Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 février 2021, 19-20.918, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 février 2021, 19-20.918, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 19-20.918
- ECLI:FR:CCASS:2021:SO00194
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 10 février 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 12 juin 2019- Président
- Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 février 2021
Cassation
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant
fonction de président
Arrêt n° 194 F-D
Pourvoi n° E 19-20.918
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. N....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 mai 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 FÉVRIER 2021
La société Paris Air Catering, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Bruneau Pegorier Catering, a formé le pourvoi n° E 19-20.918 contre l'arrêt rendu le 12 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X... N..., domicilié [...] ,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Paris Air Catering, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. N..., après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, Mme Richard, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2019), M. N... a été engagé le 25 novembre 2005 par la société Bruneau Pegorier Catering, aux droits de laquelle vient la société Paris Air Catering, en qualité de technicien avitaillement, et occupait en dernier lieu les fonctions de chauffeur poids lourd, coefficient 195 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959.
2. Après avoir été convoqué à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire, par lettre du 2 octobre 2014, il s'est vu proposer, le 22 octobre 2014, une rétrogradation dans un poste d'employé d'exploitation, de qualification et de rémunération inférieure, qu'il a refusée le 29 octobre 2014. L'employeur l'a de nouveau convoqué le 5 novembre 2014 à un entretien préalable fixé au 17 novembre 2014, puis lui a notifié son licenciement pour faute grave le 25 novembre 2014.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement de diverses sommes à ce titre et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de deux mois d'indemnités versées, alors « qu'une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l'employeur qui se heurte au refus d'une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée ; que le fait d'avoir proposé au salarié une rétrogradation à titre de sanction des faits fautifs qui lui sont reprochés n'implique pas que ces faits ne rendent pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise dans le poste qu'il occupait et n'interdit pas à l'employeur, par conséquent, de prononcer le licenciement pour faute grave du salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué qu'elle a prononcé le licenciement pour faute grave du salarié, en raison d'un grave manquement de ce dernier aux consignes de sécurité dans son poste de chauffeur poids lourds en zone aéroportuaire, après s'être heurtée au refus, par le salarié, de la rétrogradation qu'elle lui avait proposée dans un poste d'employé d'exploitation qui n'impliquait pas les mêmes responsabilités en matière de sécurité ; qu'en considérant cependant que l'exposante, qui avait dans un premier temps proposé au salarié un changement de poste, avait ce faisant considéré que le maintien du salarié dans l'entreprise n'était pas impossible et qu'elle ne pouvait en conséquence invoquer une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1331-1 du code du travail :
5. Une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l'employeur qui se heurte au refus d'une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée.
6. Pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir rappelé que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, retient que dès lors que l'employeur a dans un premier temps, à la suite des faits reprochés, proposé à l'intéressé un changement de poste, il a considéré, ce faisant, que le maintien du salarié dans l'entreprise n'était pas impossible et ne pouvait, en conséquence, invoquer la faute grave au regard de la définition rappelée. Il en conclut que, faute pour la société d'avoir respecté la garantie de fond prévue par la convention collective, qui s'applique en cas de licenciement disciplinaire pour faute à l'exclusion du licenciement pour faute grave ou lourde, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. N... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Paris Air Catering
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le licenciement de M. N... sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Paris Air Catering à payer à M. N... les sommes de 1.214,85 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, 4.978 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, 6.456 euros à titre d'indemnité de licenciement et 18.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné à la société Paris Air Catering le remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. N... du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de deux mois d'indemnités versées ;
A RELIRE
AUX MOTIFS QUE « Si l'article L. 1332-2 du code du travail prévoit qu'une sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien et l'article L. 1332-4 du même code un délai de prescription des fautes de deux mois, il est constant que, lorsque le salarié refuse une sanction, l'employeur recouvre son pouvoir disciplinaire et peut prononcer une nouvelle sanction aux lieu et place de la sanction refusée, ce, en respectant la procédure applicable. En convoquant, le 5 novembre 2014, M. N... à un nouvel entretien préalable dans les deux mois ayant suivi le refus, le 29 octobre 2014, du changement de poste proposé à ce dernier et en notifiant, le 25 novembre 2014, le licenciement dans le mois ayant suivi ce nouvel entretien, qui a eu lieu le 17 novembre 2014, l'employeur a respecté la procédure qui s'imposait à lui. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. En l'espèce, la société Paris Air Catering produit la lettre que lui a adressée le 7 octobre 2014 le seul témoin de la faute reprochée à M. N..., qui a déclaré : « Je soussigné Mr S... employé chez P.A.C.C. certifie sur l'honneur de mon témoignage concernant Mr N... X... et Mr H... E.... Cet incident a eu lieu le mercredi (01/10/14) en ma présence au début déchargement d'aéro Mexico aux alentours de 18h00. Des petites discussions débutaient déjà sans savoir pour quel motif. Je témoigne avec sincérité que Mr N... X... l'avait bien bousculé ». Cette lettre est manuscrite, datée et signée. Bien qu'elle ne soit ni accompagnée de la copie d'une pièce d'identité de son auteur ni davantage circonstanciée, aucun élément ne permet de mettre en cause son authenticité et sa véracité sur la bousculade qu'elle énonce. Au regard de ces éléments, la société Paris Air Catering rapporte la preuve de violences physiques exercées par M. N... sur un autre salarié sur leur lieu et aux heures de travail, ce, sans qu'il soit besoin de se référer aux deux autres attestations versées au débat par l'intimée, dont la force probante est nulle dès lors qu'elles contiennent des propos rapportés et non un témoignage direct de l'incident litigieux. Ces faits ne sont pas utilement contredits par l'appelant. En effet, les rapports qu'il a établis, et qui mettent en évidence des difficultés dont il a fait état dans ses conditions de travail, ainsi que les contestations qu'il a formulées sur lesdits faits constituent des preuves à soi-même, qui ne sont corroborées par aucune pièce objective, et les trois attestations qu'il produit sur l'état de santé de M. H... émanent de salariés qui n'ont pas assisté à l'incident survenu le 1er octobre 2014 et qui sont contrebalancées par l'avis d'aptitude délivré par le médecin du travail à l'intéressé le 12 juin 2014. La faute énoncée dans la lettre de licenciement est donc caractérisée. Pour autant, dès lors que l'employeur a, dans un premier temps, à la suite des faits reprochés, proposé à M. N... un changement de poste, il a considéré, ce faisant, que le maintien du salarié dans l'entreprise n'était pas impossible. Il ne pouvait, en conséquence, invoquer la faute grave, au regard de la définition qui a été sus-rappelée, ce, nonobstant la gravité des faits reprochés et l'avertissement notifié le 26 septembre 2013 à M. N... pour un précédent non-respect des règles. L'article 19 de la convention collective applicable énonce, notamment, qu'à l'issue de l'entretien préalable, toute proposition de licenciement pour faute constituant une infraction à la discipline, à l'exclusion du licenciement pour faute grave ou pour faute lourde justifiant une rupture immédiate du contrat de travail prononcée par l'employeur, est soumise pour avis à un conseil de discipline, lorsque l'intéressé en fait expressément la demande. Cette demande, formulée par écrit, doit parvenir à l'employeur 8 jours calendaires après la première présentation de la proposition, envoyée en recommandé avec avis de réception, informant le salarié du motif de son licenciement et du délai dont il dispose pour saisir le conseil de discipline. Cette procédure conventionnelle, qui constitue une garantie de fond, n'a pas été appliquée par la société Paris Air Catering, ce qui rend ainsi le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement de première instance est donc infirmé en son appréciation sur ce point » ;
ALORS QU'une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l'employeur qui se heurte au refus d'une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée ; que le fait d'avoir proposé au salarié une rétrogradation à titre de sanction des faits fautifs qui lui sont reprochés n'implique pas que ces faits ne rendent pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise dans le poste qu'il occupait et n'interdit pas à l'employeur, par conséquent, de prononcer le licenciement pour faute grave du salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la société Paris Air Catering a prononcé le licenciement pour faute grave de M. N..., en raison d'un grave manquement de ce dernier aux consignes de sécurité dans son poste de chauffeur poids lourds en zone aéroportuaire, après s'être heurtée au refus, par le salarié, de la rétrogradation qu'elle lui avait proposée dans un poste d'employé d'exploitation qui n'impliquait pas les mêmes responsabilités en matière de sécurité ; qu'en considérant cependant que l'exposante, qui avait dans un premier temps proposé à M. N... un changement de poste, avait ce faisant considéré que le maintien du salarié dans l'entreprise n'était pas impossible et qu'elle ne pouvait en conséquence invoquer une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00194
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 février 2021
Cassation
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant
fonction de président
Arrêt n° 194 F-D
Pourvoi n° E 19-20.918
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. N....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 mai 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 FÉVRIER 2021
La société Paris Air Catering, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Bruneau Pegorier Catering, a formé le pourvoi n° E 19-20.918 contre l'arrêt rendu le 12 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X... N..., domicilié [...] ,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Paris Air Catering, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. N..., après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, Mme Richard, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2019), M. N... a été engagé le 25 novembre 2005 par la société Bruneau Pegorier Catering, aux droits de laquelle vient la société Paris Air Catering, en qualité de technicien avitaillement, et occupait en dernier lieu les fonctions de chauffeur poids lourd, coefficient 195 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959.
2. Après avoir été convoqué à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire, par lettre du 2 octobre 2014, il s'est vu proposer, le 22 octobre 2014, une rétrogradation dans un poste d'employé d'exploitation, de qualification et de rémunération inférieure, qu'il a refusée le 29 octobre 2014. L'employeur l'a de nouveau convoqué le 5 novembre 2014 à un entretien préalable fixé au 17 novembre 2014, puis lui a notifié son licenciement pour faute grave le 25 novembre 2014.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement de diverses sommes à ce titre et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de deux mois d'indemnités versées, alors « qu'une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l'employeur qui se heurte au refus d'une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée ; que le fait d'avoir proposé au salarié une rétrogradation à titre de sanction des faits fautifs qui lui sont reprochés n'implique pas que ces faits ne rendent pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise dans le poste qu'il occupait et n'interdit pas à l'employeur, par conséquent, de prononcer le licenciement pour faute grave du salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué qu'elle a prononcé le licenciement pour faute grave du salarié, en raison d'un grave manquement de ce dernier aux consignes de sécurité dans son poste de chauffeur poids lourds en zone aéroportuaire, après s'être heurtée au refus, par le salarié, de la rétrogradation qu'elle lui avait proposée dans un poste d'employé d'exploitation qui n'impliquait pas les mêmes responsabilités en matière de sécurité ; qu'en considérant cependant que l'exposante, qui avait dans un premier temps proposé au salarié un changement de poste, avait ce faisant considéré que le maintien du salarié dans l'entreprise n'était pas impossible et qu'elle ne pouvait en conséquence invoquer une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1331-1 du code du travail :
5. Une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l'employeur qui se heurte au refus d'une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée.
6. Pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir rappelé que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, retient que dès lors que l'employeur a dans un premier temps, à la suite des faits reprochés, proposé à l'intéressé un changement de poste, il a considéré, ce faisant, que le maintien du salarié dans l'entreprise n'était pas impossible et ne pouvait, en conséquence, invoquer la faute grave au regard de la définition rappelée. Il en conclut que, faute pour la société d'avoir respecté la garantie de fond prévue par la convention collective, qui s'applique en cas de licenciement disciplinaire pour faute à l'exclusion du licenciement pour faute grave ou lourde, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. N... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Paris Air Catering
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le licenciement de M. N... sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Paris Air Catering à payer à M. N... les sommes de 1.214,85 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, 4.978 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, 6.456 euros à titre d'indemnité de licenciement et 18.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné à la société Paris Air Catering le remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. N... du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de deux mois d'indemnités versées ;
A RELIRE
AUX MOTIFS QUE « Si l'article L. 1332-2 du code du travail prévoit qu'une sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien et l'article L. 1332-4 du même code un délai de prescription des fautes de deux mois, il est constant que, lorsque le salarié refuse une sanction, l'employeur recouvre son pouvoir disciplinaire et peut prononcer une nouvelle sanction aux lieu et place de la sanction refusée, ce, en respectant la procédure applicable. En convoquant, le 5 novembre 2014, M. N... à un nouvel entretien préalable dans les deux mois ayant suivi le refus, le 29 octobre 2014, du changement de poste proposé à ce dernier et en notifiant, le 25 novembre 2014, le licenciement dans le mois ayant suivi ce nouvel entretien, qui a eu lieu le 17 novembre 2014, l'employeur a respecté la procédure qui s'imposait à lui. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. En l'espèce, la société Paris Air Catering produit la lettre que lui a adressée le 7 octobre 2014 le seul témoin de la faute reprochée à M. N..., qui a déclaré : « Je soussigné Mr S... employé chez P.A.C.C. certifie sur l'honneur de mon témoignage concernant Mr N... X... et Mr H... E.... Cet incident a eu lieu le mercredi (01/10/14) en ma présence au début déchargement d'aéro Mexico aux alentours de 18h00. Des petites discussions débutaient déjà sans savoir pour quel motif. Je témoigne avec sincérité que Mr N... X... l'avait bien bousculé ». Cette lettre est manuscrite, datée et signée. Bien qu'elle ne soit ni accompagnée de la copie d'une pièce d'identité de son auteur ni davantage circonstanciée, aucun élément ne permet de mettre en cause son authenticité et sa véracité sur la bousculade qu'elle énonce. Au regard de ces éléments, la société Paris Air Catering rapporte la preuve de violences physiques exercées par M. N... sur un autre salarié sur leur lieu et aux heures de travail, ce, sans qu'il soit besoin de se référer aux deux autres attestations versées au débat par l'intimée, dont la force probante est nulle dès lors qu'elles contiennent des propos rapportés et non un témoignage direct de l'incident litigieux. Ces faits ne sont pas utilement contredits par l'appelant. En effet, les rapports qu'il a établis, et qui mettent en évidence des difficultés dont il a fait état dans ses conditions de travail, ainsi que les contestations qu'il a formulées sur lesdits faits constituent des preuves à soi-même, qui ne sont corroborées par aucune pièce objective, et les trois attestations qu'il produit sur l'état de santé de M. H... émanent de salariés qui n'ont pas assisté à l'incident survenu le 1er octobre 2014 et qui sont contrebalancées par l'avis d'aptitude délivré par le médecin du travail à l'intéressé le 12 juin 2014. La faute énoncée dans la lettre de licenciement est donc caractérisée. Pour autant, dès lors que l'employeur a, dans un premier temps, à la suite des faits reprochés, proposé à M. N... un changement de poste, il a considéré, ce faisant, que le maintien du salarié dans l'entreprise n'était pas impossible. Il ne pouvait, en conséquence, invoquer la faute grave, au regard de la définition qui a été sus-rappelée, ce, nonobstant la gravité des faits reprochés et l'avertissement notifié le 26 septembre 2013 à M. N... pour un précédent non-respect des règles. L'article 19 de la convention collective applicable énonce, notamment, qu'à l'issue de l'entretien préalable, toute proposition de licenciement pour faute constituant une infraction à la discipline, à l'exclusion du licenciement pour faute grave ou pour faute lourde justifiant une rupture immédiate du contrat de travail prononcée par l'employeur, est soumise pour avis à un conseil de discipline, lorsque l'intéressé en fait expressément la demande. Cette demande, formulée par écrit, doit parvenir à l'employeur 8 jours calendaires après la première présentation de la proposition, envoyée en recommandé avec avis de réception, informant le salarié du motif de son licenciement et du délai dont il dispose pour saisir le conseil de discipline. Cette procédure conventionnelle, qui constitue une garantie de fond, n'a pas été appliquée par la société Paris Air Catering, ce qui rend ainsi le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement de première instance est donc infirmé en son appréciation sur ce point » ;
ALORS QU'une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l'employeur qui se heurte au refus d'une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée ; que le fait d'avoir proposé au salarié une rétrogradation à titre de sanction des faits fautifs qui lui sont reprochés n'implique pas que ces faits ne rendent pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise dans le poste qu'il occupait et n'interdit pas à l'employeur, par conséquent, de prononcer le licenciement pour faute grave du salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la société Paris Air Catering a prononcé le licenciement pour faute grave de M. N..., en raison d'un grave manquement de ce dernier aux consignes de sécurité dans son poste de chauffeur poids lourds en zone aéroportuaire, après s'être heurtée au refus, par le salarié, de la rétrogradation qu'elle lui avait proposée dans un poste d'employé d'exploitation qui n'impliquait pas les mêmes responsabilités en matière de sécurité ; qu'en considérant cependant que l'exposante, qui avait dans un premier temps proposé à M. N... un changement de poste, avait ce faisant considéré que le maintien du salarié dans l'entreprise n'était pas impossible et qu'elle ne pouvait en conséquence invoquer une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.