Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 mars 2021, 19-26.343, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 205 F-D

Pourvoi n° B 19-26.343




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

1°/ M. W... D..., domicilié [...] ,

2°/ la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société [...],

ont formé le pourvoi n° B 19-26.343 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant :

1°/ à M. E... C..., domicilié [...] ,

2°/ à M. P... C..., domicilié [...] ,

3°/ à Mme M... C..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. D... et de la société [...] , de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat des consorts C..., après débats en l'audience publique du 19 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 10 juillet 2019), par actes du 22 octobre 1968, M. et Mme J... ont pris à bail des parcelles de terres à vigne appartenant aux consorts C....

2. Ces baux ont été conclus pour une durée de 25 ans à compter du 1er novembre 1968 jusqu'au 31 octobre 1993, pour la partie qui sera plantée au printemps 1969 et en fonction des droits de plantation qui auront été accordés aux preneurs pour le surplus.

3. Par acte des 28 et 29 novembre 1977, M. et Mme J... ont cédé leurs baux à leur fille et à son époux, M. F... D.... Les bailleurs sont intervenus à l'acte afin de consentir à la cession des baux et ont accepté de les proroger, pour une durée de deux ans, à compter du 1er novembre 1993, de sorte qu'ils se terminent le 31 octobre 1995. Les parties ont ainsi transformé l'objet de la cession en un bail à long terme, d'une durée de 18 ans, ayant commencé à courir le 1er novembre 1977, pour se terminer le 31 octobre 1995.

4. Par acte du 11 octobre 1995, les consorts C... ont consenti à M. F... D... un nouveau bail à long terme commençant à courir le 1er novembre 1995 pour se terminer le 31 octobre 2020. Cet acte, désignant les parcelles sous le vocable « terres en appellation "Champagne" », se référait aux superficies plantées par les preneurs en 1969, 1970 et 1972.

5. En accord avec les bailleurs, à l'issue de la vendange 1999, M. F... D... a cédé ce bail à son fils, W....

6. Par lettre du 1er septembre 2008, M. W... D... a informé les bailleurs de la mise à disposition des biens loués au profit de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [...] (l'EARL).

7. Par acte du 4 octobre 2016, les consorts C... ont délivré congé à M. D... et à l'EARL, à effet au 31 octobre 2020.

8. Par déclaration du 2 février 2017, M. D... et l'EARL ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation du congé et en revendication de la propriété des plantations.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. M. D... et l'EARL font grief à l'arrêt de rejeter leur revendication de la propriété définitive des plantations de vignes et leur demande d'autorisation de les arracher, alors :

« 1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en considérant que, « nonobstant les termes du bail »du 11 octobre 1995 qui rappelaient expressément les plantations réalisées par les preneurs et, en désignant le bien loué sous le vocable « terres en appellation "Champagne" », prévoyaient que la mise à disposition continuait de porter sur des terres considérées comme nues, les bailleurs ont accédé à la propriété de ces plantations au terme des baux initiaux de 1968, soit le 31 octobre 1995, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer ;
qu'en l'espèce, M. D... faisait valoir qu'il résultait de la désignation on ne peut plus claire de l'objet du bail du 11 octobre 1995, à savoir des « terres en appellation "Champagne" » et du rappel dans l'acte des plantations réalisées par les preneurs, la renonciation sans équivoque du bailleur à la propriété de ces plantations ; qu'en retenant, pour écarter la renonciation des bailleurs à leur droit d'accession à la propriété des plantations, qu'en l'absence d'une convention contraire réglant le sort des plantations que le preneur viendrait à effectuer sur les biens loués, les mentions litigieuses du bail étaient insuffisantes à établir la renonciation des bailleurs, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent interpréter les conventions que si celles-ci sont obscures ou ambigües ; qu'en se référant à la recherche de la commune intention des parties afin d'interpréter les termes clairs et précis de l'acte authentique du 11 octobre 1995, contenant « Bail à long terme de terres à vigne », qui rappelaient expressément les plantations réalisées par les preneurs et désignaient les parcelles mises à disposition du preneur sous le vocable « terres en appellation "Champagne" », pour en déduire qu'en signant ce bail les consorts C... n'avaient pas renoncé à leur droit d'accession à la propriété de ces plantations au terme des baux initiaux de 1968, soit le 31 octobre 1995, quand il ressortait de ces stipulations que le nouveau bail continuait de porter sur des terres considérées comme nues ce qui impliquait nécessairement la renonciation des bailleurs à leur droit d'accession à la propriété des plantations au terme des baux initiaux de 1968, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°/ que tout jugement doit être motivé et la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en retenant d'une part que les termes du bail précisant qu'il portait sur des « terres en appellation "Champagne" » et rappelant expressément les plantations réalisées par les preneurs seraient insuffisants pour considérer que les consorts C... auraient renoncé à leur droit d'accession à la propriété des plantations et, d'autre part, que les consorts C..., « nonobstant les termes du bail », avaient accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ subsidiairement, que si la charge de la preuve de la renonciation incombe en principe à celui qui s'en prévaut, la connaissance de la prérogative abdiquée est présumée lorsque les circonstances rendent extrêmement improbable l'ignorance du renonçant ; qu'il appartient alors au renonçant de démontrer qu'il n'a pas agi sciemment et librement ; qu'en retenant, en l'espèce, que, sauf à émettre des suppositions quant aux pourparlers préalables à la conclusion du bail authentique du 11 octobre 1995, les termes du bail dont le preneur déduisait la renonciation des bailleurs à l'accession à la propriété des plantations seraient insuffisants à établir cette renonciation quand elle avait pourtant constaté que le bailleur, rassemblant quatre personnes, avait conclu, par acte authentique, soit avec l'intervention d'un notaire, un bail qui désignait les parcelles mises à disposition du preneur sous le vocable « terres en appellation "Champagne" » et rappelait expressément les plantations réalisées par les preneurs, circonstances rendant extrêmement improbable l'ignorance du bailleur de la prérogative abdiquée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 » ;

6°/ que le terme retarde l'exécution de l'obligation qu'il affecte sans différer la force obligatoire du contrat ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le bail conclu le 11 octobre 1995 n'a produit ses effets qu'à compter du 1er novembre 1995 de sorte que les bailleurs ont accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres le 31 octobre 1995 à 24 heures, quand le terme n'affectait que l'obligation de mise à disposition de la chose louée et que les parties restaient tenues par les autres effets produits par le contrat dès sa date de conclusion, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

10. Ayant retenu, à bon droit, que le bailleur devient propriétaire des plantations à la fin du bail ou lors de son renouvellement, relevé que les baux d'origine ne contenaient aucune clause de renonciation des propriétaires à exercer leur droit d'accession sur les vignes plantées par le preneur et retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la volonté des parties à l'acte du 11 octobre 1995, que les mentions de ce nouveau bail étaient insuffisantes à établir une telle renonciation des bailleurs, la cour d'appel en a exactement déduit, sans se contredire, ni inverser la charge de la preuve, que l'accession à la propriété des plants incorporés au sol s'était produite à l'échéance expressément stipulée dans le contrat initial, soit le 31 octobre 1995.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. M. D... et l'EARL font grief à l'arrêt de rejeter leur revendication subsidiaire de la propriété temporaire des plantations de vignes et leur demande d'autorisation de les arracher, alors :

« 1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en considérant que, « nonobstant les termes du bail »du 11 octobre 1995 qui rappelaient expressément les plantations réalisées par les preneurs et, en désignant le bien loué sous le vocable « terres en appellation "Champagne" », prévoyaient que la mise à disposition continuait de porter sur des terres considérées comme nues, les bailleurs ont accédé à la propriété de ces plantations au terme des baux initiaux de 1968, soit le 31 octobre 1995, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer ;
qu'en l'espèce, M. D... faisait valoir qu'il résultait de la désignation on ne peut plus claire de l'objet du bail du 11 octobre 1995, à savoir des « terres en appellation "Champagne" » et du rappel dans l'acte des plantations réalisées par les preneurs, la renonciation sans équivoque du bailleur à la propriété de ces plantations ; qu'en retenant, pour écarter la renonciation des bailleurs à leur droit d'accession à la propriété des plantations, qu'en l'absence d'une convention contraire réglant le sort des plantations que le preneur viendrait à effectuer sur les biens loués, les mentions litigieuses du bail étaient insuffisantes à établir la renonciation des bailleurs, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent interpréter les conventions que si celles-ci sont obscures ou ambigües ; qu'en se référant à la recherche de la commune intention des parties afin d'interpréter les termes clairs et précis de l'acte authentique du 11 octobre 1995, contenant « Bail à long terme de terres à vigne », qui rappelaient expressément les plantations réalisées par les preneurs et désignaient les parcelles mises à disposition du preneur sous le vocable « terres en appellation "Champagne" », pour en déduire qu'en signant ce bail les consorts C... n'avaient pas renoncé à leur droit d'accession à la propriété de ces plantations au terme des baux initiaux de 1968, soit le 31 octobre 1995, quand il ressortait de ces stipulations que le nouveau bail continuait de porter sur des terres considérées comme nues ce qui impliquait nécessairement la renonciation des bailleurs à leur droit d'accession à la propriété des plantations au terme des baux initiaux de 1968, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°/ que tout jugement doit être motivé et la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en retenant d'une part que les termes du bail précisant qu'il portait sur des « terres en appellation "Champagne" » et rappelant expressément les plantations réalisées par les preneurs seraient insuffisants pour considérer que les consorts C... auraient renoncé à leur droit d'accession à la propriété des plantations et, d'autre part, que les consorts C..., « nonobstant les termes du bail », avaient accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ subsidiairement, que si la charge de la preuve de la renonciation incombe en principe à celui qui s'en prévaut, la connaissance de la prérogative abdiquée est présumée lorsque les circonstances rendent extrêmement improbable l'ignorance du renonçant ; qu'il appartient alors au renonçant de démontrer qu'il n'a pas agi sciemment et librement ; qu'en retenant, en l'espèce, que, sauf à émettre des suppositions quant aux pourparlers préalables à la conclusion du bail authentique du 11 octobre 1995, les termes du bail dont le preneur déduisait la renonciation des bailleurs à l'accession à la propriété des plantations seraient insuffisants à établir cette renonciation quand elle avait pourtant constaté que le bailleur, rassemblant quatre personnes, avait conclu, par acte authentique, soit avec l'intervention d'un notaire, un bail qui désignait les parcelles mises à disposition du preneur sous le vocable « terres en appellation "Champagne" » et rappelait expressément les plantations réalisées par les preneurs, circonstances rendant extrêmement improbable l'ignorance du bailleur de la prérogative abdiquée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6°/ que le terme retarde l'exécution de l'obligation qu'il affecte sans différer la force obligatoire du contrat ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le bail conclu le 11 octobre 1995 n'a produit ses effets qu'à compter du 1er novembre 1995 de sorte que les bailleurs ont accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres le 31 octobre 1995 à 24 heures, quand le terme n'affectait que l'obligation de mise à disposition de la chose louée et que les parties restaient tenues par les autres effets produits par le contrat dès sa date de conclusion, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

13. Ayant retenu que les bailleurs, en l'absence d'une renonciation non équivoque à leur droit d'accession, étaient propriétaires des plantations depuis le 31 octobre 1995, terme des baux initiaux, la cour d'appel en a exactement déduit que la revendication par le preneur d'une propriété temporaire des plants de vigne pendant la durée du nouveau bail prenant effet le 1er novembre 1995 était devenue sans objet.

14. Le moyen est donc inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. D... et l'EARL [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. D... et de l'EARL [...] et les condamne à payer aux consorts C... la somme globale de 3 000 euros.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. D... et la société [...] .

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. W... D... et l'Earl [...] de leur demande tendant à voir dire que la propriété des 2 ha 85 a 20 ca de plantations de vignes réalisées sur les parcelles faisant l'objet du bail du 11 octobre 1995 appartient définitivement au preneur par l'effet de la renonciation des bailleurs à l'accession à la propriété des plantations et de les AVOIR, en conséquence, déboutés de leur demande tendant à voir dire que le preneur est autorisé à arracher les plantations des 2 ha 85 a 20 ca de plantations de vignes réalisées sur les parcelles faisant l'objet du bail du 11 octobre 1995 avant le 31 octobre 2020 et sera seul titulaire des autorisations de replantations issues de cet arrachage ;

AUX MOTIFS QU'à titre principal, W... D... et l'EARL [...] soutiennent être définitivement propriétaires des plantations de vignes sur les parcelles objets du bail du 11 octobre 1995, par l'effet de la renonciation des bailleurs à l'accession à la propriété de ces plantations, en vertu de l'effet supplétif des dispositions légales afférentes à l'accession à la propriété, déduisant cette situation des termes mêmes du bail, puisque celui-ci précise porter sur des terres en appellation « Champagne » et rappelle les plantations réalisées par les preneurs. Toutefois, sauf à émettre des suppositions quant aux pourparlers préalables à la conclusion du bail authentique du 11 octobre 1995, les mentions du bail ci-dessus rappelées sont insuffisantes pour permettre à la cour, interprétant la commune intention des parties, d'en conclure que les consorts C... ont entendu, dès la signature de ce bail, renoncer à leur droit d'accession à la propriété des plantations. Comme ceux-ci le soutiennent, en l'absence d'une convention contraire réglant le sort des plantations que le preneur viendrait à effectuer sur les biens loués, les dispositions de l'article 555 du Code civil ont vocation à s'appliquer à l'espèce. Si le bailleur ne devient pas immédiatement propriétaire des plantations, dès leur enfouissement dans le sol, ce droit d'accession à la propriété, sauf disposition contraire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, se trouve reporté à la fin du bail ou lors de son renouvellement. Pour faire échec à cette accession à la propriété en fin de bail, W... D... et l'EARL [...] se prévalent du bail conclu le 11 octobre 1995, soit avant le terme du précédent bail, à échéance du 31 octobre 1995. Toutefois, si cette date du 11 octobre 1995 correspond à la date de signature du bail liant les consorts C... à W... D..., celui-ci n'a produit ses effets qu'à compter du 1er novembre 1995 de sorte que les bailleurs, nonobstant les termes du bail, ont accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres le 31 octobre 1995 à 24 heures. Il s'ensuit que la décision déférée doit être confirmée en ce que, faisant une exacte application des dispositions des articles 551 et 555 du Code civil, elle a tranché que E... C... et son épouse, née O... A... sont devenus propriétaires des plantations réalisées par leurs preneurs à l'expiration des baux de 1968. W... D... et l'EARL [...] seront en conséquence déboutés en leur demande principale tendant à se voir reconnaître la qualité de propriétaire des 2 ha 85 car 20 centiares de plantations de vignes réalisées sur les parcelles objets du bail octobre 1995 ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE M. I... J... et Mme T... R... épouse J... ont planté les parcelles louées en 1969, 1970 et 1972, en vertu des droits de plantations qui leur ont été accordés. Cependant les baux de 1968 ne contiennent aucune clause de renonciation du bailleur à exercer son droit d'accession sur les plantations en application de l'article 551 et de l'article 555 du code civil, qui sont applicables aux rapports entre bailleurs et preneurs à défaut d'une convention réglant le sort des constructions réalisées par 1e locataire (Cour de cassation troisième chambre civile 10 novembre 1999). M. E... C... et Mme O... A... épouse C... sont donc devenus propriétaires des plantations réalisées par M. I... J... et Mme T... R... épouse J... à 1'expiration des baux de 1968 qui se sont trouvés de facto résiliés lors de la signature d'un nouveau bail 1e 11 octobre 1995 portant sur les mêmes parcelles ;

1) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en considérant que, « nonobstant les termes du bail » du 11 octobre 1995 qui rappelaient expressément les plantations réalisées par les preneurs et, en désignant le bien loué sous le vocable « terres en appellation "Champagne" », prévoyaient que la mise à disposition continuait de porter sur des terres considérées comme nues, les bailleurs ont accédé à la propriété de ces plantations au terme des baux initiaux de 1968, soit le 31 octobre 1995, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2) ALORS QUE la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer ;
qu'en l'espèce, M. D... faisait valoir qu'il résultait de la désignation on ne peut plus claire de l'objet du bail du 11 octobre 1995, à savoir des « terres en appellation "Champagne" » et du rappel dans l'acte des plantations réalisées par les preneurs, la renonciation sans équivoque du bailleur à la propriété de ces plantations ; qu'en retenant, pour écarter la renonciation des bailleurs à leur droit d'accession à la propriété des plantations, qu'en l'absence d'une convention contraire réglant le sort des plantations que le preneur viendrait à effectuer sur les biens loués, les mentions litigieuses du bail étaient insuffisantes à établir la renonciation des bailleurs, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent interpréter les conventions que si celles-ci sont obscures ou ambigües ; qu'en se référant à la recherche de la commune intention des parties afin d'interpréter les termes clairs et précis de l'acte authentique du 11 octobre 1995, contenant « Bail à long terme de terres à vigne », qui rappelaient expressément les plantations réalisées par les preneurs et désignaient les parcelles mises à disposition du preneur sous le vocable « terres en appellation "Champagne" », pour en déduire qu'en signant ce bail les consorts C... n'avaient pas renoncé à leur droit d'accession à la propriété de ces plantations au terme des baux initiaux de 1968, soit le 31 octobre 1995, quand il ressortait de ces stipulations que le nouveau bail continuait de porter sur des terres considérées comme nues ce qui impliquait nécessairement la renonciation des bailleurs à leur droit d'accession à la propriété des plantations au terme des baux initiaux de 1968, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4) ALORS QUE tout jugement doit être motivé et la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en retenant d'une part que les termes du bail précisant qu'il portait sur des « terres en appellation "Champagne" » et rappelant expressément les plantations réalisées par les preneurs seraient insuffisants pour considérer que les consorts C... auraient renoncé à leur droit d'accession à la propriété des plantations et, d'autre part, que les consorts C..., « nonobstant les termes du bail », avaient accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS, subsidiairement, QUE si la charge de la preuve de la renonciation incombe en principe à celui qui s'en prévaut, la connaissance de la prérogative abdiquée est présumée lorsque les circonstances rendent extrêmement improbable l'ignorance du renonçant ; qu'il appartient alors au renonçant de démontrer qu'il n'a pas agi sciemment et librement ; qu'en retenant, en l'espèce, que, sauf à émettre des suppositions quant aux pourparlers préalables à la conclusion du bail authentique du 11 octobre 1995, les termes du bail dont le preneur déduisait la renonciation des bailleurs à l'accession à la propriété des plantations seraient insuffisants à établir cette renonciation quand elle avait pourtant constaté que le bailleur, rassemblant quatre personnes, avait conclu, par acte authentique, soit avec l'intervention d'un notaire, un bail qui désignait les parcelles mises à disposition du preneur sous le vocable « terres en appellation "Champagne" » et rappelait expressément les plantations réalisées par les preneurs, circonstances rendant extrêmement improbable l'ignorance du bailleur de la prérogative abdiquée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

6) ALORS QUE le terme retarde l'exécution de l'obligation qu'il affecte sans différer la force obligatoire du contrat ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le bail conclu le 11 octobre 1995 n'a produit ses effets qu'à compter du 1er novembre 1995 de sorte que les bailleurs ont accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres le 31 octobre 1995 à 24 heures, quand le terme n'affectait que l'obligation de mise à disposition de la chose louée et que les parties restaient tenues par les autres effets produits par le contrat dès sa date de conclusion, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. W... D... et l'Earl [...] de leur demande tendant à voir dire que le preneur demeure propriétaire des 2 ha 85 a 20 ca de plantations de vignes réalisées sur les parcelles faisant l'objet du bail du 11 octobre 1995 jusqu'à l'expiration du bail soit le 31 octobre 2020 et de les AVOIR, en conséquence, déboutés de leur demande tendant à voir dire que le preneur est autorisé à arracher les plantations des 2 ha 85 a 20 ca de plantations de vignes réalisées sur les parcelles faisant l'objet du bail du 11 octobre 1995 avant le 31 octobre 2020 et sera seul titulaire des autorisations de replantations issues de cet arrachage ;

AUX MOTIFS QUE A titre principal, W... D... et l'EARL [...] soutiennent être définitivement propriétaires des plantations de vignes sur les parcelles objets du bail du 11 octobre 1995, par l'effet de la renonciation des bailleurs à l'accession à la propriété de ces plantations, en vertu de l'effet supplétif des dispositions légales afférentes à l'accession à la propriété, déduisant cette situation des termes mêmes du bail, puisque celui-ci précise porter sur des terres en appellation « Champagne » et rappelle les plantations réalisées par les preneurs. Toutefois, sauf à émettre des suppositions quant aux pourparlers préalables à la conclusion du bail authentique du 11 octobre 1995, les mentions du bail ci-dessus rappelées sont insuffisantes pour permettre à la cour, interprétant la commune intention des parties, d'en conclure que les consorts C... ont entendu, dès la signature de ce bail, renoncer à leur droit d'accession à la propriété des plantations. Comme ceux-ci le soutiennent, en l'absence d'une convention contraire réglant le sort des plantations que le preneur viendrait à effectuer sur les biens loués, les dispositions de l'article 555 du Code civil ont vocation à s'appliquer à l'espèce. Si le bailleur ne devient pas immédiatement propriétaire des plantations, dès leur enfouissement dans le sol, ce droit d'accession à la propriété, sauf disposition contraire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, se trouve reporté à la fin du bail ou lors de son renouvellement. Pour faire échec à cette accession à la propriété en fin de bail, W... D... et l'EARL [...] se prévalent du bail conclu le 11 octobre 1995, soit avant le terme du précédent bail, à échéance du 31 octobre 1995. Toutefois, si cette date du 11 octobre 1995 correspond à la date de signature du bail liant les consorts C... à W... D..., celui-ci n'a produit ses effets qu'à compter du 1er novembre 1996 de sorte que les bailleurs, nonobstant les termes du bail, ont accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres le 31 octobre 1995 à 24 heures. Il s'ensuit que la décision déférée doit être confirmée en ce que, faisant une exacte application des dispositions des articles 551 et 555 du Code civil, elle a tranché que E... C... et son épouse, née O... A... sont devenus propriétaires des plantations réalisées par leurs preneurs à l'expiration des baux de 1968. W... D... et l'EARL [...] seront en conséquence déboutés en leur demande principale tendant à se voir reconnaître la qualité de propriétaire des 2 ha 85 car 20 centiares de plantations de vignes réalisées sur les parcelles objets du bail octobre 1995 ;

ET AUX MOTIFS QU'il résulte des précédents développements que, leurs bailleurs étant propriétaires de ces plantations depuis le 31 octobre 1995, W... D... et l'EARL [...] revendiquent vainement, à titre subsidiaire, à se voir reconnaître la qualité de propriétaire temporaire des plans de vignes, leur en permettant l'arrachage jusqu'au terme du bail ;

1) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en considérant que, « nonobstant les termes du bail » du 11 octobre 1995 qui rappelaient expressément les plantations réalisées par les preneurs et, en désignant le bien loué sous le vocable « terres en appellation "Champagne" », prévoyaient que la mise à disposition continuait de porter sur des terres considérées comme nues, les bailleurs ont accédé à la propriété de ces plantations au terme des baux initiaux de 1968, soit le 31 octobre 1995, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2) ALORS QUE la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer ;
qu'en l'espèce, M. D... faisait valoir qu'il résultait de la désignation on ne peut plus claire de l'objet du bail du 11 octobre 1995, à savoir des « terres en appellation "Champagne" » et du rappel dans l'acte des plantations réalisées par les preneurs, la renonciation sans équivoque du bailleur à la propriété de ces plantations ; qu'en retenant, pour écarter la renonciation des bailleurs à leur droit d'accession à la propriété des plantations, qu'en l'absence d'une convention contraire réglant le sort des plantations que le preneur viendrait à effectuer sur les biens loués, les mentions litigieuses du bail seraient insuffisantes à établir la renonciation des bailleurs, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent interpréter les conventions que si celles-ci sont obscures ou ambigües ; qu'en se référant à la recherche de la commune intention des parties afin d'interpréter les termes clairs et précis de l'acte authentique du 11 octobre 1995, contenant « Bail à long terme de terres à vigne », qui rappelaient expressément les plantations réalisées par les preneurs et désignaient les parcelles mises à disposition du preneur sous le vocable « terres en appellation "Champagne" », pour en déduire qu'en signant ce bail les consorts C... n'auraient pas renoncé à leur droit d'accession à la propriété de ces plantations au terme des baux initiaux de 1968, soit le 31 octobre 1995, quand il ressort de ces stipulations que le nouveau bail continuait de porter sur des terres considérées comme nues ce qui impliquait nécessairement la renonciation des bailleurs à leur droit d'accession à la propriété des plantations au terme des baux initiaux de 1968., la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4) ALORS QUE tout jugement doit être motivé et la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en retenant d'une part que les termes du bail précisant qu'il portait sur des « terres en appellation "Champagne" » et rappelant expressément les plantations réalisées par les preneurs seraient insuffisants pour considérer que les consorts C... auraient renoncé à leur droit d'accession à la propriété des plantations et, d'autre part, que les consorts C..., « nonobstant les termes du bail », ont accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS, subsidiairement, QUE si la charge de la preuve de la renonciation incombe en principe à celui qui s'en prévaut, la connaissance de la prérogative abdiquée est présumée lorsque les circonstances rendent extrêmement improbable l'ignorance du renonçant ; qu'il appartient alors au renonçant de démontrer qu'il n'a pas agi sciemment et librement ; qu'en retenant, en l'espèce, que, sauf à émettre des suppositions quant aux pourparlers préalables à la conclusion du bail authentique du 11 octobre 1995, les termes du bail dont le preneur déduisait la renonciation des bailleurs à l'accession à la propriété des plantations seraient insuffisants à établir cette renonciation quand elle avait pourtant constaté que le bailleur, rassemblant quatre personnes, avait conclu, par acte authentique, soit avec l'intervention d'un notaire, un bail qui désignait les parcelles mises à disposition du preneur sous le vocable « terres en appellation "Champagne" » et rappelait expressément les plantations réalisées par les preneurs, circonstances rendant extrêmement improbable l'ignorance du bailleur de la prérogative abdiquée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

6) ALORS QUE le terme retarde l'exécution de l'obligation qu'il affecte sans différer la force obligatoire du contrat ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le bail conclu le 11 octobre 1995 n'a produit ses effets qu'à compter du 1er novembre 1995 de sorte que les bailleurs ont accédé à la propriété des plantations réalisées sur leurs terres le 31 octobre 1995 à 24 heures, quand le terme n'affectait que l'obligation de mise à disposition de la chose louée et que les parties restaient tenues par les autres effets produits par le contrat dès sa date de conclusion la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.ECLI:FR:CCASS:2021:C300205
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