Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 mars 2021, 20-12.345, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 248 F-D

Pourvoi n° H 20-12.345




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MARS 2021

La société Comeca France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] anciennement société Comeca systèmes, a formé le pourvoi n° H 20-12.345 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société BMB, société civile immobilière, dont le siège est [...] , nouvelle dénomination de la SCI Orexim, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Comeca France, de la SCP Gaschignard, avocat de la société BMB, après débats en l'audience publique du 2 février 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 décembre 2019), la société civile immobilière Elysées Saint-Ouen, aux droits de laquelle vient la société civile immobilière Orexim, devenue la SCI BMB (la SCI), a donné à bail à la société Comeca Systèmes (la société Comeca) divers locaux commerciaux.

2. Le contrat comportait une clause d'indexation annuelle stipulant en son article 8-8 que celle-ci ne pourrait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base.

3. La société Comeca ayant donné congé, la Sci l'a assignée en paiement de travaux de remise en état.

4.Soutenant que la clause d'échelle mobile était en son entier réputée non écrite, la preneuse a reconventionnellement demandé le remboursement des loyers versés au titre de l'indexation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Comeca fait grief à l'arrêt de dire la clause d'indexation réputée non écrite en son seul paragraphe selon lequel elle ne pouvait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base et de rejeter ses demandes de remboursement de la part indexée des loyers, alors :

« 1°/ qu'est réputée non écrite, la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation du loyer et stipule que celui-ci ne peut être révisé qu'à la hausse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la clause d'échelle mobile stipulée dans le contrat de bail commercial du 7 novembre 2006 prévoyait que « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » ; que cette disposition excluait donc, en cas de baisse de l'indice, l'ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice publié dans le même temps ; qu'en refusant de déclarer cette clause non écrite en son entier, la cour d'appel a violé les articles L. 145-9 du code de commerce et L. 112-1 du code monétaire et financier ;

2°/ qu'est réputée non écrite, la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation du loyer et stipule que celui-ci ne peut être révisé qu'à la hausse ; que dans l'impossibilité de séparer le principe de l'indexation de ses modalités concrètes d'application, cette clause doit être tenue pour indivisible et déclarée non écrite en son entier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que la clause d'échelle mobile stipulée dans le contrat de bail commercial du 7 novembre 2006 prévoyait que « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » ; qu'en refusant de déclarer cette clause non écrite en son entier, la cour d'appel a violé les articles L. 145-9 du code de commerce et L. 112-1 du code monétaire et financier ;

3°/ qu'est réputée non écrite, la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation du loyer et stipule que celui-ci ne peut être révisé qu'à la hausse ; que cette sanction est d'ordre public ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que la clause d'échelle mobile stipulée dans le contrat de bail commercial du 7 novembre 2006 prévoyait que « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » ; qu'en affirmant, pour refuser de déclarer cette clause non écrite en son entier, que le reste de la clause relève, de manière certaine, de la commune intention des parties, de sorte qu'il serait contraire à cette intention de la réputer non-écrite, la cour d'appel qui a méconnu le caractère d'ordre public des dispositions en cause, a violé les articles L. 145-9 du code de commerce et L. 112-1 du code monétaire et financier, ensemble l'article 6 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Seule la stipulation créant la distorsion prohibée par l'article L. 112-1 du code monétaire et financier est réputée non écrite (3e Civ., 29 novembre 2018, pourvoi n° 17-23.058).

7. L'appréciation du caractère essentiel et déterminant d'une clause du contrat relève de l'appréciation souveraine du juge du fond.

8. Ayant retenu, à bon droit, que seule l'indication d'un loyer plancher était contraire aux dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier et, souverainement, que l'article 8-8 du contrat était dissociable des autres dispositions de la clause d'indexation, qui exprimaient la commune intention des parties, la cour d'appel en a exactement déduit que seule la stipulation irrégulière devait être réputée non écrite.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Comeca France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Comeca France et la condamne à payer à la SCI BMB la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Comeca France.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la clause d'indexation était réputée non écrite, uniquement en son paragraphe selon lequel « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base », d'AVOIR débouté la société Comeca de ses demandes de remboursement au titre de la part indexée des loyers et d'AVOIR rejeté le surplus des demandes ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier dispose que :
est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieur à la durée s'écoulant entre chaque révision » ; que la clause 8 – échelle mobile – figurant au contrat est libellée de la façon suivante : « 8.1 Le loyer de base stipulé à l'article 26 sera ajusté automatiquement, pour chaque période annuelle, en fonction des variations de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'Insee. 8.2 Pour l'application de la présente clause d'échelle mobile, il est précisé que l'indice de base sera l'indice mentionné à l'article 27 et que les révisions seront opérées chaque année successive à la date anniversaire de la prise d'effet du bail, sur la base de l'indice du même trimestre. 8.3 La présente clause d'échelle mobile constitue une condition essentielle et déterminante du bail sans laquelle il n'aurait pas été consenti. 8.4 Les indices de comparaison seront relevés selon une périodicité elle-même annuelle, conformément à l'article 10 de la loi n° 77-1457 du 29 décembre 1977. En conséquence, le premier indice de comparaison sera le premier indice anniversaire de l'indice de base et les indices de comparaison successifs seront séparés les uns des autres d'une période de variation d'un an. 8.5 Au cas où l'indice contractuel de comparaison ne serait pas encore publié à la date prévue pour la révision annuelle, le loyer exigible sera calculé provisoirement en prenant pour indice de comparaison le dernier indice connu à cette date et une régularisation serait opérée lors de la publication de l'indice. 8.6 En cas de modification ou de remplacement de l'indice choisi, le nouvel indice sera de plein droit substitué à l'ancien dans les conditions et selon le coefficient de raccordement publié. 8.7 En cas de suppression pure et simple de l'indice ci-dessus choisi, il serait remplacé par un nouvel indice équivalent, fixé d'un commun accord entre les parties ou, par un tribunal arbitral. 8.8 La présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » ; (
) qu'il convient de constater que la disposition relative au « loyer plancher » est totalement dissociable des autres dispositions de l'article 8 relatives à l'indexation et au choix de l'indice ;

Que le reste de la clause d'indexation relève, de manière certaine, de la commune intention des parties, de sorte qu'il serait contraire à cette intention de la réputer non-écrite ; qu'au regard de ces éléments, il convient de dire que la clause d'indexation est réputée non écrite, uniquement en son paragraphe ainsi rédigé : La présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » ; qu'en conséquence, le reste de la clause portant sur le calcul de l'indexation des loyers est valable et la société Comica est déboutée de sa demande de remboursement des indexations de loyers calculés en application de la clause ;

1) ALORS QU'est réputée non écrite, la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation du loyer et stipule que celui-ci ne peut être révisé qu'à la hausse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la clause d'échelle mobile stipulée dans le contrat de bail commercial du 7 novembre 2006 prévoyait que « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » (cf. arrêt, p. 15) ; que cette disposition excluait donc, en cas de baisse de l'indice, l'ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice publié dans le même temps ;
qu'en refusant de déclarer cette clause non écrite en son entier, la cour d'appel a violé les articles L. 145-9 du code de commerce et L. 112-1 du code monétaire et financier ;

2) ALORS QU'est réputée non écrite, la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation du loyer et stipule que celui-ci ne peut être révisé qu'à la hausse ; que dans l'impossibilité de séparer le principe de l'indexation de ses modalités concrètes d'application, cette clause doit être tenue pour indivisible et déclarée non écrite en son entier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que la clause d'échelle mobile stipulée dans le contrat de bail commercial du 7 novembre 2006 prévoyait que « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » (cf. arrêt, p. 15) ; qu'en refusant de déclarer cette clause non écrite en son entier, la cour d'appel a violé les articles L. 145-9 du code de commerce et L. 112-1 du code monétaire et financier ;

3) ALORS QU'est réputée non écrite, la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation du loyer et stipule que celui-ci ne peut être révisé qu'à la hausse ; que cette sanction est d'ordre public ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que la clause d'échelle mobile stipulée dans le contrat de bail commercial du 7 novembre 2006 prévoyait que « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » (cf. arrêt, p. 15) ; qu'en affirmant, pour refuser de déclarer cette clause non écrite en son entier, que le reste de la clause relève, de manière certaine, de la commune intention des parties, de sorte qu'il serait contraire à cette intention de la réputer non-écrite, la cour d'appel qui a méconnu le caractère d'ordre public des dispositions en cause, a violé les articles L. 145-9 du code de commerce et L. 112-1 du code monétaire et financier, ensemble l'article 6 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2021:C300248
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