Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 18 mars 2021, 19-24.009, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 18 mars 2021, 19-24.009, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 19-24.009
- ECLI:FR:CCASS:2021:C200239
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 18 mars 2021
Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bobigny, du 05 septembre 2019- Président
- M. Pireyre
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 mars 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 239 F-P
Pourvoi n° Q 19-24.009
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [...], dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-24.009 contre le jugement rendu le 5 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny (service du contentieux social), dans le litige l'opposant à M. A... D..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie [...], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Bobigny, 5 septembre 2019), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie [...] (la caisse) a notifié à M. D..., pharmacien d'officine (le pharmacien) sa décision de refus de prise en charge de la facture n° 171661 du 11 mai 2018 pour un certain montant concernant la délivrance de médicaments d'exception.
2. Le pharmacien a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen du pourvoi, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief au jugement de la condamner à prendre en charge la facture du 11 mai 2018, alors :
« 1°/ que la caisse primaire d'assurance maladie ne peut être tenue au remboursement de médicaments prescrits au moyen d'un faux document ; qu'en constatant que l'ordonnance remise le 11 mai 2018 à M. D... aux fins de délivrance d'un médicament d'exception était un faux, pour néanmoins décider que la caisse était tenue à une obligation de prise en charge des médicaments ainsi délivrés, le tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale ;
3°/ qu'en toute hypothèse, la force majeure s'entend d'un événement extérieur, irrésistible et imprévisible ; qu'en se bornant à relever le caractère non obligatoire de l'application ASAFO et l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées et/ou volées sans besoin d'un abonnement audit service, pour en déduire l'existence d'un cas de force majeure et condamner la caisse à prendre en charge la facture du 11 mai 2018 de M. D..., sans exposer aucune circonstance propre à caractériser un événement extérieur à la volonté du pharmacien, imprévisible et irrésistible de nature à justifier la présentation d'une ordonnance falsifiée à la caisse, le tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, applicable au litige :
4. Aux termes de ce texte, sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée.
5. Pour faire droit à la demande du pharmacien, le jugement retient qu'il apparaît que l'inscription à l'applicatif ASAFO (alerte sécurisée automatisée aux fausses ordonnances) n'est pas obligatoire et qu'il n'est pas paramétré pour diffuser des alertes, sans besoin d'y être abonné et sans besoin de procéder à des recherches après connexion. Le jugement relève encore qu'il ne peut être fait le reproche à la pharmacie de ne pas avoir consulté ledit applicatif et que si le prix du produit doit inciter les pharmaciens à de la prudence, pour autant cela ne suffit pas à écarter le risque de fraude. Le jugement ajoute qu'il ressort du dossier que l'ordonnance falsifiée provient d'un carnet de souche volé, de sorte que la falsification était encore plus difficile à détecter. Le jugement considère qu'en l'état, la caisse ne démontrant pas qu'il était impossible pour la pharmacie de ne pas détecter le caractère falsifié de l'ordonnance litigieuse, l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées ou volées sans besoin d'un abonnement à l'applicatif et l'absence d'obligation de consulter l'applicatif avant chaque délivrance de produits quel qu'en soit le montant, constituent des éléments en faveur du cas de force majeure, empêchant la pharmacie de présenter une ordonnance non falsifiée.
6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le cas de force majeure, alors qu'il constatait que l'ordonnance remise au pharmacien aux fins de délivrance du médicament d'exception était un faux qui aurait pu être détecté par la consultation d'un applicatif donnant accès au signalement des ordonnances falsifiées et que le pharmacien avait délivré ce médicament en pratiquant le tiers payant sur la base d'une simple attestation de soins et non d'une carte vitale, ce dont il résultait que la vérification de la prescription médicale n'était pas imprévisible, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable M. D... en son action, le jugement rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bobigny ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Bobigny ;
Condamne M. D... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. D... à payer à la caisse primaire d'assurance maladie [...] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie [...].
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la caisse primaire d'assurance maladie [...] à prendre en charge la facture n° 171661 du 11 mai 2018 pour un montant de 3532,60 euros concernant des produits délivrés à M. C... V... par la pharmacie [...] et d'AVOIR condamné la caisse primaire d'assurance maladie [...] à payer à M. D... la somme de 3.532,60 euros concernant des produits délivrés à M. C... V... par la pharmacie [...] le 11 mai 2018 ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, « Les organismes de sécurité sociale demandent, pour le service d'une prestation ou le contrôle de sa régularité, toutes pièces justificatives utiles pour vérifier l'identité du demandeur ou du bénéficiaire d'une prestation ainsi que pour apprécier les conditions du droit à la prestation, notamment la production d'avis d'imposition ou de déclarations déposées auprès des administrations fiscales compétentes. Les organismes peuvent se dispenser de ces demandes lorsqu'ils sont en mesure d'effectuer des contrôles par d'autres moyens mis à leur disposition.
Les organismes de sécurité sociale peuvent notamment se dispenser de solliciter la production de pièces justificatives par le demandeur ou le bénéficiaire d'une prestation lorsqu'ils peuvent obtenir directement les informations ou pièces justificatives nécessaires auprès des personnes morales de droit public ou des personnes morales de droit privé gérant un service public compétentes, notamment par transmission électronique de données. Les traitements automatisés de données qui se limitent à l'organisation de ces transmissions, notamment en vue de garantir l'authenticité et la fiabilité des données échangées, sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dès lors que les informations et pièces justificatives échangées au titre d'une prestation sont celles définies par les dispositions législatives et réglementaires relatives au service de la prestation concernée.
Sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée » ;
que selon l'article R. 161-40 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, « La constatation des soins et l'ouverture du droit au remboursement par les organismes servant les prestations de l'assurance maladie sont subordonnées à la production d'une part de documents électroniques ou sur support papier, appelés feuilles de soins, constatant les actes effectués et les prestations servies, d'autre part de l'ordonnance du prescripteur, s'il y a lieu » ;
que selon l'article R. 163-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, « Les médicaments auxquels s'applique l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, ceux bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle, ainsi que ceux visés au premier alinéa de l'article 17 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992, ne peuvent être remboursés ou pris en charge par les organismes de sécurité sociale, sur prescription médicale ou renouvellement de prescription médicale ou prescription par un infirmier exerçant en pratique avancée dans les conditions prévues à l'article R. 4301-3 du code de la santé publique, à l'exception des vaccins ou des topiques mentionnés respectivement aux articles R. 4311-5-1 et R. 4322-1 du code de la santé publique, ni être achetés ou fournis ou utilisés par eux que s'ils figurent sur une liste des médicaments remboursables établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale. L'arrêté mentionne les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge ou au remboursement des médicaments » ;
que selon l'article R. 165-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, « Les produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ne peuvent être remboursés par l'assurance maladie, sur prescription médicale ou sur prescription par un infirmier exerçant en pratique avancée dans les conditions prévues à l'article R. 4301-3 du code de la santé publique ou sur prescription d'un auxiliaire médical dans les conditions prévues aux articles L. 4311-1, L. 4321-1, L. 4341-1 et L. 4342-1, au cinquième alinéa de l'article L. 4322-1 et au 6° de l'article R. 4322-1 du code de la santé publique, que s'ils figurent sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé après avis de la commission spécialisée de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 165-1 du présent code et dénommée "Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé" » ;
qu'il n'est pas contesté par A... D..., représentant de la pharmacie [...], qu'il ne peut délivrer de produits que sur la base d'une prescription médicale authentique établie par un praticien et non pas falsifiée et/ou volée ; que A... D... explique que le caractère falsifié de l'ordonnance ne lui ait pas apparu et qu'il n'était pas détectable ; qu'il ajoute avoir procédé à toutes les diligences nécessaires avant de procéder à la délivrance du médicament ; qu'il rappelle que l'applicatif ASAFO, invoqué par la Caisse, n'est pas obligatoire ; qu'en effet, il résulte du guide utilisateur de l'applicatif ASAFO dans sa version de février 2011 accessible sur le lien "https://asafo/fraude/tele/asafo.pdf","Un utilisateur ayant une connexion à Internet et inscrit à ce service peut à partir d'un navigateur web, avec son identifiant et son mot de passe, consulter les signalements de fausses ordonnances détectées sur une période de 6 mois glissants.
Le service est accessible à partir du lien suivant : https://www.asafo.fr/fraude/defaultfraude.php Les connexions sur site sont sécurisées pendant toutes les transactions [...] Cette rubrique [signalements], vous permet de consulter tous les signalements de fausses ordonnances ainsi que les pièces jointes enregistrées par les caisses gestionnaires de la Région d'Ile-de-France. Les signalements seront disponibles sur le site pendant une période 6 mois glissants" ; que s'agissant des alertes, il y est précisé que "Les utilisateurs qui se sont abonnés aux « Alertes mises à jour », recevront à partir de l'adresse électronique fournie un message comme suit lors de chaque mise à jour de la base. Ils auront la possibilité de se désabonner" ;
que le message qui apparaît alors est "Vous êtes informé que la liste des personnes susceptibles de ne pas bénéficier d'un tiers payant lors de la délivrance de médicaments a été mise à jour le... (2)
Vous êtes invité à consulter les nouveaux signalements en ligne en cliquant sur le lien suivant : ASAFO.
Pour vous désabonner des alertes de mise à jour, Cliquer ici" ;
qu'il apparaît donc que l'inscription à cet applicatif n'est pas obligatoire et qu'il n'est pas paramétré pour diffuser des alertes automatiquement, sans besoin d'y être abonné et sans besoin de procéder à des recherches après connexion ; qu'il ne peut donc être fait le reproche à la pharmacie [...] de n'avoir pas consulté ledit applicatif ; que si le prix du produit doit inciter à de la prudence de la part des pharmacies, pour autant cela ne suffit pas à écarter tout risque de fraude ; qu'il ressort du dossier que l'ordonnance falsifiée provient d'un carnet de souche volé, de sorte que la falsification était encore plus difficile à détecter ;
que l'article L. 161-1-4 précité dispose que "Sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux-documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée" ; qu'ainsi donc le cas de force majeure est envisagé ; qu'on découvre la définition de la force majeure dans l'article 1218 du code civil qui dispose que "Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur" ; qu'ainsi donc la force majeure doit être imprévisible, irrésistible et échappant au contrôle des personnes concernées ; qu'en l'état, la Caisse ne démontrant pas qu'il était impossible pour la pharmacie [...] de ne pas détecter le caractère falsifié de l'ordonnance litigieuse, l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées et/ou volées sans besoin d'un abonnement à l'applicatif ASAFO, et l'absence d'obligation de consulter l'applicatif ASAFO avant chaque délivrance de produits quel qu'en soit le montant, constituent des éléments en laveur du cas de force majeure, empêchant la pharmacie [...] de présenter une ordonnance non falsifiée ; que le refus de prendre en charge la facture n° 171661 du 11 mai 2018 pour un montant de 3532,60 euros concernant des produits délivrés à C... V..., NIR187087836113213 n'est donc pas justifié et il convient de faire droit à la demande de la pharmacie [...] représentée par A... D... ; qu'il convient donc de condamner la caisse primaire d'assurance maladie des YVELINES à payer à la pharmacie [...] représentée par A... D... la somme précitée ;
1) ALORS QUE la caisse primaire d'assurance maladie ne peut être tenue au remboursement de médicaments prescrits au moyen d'un faux document ; qu'en constatant que l'ordonnance remise le 11 mai 2018 à M. D... aux fins de délivrance d'un médicament d'exception était un faux, pour néanmoins décider que la caisse était tenue à une obligation de prise en charge des médicaments ainsi délivrés, le tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale ;
2) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en invoquant la force majeure pour justifier l'empêchement de M. D... de présenter une ordonnance non falsifiée à la CPAM [...], sans préalablement inviter les parties à s'expliquer sur ce point, le tribunal de grande instance a violé le principe du contradictoire et, partant, l'article 16 du code de procédure civile ;
3) ALORS QU'en toute hypothèse, la force majeure s'entend d'un événement extérieur, irrésistible et imprévisible ; qu'en se bornant à relever le caractère non obligatoire de l'application ASAFO et l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées et/ou volées sans besoin d'un abonnement audit service, pour en déduire l'existence d'un cas de force majeure et condamner la caisse à prendre en charge la facture du 11 mai 2018 de M. D..., sans exposer aucune circonstance propre à caractériser un événement extérieur à la volonté du pharmacien, imprévisible et irrésistible de nature à justifier la présentation d'une ordonnance falsifiée à la caisse, le tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale ;
4) ALORS QU'en tout état de cause, une pharmacie qui délivre un médicament en pratiquant le tiers payant sur la base d'une simple attestation de soins et non d'une carte vitale ne peut être garanti d'un quelconque remboursement des médicaments par la caisse ; qu'en l'espèce, la CPAM [...] versait aux débats un courrier du 14 mai 2018 indiquant, sans que cela soit contesté par M. D..., que ce dernier n'avait pas eu recours à la facturation en flux sécurisé à partir de la carte vitale ; qu'en condamnant la caisse à procéder au remboursement des médicaments délivrés par M. D..., sans s'expliquer sur ce courrier du 14 mai 2018 de nature à justifier le refus de prise en charge de la caisse des médicaments litigieux au titre de la convention nationale assurance-maladie-pharmacie, le tribunal de grande instance a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 37-15 de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie.ECLI:FR:CCASS:2021:C200239
CIV. 2
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 mars 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 239 F-P
Pourvoi n° Q 19-24.009
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [...], dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-24.009 contre le jugement rendu le 5 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny (service du contentieux social), dans le litige l'opposant à M. A... D..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie [...], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Bobigny, 5 septembre 2019), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie [...] (la caisse) a notifié à M. D..., pharmacien d'officine (le pharmacien) sa décision de refus de prise en charge de la facture n° 171661 du 11 mai 2018 pour un certain montant concernant la délivrance de médicaments d'exception.
2. Le pharmacien a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen du pourvoi, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief au jugement de la condamner à prendre en charge la facture du 11 mai 2018, alors :
« 1°/ que la caisse primaire d'assurance maladie ne peut être tenue au remboursement de médicaments prescrits au moyen d'un faux document ; qu'en constatant que l'ordonnance remise le 11 mai 2018 à M. D... aux fins de délivrance d'un médicament d'exception était un faux, pour néanmoins décider que la caisse était tenue à une obligation de prise en charge des médicaments ainsi délivrés, le tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale ;
3°/ qu'en toute hypothèse, la force majeure s'entend d'un événement extérieur, irrésistible et imprévisible ; qu'en se bornant à relever le caractère non obligatoire de l'application ASAFO et l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées et/ou volées sans besoin d'un abonnement audit service, pour en déduire l'existence d'un cas de force majeure et condamner la caisse à prendre en charge la facture du 11 mai 2018 de M. D..., sans exposer aucune circonstance propre à caractériser un événement extérieur à la volonté du pharmacien, imprévisible et irrésistible de nature à justifier la présentation d'une ordonnance falsifiée à la caisse, le tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, applicable au litige :
4. Aux termes de ce texte, sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée.
5. Pour faire droit à la demande du pharmacien, le jugement retient qu'il apparaît que l'inscription à l'applicatif ASAFO (alerte sécurisée automatisée aux fausses ordonnances) n'est pas obligatoire et qu'il n'est pas paramétré pour diffuser des alertes, sans besoin d'y être abonné et sans besoin de procéder à des recherches après connexion. Le jugement relève encore qu'il ne peut être fait le reproche à la pharmacie de ne pas avoir consulté ledit applicatif et que si le prix du produit doit inciter les pharmaciens à de la prudence, pour autant cela ne suffit pas à écarter le risque de fraude. Le jugement ajoute qu'il ressort du dossier que l'ordonnance falsifiée provient d'un carnet de souche volé, de sorte que la falsification était encore plus difficile à détecter. Le jugement considère qu'en l'état, la caisse ne démontrant pas qu'il était impossible pour la pharmacie de ne pas détecter le caractère falsifié de l'ordonnance litigieuse, l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées ou volées sans besoin d'un abonnement à l'applicatif et l'absence d'obligation de consulter l'applicatif avant chaque délivrance de produits quel qu'en soit le montant, constituent des éléments en faveur du cas de force majeure, empêchant la pharmacie de présenter une ordonnance non falsifiée.
6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le cas de force majeure, alors qu'il constatait que l'ordonnance remise au pharmacien aux fins de délivrance du médicament d'exception était un faux qui aurait pu être détecté par la consultation d'un applicatif donnant accès au signalement des ordonnances falsifiées et que le pharmacien avait délivré ce médicament en pratiquant le tiers payant sur la base d'une simple attestation de soins et non d'une carte vitale, ce dont il résultait que la vérification de la prescription médicale n'était pas imprévisible, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable M. D... en son action, le jugement rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bobigny ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Bobigny ;
Condamne M. D... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. D... à payer à la caisse primaire d'assurance maladie [...] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie [...].
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la caisse primaire d'assurance maladie [...] à prendre en charge la facture n° 171661 du 11 mai 2018 pour un montant de 3532,60 euros concernant des produits délivrés à M. C... V... par la pharmacie [...] et d'AVOIR condamné la caisse primaire d'assurance maladie [...] à payer à M. D... la somme de 3.532,60 euros concernant des produits délivrés à M. C... V... par la pharmacie [...] le 11 mai 2018 ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, « Les organismes de sécurité sociale demandent, pour le service d'une prestation ou le contrôle de sa régularité, toutes pièces justificatives utiles pour vérifier l'identité du demandeur ou du bénéficiaire d'une prestation ainsi que pour apprécier les conditions du droit à la prestation, notamment la production d'avis d'imposition ou de déclarations déposées auprès des administrations fiscales compétentes. Les organismes peuvent se dispenser de ces demandes lorsqu'ils sont en mesure d'effectuer des contrôles par d'autres moyens mis à leur disposition.
Les organismes de sécurité sociale peuvent notamment se dispenser de solliciter la production de pièces justificatives par le demandeur ou le bénéficiaire d'une prestation lorsqu'ils peuvent obtenir directement les informations ou pièces justificatives nécessaires auprès des personnes morales de droit public ou des personnes morales de droit privé gérant un service public compétentes, notamment par transmission électronique de données. Les traitements automatisés de données qui se limitent à l'organisation de ces transmissions, notamment en vue de garantir l'authenticité et la fiabilité des données échangées, sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dès lors que les informations et pièces justificatives échangées au titre d'une prestation sont celles définies par les dispositions législatives et réglementaires relatives au service de la prestation concernée.
Sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée » ;
que selon l'article R. 161-40 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, « La constatation des soins et l'ouverture du droit au remboursement par les organismes servant les prestations de l'assurance maladie sont subordonnées à la production d'une part de documents électroniques ou sur support papier, appelés feuilles de soins, constatant les actes effectués et les prestations servies, d'autre part de l'ordonnance du prescripteur, s'il y a lieu » ;
que selon l'article R. 163-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, « Les médicaments auxquels s'applique l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, ceux bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle, ainsi que ceux visés au premier alinéa de l'article 17 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992, ne peuvent être remboursés ou pris en charge par les organismes de sécurité sociale, sur prescription médicale ou renouvellement de prescription médicale ou prescription par un infirmier exerçant en pratique avancée dans les conditions prévues à l'article R. 4301-3 du code de la santé publique, à l'exception des vaccins ou des topiques mentionnés respectivement aux articles R. 4311-5-1 et R. 4322-1 du code de la santé publique, ni être achetés ou fournis ou utilisés par eux que s'ils figurent sur une liste des médicaments remboursables établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale. L'arrêté mentionne les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge ou au remboursement des médicaments » ;
que selon l'article R. 165-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, « Les produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ne peuvent être remboursés par l'assurance maladie, sur prescription médicale ou sur prescription par un infirmier exerçant en pratique avancée dans les conditions prévues à l'article R. 4301-3 du code de la santé publique ou sur prescription d'un auxiliaire médical dans les conditions prévues aux articles L. 4311-1, L. 4321-1, L. 4341-1 et L. 4342-1, au cinquième alinéa de l'article L. 4322-1 et au 6° de l'article R. 4322-1 du code de la santé publique, que s'ils figurent sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé après avis de la commission spécialisée de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 165-1 du présent code et dénommée "Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé" » ;
qu'il n'est pas contesté par A... D..., représentant de la pharmacie [...], qu'il ne peut délivrer de produits que sur la base d'une prescription médicale authentique établie par un praticien et non pas falsifiée et/ou volée ; que A... D... explique que le caractère falsifié de l'ordonnance ne lui ait pas apparu et qu'il n'était pas détectable ; qu'il ajoute avoir procédé à toutes les diligences nécessaires avant de procéder à la délivrance du médicament ; qu'il rappelle que l'applicatif ASAFO, invoqué par la Caisse, n'est pas obligatoire ; qu'en effet, il résulte du guide utilisateur de l'applicatif ASAFO dans sa version de février 2011 accessible sur le lien "https://asafo/fraude/tele/asafo.pdf","Un utilisateur ayant une connexion à Internet et inscrit à ce service peut à partir d'un navigateur web, avec son identifiant et son mot de passe, consulter les signalements de fausses ordonnances détectées sur une période de 6 mois glissants.
Le service est accessible à partir du lien suivant : https://www.asafo.fr/fraude/defaultfraude.php Les connexions sur site sont sécurisées pendant toutes les transactions [...] Cette rubrique [signalements], vous permet de consulter tous les signalements de fausses ordonnances ainsi que les pièces jointes enregistrées par les caisses gestionnaires de la Région d'Ile-de-France. Les signalements seront disponibles sur le site pendant une période 6 mois glissants" ; que s'agissant des alertes, il y est précisé que "Les utilisateurs qui se sont abonnés aux « Alertes mises à jour », recevront à partir de l'adresse électronique fournie un message comme suit lors de chaque mise à jour de la base. Ils auront la possibilité de se désabonner" ;
que le message qui apparaît alors est "Vous êtes informé que la liste des personnes susceptibles de ne pas bénéficier d'un tiers payant lors de la délivrance de médicaments a été mise à jour le... (2)
Vous êtes invité à consulter les nouveaux signalements en ligne en cliquant sur le lien suivant : ASAFO.
Pour vous désabonner des alertes de mise à jour, Cliquer ici" ;
qu'il apparaît donc que l'inscription à cet applicatif n'est pas obligatoire et qu'il n'est pas paramétré pour diffuser des alertes automatiquement, sans besoin d'y être abonné et sans besoin de procéder à des recherches après connexion ; qu'il ne peut donc être fait le reproche à la pharmacie [...] de n'avoir pas consulté ledit applicatif ; que si le prix du produit doit inciter à de la prudence de la part des pharmacies, pour autant cela ne suffit pas à écarter tout risque de fraude ; qu'il ressort du dossier que l'ordonnance falsifiée provient d'un carnet de souche volé, de sorte que la falsification était encore plus difficile à détecter ;
que l'article L. 161-1-4 précité dispose que "Sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux-documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée" ; qu'ainsi donc le cas de force majeure est envisagé ; qu'on découvre la définition de la force majeure dans l'article 1218 du code civil qui dispose que "Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur" ; qu'ainsi donc la force majeure doit être imprévisible, irrésistible et échappant au contrôle des personnes concernées ; qu'en l'état, la Caisse ne démontrant pas qu'il était impossible pour la pharmacie [...] de ne pas détecter le caractère falsifié de l'ordonnance litigieuse, l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées et/ou volées sans besoin d'un abonnement à l'applicatif ASAFO, et l'absence d'obligation de consulter l'applicatif ASAFO avant chaque délivrance de produits quel qu'en soit le montant, constituent des éléments en laveur du cas de force majeure, empêchant la pharmacie [...] de présenter une ordonnance non falsifiée ; que le refus de prendre en charge la facture n° 171661 du 11 mai 2018 pour un montant de 3532,60 euros concernant des produits délivrés à C... V..., NIR187087836113213 n'est donc pas justifié et il convient de faire droit à la demande de la pharmacie [...] représentée par A... D... ; qu'il convient donc de condamner la caisse primaire d'assurance maladie des YVELINES à payer à la pharmacie [...] représentée par A... D... la somme précitée ;
1) ALORS QUE la caisse primaire d'assurance maladie ne peut être tenue au remboursement de médicaments prescrits au moyen d'un faux document ; qu'en constatant que l'ordonnance remise le 11 mai 2018 à M. D... aux fins de délivrance d'un médicament d'exception était un faux, pour néanmoins décider que la caisse était tenue à une obligation de prise en charge des médicaments ainsi délivrés, le tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale ;
2) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en invoquant la force majeure pour justifier l'empêchement de M. D... de présenter une ordonnance non falsifiée à la CPAM [...], sans préalablement inviter les parties à s'expliquer sur ce point, le tribunal de grande instance a violé le principe du contradictoire et, partant, l'article 16 du code de procédure civile ;
3) ALORS QU'en toute hypothèse, la force majeure s'entend d'un événement extérieur, irrésistible et imprévisible ; qu'en se bornant à relever le caractère non obligatoire de l'application ASAFO et l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées et/ou volées sans besoin d'un abonnement audit service, pour en déduire l'existence d'un cas de force majeure et condamner la caisse à prendre en charge la facture du 11 mai 2018 de M. D..., sans exposer aucune circonstance propre à caractériser un événement extérieur à la volonté du pharmacien, imprévisible et irrésistible de nature à justifier la présentation d'une ordonnance falsifiée à la caisse, le tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale ;
4) ALORS QU'en tout état de cause, une pharmacie qui délivre un médicament en pratiquant le tiers payant sur la base d'une simple attestation de soins et non d'une carte vitale ne peut être garanti d'un quelconque remboursement des médicaments par la caisse ; qu'en l'espèce, la CPAM [...] versait aux débats un courrier du 14 mai 2018 indiquant, sans que cela soit contesté par M. D..., que ce dernier n'avait pas eu recours à la facturation en flux sécurisé à partir de la carte vitale ; qu'en condamnant la caisse à procéder au remboursement des médicaments délivrés par M. D..., sans s'expliquer sur ce courrier du 14 mai 2018 de nature à justifier le refus de prise en charge de la caisse des médicaments litigieux au titre de la convention nationale assurance-maladie-pharmacie, le tribunal de grande instance a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 37-15 de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie.