Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 31 mars 2021, 20-14.107, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 mars 2021




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 265 FS-P

Pourvoi n° X 20-14.107



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2021

M. W... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° X 20-14.107 contre le jugement rendu le 18 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Châteauroux, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Déols pompes funèbres, aussi dénommée Pompes funèbres Charles Rit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ à M. A... I..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. X..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy conseiller doyen, M. Hascher, Mme Antoine, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, Mme Dard, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Châteauroux, 18 décembre 2019), rendu en dernier ressort, M. W... X... a chargé la société Déols pompes funèbres (la société Déols) de l'organisation des funérailles de son frère R....

2. N'ayant pas été réglée de ses prestations, celle-ci a assigné M. X..., lequel a, sur le fondement des articles 205 et 371 du code civil, appelé en garantie M. I..., fils du défunt.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. X... fait grief au jugement de rejeter sa demande, alors :

« 1°/ qu'une partie peut obtenir la condamnation d'une autre à la garantir, même si elle n'a pas encore procédé au paiement susceptible d'entraîner la subrogation, dès lors qu'il doit intervenir en exécution de la condamnation principale susceptible d'être prononcée ; qu'en rejetant la demande par laquelle M. X..., frère du défunt, demandait à être garanti par M. I..., héritier du défunt, de la condamnation prononcée à son encontre au titre de frais funéraires dont la charge ne lui incombait pas, en raison de l'absence de règlement des frais intervenu au jour où il statuait, le tribunal a violé l'article 1346 du code civil par fausse application et 806 du code civil ;

2°/ qu'en s'étant fondé sur l'absence de réunion des conditions de la subrogation légale cependant que l'exposant avait uniquement fondé sa demande sur la possibilité de mettre en cause un tiers pour le garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées contre lui, fondement distinct de la subrogation, le tribunal a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que l'héritier, même renonçant, est tenu au paiement des frais funéraires de son ascendant, obligation distincte de l'obligation alimentaire ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme il y était invité, si M. I... n'était pas tenu, à ce titre, des frais d'obsèques de son père, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 806 du code civil ;

4°/ que l'obligation pour l'enfant de supporter les frais d'obsèques de son père existe aussi dès sa naissance comme une conséquence des dispositions de l'article 371 du code civil qui impose à l'enfant à tout âge, honneur et respect à ses père et mère ; qu'à cet égard le fait que l'enfant n'ait pas connu son père n'exclut aucunement qu'il ait à respecter cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l'existence d'un lien affectif direct n'en constituant pas une condition ; qu'en déchargeant M. I... de son obligation alimentaire en raison de témoignages selon lesquels R... X... n'avait jamais cherché à entrer en contact avec son fils et ne s'était jamais occupé de lui, le tribunal a violé les articles 205, 207 et 371 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 205 du code civil, les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin.

5. L'article 207 du même code dispose :
« Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques.
Néanmoins, quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire. »

6. Aux termes de son article 371, l'enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère.

7. Selon son article 806, le renonçant est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l'ascendant à la succession duquel il renonce.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque l'actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d'obsèques, l'enfant doit, même s'il a renoncé à la succession, assumer la charge de ces frais, dans la proportion de ses ressources. Il peut toutefois en être déchargé en tout ou partie lorsque son ascendant a manqué gravement à ses obligations envers lui.

9. Après avoir énoncé à bon droit que l'exception d'indignité de l'article 207 du code civil permet à l'enfant d'être affranchi de l'obligation alimentaire prévue à l'article 205 du même code, s'il établit le comportement gravement fautif de son parent à son égard, le jugement retient qu'il résulte des attestations produites par M. I... que R... X... n'a jamais cherché à entrer en contact avec son fils ou à lui donner de ses nouvelles, qu'il s'est désintéressé de celui-ci et s'est abstenu de participer à son entretien et à son éducation, ce qui constitue un comportement gravement fautif envers lui.

10. De ces énonciations et appréciations, le tribunal, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante, a pu déduire, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les deux premières branches, que M. I... devait être déchargé de son obligation envers le défunt.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande par laquelle M. X... a sollicité d'être garanti par M. A... I..., son neveu, de la condamnation prononcée à son encontre au profit de la société Déols Pompes Funèbres ;

Aux motifs que M. W... X... ne contestait ni la réalité, ni la qualité de la prestation fournie par la société Déols Pompes Funèbres pour les funérailles de son frère ; que M. W... X... devait donc être condamné à verser à la société demanderesse la somme de 3 725,41 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2018, date de la sommation de payer ; que M. W... X... demandait la condamnation du fils du défunt à le garantir de cette condamnation ; qu'en premier lieu, aux termes de l'article 1251 du code civil, la subrogation avait lieu de plein droit au profit de celui qui avait payé de ses deniers les frais funéraires pour le compte de la succession ; que M. W... X... n'avait pas réglé les frais funéraires pour son frère ; que sa demande formée contre M. A... I... sur ce fondement ne pouvait qu'être rejetée ; qu'en second lieu, au titre de l'article 205 du code civil, « les enfants doivent des aliments à leur père et mère qui sont dans le besoin » ; que le paiement des frais funéraires constituait une obligation alimentaire à laquelle les enfants étaient tenus à l'égard de leurs ascendants ; que M. A... I... faisait valoir, pour échapper à la demande en garantie, l'exception d'indignité sur le fondement du dernier alinéa de l'article 207 du code civil qui disposait : « quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire » ; que cette exception d'indignité, qui différait de l'indignité successorale qui ne concernait pas le défunt mais l'héritier, permettait à l'enfant d'être affranchi de son obligation alimentaire prévue à l'article 205 du code civil en établissant le comportement gravement fautif de son parent à son endroit, notamment lorsque ce dernier avait complètement délaissé son enfant ; que pour prouver le comportement gravement fautif de R... X... à son égard, M. A... I... produisait trois attestations respectant les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, émanant de sa mère, de son frère et de sa marraine indiquant toutes que M. R... X... n'avait jamais cherché à entrer en contact avec son fils ou à lui donner de ses nouvelles et qu'il ne s'était jamais occupé de celui-ci, notamment en s'abstenant de verser une contribution à son entretien et à son éducation ; que ces éléments constituaient un comportement gravement fautif de R... X... envers son fils A..., qui portait d'ailleurs le nom de famille de sa mère et qui devait en conséquence être déchargé de son obligation alimentaire envers le défunt ; que par suite, la demande par laquelle M. W... X... demandait à être garanti par M. A... I... de la condamnation prononcée à son encontre devait être rejetée ;

Alors 1°) qu'une partie peut obtenir la condamnation d'une autre à la garantir, même si elle n'a pas encore procédé au paiement susceptible d'entraîner la subrogation, dès lors qu'il doit intervenir en exécution de la condamnation principale susceptible d'être prononcée ; qu'en rejetant la demande par laquelle M. W... X..., frère du défunt, demandait à être garanti par M. A... I..., héritier du défunt, de la condamnation prononcée à son encontre au titre de frais funéraires dont la charge ne lui incombait pas, en raison de l'absence de règlement des frais intervenu au jour où il statuait, le tribunal a violé l'article 1346 du code civil par fausse application et 806 du code civil ;

Alors 2°) qu'en s'étant fondé sur l'absence de réunion des conditions de la subrogation légale cependant que l'exposant avait uniquement fondé sa demande sur la possibilité de mettre en cause un tiers pour le garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées contre lui, fondement distinct de la subrogation, le tribunal a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que l'héritier, même renonçant, est tenu au paiement des frais funéraires de son ascendant, obligation distincte de l'obligation alimentaire ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme il y était invité, si M. A... I... n'était pas tenu, à ce titre, des frais d'obsèques de son père, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 806 du code civil ;

Alors 4°) que l'obligation pour l'enfant de supporter les frais d'obsèques de son père existe aussi dès sa naissance comme une conséquence des dispositions de l'article 371 du code civil qui impose à l'enfant à tout âge, honneur et respect à ses père et mère ; qu'à cet égard le fait que l'enfant n'ait pas connu son père n'exclut aucunement qu'il ait à respecter cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l'existence d'un lien affectif direct n'en constituant pas une condition ; qu'en déchargeant M. A... I... de son obligation alimentaire en raison de témoignages selon lesquels R... X... n'avait jamais cherché à entrer en contact avec son fils et ne s'était jamais occupé de lui, le tribunal a violé les articles 205, 207 et 371 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2021:C100265
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