sollicitée par les appelants dans leurs conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Dans leurs conclusions, les acquéreurs et le syndicat des copropriétaires visaient expressément les désordres des conduits de cheminée et demandaient une indemnité qui comprenait le coût de la réparation de ces désordres.

10. La cour d'appel n'a pas modifié l'objet du litige en octroyant une indemnité de ce chef.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches

Enoncé du moyen

12. M. et Mme I... font le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la SCI Montroc, la SNC [...] et les époux A... agissaient contre les époux I... exclusivement sur le fondement de l'article 1792 du code civil ; que la cour d'appel a néanmoins retenu la responsabilité contractuelle de droit commun des époux I..., pour les vices de construction affectant la toiture, en tant que constructeurs ayant une obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices ; qu'en soulevant d'office ce moyen, sans inviter les parties à s'en expliquer préalablement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que les obligations contractuelles du vendeur ne sont pas les mêmes que celles du constructeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les époux I... avaient fait rénover un immeuble sis [...] , puis avaient vendu les lots de l'immeuble à la SCI Montroc, à la SNC [...] et aux époux A... ; que la cour d'appel a retenu la responsabilité contractuelle de droit commun des époux I..., pour les vices de construction affectant la toiture, en tant que constructeurs ayant une obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices ; qu'en statuant ainsi, quand les époux I... avaient conclu avec les appelants des contrats de vente, et non de louage d'ouvrage, de sorte qu'ils ne pouvaient être tenus qu'aux obligations du vendeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que des dommages et intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il n'existait pas de désordres mais a tout de même retenu la responsabilité contractuelle des époux I... à raison de "défectuosités qui ne pouvaient que conduire à des désordres à moyen terme" ; qu'en statuant ainsi, malgré le constat de l'absence de dommage au moment où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

13. La cour d'appel a, d'abord, retenu que M. et Mme I..., qui avaient vendu l'immeuble après y avoir effectué des travaux de rénovation de grande ampleur, étaient réputés constructeurs.

14. C'est à bon droit et sans violer le principe de la contradiction, le moyen étant dans le débat, qu'elle a retenu que la responsabilité contractuelle de droit commun de M. et Mme I..., en leur qualité de constructeurs, pouvait être recherchée à raison des vices de construction qui ne relevaient pas de la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil.

15. Elle a constaté, ensuite, que, selon les conclusions d'un technicien missionné par les acquéreurs, la toiture réalisée par les vendeurs était affectée de graves malfaçons qui nécessitaient une réfection totale de cet ouvrage.

16. Elle en a souverainement déduit que les acquéreurs justifiaient subir un préjudice.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme I... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme I... et les condamne à payer à M. et Mme A..., à la société [...], au syndicat des coproopriétaires [...] et à la société Montroc la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt et un.








MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. et Mme I....

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné in solidum les époux I... à payer au syndicat des copropriétaires « [...] », aux époux A..., à la SNC [...] et à la SCI Montroc, ensemble la somme de 88 945,75 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2015 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière et de les AVOIR condamnés in solidum à payer les dépens ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « Sur l'application de la garantie décennale aux époux A : Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination. Est réputé constructeur, le particulier qui vend un immeuble après avoir réalisé des travaux de rénovation de grande ampleur et sa responsabilité décennale peut être recherchée dans les dix ans qui suivent l'achèvement des travaux. En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que les époux I... ont obtenu une déclaration de travaux le 29/01/2003 pour la réfection de la toiture de la ferme (isolation, finition en ancelles, chéneaux en cuivre et 6 velux encastrés). Puis, une demande de permis de construire a fait l'objet d'un arrêté du 20/01/2004 pour la réhabilitation du bâtiment avec changement de destination des locaux comprenant deux logements, modification de toiture (isolation de 30 cm, finition en ancelles, chéneaux en cuivre et 6 velux encastrés). Les travaux ont été réalisés en 2004-2005. Il résulte des documents communiquées par les époux I..., en cours d'expertise et après ordonnance du juge chargé du suivi des opérations d'expertise leur faisant injonction de communiquer les pièces à leur charge, que les entreprises suivantes sont intervenues : - Entreprise Ducroz Menuiserie qui a émis 3 factures : L'une du 27/03/2002 pour de la main-d'oeuvre en régie concernant la réalisation et mise à niveau des planchers sur la totalité du bâtiment pour un montant 4 060,42 euros. L'autre du 15/09/2003 intitulée « main-d'oeuvre dans votre ferme des [...] » comprenant la fourniture de chevrons en vieux bois pour un montant HT de 340 euros ainsi que la pose de vieux chevrons et réalisation des chevêtres pour les velux et cheminées (total 3 043,82 euros TTC). La dernière du 19/07/2004 pour des travaux de reprise de la charpente d'un montant de 2 479,25 euros TTC. - Entreprise Cachat électricité qui a émis 4 factures qui ne font aucune mention des travaux réalisés, et qui a rempli l'attestation de conformité à destination du consuel qui ne l'a pas visée. Par ailleurs, il est produit un bon de commande pour une hotte en métal en date du 26/08/2004 auprès de l'entreprise Cheminées anciennes. Aucune autre facture n'est produite concernant ces travaux de rénovation lourde. C'est donc à juste titre que l'expert M. C... a retenu que les époux I... avaient la qualité de maître de l'ouvrage, mais également de maître d'oeuvre et en partie d'exécutants. A ces deux derniers titres, leur responsabilité décennale est susceptible d'être engagée. Sur les désordres et malfaçons ainsi que leur nature : C'est au juge qu'il appartient dans l'exercice de son pouvoir souverain d'apprécier au vu des éléments de fait qui lui sont soumis le caractère apparent ou non d'un désordre ainsi que sa gravité conditionnant la mise en oeuvre de la garantie décennale. Dès lors, il importe peu que l'expert judiciaire, ne se soit pas prononcé sur ces caractères dans la mesure où la cour dispose des éléments lui permettant de porter une appréciation sur ceux-ci. Les infiltrations dans l'appartement des époux A... depuis la terrasse de la SCI Montroc : Il résulte du procès-verbal du 27/12/2008 de l'assemblée générale des copropriétaires de [...] que les copropriétaires ont décidé de réaliser les travaux d'étanchéité et d'isolation thermique de la terrasse de M. Q... gérant de la SCI Montroc afin d'arrêter les fuites chez les époux A.... Les désordres sont apparus à cette période. A la demande du syndic de copropriété, Mme H..., architecte DPLG, a visité les lieux le 13/05/2009 afin de donner un avis sur les causes des désordres affectant la terrasse de l'appartement des combles créant des infiltrations visibles dans l'appartement du 1er étage. Ses constatations ont été les suivantes : « Terrasse créée en façade sud en face de la cuisine, en découpant le toit sans tenir compte des normes applicables en matière d'étanchéité, notamment en climat de montagne. Présence de bâches vertes servant de protection provisoire, Même une panne a été coupée franchement, sans reprise des charges, et les parois, triangles et fonds fermant la terrasse sont en bois, Les relevés sont pratiquement inexistants, aucun seuil n'isole la porte-fenêtre, Le revêtement de sol vient d'être déposé, rendant visible l'étanchéité, son support, la nature de l'isolation et son épaisseur. L'ensemble n'est pas conforme aux normes en vigueur, expliquant les infiltrations constatées. » Selon Mme H..., cette situation imposait une réfection complète de l'ouvrage et elle a décrit très précisément les travaux à réaliser. Lors des opérations d'expertise judiciaire, M. C..., a constaté la présence des anciennes traces de fuites au plafond et aux murs de l'appartement de M. A..., précisant qu'elles se situaient principalement sous la zone de terrasse. Ces constatations viennent corroborer celles de Mme H... sur l'origine du désordre qui est avérée. Ce désordre qui affectait la destination de l'appartement des époux A... et qui est apparu postérieurement à l'achèvement des travaux engage la responsabilité décennale des époux I.... Les conduits de cheminée : Il est constant que la dangerosité d'un ouvrage suffit à caractériser l'impropriété à destination. A la demande du syndic, l'entreprise Crac a vérifié la conformité aux normes du conduit de cheminée de l'appartement A... et a constaté l'existence de graves malfaçons rendant la cheminée dangereuse d'utilisation : Foyer fermé avec habillage sapin en angle ne comportant ni plafond de décompression ni de grille d'évacuation d'air chaud; Conduit rigide et pas d'écart au feu au départ du plafond dans la hotte; fil électrique apparent à la jonction plafond hotte, absence d'arrivée d'air frais, etc... L'entreprise a proposé un devis en date du 30/01/2009 pour les travaux à réaliser en vue de remédier à ces désordres. Par courrier du 2/02/2009 M. Y..., syndic de copropriété, sollicitait de M. I... les plans du permis de construire, les plans d'exécution des travaux de la copropriété ainsi que le nom de la société ayant installé les cheminées compte tenu des problèmes de conformité les concernant, courrier resté sans réponse. Par courrier du 7/09/2009, il relançait les époux I..., relatant les différents désordres auxquels la copropriété était exposée et précisait, s'agissant des défauts de conception des cheminées, que deux débuts d'incendie avaient été constatés lors des démontages de celle-ci. Par ailleurs, il résulte du procès-verbal du 29/10/2010 de l'assemblée générale des copropriétaires de [...], que le syndic a utilisé la procédure de convocation d'urgence à la suite des découvertes réalisées lors de la mise aux normes des cheminées. Il est précisé dans le procès-verbal : Lors du démontage des plafonds de décompression des cheminées il est apparu que trois écarts au feu n'étaient pas respectés. Compte tenu de la dangerosité de la situation et de l'arrivée rapide de l'hiver, il convient de réunir l'assemblée en urgence pour statuer sur les décisions à prendre. Au moment de la rédaction de la présente convocation le rapport définitif n'est pas rédigé. A ce jour seul M. et Mme R... peuvent utiliser leur cheminée normalement (Les écarts au feu et le plafond de décompression ayant été réalisés l'année passée). Les anomalies suivantes resteront à corriger : Ecart au feu du conduit A... à la traversée de la dalle du deuxième étage et au niveau du chevêtre sur le toit; Ecart au feu du conduit de N... au niveau de la traversée de la dalle 1 et de la dalle 2. Afin de traiter les problèmes restants, il conviendra de démonter le doublage à l'intérieur de l'appartement de M. et Mme R... et le doublage à l'intérieur de l'appartement de M. Q.... L'assemblée a voté les travaux de remise aux normes des cheminées. Ces désordres et malfaçons, qui n'ont été découverts que grâce aux vérifications effectuées par des professionnels, constituaient un risque pour la sécurité des personnes et engagent la responsabilité décennale des époux I.... Par ailleurs, au cours des opérations d'expertise judiciaire, il a été constaté que la panne intermédiaire avait été entaillée sur environ un mètre pour l'installation d'un conduit de fumée. L'avis technique du bureau CEBAT a été sollicité, et ce dernier a indiqué que la panne n'était plus apte à recevoir le poids de la toiture et que la poutre était de plus vermoulue. Il a préconisé un renforcement de cette dernière par la pose d'un plat métallique de 25x220 mm. Ces malfaçons révélées par des professionnels du bâtiment compromettent la solidité de l'immeuble et relèvent de la garantie décennale des constructeurs. Les vices de construction affectant la toiture : Faute de désordre, il ne peut y avoir de responsabilité décennale, même si l'ouvrage est mal réalisé. Les défauts de conformité cachés sont soumis à la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs pour manquement à leur obligation de délivrance conforme, les locateurs d'ouvrage ayant une obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices. Le vice de construction se caractérise par la mauvaise exécution d'un travail qui se voulait, à priori, conforme. En l'espèce, lors de sa visite des lieux en mai 2009 Mme H..., architecte, a également examiné la toiture. Elle a fait les observations suivantes : « La finition du toit en bordure de la terrasse n'empêche pas l'eau (et la neige fondue) de passer sous la cornière. Les rives sont trop petites et il n'y a pas de bavette derrière le chéneau ; » Elle préconisait une reprise des rives de toiture autour de la terrasse pour éviter les infiltrations. S'agissant de l'ensemble de la toiture, elle observait que le pureau d'1/3 (partie visible des tavaillons) n'avait pas été respecté, alors que le recouvrement vertical des tavaillons devrait être toujours de 3 à 4 et elle précisait qu'au vu de l'épaisseur du toit, l'isolation indiquée par le constructeur de 30 cm ne pouvait pas avoir été mise en oeuvre. Elle préconisait une dépose de certains éléments afin de connaître l'exacte composition de la toiture qui, de ce qui était visible, n'était aucunement conforme aux règles de l'art et DTU. Le 8/09/2009, à la demande de la copropriété, Me X... huissier de justice, se rendait sur le toit du bâtiment en présence du syndic et d'un artisan, et il établissait un constat dont les photos montrent que des éléments du toit avaient été déposés. C'est ainsi qu'il a constaté l'absence de pose de bavettes en cuivre au niveau des chéneaux, la défectuosité des abergements, les tavaillons cloués directement sur l'étanchéité des cheminées, l'absence de ventilation du litelage, le support de tavaillon cloué directement sur les trapèzes et l'étanchéité, l'instabilité d'une cheminée qui bougeait fortement, la mauvaise pose de l'isolation avec de nombreux vides formant des ponts thermiques, des clous utilisés pour supports de tavaillon lisses et rouillés, la fixation des arrêts de neige directement sur les linteaux, l'utilisation pour les raccords de cheminée de bouts de zinguerie, l'absence de compensation pour supporter les liteaux situés en bas de pente. Ainsi que le relève l'expert judiciaire dans son rapport, ces constatations sont corroborées par la lecture des factures détaillées de l'entreprise Les Valorpes du Mont Blanc, factures qui font état des travaux réalisés et des nombreuses non conformités auxquelles les travaux ont remédié (démontage et évacuation de la totalité de l'étanchéité et des trapèzes non aux normes, fabrication et pose de bourne de cheminée pour mise aux normes hors feu, reprise des chevêtres existant mal réalisés, remplacement de chevrons existant mal réalisés, etc....). Si les époux I... ont réalisé une double toiture ventilée de type sarking, correspondant à ce qui est exigé en climat de montage, force est de constater que sa mise en oeuvre a été totalement défectueuse, notamment en ce qui concerne l'isolation et l'étanchéité, défectuosités qui ne pouvaient que conduire à des désordres à moyen terme. C'est donc à juste titre que l'expert a conclu à la nécessité des travaux de réfection de la toiture. Les époux I... engagent ainsi leur responsabilité contractuelle du fait des vices de construction affectant la toiture. Sur le coût des travaux de réfection à prendre en compte : L'expert a retenu à juste titre les factures des entreprises suivantes : Les Varlopes du Mont Blanc (charpente toiture), l'entreprise Crac (cheminées) l'entreprise Baudet (zinguerie) l'entreprise CGI (étanchéité terrasse) et l'agence Grosset Grange pour le suivi des travaux, représentant un total de 88 945,75 euros TTC. Il a également à juste titre écarté les factures concernant des modifications des parties privatives ou des aménagements des parties communes. Il en résulte que le préjudice à retenir s'établit à la somme de 88 945,75 euros TTC. Les époux I... seront ainsi condamnés in solidum au paiement de cette somme laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 17/12/2015 date de l'assignation avec application de l'article 1154 du code civil » ;

1) ALORS QUE la garantie décennale d'un constructeur ne peut être engagée qu'en cas de désordre de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ; qu'en l'espèce, pour engager la responsabilité décennale des époux I... à raison d'infiltrations dans l'appartement des époux A..., la cour d'appel a seulement retenu que les infiltrations « affectaient » la destination de l'appartement ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser que le désordre allégué rendait l'ouvrage impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.

2) ALORS QUE le juge est tenu de respecter l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, en retenant la responsabilité décennale des époux I... au titre de désordres relatifs aux conduits de cheminées dont la réparation n'était pas sollicitée par les appelants dans leurs conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.

3) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la SCI Montroc, la SNC [...] et les époux A... agissaient contre les époux I... exclusivement sur le fondement de l'article 1792 du code civil ; que la cour d'appel a néanmoins retenu la responsabilité contractuelle de droit commun des époux I..., pour les vices de construction affectant la toiture, en tant que constructeurs ayant une obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices ; qu'en soulevant d'office ce moyen, sans inviter les parties à s'en expliquer préalablement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

4) ALORS QUE les obligations contractuelles du vendeur ne sont pas les mêmes que celles du constructeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les époux I... avaient fait rénover un immeuble sis [...] , puis avaient vendu les lots de l'immeuble à la SCI Montroc, à la SNC [...] et aux époux A... ; que la cour d'appel a retenu la responsabilité contractuelle de droit commun des époux I..., pour les vices de construction affectant la toiture, en tant que constructeurs ayant une obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices ; qu'en statuant ainsi, quand les époux I... avaient conclu avec les appelants des contrats de vente, et non de louage d'ouvrage, de sorte qu'ils ne pouvaient être tenus qu'aux obligations du vendeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

5) ALORS QUE des dommages et intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il n'existait pas de désordres mais a tout de même retenu la responsabilité contractuelle des époux I... à raison de « défectuosités qui ne pouvaient que conduire à des désordres à moyen terme » ; qu'en statuant ainsi, malgré le constat de l'absence de dommage au moment où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.ECLI:FR:CCASS:2021:C300321
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